BGer 6B_590/2020 | |||
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BGer 6B_590/2020 vom 01.10.2020 |
6B_590/2020 |
Arrêt du 1er octobre 2020 |
Cour de droit pénal | |
Composition
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MM. et Mme les Juges fédéraux Denys, Président, Muschietti et Koch.
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Greffier : M. Graa.
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Participants à la procédure
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A.________,
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représenté par Me Robert Assaël, avocat,
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recourant,
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contre
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Ministère public de la République et canton de Genève,
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route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy,
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intimé.
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Objet
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Fixation de la peine,
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recours contre l'arrêt de la Cour de justice de la République et canton de Genève, Chambre pénale d'appel et de révision, du 24 mars 2020
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(AARP/128/2020 - P/5573/2011).
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Faits : | |
A. Par jugement du 9 mars 2018, le Tribunal correctionnel de la République et canton de Genève a libéré A.________ des chefs de prévention d'abus de confiance qualifié et de faux dans les titres concernant certains agissements qui lui étaient reprochés, l'a con-damné, pour abus de confiance qualifié et faux dans les titres s'agissant des faits visés sous chiffre B.II.2.b de l'acte d'accusation, à une peine privative de liberté de trois ans, avec sursis portant sur 27 mois durant trois ans.
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B. Par arrêt du 6 septembre 2019, la Chambre pénale d'appel et de révision de la Cour de justice genevoise, statuant notamment sur l'appel formé par A.________ contre ce jugement, a réformé celui-ci en ce sens qu'il est constaté que le principe de célérité a été violé, que le prénommé est libéré du chef de prévention de faux dans les titres s'agissant des faits visés sous chiffre B.II.2.a de l'acte d'accusation, qu'il est condamné, pour abus de confiance qualifié et faux dans les titres s'agissant des faits visés sous chiffre B.II.2.b de l'acte d'accusation, à une peine privative de liberté de trois ans, avec sursis portant sur 24 mois durant trois ans.
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C. Par arrêt du 17 décembre 2019 (6B_1248/2019), le Tribunal fédéral a partiellement admis le recours formé par A.________ contre l'arrêt du 6 septembre 2019, a annulé celui-ci et a renvoyé la cause à l'autorité cantonale pour nouvelle décision.
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D. Par arrêt du 24 mars 2020, rendu à la suite de l'arrêt de renvoi du 17 décembre 2019, la Chambre pénale d'appel et de révision de la Cour de justice genevoise a réformé le jugement du 9 mars 2018 en ce sens qu'il est constaté que le principe de célérité a été violé, qu'A.________ est libéré du chef de prévention de faux dans les titres s'agissant des faits visés sous chiffre B.II.2.a de l'acte d'accusation, qu'il est condamné, pour abus de confiance qualifié et faux dans les titres s'agissant des faits visés sous chiffre B.II.2.b de l'acte d'accusation, à une peine privative de liberté de trois ans, avec sursis portant sur 30 mois durant trois ans.
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E. A.________ forme un recours en matière pénale au Tribunal fédéral contre l'arrêt du 24 mars 2020, en concluant principalement à sa réforme en ce sens qu'il est condamné à une peine privative de liberté de 18 mois, avec sursis complet durant deux ans. Subsidiai-rement, il conclut à son annulation et au renvoi de la cause à l'autorité cantonale pour nouvelle décision.
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F. Invités à se déterminer, la cour cantonale a renoncé à présenter des observations, tandis que le ministère public a conclu au rejet du recours. A.________ a répondu à ces prises de position.
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Considérant en droit : | |
1. Le recourant reproche à la cour cantonale la quotité de la peine privative de liberté à laquelle il a été condamné.
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1.1. Aux termes de l'art. 48 let. e CP, le juge atténue la peine si l'intérêt à punir a sensiblement diminué en raison du temps écoulé depuis l'infraction et que l'auteur s'est bien comporté dans l'intervalle.
