BGer 1C_152/2020 | |||
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BGer 1C_152/2020 vom 08.09.2020 |
1C_152/2020 |
Arrêt du 8 septembre 2020 |
Ire Cour de droit public | |
Composition
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MM. les Juges fédéraux
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Chaix, Président, Müller et Merz.
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Greffier : M. Tinguely.
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Participants à la procédure
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A.________,
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représentée par Me Patricia Clavien, avocate,
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recourante,
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contre
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Etat du Valais,
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1950 Sion,
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agissant par le Département de la sécurité, des institutions et du sport, case postale 478, 1951 Sion.
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Objet
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indemnisation LAVI,
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recours contre l'arrêt du Tribunal cantonal du canton du Valais, Cour de droit public, du 12 février 2020
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(A1 19 90).
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Faits : | |
A. Le 24 décembre 2013, A.________, née en 1972, alors qu'elle travaillait à la caisse du restaurant B.________ du centre commercial C.________, à D.________ (VS), a été soudainement giflée, sans aucune justification, par E.________, un client du restaurant qu'elle ne connaissait pas, avant que celui-ci lui assène des coups de pied sur le ventre, le dos et les côtes. Le constat médical réalisé le même jour faisait état de contusions subies par A.________.
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La procédure pénale dirigée contre E.________ notamment pour voies de fait (art. 126 al. 1 CP) et lésions corporelles simples (art. 123 ch. 1 CP), dans laquelle A.________ était partie plaignante, a fait l'objet d'un classement ordonné le 21 mai 2014 par le Ministère public du canton du Valais, Office régional du Valais central, en application de l'art. 319 al. 1 let. d CPP, dès lors que le prévenu était atteint d'une grave maladie psychique et se trouvait en état d'irresponsabilité (art. 19al. 1 CP). Le classement est entré en force.
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B. | |
B.a. Par décision du 23 juillet 2014, la SUVA a mis fin, avec effet au 31 juillet 2014, aux prestations de l'assurance-accident dont la précitée avait bénéficié en raison de son incapacité de travail depuis le 24 décembre 2013. A l'appui de sa décision, l'assureur-accident a relevé que les troubles psychiques dont A.________ se plaignait ne pouvaient " plus s'expliquer de manière organique comme étant des séquelles de l'accident ".
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B.b. Le 13 juin 2016, le Service médical régional de l'assurance-invalidité (SMR-Rhône), par les Drs F.________ et G.________, médecins psychiatres, a établi un rapport médical dans le cadre de la demande de prestations de l'assurance-invalidité formée par A.________ le 25 juillet 2014. Dans leur synthèse, les auteurs du rapport ont notamment relevé que A.________ avait subi des " éléments potentiellement traumatisants depuis son enfance dont l'abus sexuel à l'âge de 6 ans, l'accident de voiture et décès de sa mère à l'âge de 11 ans et l'attentat de meurtre par son mari à l'âge de 18 ans ", alors que le 24 décembre 2013, " elle [avait été] confrontée au paroxysme de la violence à son lieu de travail par un homme inconnu ". Les médecins ont posé le diagnostic suivant: " Etat de stress post-traumatique " et " Trouble dépressif récurrent, épisode actuel sévère sans symptômes psychotiques ". Ils ont par ailleurs estimé que la capacité de travail actuelle de A.________ était nulle.
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Par décision du 5 octobre 2016, l'Office cantonal AI du Valais a accordé à A.________ une rente entière d'invalidité, avec effet au 1er janvier 2015.
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B.c. Au début de l'année 2017, A.________ a formé une requête en conciliation auprès du Juge de commune d'Ardon, concluant au versement par E.________ d'un montant de 100'000 fr. à titre de " perte d'avenir professionnel, dommage matériel, perte de revenu et tort moral ". Après que E.________ avait fait défaut à l'audience de conciliation, son curateur a proposé à A.________, le 16 octobre 2017, le versement d'un montant de 5000 fr. " pour solde de tout compte et de toutes prétentions concernant les suites de l'événement du 24 décembre 2013 ".
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C. Le 17 juillet 2018, A.________ a déposé, auprès du Département de la sécurité, des institutions et du sport du canton du Valais (DSIS) une demande fondée sur la loi fédérale du 23 mars 2007 sur l'aide aux victimes d'infractions (LAVI; RS 312.5) tendant à obtenir une indemnisation (art. 19 LAVI) et une réparation morale (art. 22 LAVI) en raison de l'agression subie le 24 décembre 2013.
