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Informationen zum Dokument  BGer 8C_732/2019  Materielle Begründung
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BGer 8C_732/2019 vom 19.10.2020
 
 
8C_732/2019
 
 
Arrêt du 19 octobre 2020
 
 
Ire Cour de droit social
 
Composition
 
MM. et Mme les Juges fédéraux Maillard, Président, Viscione et Abrecht.
 
Greffière : Mme Elmiger-Necipoglu.
 
Participants à la procédure
 
Caisse nationale suisse d'assurance en cas d'accidents (CNA), Fluhmattstrasse 1, 6004 Lucerne,
 
recourante,
 
contre
 
A.________,
 
représenté par Me Marc Mathey-Doret, avocat,
 
intimé.
 
Objet
 
Assurance-accidents (revenu de valide; revenu d'invalide),
 
recours contre le jugement de la Cour de justice de la République et canton de Genève, Chambre des assurances sociales, du 27 septembre 2019 (A/1053/2019 ATAS/887/2019).
 
 
Faits :
 
A. A.________, né en 1959, mécanicien électronicien de formation, a travaillé des nombreuses années en qualité d'informaticien, en dernier lieu pour la société B.________ SA où il occupait depuis le 1er septembre 2014 le poste de sous-directeur. En raison d'une restructuration pour des motifs économiques, son contrat de travail a été résilié au 31 décembre 2015.
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Le 14 juillet 2016, alors qu'il était en train de promener son chien, il a glissé sur un caillou et s'est réceptionné sur le coccyx. A l'époque de l'accident, il percevait des indemnités de l'assurance-chômage et était, à ce titre, assuré obligatoirement contre le risque d'accidents auprès de la Caisse nationale suisse d'assurance en cas d'accidents (CNA), laquelle a pris en charge le cas.
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Par décision du 29 juin 2018, la CNA a mis un terme au versement de l'indemnité journalière à partir du 1er septembre 2018, au motif qu'à partir de cette date, l'assuré était pleinement apte à reprendre son ancienne activité de responsable informatique. Cette décision a été confirmée sur opposition le 15 février 2019.
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B. Par jugement du 27 septembre 2019, la Cour de justice de la République et Canton de Genève a partiellement admis le recours interjeté par l'assuré contre la décision sur opposition du 15 février 2019, qu'elle a réformée en ce sens qu'elle lui a reconnu le droit à une rente d'invalidité fondée sur un taux de 14 %, la cause étant pour le surplus renvoyée à la CNA pour instruction complémentaire sur le droit éventuel de l'assuré à une indemnité pour atteinte à l'intégrité.
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C. La CNA forme un recours en matière de droit public contre ce jugement, en concluant à sa réforme en ce sens que le droit à une rente d'invalidité soit exclu. Elle sollicite en outre l'octroi de l'effet suspensif à son recours.
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L'intimé s'en rapporte à justice s'agissant de la recevabilité et du bien-fondé de la requête d'effet suspensif. Sur le fond, il ne se détermine pas. L'Office fédéral de la santé publique renonce à présenter ses déterminations.
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D. Par ordonnance du 7 janvier 2020, le juge instructeur a admis la requête d'effet suspensif.
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Considérant en droit :
 