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La disposition en cause ne fixe pas de délai. Selon la jurisprudence, l'atténuation de la peine en raison du temps écoulé depuis l'infraction procède de la même idée que la prescription. L'effet guérisseur du temps écoulé, qui rend moindre la nécessité de punir, doit aussi pouvoir être pris en considération lorsque la prescription n'est pas encore acquise, si l'infraction est ancienne et si le délinquant s'est bien comporté dans l'intervalle. Cela suppose qu'un temps rela-tivement long se soit écoulé depuis l'infraction. Cette condition est en tout cas réalisée lorsque les deux tiers du délai de prescription de l'action pénale sont écoulés. Le juge peut toutefois réduire ce délai pour tenir compte de la nature et de la gravité de l'infraction (ATF 140 IV 145 consid. 3.1 p. 147 s.; 132 IV 1 consid. 6.1 et 6.2 p. 2 ss). Pour déterminer si l'action pénale est proche de la prescription, le juge doit se référer à la date à laquelle les faits ont été souverainement établis, et non au jugement de première instance (moment où cesse de courir la prescription selon l'art. 97 al. 3 CP). Ainsi, lorsque le condamné a fait appel, il faut prendre en considération le moment où le jugement de seconde instance a été rendu dès lors que ce recours a un effet dévolutif (cf. art. 398 al. 2 CPP; ATF 140 IV 145 consid. 3.1 p. 148; cf. arrêt 6B_260/2020 du 2 juillet 2020 consid. 2.3.3).
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1.2. Dans son arrêt de renvoi du 17 décembre 2019, le Tribunal fédéral avait indiqué que plus de dix ans - durée correspondant aux deux tiers du délai de prescription de 15 ans applicable tant s'agissant de l'abus de confiance qualifié que des faux dans les titres - s'étaient écoulés entre la commission de certains actes imputés au recourant et le moment où l'arrêt du 6 septembre 2019 avait été rendu, puisque la cour cantonale avait retenu que l'intéressé avait commis 43 actes constitutifs d'abus de confiance qualifié entre le 23 décembre 2008 et le 28 septembre 2010, ainsi que six faux dans les titres, qui avaient été assortis de dates courant de février à avril 2009. Le Tribunal fédéral en avait déduit qu'une partie des actes constitutifs des infractions retenues aurait en principe dû donner lieu à une application de l'art. 48 let. e CP, mais que la motivation de la cour cantonale ne permettait pas de comprendre quelle date, respectivement quelles dates avaient été considérées comme points de départ des délais de prescription (consid. 4.3).
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1.3. Dans l'arrêt attaqué, l'autorité précédente a indiqué que le temps écoulé devait être mesuré en tenant compte de la date du prononcé du 6 septembre 2019, en appliquant par analogie l'art. 437 al. 2 CPP. En se fondant sur cette date, elle a exposé que le recourant devait être mis au bénéfice de la circonstance atténuante de l'art. 48 let. e CP pour les faux dans les titres - qui avaient été créés au plus tard entre février et avril 2009 -, ainsi que pour 19 cas d'abus de confiance. En revanche, s'agissant des autres détournements, commis moins de dix années avant l'arrêt du 6 septembre 2019, la circon-stance atténuante liée à l'écoulement du temps ne devait pas être appliquée.
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1.4. Le recourant soutient que la date pertinente pour calculer l'écoulement du temps n'était pas celle du 6 septembre 2019, mais celle du 14 avril 2020, date de la notification de l'arrêt attaqué. Subsidiairement, il soutient que la date de l'arrêt attaqué, soit le 24 mars 2020, aurait dû être considérée.