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La demande a été rejetée par décision du DSIS du 15 mars 2019, l'autorité ayant considéré que les préjudices allégués n'étaient pas en relation de causalité adéquate avec l'infraction du 24 décembre 2013.
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Statuant par arrêt du 12 février 2020, la Cour de droit public du Tribunal cantonal valaisan a rejeté le recours formé par A.________ contre la décision du 15 mars 2019, sans percevoir de frais judiciaires, ni allouer de dépens.
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D. Agissant par la voie du recours en matière de droit public, A.________ demande, avec suite de frais et dépens, principalement au Tribunal fédéral de réformer l'arrêt du 12 février 2020 en ce sens qu'une indemnisation pour perte de revenus et d'avenir professionnel lui est accordée à hauteur de 100'000 francs. Subsidiairement, elle demande la réforme de l'arrêt en ce sens que des indemnités de 99'000 fr. pour perte de revenus et d'avenir professionnel ainsi que de 1000 fr. pour tort moral lui sont allouées.
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La cour cantonale, le DSIS et l'Office fédéral de la justice (OFJ) renoncent à se déterminer sur le recours.
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Considérant en droit : | |
1. Dirigé contre une décision finale (art. 90 LTF) rendue en dernière instance cantonale (art. 86 al. 1 let. d et al. 2 LTF) dans une cause de droit public (art. 82 let. a LTF), le recours est en principe recevable comme recours en matière de droit public selon les art. 82 ss LTF, aucune des exceptions mentionnées à l'art. 83 LTF n'étant réalisée. La recourante a un intérêt à obtenir l'annulation ou la modification de l'arrêt attaqué qui confirme le rejet de sa demande d'indemnité LAVI (art. 89 al. 1 LTF).
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Les autres conditions de recevabilité énoncées aux art. 82 ss LTF sont remplies, de sorte qu'il y a lieu d'entrer en matière.
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2. Sous une rubrique " Faits ", la recourante expose les éléments de fait qui lui paraissent pertinents pour l'issue du litige, sans toutefois discuter les constatations cantonales ni indiquer en quoi celles-ci seraient inexactes ou arbitraires. Un tel procédé est exclu devant le Tribunal fédéral, qui n'est pas une instance d'appel; cette partie du recours doit partant être déclarée irrecevable (cf. art. 105 al. 2 LTF; ATF 145 IV 154 consid. 1.1 p. 156; 145 V 188 consid. 2 p. 190; 142 II 355 consid. 6 p. 358).
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3. La recourante prétend à une indemnisation au sens de l'art. 19 LAVI. Elle soutient avoir subi un préjudice, équivalant à une perte de revenu et à une atteinte à son avenir économique, en raison de l'agression dont elle a été victime le 24 décembre 2013 ainsi que des troubles psychiques et de l'incapacité de travail qui en avaient découlé.
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Erwägung 3.1 | |
3.1.1. Toute personne qui a subi, du fait d'une infraction, une atteinte directe à son intégrité physique, psychique ou sexuelle (victime) a droit au soutien prévu par la loi (art. 1 al. 1 LAVI). L'aide aux victimes comprend notamment l'indemnisation (art. 2 let. d LAVI).
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Les prestations d'aide aux victimes ne sont accordées définitivement que lorsque l'auteur de l'infraction ou un autre débiteur ne versent aucune prestation ou ne versent que des prestations insuffisantes (art. 4 al. 1 LAVI). Celui qui sollicite une contribution aux frais pour l'aide à plus long terme fournie par un tiers, une indemnité ou une réparation morale doit rendre vraisemblable que les conditions de l'art. 4 al. 1 sont remplies, à moins que, compte tenu des circonstances, on ne puisse pas attendre de lui qu'il effectue des démarches en vue d'obtenir des prestations de tiers (art. 4 al. 2 LAVI).