1. 
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1.1. Le recours en matière de droit public est recevable contre les décisions finales, soit celles qui mettent fin à la procédure (art. 90 LTF), et contre les décisions partielles visées à l'art. 91 LTF, soit notamment celles qui statuent sur un objet dont le sort est indépendant de celui qui reste en cause (let. a). Les décisions de renvoi constituent des décisions incidentes qui ne peuvent en principe faire l'objet d'un recours au Tribunal fédéral qu'aux conditions de l'art. 93 LTF (ATF 133 V 477 consid. 4.2 p. 481 s.).
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1.2. En mettant l'intimé au bénéfice d'une rente d'invalidité de 14 %, la juridiction cantonale a définitivement statué sur cet objet, dont le sort est indépendant de celui qui reste en cause (droit à une indemnité pour atteinte à l'intégrité). Cette partie du jugement revêt les caractéristiques d'une décision partielle au sens de l'art. 91 let. a LTF, contre laquelle un recours est recevable (cf. ATF 135 III 212 consid. 1.2.1 p. 217; 133 V 477 consid. 4.1.2 p. 480 s.).
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1.3. Pour le surplus, le recours est dirigé contre un arrêt rendu en matière de droit public (art. 82 ss LTF) par une autorité cantonale de dernière instance (art. 86 al. 1 let. d LTF). Il a été déposé dans le délai (art. 100 LTF) prévu par la loi, si bien qu'il y a lieu d'entrer en matière.
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2. 
12
2.1. Le litige porte sur le droit de l'intimé à une rente d'invalidité pour les suites de l'accident du 14 juillet 2016.
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2.2. Dans la procédure de recours concernant l'octroi ou le refus de prestations en espèces de l'assurance-accidents, le Tribunal fédéral n'est pas lié par les faits établis par la juridiction précédente (art. 97 al. 2 et 105 al. 3 LTF).
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3. 
15
3.1. Selon l'art. 6 al. 1 LAA, les prestations d'assurance sont allouées en cas d'accident professionnel, d'accident non professionnel et de maladie professionnelle. Si l'assuré est invalide (art. 8 LPGA [RS 830.1]) à 10 % au moins ensuite d'un accident, il a droit à une rente d'invalidité (art. 18 al. 1 LAA). Pour évaluer le taux d'invalidité, le revenu que l'assuré aurait pu obtenir s'il n'était pas invalide est comparé avec celui qu'il pourrait obtenir en exerçant l'activité qui peut raisonnablement être exigée de lui après les traitements et les mesures de réadaptation, sur un marché du travail équilibré (art. 16 LPGA).
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3.2. Le revenu hypothétique de la personne valide se détermine en établissant, au degré de la vraisemblance prépondérante, ce qu'elle aurait effectivement pu réaliser au moment déterminant si elle était en bonne santé. Il doit être évalué de la manière la plus concrète possible; c'est pourquoi il se déduit en principe du salaire réalisé en dernier lieu par la personne assurée avant l'atteinte à la santé, en tenant compte de l'évolution des salaires jusqu'au moment de la naissance du droit à la rente (ATF 134 V 322 consid. 4.1 p. 325; 129 V 222 consid. 4.3.1 p. 224 et les références). Toutefois, lorsque la perte de l'emploi est due à des motifs étrangers à l'invalidité, le salaire doit être établi sur la base de valeurs moyennes (arrêt 8C_299/2020 du 10 août 2020 consid. 3 et ses références). Autrement dit, n'est pas déterminant pour la fixation du revenu hypothétique de la personne valide le salaire que la personne assurée réaliserait actuellement auprès de son ancien employeur, mais bien plutôt celui qu'elle réaliserait si elle n'était pas devenue invalide (arrêt 8C_709/2018 du 18 juin 2019 consid. 3 et la référence; ULRICH MEYER/MARCO REICHMUTH, Bundesgesetz über die Invalidenversicherung [IVG], 3e éd. 2014, n° 50 ad art. 28a; MICHEL VALTERIO, Droit de l'assurance-vieillesse et survivants [AVS] et de l'assurance-invalidité [AI], 2011, p. 552 n. 2082).
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3.3. Le revenu d'invalide doit être évalué avant tout en fonction de la situation professionnelle concrète de l'assuré. En l'absence d'un revenu effectivement réalisé - soit lorsque la personne assurée, après la survenance de l'atteinte à la santé, n'a pas repris d'activité lucrative ou alors aucune activité normalement exigible -, le revenu d'invalide peut notamment être évalué sur la base de salai res fondés sur les données statistiques résultant de l'Enquête suisse sur la structure des salaires (ESS). Dans ce cas, il y a lieu d'utiliser les données statistiques les plus récentes (ATF 143 V 295 consid. 2.3 p. 297 et les arrêts cités), en les indexant le cas échéant sur l'évolution des salaires selon l'indice des salaires nominaux jusqu'à la naissance du droit à la rente (ATF 129 V 222 consid. 4.4 p. 225; arrêt 8C_266/2016 du 15 mars 2017 consid. 5.2.3).
