BGer 2C_637/2020 | |||
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BGer 2C_637/2020 vom 14.10.2020 |
2C_637/2020 |
Arrêt du 14 octobre 2020 |
IIe Cour de droit public | |
Composition
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MM. et Mme les Juges fédéraux
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Seiler, Président, Aubry Girardin et Donzallaz.
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Greffier : M. Rastorfer.
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Participants à la procédure
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A.________,
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recourante,
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contre
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Département de la sécurité, de l'emploi et de la santé (DSES) de la République et canton de Genève,
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intimé.
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Objet
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Autorisation de travail; mesures provisionnelles,
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recours contre la décision de la Cour de justice de la République et canton de Genève, Chambre administrative, du 8 juillet 2020 (ATA/664/2020).
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Considérant en fait et en droit : | |
1. A.________ est une ressortissante hongroise ayant été enregistrée auprès de la brigade de lutte contre la traite des êtres humains et la prostitution illicite de la police genevoise en qualité de responsable de nombreux salons de massage à Genève entre 2011 et 2016. Durant cette période, l'intéressée a fait l'objet de plusieurs sanctions administratives pour des infractions à la loi genevoise du 17 décembre 2009 sur la prostitution (LProst/GE; RS/GE I 2 49), un de ses salons de massage ayant par ailleurs été définitivement fermé, car non annoncé, par ordre du Département de la sécurité, de l'emploi et de la santé du canton de Genève (ci-après: le Département cantonal). Depuis 2016, A.________ n'est plus enregistrée comme exploitante d'un salon de massage.
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Par ordonnance pénale du 31 janvier 2019, A.________ a été condamnée pour usure notamment, dans le cadre de l'exploitation d'un salon de massage non-annoncé. Au cours de la procédure pénale, il a été établi que l'intéressée avait engagé sa soeur pour gérer les rendez-vous de cinq prostituées qui exerçaient dans des appartements qu'elle leur sous-louait à des prix exorbitants, qu'elle se faisait communiquer quotidiennement le montant que gagnaient lesdites prostituées et qu'elle se chargeait des procédures d'annonce et des demandes de permis de séjour de celles-ci. Il est également apparu que A.________ gérait un site internet proposant des services de prostitution et comportant la liste des appartements qu'elle exploitait à cet effet.
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2. Par décision du 7 mai 2020, après avoir entendu A.________, le Département cantonal a ordonné à l'intéressée de cesser immédiatement toute activité tombant sous le coup de la LProst/GE au sein des appartements listés sur le site internet qu'elle gérait, lui a fait interdiction d'exploiter tout autre salon de massage et lui a infligé une amende administrative de 1'000 fr. L'ordre de cessation d'activité et l'interdiction d'exploiter étaient prononcés sous la menace des peines de l'art. 292 CP et déclarés exécutoires nonobstant recours.
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Par acte du 4 juin 2020, A.________ a interjeté recours contre la décision précitée auprès de la Chambre administrative de la Cour de justice du canton de Genève (ci-après: la Cour de justice), niant exploiter un salon de massage et demandant à titre préalable que l'effet suspensif au recours lui soit accordé. Par décision sur mesures provisionnelles du 8 juillet 2020, la Cour de justice a rejeté la demande de restitution d'effet suspensif traitée comme une demande de mesures provisionnelles.
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3. Le 11 août 2020, A.________ a déposé un recours constitutionnel subsidiaire au Tribunal fédéral contre la décision sur mesures provisionnelles précitée. Elle conclut, sous suite de dépens, à titre préalable, à l'octroi de l'effet suspensif à son recours, et à titre principal, à l'annulation de la décision du 7 mai 2020 de la Cour de justice et à ce qu'il soit dit et constaté que son recours du 4 juin 2020 a un effet suspensif; subsidiairement, au renvoi de la cause à la Cour de justice pour nouvelle décision dans le sens des considérants. Elle demande également la tenue d'une audience devant le Tribunal fédéral et à ce qu'elle soit acheminée à prouver ses allégués.
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La Cour de justice se rapporte à justice quant à la requête d'effet suspensif au recours déposé devant la Cour de céans. Le Département cantonal dépose des observations tendant au rejet de cette requête, ainsi qu'à l'octroi de mesures provisionnelles visant à ce que l'effet suspensif lié au recours du 4 juin 2020 soit accordé.
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Par ordonnance du 28 août 2020, le Président de la IIe Cour de droit public a rejeté la requête d'effet suspensif au recours du 11 août 2020 traitée comme une requête de mesures provisionnelles.