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3.1.2. A teneur de l'art. 19 al. 1 LAVI, la victime a droit à une indemnité pour le dommage qu'elle a subi du fait de l'atteinte. L'art. 19 al. 2 LAVI précise que le dommage est fixé selon les art. 45 (Dommages-intérêts en cas de mort) et 46 (Dommages-intérêts en cas de lésions corporelles) du Code des obligations (CO; RS 220). Ainsi, aux termes de cette dernière disposition, la partie qui est victime de lésions corporelles a droit au remboursement des frais et aux dommages-intérêts qui résultent de son incapacité de travail totale ou partielle, ainsi que de l'atteinte portée à son avenir économique. La notion de dommage est issue du droit de la responsabilité civile (art. 41 ss CO), dans la mesure où le préjudice a pour origine une infraction pénale, soit un acte illicite (STÉPHANIE CONVERSET, Aide aux victimes d'infractions et réparation du dommage, 2009, p. 190).
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En droit de la responsabilité civile, le préjudice causé par les lésions corporelles s'entend au sens économique. Est donc déterminante la diminution de la capacité de gain. Le dommage consécutif à l'invalidité doit, autant que possible, être établi de manière concrète. Le juge partira du taux d'invalidité médicale (ou théorique) et recherchera ses effets sur la capacité de gain ou l'avenir économique du lésé; cette démarche l'amènera à estimer le gain que le lésé aurait obtenu dans son activité professionnelle s'il n'avait pas subi l'accident (ATF 131 III 360 consid. 5.1 p. 363 et les arrêts cités).
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3.1.3. Selon l'art. 20 LAVI, les prestations que le requérant a reçues de tiers à titre de réparation du dommage sont déduites du montant du dommage lors du calcul de l'indemnité (al. 1). L'indemnisation est intégrale, si, au sens de l'art. 6 al. 1 et 2 LAVI, les revenus déterminants de l'ayant droit ne dépassent pas le montant destiné à la couverture des besoins vitaux (al. 2 let. a). Elle est dégressive si ces revenus se situent entre le montant destiné à la couverture des besoins vitaux et le quadruple de ce montant (al. 2 let. b). Le montant de l'indemnité est de 120'000 fr. au plus; si ce montant est inférieur à 500 fr., aucune indemnité n'est versée (al. 3).
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Aux termes de l'art. 27 al. 1 LAVI, l'indemnité et la réparation morale en faveur de la victime peuvent être réduites ou exclues si celle-ci a contribué à causer l'atteinte ou à l'aggraver.
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3.2. En l'espèce, la cour cantonale a retenu, à la suite du DSIS, que la recourante était susceptible de se prévaloir, en raison de l'agression subie le 24 décembre 2013, de la qualité de victime au sens de l'art. 1 al. 1 LAVI (cf. arrêt attaqué, consid. 3.1 p. 9).
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Le Tribunal cantonal n'a en revanche pas examiné, en tant que tel, le dommage allégué par la recourante eu égard à sa perte de revenus et à l'atteinte à son avenir économique, pas plus qu'il n'a examiné les éventuelles démarches (supplémentaires) que l'on pouvait attendre d'elle en vue d'obtenir des prestations de tiers (cf. art. 4 al. 2 LAVI), ni les déductions qu'il conviendrait d'opérer en vertu de l'art. 20 LAVI. Il a en effet estimé qu'il n'y avait, de toute manière, pas lieu d'indemniser la recourante en application de l'art. 19 LAVI, dès lors que son incapacité de travail, certes reconnue sur le plan de l'assurance-invalidité compte tenu de ses troubles psychiques (état de stress post-traumatique et trouble dépressif récurrent), n'entrait pas en relation de causalité adéquate avec l'agression subie le 24 décembre 2013.
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L'instance cantonale s'est fondée à cet égard sur les critères utilisés en droit des assurances sociales (cf. arrêt attaqué, consid. 3.2.2 p. 12; cf. consid. 3.5 infra).