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3.4. Aux fins de déterminer le revenu d'invalide, les salaires fixés sur la base des données statistiques de l'ESS peuvent à certaines conditions faire l'objet d'un abattement de 25 % au plus. Selon la jurisprudence, la mesure dans laquelle les salaires ressortant des statistiques doivent être réduits dépend de l'ensemble des circonstances personnelles et professionnelles du cas particulier (limitations liées au handicap, âge, années de service, nationalité/catégorie d'autorisation de séjour et taux d'occupation). Une déduction globale maximale de 25 % sur le salaire statistique permet de tenir compte des différents éléments qui peuvent influencer le revenu d'une activité lucrative (ATF 135 V 297 consid. 5.2 p. 301; 134 V 322 consid. 5.2 p. 327 s.; 126 V 75 consid. 5b/aa-cc p. 79 s.). Il n'y a pas lieu de procéder à des déductions distinctes pour chacun des facteurs entrant en considération; il faut bien plutôt procéder à une évaluation globale, dans les limites du pouvoir d'appréciation, des effets de ces facteurs sur le revenu d'invalide, compte tenu de l'ensemble des circonstances du cas concret (ATF 126 V 75 précité consid. 5b/bb p. 80; arrêt 8C_175/2020 du 22 septembre 2020 consid. 3.2 s.).
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3.5. Savoir s'il convient de procéder à un abattement sur le salaire statistique en raison des circonstances du cas particulier constitue une question de droit que le Tribunal fédéral peut revoir librement (ATF 137 V 71 consid. 5.1 p. 72).
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4. 
21
4.1. En vue de déterminer une éventuelle perte de gain, la cour cantonale a d'abord examiné si l'activité exercée par l'intimé avant la survenance de l'accident du 14 juillet 2016 était adaptée à son état de santé. Constatant qu'en raison de l'instabilité persistante du coccyx, l'intimé ne pouvait plus s'occuper d'installations d'ordinateurs et porter des charges, elle a conclu que ce travail n'était plus adapté à son état de santé. Pour déterminer le revenu d'invalide, la cour cantonale s'est fondée sur les salaires statistiques de l'ESS 2016, plus particulièrement sur la table TA1. Elle a pris pour base le salaire mensuel auquel peuvent prétendre les hommes (Total) du niveau de compétence 3, soit 7183 fr., montant qu'elle a ensuite adapté à la durée normale du travail en Suisse en 2016 (41,7 heures) puis multiplié par 12 pour obtenir un salaire annuel de 89'859 fr. 33. De ce montant, elle a déduit 10 % à titre d'abattement en raison des limitations fonctionnelles, obtenant ainsi un revenu d'invalide de 80'873 fr. 40. Quant au revenu sans invalidité, la cour cantonale l'a fixé à 97'500 fr. sur la base du dernier salaire de l'intimé (13 x 7500 fr.). La comparaison des deux revenus aboutissait à un taux d'invalidité de 13.97 %.
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4.2. La CNA reproche aux premiers juges d'avoir constaté les faits de manière inexacte et d'avoir procédé à une mauvaise appréciation des preuvesen retenant que l'activité de sous-directeur informatique, consistant à installer des ordinateurs et à porter des charges, n'était plus adaptée à l'état de santé de l'intimé. Toutefois, la question de savoir si la dernière activité exercée par l'intimé était adaptée à son état de santé ensuite de l'accident du 14 juillet 2016 n'est pas déterminante pour l'issue du litige. En effet, dans la mesure où l'intimé n'a pas repris d'activité lucrative après la survenance de l'atteinte à la santé, le revenu d'invalide doit être évalué sur la base des salaires statistiques résultant de l'ESS (cf. consid. 3.3 supra).
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4.3. S'agissant du revenu d'invalide, il n'est pas contesté que celui-ci doit être déterminé sur la base des salaires statistiques ESS 2016, TA1, Total Hommes, niveau de compétence 3, soit un montant mensuel de 7183 fr. Il est également constant qu'après adaptation de ce montant à la durée normale du travail en Suisse (Total: 41,7 heures), il résulte un revenu annuel de 89'859 fr. 33. A juste titre, la CNA fait grief à la cour cantonale d'avoir omis d'indexer ce montant à l'année 2018, soit au moment de la naissance du droit éventuel à une rente d'invalidité (1er septembre 2018; cf. consid. 3.3 supra). En effet, dans la mesure où les données statistiques pour 2018 n'étaient pas encore connues, il aurait fallu adapter le revenu à l'évolution des salaires selon l'indice des salaires nominaux (Total: + 0,4 % pour 2017 et + 0,5 % pour 2018; T.1.1.15 Indice des salaires nominaux, hommes, 2016 - 2018, publié par l'OFS), ce qui aboutit à un revenu d'invalide de 90'669 fr. 86.
