BGer 6B_385/2020 | |||
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BGer 6B_385/2020 vom 12.08.2020 |
6B_385/2020 |
Arrêt du 12 août 2020 |
Cour de droit pénal | |
Composition
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MM. et Mme les Juges fédéraux
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Denys, Président, Jacquemoud-Rossari et Muschietti.
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Greffière : Mme Paquier-Boinay.
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Participants à la procédure
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A.________,
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représenté par Me Christian de Preux, avocat,
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recourant,
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contre
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1. Ministère public de la République et canton de Genève,
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route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy,
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2. B.________,
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représentée par Me Marie Berger, avocate,
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intimés.
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Objet
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Lésions corporelles simples, atteintes à l'honneur, etc.; arbitraire,
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recours contre l'arrêt de la Cour de justice de la République et canton de Genève, Chambre pénale d'appel et de révision, du 5 février 2020
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(AARP/73/2020 P/8209/2018).
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Faits : | |
A. Par jugement du 13 mars 2019, le Tribunal de police genevois a acquitté A.________ du chef de violation de domicile et classé la procédure s'agissant de voies de fait commises le 1er juin 2014; il l'a en revanche reconnu coupable de lésions corporelles simples, de calomnie, d'injure, de menaces et de violation d'une obligation d'entretien et l'a condamné à une peine pécuniaire de 150 jours-amende à 600 fr. avec sursis pendant 4 ans ainsi qu'à payer à B.________ 2'000 fr. à titre de réparation du tort moral et 2'107 fr. pour le dommage matériel lié à ses frais médicaux.
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B. Par arrêt du 5 février 2020, la Chambre pénale d'appel et de révision de la Cour de justice genevoise a rejeté l'appel formé par A.________ contre le jugement du tribunal de police, dont elle a confirmé la teneur, en précisant que la peine pécuniaire est complémentaire à celle prononcée le 20 mai 2019 par le Ministère public du canton du Valais, qui lui a infligé une peine pécuniaire de 75 jours-amende à 180 fr., avec sursis pendant 2 ans, et une amende de 1'260 fr. pour violation grave des règles de la circulation routière.
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En résumé, la cour cantonale a retenu les faits suivants.
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B.a. A.________ et B.________ se sont rencontrés en 2011 et ont noué dès janvier 2012 une relation dont est issu un enfant, C.________ née le 24 février 2014. B.________ est demeurée seule détentrice de l'autorité parentale. Bien qu'officiellement domicilié à Verbier, A.________ a principalement vécu avec B.________ et leur fille, à Genève.
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A tout le moins dès le mois de juin 2014, des disputes ont régulièrement éclaté au sein du couple et, en août 2016, B.________, après en avoir discuté avec A.________, a déménagé avec sa fille en Norvège, où elle avait trouvé un emploi.
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B.b. Sont notamment imputés à A.________ les actes suivants, commis à l'encontre de B.________ et qui demeurent litigieux au stade actuel de la procédure.
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Le 30 novembre 2014, il l'a frappée au visage, sur le côté droit de la bouche;
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le 30 décembre 2014, il l'a frappée à l'avant-bras gauche;
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le 7 novembre 2015, il l'a étranglée et lui a donné des coups sur le corps, sur le côté gauche du visage ainsi que sur l'oreille;
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le 12 janvier 2016, il lui a donné des coups à l'avant-bras droit et à la joue gauche ainsi qu'à l'oreille;
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le 26 janvier 2016, il lui a donné des coups en bas du visage à gauche et sur le cou;
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le 21 février 2016, il lui a donné des coups sur la pommette gauche, l'articulation mandibulaire gauche et le pavillon de l'oreille gauche;
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le 21 mai 2016, il l'a frappée sur le corps;
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dans la nuit du 17 au 18 juillet 2016, il lui a asséné un coup de tête sur le visage, au niveau du nez.
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C. A.________ forme un recours en matière pénale au Tribunal fédéral contre l'arrêt de la Chambre pénale d'appel et de révision. Il conclut, avec suite de frais et dépens, à l'annulation de l'arrêt attaqué et au renvoi de la cause à la cour cantonale pour qu'elle statue à nouveau.