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Erwägung 3.3 | |
3.3.1. Comme cela découle de la qualité de victime LAVI (cf. art. 1 LAVI), la victime (ou ses proches) doit en effet avoir subi un dommage du fait de l'infraction, autrement dit qui entre en relation de causalité naturelle et adéquate avec cette dernière. Ainsi, alors que la causalité naturelle présuppose que l'infraction soit une condition nécessaire ( Pour savoir si un fait est la cause adéquate d'un préjudice, le juge procède à un pronostic rétrospectif objectif: se plaçant au terme de la chaîne des causes, il lui appartient de remonter du dommage dont la réparation est demandée au chef de responsabilité invoqué et de déterminer si, dans le cours normal des choses et selon l'expérience générale de la vie humaine, une telle conséquence demeure dans le champ raisonnable des possibilités objectivement prévisibles (ATF 139 V 176 consid. 8.4.2 p. 190; 129 II 312 consid. 3.3 p. 318 et les réfé rences). La jurisprudence a précisé que, pour qu'une cause soit adéquate, il n'est pas nécessaire que le résultat se produise régulièrement ou fréquemment. Si un événement est en soi propre à provoquer un effet du genre de celui qui est survenu, même des conséquences singulières, c'est-à-dire extraordinaires, peuvent constituer des conséquences adéquates de cet événement (ATF 139 V 176 consid. 8.4.2 p. 190; 119 Ib 334 consid. 5b p. 344).
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Etablir la causalité naturelle relève de la constatation des faits; apprécier la causalité adéquate s'inscrit dans l'application du droit, que le Tribunal fédéral contrôle librement (ATF 143 II 661 consid. 5.1.1 p. 668; 139 V 176 consid. 8.4.3 p. 190; 116 II 519 consid. 4a i.f. p. 524).
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3.3.2. Dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, le juge doit notamment prendre en considération, au moment de déterminer l'existence de la causalité adéquate, les objectifs de politique juridique par les normes applicables au cas concret. La prise en compte de ces objectifs implique que la causalité adéquate en droit de la responsabilité civile s'apprécie autrement qu'en droit des assurances sociales, les suites adéquates et inadéquates d'un accident n'étant pas nécessairement les mêmes dans les deux domaines (ATF 134 V 109 consid. 8.1 p. 119; 123 III 110 consid. 3a p. 113).
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Ainsi notamment, en droit des assurances sociales, en vue de juger du caractère adéquat du lien de causalité entre un accident et une affection psychique additionnelle à une atteinte à la santé physique, la jurisprudence de l'ancien Tribunal fédéral des assurances, reprise à sa suite par la Ire Cour de droit social du Tribunal fédéral, impose de classer les accidents en trois catégories, en fonction de leur déroulement: les accidents insignifiants, ou de peu de gravité; les accidents de gravité moyenne et les accidents graves (" Psycho-Praxis "). Pour procéder à cette classification, il convient non pas de s'attacher à la manière dont l'assuré a ressenti et assumé le choc traumatique, mais bien plutôt de se fonder, d'un point de vue objectif, sur l'événement accidentel lui-même (ATF 115 V 133 consid. 6c/aa p. 140; parmi d'autres: arrêts 8C_101/2020 du 9 juin 2020 consid. 3; 8C_775/2017 du 13 juin 2018 consid. 5.2).
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Alors que le rapport de causalité adéquate peut en principe être exclu lorsque l'accident est peu grave et qu'il est considéré comme établi lors d'accident graves, il faut prendre en considération, en présence d'un accident de gravité moyenne, un certain nombre de critères, dont les plus importants sont les suivants: les circonstances concomitantes particulièrement dramatiques ou le caractère particulièrement impressionnant de l'accident; la gravité ou la nature particulière des lésions physiques, compte tenu notamment du fait qu'elles sont propres, selon l'expérience, à entraîner des troubles psychiques; la durée anormalement longue du traitement médical; les douleurs physiques persistantes; les erreurs dans le traitement médical entraînant une aggravation notable des séquelles de l'accident; les difficultés apparues au cours de la guérison et des complications importantes; le degré et la durée de l'incapacité de travail due aux lésions physiques (ATF 115 V 133 consid. 6c/aa p. 140; arrêts 8C_212/2019 du 21 août 2019 consid. 4.3.1; 8C_775/2017 du 13 juin 2018 consid. 5.2).
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Un rapport de causalité adéquate entre un accident de gravité moyenne et une atteinte psychique ne peut être admis que lorsqu'au moins trois des critères précités sont réunis ou que l'un d'entre eux se manifeste avec une intensité particulière (ATF 129 V 177 consid. 4.1 p. 183; arrêts 8C_101/2020 du 9 juin 2020; 8C_632/2018 du 10 mai 2019 consid. 8.3). Dans l'hypothèse d'un accident de gravité moyenne à la limite d'un accident de peu de gravité, la jurisprudence exige un cumul de quatre critères, une intensité particulière manifestée par l'un des critères étant suffisante (arrêts 8C_277/2019 du 22 janvier 2020 consid. 5; 8C_775/2017 du 13 juin 2018 consid. 5.3).