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Selon la jurisprudence, est pertinente, afin de déterminer si l'action pénale est proche de la prescription, la date à laquelle le jugement, cas échéant de deuxième instance, est rendu (cf. consid. 1.1 supra). Le recourant n'explique pas pourquoi il conviendrait de s'écarter de cette pratique et de tenir compte de la date de la notification de la décision. Une telle solution serait d'ailleurs impraticable et contraire aux règles de la procédure pénale. En effet, l'art. 351 al. 1 CPP dispose que, lorsque le tribunal est en mesure de statuer matériellement sur l'accusation, il rend un jugement sur la culpabilité du prévenu, les sanctions et les autres conséquences. Il est dès lors exclu que la fixation de la peine puisse se baser des paramètres postérieurs à la décision du tribunal, ainsi le temps écoulé entre ladite décision et la notification. En outre, l'art. 84 al. 2 CPP - applicable par renvoi de l'art. 351 al. 3 CPP - prévoit que le tribunal remet le dispositif du jugement aux parties à l'issue des débats ou le leur notifie dans les cinq jours. On ne voit pas comment, après la communication du dispositif, la peine pourrait encore être d'une quelconque manière influencée par un élément comme l'écoulement du temps. Enfin, en cas de procédure écrite, l'art. 390 al. 4 CPP - applicable en procédure d'appel par renvoi de l'art. 406 al. 4 CPP - dispose que le tribunal rend sa décision par voie de circulation ou, lors d'une délibération non publique, sur la base du dossier et de l'administration des compléments de preuves. Une fois la décision prise, il n'est pas envisageable que la quotité de la peine soit encore influencée par le temps nécessaire à la notification du jugement.
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1.5. Cela dit, il convient d'admettre, avec le recourant, que la date pertinente pour calculer l'écoulement du temps n'était pas celle du 6 septembre 2019.
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Conformément aux instructions données par le Tribunal fédéral dans son arrêt de renvoi du 17 décembre 2019 - lequel avait enjoint l'autorité cantonale d'examiner à nouveau dans quelle mesure il convenait de faire application de l'art. 48 let. e CP (consid. 4.3) - la cour cantonale ne s'est pas contentée de compléter sa motivation, mais a derechef fixé la peine du recourant, en appliquant - ce qu'elle n'avait pas fait dans l'arrêt du 6 septembre 2019 - la disposition précitée.
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Lorsqu'une décision cantonale est annulée et la cause renvoyée à l'autorité cantonale, ladite décision - compte tenu de l'effet cassatoire - n'entre pas en force, respectivement voit son entrée en force annulée (cf. arrêts 6B_1302/2015 du 28 décembre 2016 consid. 3.2.2; 6B_16/2016 du 28 décembre 2016 consid. 2.3.2). Conformément au principe de l'autorité de l'arrêt de renvoi, des faits nouveaux peuvent être pris en compte sur les points ayant fait l'objet du renvoi (cf. ATF 135 III 334 consid. 2 p. 335; arrêt 6B_1114/2019 du 20 novembre 2019 consid. 1.1), en l'occurrence sur la question de la fixation de la peine. Le Tribunal fédéral a d'ailleurs eu à plusieurs reprises l'occasion d'indiquer que l'autorité cantonale à qui une cause est renvoyée reste libre d'apprécier autrement que dans sa précédente décision si une circonstance atténuante peut être retenue, et doit infliger la peine qui, au vu de l'ensemble des circonstances, lui paraît appropriée, cela en tenant compte notamment de la situation personnelle du prévenu au moment du nouveau prononcé (cf. ATF 113 IV 47 consid. 4a p. 47; arrêts 6B_1033/2018 et 6B_1040/2018 du 27 décembre 2018 consid. 2.4; 6B_1276/2015 du 29 juin 2016 consid. 1.2.1).
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Dans l'arrêt attaqué, la cour cantonale a bien appliqué ce raison-nement, puisqu'elle a considéré la situation du recourant au jour où elle a statué - en relevant notamment que la situation de l'intéressé ne "s'était pas modifiée" depuis l'arrêt du 6 septembre 2019 -, afin de fixer sa sanction et de statuer sur l'octroi du sursis partiel. Si de nouveaux éléments de fait pertinents pour la fixation de la peine ou l'octroi du sursis à l'exécution étaient apparus entre l'arrêt du 6 septembre 2019 et l'arrêt attaqué, la cour cantonale aurait dû en tenir compte dans son raisonnement. Il en allait de même s'agissant de l'écoulement du temps. Ce paramètre ne pouvait être apprécié qu'au jour où la cour cantonale a statué, non en se référant à la date de l'arrêt du 6 septembre 2019, décision ayant été annulée par le Tribunal fédéral grâce à l'arrêt de renvoi du 17 décembre 2019.
