BGer 1C_446/2020 | |||
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BGer 1C_446/2020 vom 30.09.2020 |
1C_446/2020 |
Arrêt 30 septembre 2020 |
Ire Cour de droit public | |
Composition
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MM. les Juges fédéraux
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Haag, Juge présidant, Müller et Merz.
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Greffier : M. Kurz.
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Participants à la procédure
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1. A.________ SA,
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2. B.________ SA,
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3. C.________ SA,
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toutes les trois représentées par
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Maîtres Jean-Marc Carnicé et Dominique Ritter,
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recourantes,
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contre
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Office fédéral de la justice, Office central USA, Bundesrain 20, 3003 Berne.
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Objet
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Entraide judiciaire internationale en matière pénale aux Etats-Unis; remise de moyens de preuve,
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recours contre l'arrêt du Tribunal pénal fédéral,
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Cour des plaintes, du 13 août 2020 (RR.2019.248-250).
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Faits : | |
A. Par décision de clôture du 29 août 2019, l'Office fédéral de la justice, Office central USA (ci-après l'OFJ) a ordonné la transmission, au Département américain de la justice, des documents relatifs à trois comptes bancaires détenus par A.________ SA, B.________ SA et C.________ SA. Cette transmission intervient en exécution d'une demande d'entraide judiciaire formée pour les besoins d'une enquête dirigée contre D.________, soupçonné d'avoir vendu des denrées alimentaires surfacturées à une entreprise publique d'approvisionnement vénézuelienne, en versant des pots-de-vin à des fonctionnaires du gouvernement vénézuélien.
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B. Par arrêt du 13 août 2020, la Cour des plaintes du Tribunal pénal fédéral a rejeté le recours formé par les trois sociétés précitées. Les recourantes n'avaient pas obtenu l'ensemble des pièces du dossier mais cette violation du droit d'être entendu avait été réparée durant la procédure de recours. La compétence répressive des autorités américaines était manifeste dès lors que D.________ se serait trouvé sur sol américain lorsqu'il avait ordonné le versement de certains pots-de-vin. En outre, des sommes importantes avaient été blanchies aux Etats-Unis. La demande d'entraide était suffisamment motivée, y compris en ce qui concernait l'implication des trois sociétés recourantes, et le principe de la proportionnalité était respecté.
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C. A.________ SA, B.________ SA et C.________ SA forment un recours en matière de droit public par lequel elles demandent l'annulation de l'arrêt de la Cour des plaintes et des décisions de l'OFJ, le rejet de la demande d'entraide et le refus de toute transmission (éventuellement à l'exception d'une lettre de l'établissement bancaire à leur avocat). Subsidiairement, elles concluent au renvoi de la cause à l'instance précédente pour nouvelle décision au sens des considérants.
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La Cour des plaintes persiste dans les termes de son arrêt, sans observations. L 'OFJ conclut à l'irrecevabilité, subsidiairement au rejet du recours. Les recourantes ont répliqué et maintenu leurs conclusions.
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Considérant en droit : | |
1. Selon l'art. 84 LTF, le recours est recevable à l'encontre d'un arrêt du Tribunal pénal fédéral en matière d'entraide judiciaire internationale si celui-ci a pour objet notamment la transmission de renseignements concernant le domaine secret et s'il concerne un cas particulièrement important (al. 1). Un cas est particulièrement important notamment lorsqu'il y a des raisons de supposer que la procédure à l'étranger viole des principes fondamentaux ou comporte d'autres vices graves (al. 2). Ces motifs d'entrée en matière ne sont toutefois pas exhaustifs et le Tribunal fédéral peut être appelé à intervenir lorsqu'il s'agit de trancher une question juridique de principe ou lorsque l'instance précédente s'est écartée de la jurisprudence suivie jusque-là (ATF 142 IV 250 consid. 1.3 p. 254). En vertu de l'art. 42 al. 2 LTF, il incombe à la partie recourante de démontrer que les conditions d'entrée en matière posées à l'art. 84 LTF sont réunies (ATF 139 IV 294 consid. 1.1 p. 297). En particulier, il ne suffit pas d'invoquer des violations des droits fondamentaux de procédure pour justifier l'entrée en matière; seule une violation importante, suffisamment détaillée et crédible peut conduire, le cas échéant, à considérer que la condition de recevabilité posée à l'art. 84 al. 2 LTF est réalisée (ATF 145 IV 99 consid. 1.5 p. 107).
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2. Les recourantes soulèvent quatre griefs qui justifieraient selon elles une entrée en matière.
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2.1. Elles estiment, expertise privée à l'appui, que la compétence de l'Etat requérant ne serait pas donnée pour mener une enquête contre elles-mêmes ou leur ayant droit (ressortissant vénézuélien domicilié en République dominicaine), la demande d'entraide étant muette sur les infractions commises par ces derniers sur territoire américain. Les recourantes ne contestent toutefois pas qu'une telle compétence existe à l'égard de D.________, auteur principal dont les agissements, commis partiellement sur sol américain, sont à l'origine de l'enquête et de la demande d'entraide. Dès le moment où une telle compétence répressive est reconnue à l'égard de la personne poursuivie, l'autorité requérante peut étendre ses recherches à d'autres personnes, physiques ou morales, sans avoir à démontrer, pour chacune d'elles, sa compétence répressive. Le grief est manifestement mal fondé.