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3.3.3. A l'inverse, en droit de la responsabilité civile, il ne se justifie pas de tenir compte de la gravité (ou de la légèreté) de l'accident lors de l'examen du rapport de causalité (ATF 123 III 110 consid. 3 p. 111 ss; arrêt 4A_695/2016 du 22 juin 2017 consid. 2.1; arrêt 4A_45/2009 du 25 mars 2009 consid. 3.3.1 et 3.3.2, publié in SJ 2010 p. 73). La faible intensité de la cause du dommage (comparée au préjudice causé) peut toutefois, en combinaison avec d'autres facteurs, être prise en compte au moment de calculer l'indemnité (" circonstances " de l'art. 43 CO; ATF 123 III 110 consid. 3c p. 115). Il est également possible de tenir compte, à ce stade, d'une affection préexistante (art. 44 CO; ATF 123 III 110 consid. 3c p. 114 s.).
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La causalité adéquate peut cependant être interrompue par un événement extraordinaire ou exceptionnel auquel on ne pouvait s'attendre - force naturelle, fait du lésé ou d'un tiers -, et qui revêt une importance telle qu'il s'impose comme la cause la plus immédiate du dommage et relègue à l'arrière-plan les autres facteurs ayant contribué à le provoquer - y compris le fait imputable à la partie recherchée (ATF 143 III 242 consid. 3.7 p. 250; 130 III 182 consid. 5.4 p. 188; 127 III 453 consid. 5d p. 457).
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3.4. Dans un arrêt 1A.230/2006 du 5 juin 2007 (cf. consid. 3.4), rendu sous l'empire de l'ancienne loi fédérale du 4 octobre 1991 sur l'aide aux victimes d'infractions (aLAVI; RO 1992 2465), en vigueur jusqu'au 31 décembre 2008, le Tribunal fédéral avait considéré qu'il convenait, afin de faciliter l'application de la loi, de se référer à l'appréciation de la causalité adéquate effectuée en droit des assurances sociales et aux critères qui y avait été développés dans la jurisprudence. Les Recommandations du 21 janvier 2010 pour l'application de la LAVI (établies par la Conférence suisse des offices de liaison de la LAVI [CSOL-LAVI]) évoquent d'ailleurs cet arrêt et font à cet égard référence aux critères développés par la jurisprudence en matière de droit social (cf. ch. 4.4.3 p. 34 s.).
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Cela étant, il faut prendre en considération que, contrairement à l'ancienne LAVI, sa version révisée, en vigueur depuis le 1er janvier 2009, fait désormais expressément référence aux art. 45 et 46 CO en matière de fixation du dommage causé par l'infraction (cf. art. 19 al. 2 LAVI). Le Message du Conseil fédéral précise à cet égard que les principes du droit de la responsabilité civile sont en effet applicables pour la détermination du dommage (Message concernant la révision totale de la LAVI du 9 novembre 2005 [ci-après: le Message], FF 2005 6683, ch. 2.3.1 p. 6735; arrêt 1C_334/2017 du 27 juin 2018 consid. 3.1).
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Ainsi, depuis l'entrée en vigueur de la LAVI dans sa nouvelle mouture, l'arrêt 1A.230/2006 n'a plus été évoqué dans la jurisprudence fédérale rendue en matière d'aide aux victimes. Il a par ailleurs fait l'objet de critiques d'auteurs qui lui reprochaient d'impliquer une approche schématique de l'aide aux victimes (CONVERSET, op. cit., nbp. 921, p. 192) et de ne pas respecter le rôle subsidiaire joué par la (nouvelle) LAVI, lequel avait été expressément souhaité par le législateur (PETER GOMM, in GOMM/ZEHNTER, Kommentar zum Opferhilfegesetz, 2009, n° 28 ss ad art. 19 LAVI). Sur ce dernier point, le Message précise en effet que l'aide aux victimes vise à compléter la protection juridique offerte par le droit civil, le droit pénal et le droit des assurances sociales. En cela, le fondement de l'aide aux victimes n'est pas comparable à celui d'une créance versée en contrepartie de cotisations d'assurances sociales, de sorte que l'aide aux victimes revêt un caractère essentiellement subsidiaire (Message, FF 2005 6683, ch. 1.2.2 p. 6701).