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Erwägung 4 | |
4.1. La décision attaquée est une décision sur mesures provisionnelles dans laquelle la Cour de justice a confirmé la position du Département cantonal déclarant l'ordre de cessation des activités tombant sous le coup de la LProst/GE de la recourante exécutoire nonobstant recours. En tant que décision incidente, elle ne peut faire l'objet d'un recours qu'aux conditions de l'art. 93 LTF, c'est-à-dire qu'en l'occurrence elle doit causer un préjudice irréparable (cf. art. 93 al. 1 let. a LTF; sur cette notion, ATF 140 V 321 consid. 3.6 p. 326; 137 V 314 consid. 2.2.1 p. 317 et les arrêts cités). A ce propos, la recourante affirme que la décision de l'autorité intimée, confirmée par la Cour de justice, l'empêche de maintenir des activités " qu'elle exerce depuis longtemps en toute légalité " à savoir, selon ce qu'il ressort de son mémoire, des services de sous-location, de " relocation ", de publicité et de conseil administratif et comptable qui, selon l'intéressée, ne tomberaient pas sous le coup de la LProst/GE.
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Dans la mesure où la portée de la décision attaquée ne concerne que les activités soumises à la LProst/GE exercées au sein des logements en cause, ce qui n'empêche ainsi pas l'intéressée de sous-louer ses appartements à des tiers de passage à d'autres fins que celles de s'y prostituer, et que l'intéressée soutient elle-même n'exercer aucune activité tombant sous le coup de la LProst/GE, on peine à discerner en quoi la décision attaquée lui causerait un quelconque préjudice irréparable. Compte tenu des considérants qui suivent, la question du préjudice irréparable peut toutefois demeurer indécise.
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4.2. La voie de recours contre une décision incidente est déterminée par le litige principal (cf. ATF 137 III 261 consid. 1.4 p. 264). En l'occurrence, celui-ci porte sur le prononcé de mesures et sanctions administratives pour des infractions aux prescriptions de la législation cantonale sur la prostitution, soit une décision ne tombant pas sous le coup de l'une des exceptions prévues à l'art. 83 LTF. Il s'ensuit que le présent recours ne peut être reçu en qualité de recours constitutionnel subsidiaire, seule entrant en considération en l'espèce la voie du recours en matière de droit public (cf. art. 113 LTF). L'intitulé erroné du recours ne nuit cependant pas à la recourante, pour autant que les conditions de recevabilité du recours qui aurait dû être interjeté soient réunies (cf. ATF 138 I 367 consid. 1.1 p. 370). Tel est le cas en l'espèce (cf. art. 42, 82 let. a, 86 al. 1 let. d et al. 2, 89 al. 1, 90 et 100 al. 1 LTF). Le présent recours, traité comme un recours en matière de droit public, est donc recevable, sous réserve de ce qui suit.
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4.3. La recourante perd de vue que des mesures probatoires devant le Tribunal fédéral ne sont qu'exceptionnellement ordonnées dans une procédure de recours (ATF 136 II 101 consid. 2 p. 104). Il n'y a pas de motif de faire exception ici, de sorte que ses conclusions tendant à la tenue d'une audience devant la Cour de céans, respectivement à ce que l'intéressée soit acheminée à prouver les faits qu'elle allègue sont irrecevables.
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Erwägung 5 | |
5.1. Seule peut être invoquée la violation des droits constitutionnels contre une décision portant sur des mesures provisionnelles en application de l'art. 98 LTF (ATF 137 III 475 consid. 2. 477).
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5.2. Conformément à l'art. 106 al. 2 LTF, le Tribunal fédéral n'examine la violation de droits fondamentaux que si ce grief a été invoqué et motivé par le recourant (art. 106 al. 2 LTF), à savoir expressément soulevé et exposé de manière claire et détaillée, en précisant en quoi consiste la violation (cf. ATF 142 I 99 consid. 1.7.2 p. 106).