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Afin de déterminer si l'action pénale était proche de la prescription, il aurait donc fallu prendre en compte la date à laquelle les faits ont été souverainement établis (cf. ATF 140 IV 145 consid. 3.1 p. 148; 132 IV 1 consid. 6.2.1 p. 4) en lien avec la peine du recourant, soit en l'espèce le 24 mars 2020.
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Une application analogique de l'art. 437 al. 2 CPP, telle que pré-conisée par la cour cantonale, ne saurait aucunement modifier ce qui précède. Cette disposition vise simplement à obvier aux incertitudes et aux erreurs concernant la date exacte d'entrée en force d'une décision, en évitant de faire dépendre ladite entrée en force de la notification de celle-ci (cf. Message du 21 décembre 2005 relatif à l'unification du droit de la procédure pénale, FF 2006 1057, 1317). On ne voit pas comment ce principe, appliqué par analogie à la situation dans laquelle une autorité cantonale doit fixer derechef une peine ensuite d'un arrêt de renvoi du Tribunal fédéral, permettrait de retenir que la date marquant le temps écoulé entre la commission des infractions et le jugement est celle de la décision cantonale ayant été annulée sur la base de l'art. 107 al. 2 LTF.
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1.6. Ce qui précède conduit à l'admission du recours, puisqu'il apparaît que la circonstance atténuante de l'art. 48 let. e CP n'a pas été appliquée à toutes les infractions qui étaient concernées par l'écoulement du temps au regard de la jurisprudence précitée (cf. consid. 1.1 supra). L'arrêt attaqué doit être annulé et la cause ren-voyée à l'autorité cantonale pour nouvelle décision.
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L'autorité cantonale devra tenir compte, à cet égard, de la date à laquelle elle établira les faits concernant la fixation de la peine, soit la date de la décision à venir. Elle devra également, conformément aux principes rappelés précédemment (cf. consid. 1.5 supra), infliger au recourant la peine qui, au vu de l'ensemble des circonstances, lui paraîtra appropriée, en tenant compte notamment de la situation personnelle de ce dernier au moment de statuer à nouveau. Sous cette réserve, l'autorité cantonale pourra se fonder sur les quotités des peines fixées dans l'arrêt attaqué, le recourant n'ayant aucunement critiqué celles-ci, non plus que la méthodologie employée pour cal-culer la sanction.
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Enfin, s'agissant des infractions pour lesquelles les deux tiers du délai de prescription de l'action pénale ne seront pas encore écoulés, l'autorité cantonale demeurera libre d'apprécier si et dans quelle mesure l'art. 48 let. e CP pourrait trouver application.
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Dès lors que l'autorité cantonale devra se prononcer à nouveau sur la question de la peine et sur celle du sursis à l'exécution, le Tribunal fédéral peut, en l'état, se dispenser d'examiner les critiques formulées par le recourant concernant la durée du délai d'épreuve.
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2. Le recours doit être admis. Le recourant, qui obtient gain de cause, n'a pas à supporter de frais judiciaires (cf. art. 66 al. 1 LTF). Il peut prétendre à de pleins dépens - qu'il a implicitement réclamés -, à la charge du canton de Genève art. 68 al. 1 LTF).
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Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce : | |
1. Le recours est admis, l'arrêt attaqué annulé et la cause renvoyée à l'autorité cantonale pour nouvelle décision.
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2. Il n'est pas perçu de frais judiciaires.
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3. Le canton de Genève versera au recourant une indemnité de 3'000 fr. à titre de dépens pour la procédure devant le Tribunal fédéral.
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4. Le présent arrêt est communiqué aux parties, à la Cour de justice de la République et canton de Genève, Chambre pénale d'appel et de révision, et à Me B.________.
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Lausanne, le 1er octobre 2020
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Au nom de la Cour de droit pénal
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du Tribunal fédéral suisse
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Le Président : Denys
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Le Greffier : Graa
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