| 35 |
Il est en outre relevé que, dans un arrêt 1C_334/2017 du 27 juin 2018, rendu après que la cause avait fait l'objet d'une délibération publique (cf. art. 58 LTF), le Tribunal fédéral avait été appelé à se prononcer sur le droit d'une victime à une indemnisation au sens de l'art. 19 al. 1 LAVI, en particulier eu égard à l'existence d'un lien de causalité adéquate entre l'agression subie sur son lieu de travail et la résiliation par la victime de son contrat de travail, alors que celle-ci s'était trouvée en état de stress post-traumatique en raison de l'agression. Il avait alors admis une causalité adéquate après s'être fondé sur la jurisprudence rendue en droit de la responsabilité civile et sur le caractère prévisible des conséquences de l'infraction (cf. arrêt 1C_334/2017 précité consid. 3.1-3.3), sans alors faire mention des critères développés en droit des assurances sociales, ni de l'arrêt 1A.230/2006, dont il doit être considéré que la solution consacrée n'est plus d'actualité.
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3.5. En l'espèce, sans pour autant revenir sur la causalité naturelle entre l'agression du 24 décembre 2013 et l'incapacité de travail de la recourante, causalité considérée comme établie par le DSIS, la cour cantonale s'est référée aux critères du droit des assurances sociales pour déterminer l'existence d'une relation de causalité adéquate (cf. consid. 3.3.2 supra; arrêt attaqué, consid. 3.2.1 p. 9 ss).
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Relevant que l'agression du 24 décembre 2013 constituait un accident de gravité moyenne, à la limite d'un cas de peu de gravité, elle a estimé que cet événement, s'il ne devait pas être banalisé, n'avait pas un caractère particulièrement dramatique ou impressionnant. Il n'avait du reste occasionné que des lésions physiques légères, sous la forme de simples contusions, pour lesquelles il avait été prescrit à la recourante un traitement antalgique et un arrêt de travail de trois jours. Le cumul de quatre critères exigé par la jurisprudence n'était dès lors pas réalisé et aucun des critères ne se manifestait avec une intensité particulière, de sorte que les différents préjudices allégués par la recourante n'entraient pas en relation de causalité adéquate avec l'infraction subie, mais devaient bien plutôt être mis en lien avec une résurgence d'un ensemble de lourds traumatismes antérieurs subis par la recourante (abus sexuel à l'âge de 6 ans, accident de voiture à l'âge de 11 ans avec sa mère qui décède sur le coup, mariage arrangé en Turquie à l'âge de 15 ans, tentative de meurtre par son mari à l'âge de 18 ans, divorce en 1990, puis enlèvement de son fils par sa belle-famille établie en Turquie; cf. arrêt attaqué, consid. 3.2.2 p. 11 s.).
| 38 |
3.6. Dans la mesure où l'appréciation de la cour cantonale est fondée sur des critères propres à déterminer le droit à des prestations d'assurance, qui s'attachent principalement à la gravité de l'accident subi, elle ne tient pas compte, en violation du droit fédéral, de la notion de causalité adéquate déduite du droit de la responsabilité civile, ni des objectifs poursuivis par la LAVI, dont le rôle est d'offrir aux victimes une protection complémentaire par rapport à celle conférée par les assurances sociales.
| 39 |
Cela étant, en tant que la cour cantonale a estimé que les troubles psychiques de la recourante, à l'origine de son incapacité de travail, s'expliquaient par une " résurgence d'un ensemble de lourds traumatismes antérieurs ", il n'y a pour autant rien d'évident à considérer que ces traumatismes, qui remontent pour les plus récents au début des années 1990, soient la cause la plus immédiate du dommage, alors que ceux-ci ne semblaient pas avoir empêché la recourante, jusqu'au 24 décembre 2013, de travailler et de mener une vie épanouie avec son nouveau mari, ce que tendent d'ailleurs à confirmer les constatations médicales des psychiatres du SMR-Rhône, selon lesquelles c'était l'événement du 24 décembre 2013 qui avait été pour elle " le plus désorganisant " (cf. rapport du 13 juin 2016, ch. 4.2 p. 6). Dans ce contexte, il doit aussi être pris en considération que, à l'inverse des précédents épisodes traumatiques vécus par la recourante, l'attaque du 24 décembre 2013, au cours de laquelle elle avait reçu sans aucune justification des coups sur plusieurs parties du corps, était survenue sur son lieu de travail.