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Considérant en droit : | |
1. Le recourant reproche à la cour cantonale d'avoir apprécié les preuves et constaté les faits de manière arbitraire.
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1.1. Le Tribunal fédéral n'est pas une autorité d'appel, auprès de laquelle les faits pourraient être rediscutés librement. Il est lié par les constatations de fait de la décision entreprise (art. 105 al. 1 LTF), à moins qu'elles n'aient été établies en violation du droit ou de manière manifestement inexacte au sens des art. 97 al. 1 et 105 al. 2 LTF, soit pour l'essentiel de façon arbitraire au sens de l'art. 9 Cst. Une décision n'est pas arbitraire du seul fait qu'elle apparaît discutable ou même critiquable; il faut qu'elle soit manifestement insoutenable et cela non seulement dans sa motivation mais aussi dans son résultat.
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Le Tribunal fédéral n'entre en matière sur les moyens fondés sur la violation de droits fondamentaux que s'ils ont été invoqués et motivés de manière précise (art. 106 al. 2 LTF). Les critiques de nature appellatoire sont irrecevables (ATF 145 IV 154 consid. 1.1 p. 155 s.).
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1.2. La cour cantonale a considéré comme crédibles les déclarations de l'intimée selon lesquelles elle aurait fait l'objet de violences physiques et psychiques de la part du recourant durant leur relation. Elle a relevé que ces déclarations étaient corroborées par différents éléments de preuve, notamment les photos et courriels décrivant les faits et qu'elle s'est envoyés à elle-même après la plupart des épisodes de violence, les messages échangés d'une part avec le recourant et d'autre part avec une amie ainsi qu'un courriel qui lui a été adressé par la soeur du recourant. La cour a estimé que face à ces déclarations solides et documentées, les dénégations du recourant étaient peu crédibles.
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1.3. L'argumentation du recourant est dans son ensemble de nature largement appellatoire et consiste pour l'essentiel à présenter une nouvelle fois sa propre version des faits et sa propre appréciation de certains moyens de preuve, essentiellement les photos produites par l'intimée, sans toutefois montrer en quoi l'appréciation des preuves à laquelle a procédé la cour cantonale serait arbitraire, notamment dans son résultat. En outre, certaines de ses critiques concernent en réalité la qualification des infractions qui lui sont imputées et devront par conséquent être examinées dans le contexte du grief tiré d'une violation de l'art. 123 al. 1 CP. Seuls seront par conséquent examinés ci-après les arguments qui n'apparaissent pas d'emblée appellatoires et ne relèvent pas de la qualification de l'infraction.
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S'agissant des faits du 7 novembre 2015, le recourant se prévaut du fait que l'intimée s'est photographié le cou mais n'a pas fait de même avec les autres parties de son corps qu'elle prétend affectées par les coups; il fait en outre référence à deux autres épisodes pour lesquels les photos produites montrent des rougeurs similaires sans que des griefs ne soient émis à ces dates concernant des lésions aux endroits porteurs de ces traces. On comprend mal quel argument il entend en tirer et il n'apparaît à tout le moins pas que ces allégations soient de nature à faire apparaître comme insoutenable de prendre en considération des lésions qui apparaissent sur les photos produites. Pour le surplus, le recourant reproche à la cour cantonale d'avoir omis de prendre en compte un message que l'intimée lui a adressé en date du 10 décembre suivant et qui fait état d'une réaction allergique nécessitant une visite chez le médecin. Cet argument n'est pas pertinent car l'existence d'une réaction allergique plus d'un mois après les faits ne suffit de toute évidence pas à faire apparaître comme arbitraire l'appréciation qu'a faite la cour cantonale des marques figurant sur la photographie de l'intimée.