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6. Avant d'examiner les griefs de la recourante, il convient de rappeler que lorsqu'une autorité judiciaire se prononce sur l'effet suspensif ou d'autres mesures provisoires, elle peut se limiter à la vraisemblance des faits et à l'examen sommaire du droit (examen prima facie), en se fondant sur les moyens de preuve immédiatement disponibles, tout en ayant l'obligation de peser les intérêts respectifs des parties (ATF 139 III 86 consid. 4.2 p. 91; 131 III 473 consid. 2.3 p. 476). La restitution de l'effet suspensif est subordonnée à l'existence de justes motifs, qui résident dans un intérêt public ou privé prépondérant à l'inexécution immédiate de la décision. L'autorité dispose à cet égard d'un large pouvoir d'appréciation et peut tenir compte de l'issue prévisible de la procédure au fond, pour autant que celle-ci soit claire (ATF 130 II 149 consid. 2.2 p. 155; arrêt 2C_293/2013 du 21 juin 2013 consid. 4.2 non publié in ATF 139 I 189). Le Tribunal fédéral n'examine qu'avec retenue l'appréciation à laquelle a procédé l'instance précédente. Il n'annule une décision sur mesures provisionnelles que si la pesée des intérêts à son origine est dépourvue de justification adéquate et ne peut être suivie, soit en définitive si elle paraît insoutenable (arrêts 2C_951/2009 du 16 juillet 2020 consid. 4.2; 2D_34/2018 du 17 août 2018 consid. 3 et les arrêts cités).
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7. La recourante se plaint en premier lieu d'un établissement inexact des faits.
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7.1. Le Tribunal fédéral statue sur la base des faits établis par l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF), sous réserve des cas prévus à l'art. 105 al. 2 LTF (ATF 142 I 155 consid. 4.4.3 p. 156). Le recourant ne peut critiquer les constatations de fait ressortant de la décision attaquée que si celles-ci ont été effectuées en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF ou de manière manifestement inexacte, c'est-à-dire arbitraire (sur cette notion, cf. ATF 142 II 355 consid. 6 p. 358), et si la correction du vice est susceptible d'influer sur le sort de la cause (art. 97 al. 1 LTF), ce que le recourant doit démontrer (art. 106 al. 2 LTF).
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7.2. En l'occurrence, sans nier le fait qu'elle sous-loue des appartements où des personnes se prostituent, l'intéressée reproche à la Cour de justice d'avoir procédé à une " qualification erronée " de l'activité qu'elle exerce, dans la mesure où elle conteste que celle-ci soit qualifiée d'exploitation tombant sous le coup de la LProst/GE. Tel qu'il est formulé, le grief, outre qu'il ne démontre nullement le caractère arbitraire des constatations cantonales, revient en réalité à contester la qualification juridique des faits et à argumenter sur le fond de la cause. Pour le reste, force est de constater que la recourante présente librement sa propre version des faits, en complétant celle de l'arrêt entrepris, comme elle le ferait devant une juridiction d'appel, ce que le Tribunal fédéral n'est pas (cf. arrêts 2C_922/2018 du 13 mai 2019 consid. 3; 2C_497/2011 du 15 mars 2012 consid. 3.2 non publié in ATF 138 II 105). Le grief devant être rejeté, le Tribunal fédéral n'examinera donc la correcte application du droit constitutionnel que sur la seule base des faits retenus par la Cour de justice.
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8. La recourante, invoquant les art. 9 Cst. et 17 CEDH, estime que la décision attaquée est arbitraire en ce qu'elle « garde silence » quant aux activités qu'elle devrait s'abstenir d'exercer, ce qui la laisserait dans une « position d'insécurité juridique inacceptable ». Ce faisant, la recourante semble d'avantage se plaindre d'une violation du droit à une décision motivée au sens de l'art. 29 al. 2 Cst.
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Il est douteux que la motivation du grief réponde aux exigences accrues de l'art. 106 al. 2 LTF. Cette question peut toutefois demeurer ouverte, le grief devant être rejeté. Il ressort en effet expressément de la décision de l'autorité intimée que l'ordre de cessation immédiate concerne toute activité tombant sous le coup de la LProst/GE pouvant être exercée dans les locaux visés, ainsi que dans tout autre lieu s'agissant de l'exploitation d'un salon de massage. L'intéressée, quoi qu'elle en dise, l'avait du reste parfaitement compris, puisqu'elle n'a de cesse de souligner dans son mémoire qu'elle n'exerce pas de telles activités. Autant qu'il est recevable, le grief tiré du défaut de motivation est par conséquent infondé.
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9. La recourante se plaint d'une violation de sa liberté économique garantie par l'art. 27 Cst. Dans une argumentation confuse, elle estime que la décision attaquée l'empêcherait de maintenir les activités qu'elle exerce dans les appartements en cause, tout en considérant que ladite décision vise à faire cesser l'exploitation de " quelque chose qui n'existe pas ", dans la mesure où elle soutient que ses activités ne sont pas soumises à la LProst/GE. Elle est également d'avis que l'importance vitale pour elle d'exercer lesdites activités constitue un motif prépondérant justifiant l'octroi de l'effet suspensif au recours.