| 40 |
De surcroît, contrairement à ce que prévoit en matière d'assurance-accidents l'art. 36 al. 2 LAA, qui exclut de prendre en considération, en présence d'un concours de diverses causes de dommage, des états antérieurs qui ne portaient pas atteinte à la capacité de gain, l'existence de traumatismes préexistants est néanmoins susceptible de justifier, le cas échéant, une réduction de l'indemnité en vertu de l'art. 27 al. 1 LAVI, disposition qui permet de tenir compte des facteurs de réduction déduits du droit de la responsabilité civile (cf. art. 44 al. 1 CO; GOMM, op. cit., n° 4 ss ad art. 27 LAVI), le juge disposant dans ce contexte d'une importante marge d'appréciation (cf. Message, FF 2005 6683, p. 6750).
| 41 |
4. La cour cantonale a par ailleurs considéré qu'il n'y avait pas matière à allouer à la recourante une indemnité à titre de réparation morale (cf. art. 22 LAVI), relevant qu'en 2017, l'auteur de l'agression lui avait proposé à ce titre, par l'intermédiaire de son curateur, une indemnité de 5000 fr. et que rien n'indiquait que cette offre n'était plus d'actualité (cf. arrêt attaqué, consid. 3.2.3 p. 12).
| 42 |
Dans son recours en matière de droit public, la recourante, qui se limite à conclure à l'allocation d'un montant de 1000 fr. en réparation de son tort moral, n'indique pas en quoi le raisonnement de la cour cantonale serait à cet égard contraire au droit (cf. art. 42 al. 2 LTF), en particulier sous l'angle du caractère subsidiaire des prestations offertes par la LAVI (cf. art. 4 al. 2 LAVI), de sorte qu'il n'y a pas lieu d'aborder plus avant cet aspect du litige.
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5. Compte tenu de ce qui précède, le recours doit être partiellement admis. L'arrêt attaqué est annulé en tant qu'il refuse le droit de la recourante à une indemnisation au sens de l'art. 19 LAVI. La cause est renvoyée au DSIS pour qu'il invite la recourante à préciser en quoi consiste son préjudice, notamment eu égard aux prestations obtenues de tiers (cf. art. 4 al. 2 et 20 LAVI), puis, le cas échéant, qu'il détermine, au regard de l'ensemble des circonstances du cas, si ce préjudice est en relation de causalité adéquate avec l'agression et qu'il fixe le montant de l'indemnité due à la recourante en vertu de l'art. 19 LAVI. En ce qui concerne les dépens de la procédure cantonale de recours, la cause est renvoyée à la cour cantonale pour nouvelle décision. Pour le surplus, le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable.
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Le canton du Valais est dispensé des frais judiciaires (art. 66 al. 4 LTF), de même que la recourante (art. 30 al. 1 LAVI). Le canton versera toutefois une indemnité de dépens réduite à la recourante, qui obtient partiellement gain de cause avec l'assistance d'une avocate (art. 68 al. 1 LTF).
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Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce : | |
1. Le recours est partiellement admis. Pour le surplus, le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable.
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2. L' arrêt attaqué est annulé en tant qu'une indemnisation au sens de l'art. 19 LAVI est refusée à la recourante. La cause est renvoyée au Département de la sécurité, des institutions et du sport du canton du Valais pour qu'il statue dans le sens des considérants. Elle est renvoyée à la Cour de droit public du Tribunal cantonal valaisan pour qu'elle statue sur les dépens de la procédure cantonale de recours.
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3. Il n'est pas perçu de frais judiciaires.
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4. Une indemnité de 1500 fr., à payer à la recourante à titre de dépens, est mise à la charge du canton du Valais.
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5. Le présent arrêt est communiqué à la mandataire de la recourante, à l'Etat du Valais, Département de la sécurité, des institutions et du sport, au Tribunal cantonal du canton du Valais, Cour de droit public, et à l'Office fédéral de la justice.
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Lausanne, le 8 septembre 2020
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Au nom de la Ire Cour de droit public
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du Tribunal fédéral suisse
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Le Président : Chaix
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Le Greffier : Tinguely
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