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En ce qui concerne les actes qui lui sont imputés en date du 21 mai 2016, le recourant fait valoir que les messages échangés à cette date entre l'intimée et une de ses amies n'évoquent en rien un épisode de violence physique, en quoi il omet clairement un message envoyé le jour en question à 2 h 34 mn et 42 sec et qui mentionne qu'il a eu un geste de strangulation à l'encontre de l'intimée (" he took stranglehold around my throat "). Par ailleurs, le recourant cherche à minimiser la portée d'un message rédigé 3 jours plus tard par sa propre soeur en alléguant que cette dernière n'avait pas été témoin de la scène, n'avait aucun lien particulier avec l'intimée, qu'elle n'avait rencontrée qu'à deux ou trois reprises lors d'événements familiaux, de sorte qu'elle ne pouvait selon lui que rapporter ce que l'un des protagonistes, vraisemblablement l'intimée, lui avait déclaré. Cet argument n'est pas convaincant. Le message en question se réfère à un événement qui s'est déroulé le weekend précédent, évoque clairement des violences physiques, pose la question de savoir si selon les protagonistes il est acceptable pour un homme de frapper une femme et affirme que le recourant ne changera pas, à moins qu'il ne subisse un électrochoc. Il en ressort donc à l'évidence que son auteur connaît l'existence d'actes de violences du recourant envers sa compagne. Si, comme le prétend le recourant, sa soeur n'avait que peu de contact avec l'intimée et n'avait pas connaissance d'actes de violence on ne voit vraiment pas pour quelle raison elle serait intervenue pour engager les partenaires à mettre fin à une situation délétère imputable à son propre frère. Ce message pouvait de toute évidence être retenu comme un élément étayant la version de l'intimée.
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2. Le recourant invoque en outre une violation de l'art. 123 al. 1 CP. Il soutient que les faits retenus à son encontre ne sauraient être qualifiés de lésions corporelles simples.
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2.1. L'art. 123 CP réprime les lésions du corps humain ou de la santé qui ne peuvent être qualifiées de graves au sens de l'art. 122 CP. Cette disposition protège l'intégrité corporelle et la santé tant physique que psychique. Elle implique une atteinte importante aux biens juridiques ainsi protégés. A titre d'exemples, la jurisprudence cite l'administration d'injections, la tonsure totale et tout acte qui provoque un état maladif, l'aggrave ou en retarde la guérison, comme les blessures, les meurtrissures, les écorchures ou les griffures, sauf si ces lésions n'ont pas d'autres conséquences qu'un trouble passager et sans importance du sentiment de bien-être (ATF 134 IV 189 consid. 1.1 p. 191).
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Les voies de fait, réprimées par l'art. 126 CP, se définissent comme des atteintes physiques qui excèdent ce qui est socialement toléré et qui ne causent ni lésions corporelles, ni dommage à la santé. Une telle atteinte peut exister même si elle n'a causé aucune douleur physique (ATF 134 IV 189 consid. 1.2 p. 191).
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La distinction entre lésions corporelles et voies de fait peut s'avérer délicate, notamment lorsque l'atteinte s'est limitée à des meurtrissures, des écorchures, des griffures ou des contusions. La question peut parfois être résolue de manière satisfaisante par l'application de l'art. 123 ch. 1 al. 2 CP, qui permet une atténuation libre de la peine dans les cas de peu de gravité. Dans les cas limites, il faut tenir compte de l'importance de la douleur provoquée, afin de déterminer s'il s'agit de lésions corporelles simples ou de voies de fait (ATF 134 IV 189 consid. 1.3 p. 192). Comme les notions de voies de fait et d'atteinte à l'intégrité corporelle, qui sont décisives pour l'application des art. 123 et 126 CP, sont des notions juridiques indéterminées, la jurisprudence reconnaît, dans ces cas, une certaine marge d'appréciation au juge du fait car l'établissement des faits et l'interprétation de la notion juridique indéterminée sont étroitement liés. Dans ces circonstances, le Tribunal fédéral s'impose une certaine réserve dans la critique de l'interprétation faite par l'autorité cantonale, dont il ne s'écarte que si cela s'avère nécessaire (ATF 134 IV 189 consid. 1.3 p. 192).