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9.1. Selon l'art. 27 Cst., la liberté économique, qui comprend notamment le libre choix de la profession, le libre accès à une activité économique lucrative privée et son libre exercice, est garantie (ATF 143 II 598 consid. 5.1 p. 612). Conformément à l'art. 36 Cst., une restriction à cette liberté est admissible à condition de reposer sur une base légale, d'être justifiée par un intérêt public et d'être proportionnée au but visé, la recourante n'apparaissant remettre en cause que cette dernière condition.
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9.2. En l'occurrence, la Cour de justice a en substance retenu que, dans les conditions où elle était exercée, l'activité déployée par la recourante était de nature à menacer l'ordre et la sécurité publics. L'intéressée avait en effet déjà fait par le passé l'objet de diverses sanctions administratives pour des infractions dans la gestion de salons de massage, dont une fermeture définitive, et avait été condamnée pénalement en 2019, pour usure notamment, pour des faits commis en lien avec des activités de prostitution se déroulant dans les appartements visés par la décision en cause. Elle ne contestait par ailleurs pas actuellement sous-louer lesdits appartements à des prostituées, tout en affirmant qu'une telle activité ne nécessitait pas d'être annoncée aux autorités compétentes. Un tel comportement permettait, à première vue, de fonder la crainte d'un risque de réitération ou de perpétuation de l'activité illicite et justifiait de rechercher la cessation immédiate du trouble à l'ordre public en ordonnant le caractère exécutoire nonobstant recours de la décision litigieuse. L'intérêt privé de la recourante à la continuation de son exploitation de son exploitation devait ainsi céder le pas face à l'intérêt public à l'exécution immédiate des mesures administratives querellées. L'examen
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9.3. La motivation de l'autorité précédente convainc entièrement, raison pour laquelle il peut y être renvoyé (art. 109 al. 3 LTF), ce d'autant plus que les arguments que l'intéressée fait valoir à l'encontre de celle-ci - à supposer qu'ils répondent aux exigences découlant de l'art. 106 al. 2 LTF, ce dont il est permis de douter - ne sont pas de nature à tenir la pesée des intérêts à laquelle a procédé l'autorité cantonale pour arbitraire et l'atteinte portée à la liberté économique de l'intéressée pour disproportionnée. On relèvera au demeurant que la décision attaquée ne l'empêche nullement, contrairement à ce qu'elle prétend, d'exercer son activité " en toute légalité ", puisqu'il lui suffit d'orienter ses services de sous-location et de " relocation " hors de l'activité prostitutionnelle, le simple fait qu'elle affirme en tirer la totalité de ses revenus ne constituant pas un motif prépondérant à ce qu'il soit renoncé à l'exécution immédiate de la décision, compte tenu de l'intérêt public important à lutter contre l'exploitation des personnes se prostituant et à assurer le respect des modalités d'exercice de la prostitution. La décision attaquée ne viole donc manifestement pas le droit à la liberté économique de la recourante.
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9.4. Pour le reste, en tant que la recourante se prévaut du fait que la décision attaquée aurait pour effet d'interdire à ses sous-locataires d'exercer librement leur activité de prostitution, elle se plaint de la violation d'un droit fondamental appartenant à autrui, si bien que sa critique n'est pas pertinente.
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10. La recourante invoque enfin pêle-mêle le droit à un procès équitable (art. 6 CEDH) et le droit à la vie privée et familiale (art. 8 CEDH). Elle ne développe cependant aucune motivation suffisante à ce sujet. S'agissant de droits fondamentaux dont la motivation est soumise aux conditions strictes de l'art. 106 al. 2 LTF, le Tribunal fédéral ne saurait s'en saisir d'office, de sorte que les griefs sont irrecevables.
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11. Les considérants qui précèdent conduisent au rejet du recours traité comme un recours en matière de droit public, manifestement infondé, dans la faible mesure de sa recevabilité, en application de la procédure de l'art. 109 al. 3 LTF. Succombant, le recourante doit supporter les frais judiciaires (art. 66 al. 1 LTF). Il n'est pas alloué de dépens (art. 68 al. 3 LTF).
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Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce : | |
1. Le recours est rejeté dans la mesure de sa recevabilité.
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2. Les frais judiciaires, arrêtés à 2'000 fr., sont mis à la charge de la recourante.
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3. Le présent arrêt est communiqué à la recourante, au Département de la sécurité, de l'emploi et de la santé (DSES) de la République et canton de Genève, et à la Cour de justice de la République et canton de Genève, Chambre administrative.
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Lausanne, le 14 octobre 2020
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Au nom de la IIe Cour de droit public
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du Tribunal fédéral suisse
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Le Président : Seiler
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Le Greffier : Rastorfer
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