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2.2. Il en va de même du grief relatif à la motivation de la demande d'entraide; à ce sujet, les recourantes se livrent - en se fondant sur la même expertise - à une argumentation à décharge, méconnaissant que l'autorité requérante peut faire état de simples soupçons sans avoir à prouver les faits qu'elle allègue. En l'occurrence, la demande d'entraide expose clairement les faits reprochés à D.________ et allègue - sans avoir à le démontrer - que l'ayant droit des recourantes serait l'associé de ce dernier et que les comptes visés auraient notamment pu permettre le paiement de pots-de-vin. Cela constitue à l'évidence une motivation suffisante.
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2.3. L'argument tiré de l'interdiction des "fishing expeditions" n'est pas mieux fondé dans la mesure où les soupçons de l'autorité requérante sont clairement articulés et que les documents à transmettre sont susceptibles d'apporter des éclaircissements à ce sujet, y compris le cas échéant à décharge.
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Les trois griefs précités ne sauraient ainsi justifier une entrée en matière.
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3. Invoquant encore la protection de la bonne foi (art. 9 Cst.) ainsi que leur droit d'être entendues, les recourantes rappellent que, selon la décision de clôture du 29 août 2019, la documentation bancaire non caviardée portait du 2 janvier 2012 au 30 juin 2016 (clôture) pour un compte, du 9 janvier 2012 au 30 novembre 2016 pour le deuxième, et du 5 janvier 2012 au 29 novembre 2016 (clôture) pour le troisième. L'OFJ ayant considéré que l'autorité requérante avait expressément limité la période d'investigations, le relevé des transactions a été "supprimé en conséquence". Les recourantes relèvent que, parmi les pièces destinées à la transmission qui leur avaient été remises par la Cour des plaintes sous forme de clé USB en novembre 2019, certaines (près de 300) ne figuraient pas dans le dossier consulté le 30 juillet 2019 auprès de l'OFJ. En particulier, de nombreuses pièces dateraient d'avant 2012 et d'après novembre 2016. Le 26 novembre 2019, l'OFJ a expliqué devant la Cour des plaintes qu'il s'agissait d'une inadvertance due à la réception échelonnée des documents en question, et que l'ensemble des documents figurant sur la clé USB étaient couverts par la décision de clôture, sans qu'il soit besoin de rendre une nouvelle décision.
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3.1. La Cour des plaintes a reconnu que les recourantes n'avaient pas pu s'exprimer au sujet des pièces supplémentaires avant le prononcé de la décision de clôture, mais elle a considéré qu'une telle violation du droit d'être entendu avait pu être réparée par la consultation exercée durant la procédure de recours. Une telle réparation est certes en principe possible pour autant que l'irrégularité n'est pas particulièrement grave (arrêt 1C_168/2016 du 22 avril 2016 consid. 1.3.2).
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3.2. L'arrêt attaqué ne se prononce nullement, en revanche, sur la conformité des pièces supplémentaires avec le contenu même de l'ordonnance de clôture, alors que cet argument était expressément soulevé dans l'écriture des recourantes du 19 novembre 2019. En omettant d'examiner ce grief pertinent et valablement soulevé devant elle, la Cour des plaintes a ainsi violé le droit d'être entendu des recourantes, garanti par l'art. 29 al. 2 Cst. Cette violation ne peut quant à elle être qualifiée de légère, car elle pourrait impliquer la transmission à l'étranger de renseignements qui n'aurait pas fait l'objet d'une ordonnance de clôture, voire qui ont été expressément exclus par celle-ci.
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4. Le recours est par conséquent admis sur ce point et la cause est renvoyée à la Cour des plaintes afin qu'elle examine si l'ensemble des pièces destinées à la transmission sont, comme l'affirme l'OFJ, couvertes par l'ordonnance de clôture. Dans le cas contraire, les pièces en question devront être écartées du dossier et faire l'objet, le cas échéant, d'une ordonnance complémentaire. Les recourantes, qui obtiennent partiellement gain de cause, ont droit à des dépens réduits à la charge de l'OFJ. Les frais judiciaires, également réduits, sont mis à leur charge en application de l'art. 66 al. 1 et 4 LTF.
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Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce : | |
1. Le recours est admis partiellement; l'arrêt attaqué est annulé et la cause est renvoyée à la Cour des plaintes pour nouvelle décision dans le sens des considérants.
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2. Les frais judiciaires réduits, arrêtés à 2'000 fr., sont mis à la charge des recourantes.
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3. Une indemnité de dépens réduite de 2'000 fr. est allouée aux recourantes, à la charge de l'OFJ.
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4. Le présent arrêt est communiqué aux mandataires des recourantes, à l'Office fédéral de la justice, Office central USA, et au Tribunal pénal fédéral, Cour des plaintes.
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Lausanne, le 30 septembre 2020
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Au nom de la Ire Cour de droit public
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du Tribunal fédéral suisse
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Le Juge présida nt : Le Greffier :
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Haag Kurz
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