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2.2. S'agissant des événements des 30 novembre 2014, 30 décembre 2014, 7 novembre 2015, 12 janvier 2016 et 26 janvier 2016, la cour cantonale a constaté que l'intimée avait subi des altérations visibles de son corps dont la gravité va au-delà d'un trouble passager et sans importance du sentiment de bien-être, mentionnant, par exemple, que les actes du 30 novembre 2014 lui ont causé une blessure ensanglantée et des rougeurs constitutives de lésions corporelles. Elle a en outre relevé que le recourant a lui-même admis avoir, le 21 février 2016, donné à l'intimée une gifle suffisamment forte pour laisser une trace sur son visage.
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En ce qui concerne les faits de la nuit du 17 au 18 juillet 2016, l'arrêt attaqué mentionne un échange de messages du 18 juillet 2016 entre les parties dans le cadre duquel l'intimée affirme que son nez est enflé avec une coupure et qu'en raison de la tuméfaction il n'est pas encore possible de savoir s'il est cassé, qu'elle a besoin de gouttes nasales pour aider à la respiration et qu'elle souffre de maux de tête et de problèmes de vision.
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Dans ces deux cas, l'appréciation faite par la cour cantonale ne viole pas le droit fédéral. Au vu de ce qui précède et de la motivation cantonale, c'est en vain que le recourant invoque une violation de son droit d'être entendu tiré d'une motivation insuffisante.
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2.3. En relation avec les actes imputés au recourant en date du 21 mai 2016, la cour cantonale se réfère à un courriel de l'intimée duquel il ressort qu'elle aurait été frappée, ce dont elle s'est en outre ouverte à une amie. La cour cantonale mentionne également le courriel de la soeur du recourant du 24 mai 2016, dans lequel cette dernière se dit choquée par les événements du weekend précédent et juge inacceptable que son frère frappe l'intimée. Enfin, elle note qu'une facture atteste du fait que le recourant est allé dormir à l'hôtel, ce qui montre qu'il a dû s'agir d'un des épisodes les plus violents. On ne trouve en revanche dans l'arrêt attaqué aucune mention des lésions infligées à cette occasion à l'intimée. Si les éléments qui figurent dans l'arrêt attaqué sont suffisants pour établir qu'un épisode de violence a bien eu lieu à cette date, ils ne permettent en revanche pas de savoir si l'intimée a subi une atteinte constitutive de lésions corporelles simples. Dans ces circonstances, il y a lieu de constater que la motivation de l'arrêt attaqué n'est pas suffisante pour permettre au Tribunal fédéral de contrôler la manière dont le droit fédéral a été appliqué sur ce point.
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3. Le recours doit être admis partiellement et la cause renvoyée à la cour cantonale pour qu'elle complète sa motivation. Pour le surplus, le recours doit être rejeté dans la mesure où il est recevable. Le recourant, qui succombe partiellement, supportera une partie des frais judiciaires (art. 66 al. 1 LTF). Il peut prétendre à des dépens réduits, à la charge du canton de Genève, s'agissant de l'aspect du recours pour lequel il obtient gain de cause. Il n'y a pas lieu d'allouer d'indemnité à l'intimée, qui n'a pas été invitée à se déterminer.
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Dès lors que l'admission du recours porte sur une insuffisance de la motivation, il peut être procédé au renvoi sans ordonner préalablement un échange d'écritures (cf. ATF 133 IV 293 consid. 3.4.2 p. 296).
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Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce : | |
1. Le recours est partiellement admis, l'arrêt attaqué est annulé et la cause est renvoyée à la cour cantonale pour nouvelle décision. Pour le surplus, le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable.
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2. Une partie des frais judiciaires, arrêtée à 2'000 fr., est mise à la charge du recourant.
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3. Le canton de Genève versera au recourant une indemnité de 1'000 fr. à titre de dépens pour la procédure devant le Tribunal fédéral.
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4. Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la Cour de justice de la République et canton de Genève, Chambre pénale d'appel et de révision.
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Lausanne, le 12 août 2020
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Au nom de la Cour de droit pénal
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du Tribunal fédéral suisse
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Le Président : Denys
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La Greffière : Paquier-Boinay
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