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4.4. Quant au revenu sans invalidité, la recourante fait valoir que c'est à tort que la cour cantonale s'est référée au salaire versé par l'ancien employeur. En l'occurrence, il est établi que l'intimé a perdu son emploi pour des motifs étrangers à l'invalidité, de sorte que le revenu qu'il percevait auprès de son dernier employeur n'est pas déterminant (cf. consid. 3.2 supra). Compte tenu de sa grande expérience en matière informatique, il convient de se fonder, avec la CNA, sur les salaires moyens des données statistiques de l'ESS. Sur la base de la TA1 2016, branche 62-63 "Activ. informatiques et services d'information", niveau de compétence 3, homme, il convient de retenir un revenu mensuel de 7419 fr. pour 2016. Ce montant doit être adapté à la durée normale du travail dans la branche susmentionnée, qui est de 41,3 heures par semaine (Tableau T03.02.03.01.04.01 sur la durée normale du travail dans les entreprises selon la division économique, publié par l'OFS), multiplié par 12, puis indexé sur l'évolution des salaires nominaux (+ 0,9 % pour 2017 et + 1,4 % pour 2018), de sorte que le revenu d'invalide doit être fixé à 94'047 fr. 18.
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4.5. Enfin, la recourante reproche à la cour cantonale d'avoir violé le droit en opérant une déduction sur le revenu d'invalide, dès lors que les limitations fonctionnelles n'auraient aucune influence négative sur la capacité de gain dans la catégorie de salaire retenue.
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Le grief est bien fondé. Le point de savoir s'il se justifie de procéder à un abattement sur le salaire statistique en raison des limitations fonctionnelles dépend de la nature de celles-ci; une réduction à ce titre n'entre en considération que si, dans un marché du travail équilibré, il n'y a plus un éventail suffisamment large d'activités accessibles à l'assuré (arrêts 8C_549/2019 du 26 novembre 2019 consid. 7.7; 8C_661/2018 du 28 octobre 2019 consid. 3.3.4.3). En l'espèce, il ressort du rapport de l'examen final par le médecin d'arrondissement du 26 juin 2018 que l'assuré est en mesure de reprendre progressivement une activité professionnelle dans une activité alternant les positions assise et debout, comportant l'utilisation de la bureautique, le port de charge étant limité à 10 kg ponctuellement et la position agenouillée n'étant pas possible. Or on ne voit pas en quoi ces limitations seraient de nature à entraver la capacité de gain de l'intimé sur un marché du travail équilibré dans le niveau de compétence qui requiert des tâches pratiques complexes nécessitant un vaste ensemble de connaissances dans le domaine de l'informatique (niveau de compétence 3). Un abattement sur le revenu d'invalide n'est dès lors pas justifié.
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5. En conclusion, la comparaison des revenus de valide (94'047 fr. 18) et d'invalide (90'669 fr. 86) ne fait apparaître qu'un degré d'invalidité de 3,59 %, qui est insuffisant pour ouvrir le droit à une rente d'invalidité (art. 18 al. 1 LAA). Le recours, bien fondé, doit par conséquent être admis.
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6. Vu l'issue du litige, les frais judiciaires doivent être mis à la charge de l'intimé (art. 66 al.1 LTF). Il n'y a pas lieu d'allouer des dépens à la recourante (art. 68 al. 3 LTF).
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Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :
 
1. Le recours est admis. La décision de la Cour de justice de la République et canton de Genève, Chambre des assurances sociales, du 27 septembre 2019 est annulée en tant qu'elle reconnaît à l'intimé le droit à une rente d'invalidité de 14 %. La décision sur opposition de la CNA du 15 février 2019 est confirmée.
 
2. Les frais judiciaires, arrêtés à 800 fr., sont mis à la charge de l'intimé.
 
3. La cause est renvoyée à la Cour de justice de la République et canton de Genève, Chambre des assurances sociales, pour nouvelle décision sur les dépens de la procédure antérieure.
 
4. Le présent arrêt est communiqué aux parties, à la Cour de justice de la République et canton de Genève, Chambre des assurances sociales, et à l'Office fédéral de la santé publique.
 
Lucerne, le 19 octobre 2020
 
Au nom de la Ire Cour de droit social
 
du Tribunal fédéral suisse
 
Le Président : Maillard
 
La Greffière : Elmiger-Necipoglu
 
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