BGer 6B_679/2020 | |||
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BGer 6B_679/2020 vom 03.11.2020 |
6B_679/2020 |
Arrêt du 3 novembre 2020 |
Cour de droit pénal | |
Composition
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M. et Mmes les Juges fédéraux Denys, Président,
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Jacquemoud-Rossari et van de Graaf.
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Greffier : M. Graa.
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Participants à la procédure
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A.________,
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représenté par Me François Roullet, avocat,
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recourant,
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contre
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1. Ministère public de la République et canton de Genève,
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2. B.________,
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représentée par Me Cyrielle Friedrich, avocate,
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intimés.
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Objet
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Ordonnance de classement; arbitraire; droit d'être entendu,
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recours contre l'arrêt de la Cour de justice de la République et canton de Genève, Chambre pénale de recours, du 7 mai 2020 (ACPR/289/2020 P/22505/2014).
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Faits : | |
A. Le 17 novembre 2014, A.________ a déposé plainte contre son épouse B.________, pour abus de confiance et contrainte. En substance, il a exposé qu'il avait, en 2009, déposé dans un coffre auprès de la banque C.________ différents biens essentiellement hérités de ses parents, soit six lingots d'or d'un kg, cinq lingots d'argent de 200 g, deux montres gousset anciennes en or, un diamant de 0,6 carat, six diamants de 0,1 carat, 30 napoléons en or, 12 pièces mexicaines en or, un collier en or et quatre pièces d'or de 100 euros 2001. Le contrat de location du coffre était daté de juillet 2009, de même que la procuration conférée à B.________. Depuis 2011, le couple avait rencontré des difficultés puis avait entrepris, dans le courant de l'année 2014, des démarches en vue d'un divorce à l'amiable. Alors que A.________ était en vacances, son épouse avait subitement déposé une requête de mesures protectrices de l'union conjugale. Surpris de ce revirement, le prénommé avait commencé à douter de B.________ et s'était rendu au coffre, en août 2014, pour constater que celui-ci avait été intégralement vidé.
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Par ordonnance du 11 juillet 2019, le Ministère public de la République et canton de Genève a classé l'instruction ouverte contre B.________, à la suite de cette plainte, pour abus de confiance et tentative de contrainte.
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B. Par arrêt du 7 mai 2020, la Chambre pénale de recours de la Cour de justice genevoise a rejeté le recours formé par A.________ contre cette ordonnance.
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C. A.________ forme un recours en matière pénale au Tribunal fédéral contre l'arrêt du 7 mai 2020, en concluant, avec suite de frais et dépens, à son annulation après constat de l'établissement arbitraire des faits et de la violation de son droit d'être entendu par la cour cantonale, et au renvoi de la cause à l'autorité cantonale en vue de la saisie des registres des visites du coffre no xxx ouvert auprès de la banque C.________ et de l'audition du responsable de la salle des coffres dans cette banque.
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Considérant en droit : |
Erwägung 1 | |
1.1. Selon l'art. 81 al. 1 let. a et b ch. 5 LTF, la partie plaignante qui a participé à la procédure de dernière instance cantonale est habilitée à recourir au Tribunal fédéral, si la décision attaquée peut avoir des effets sur le jugement de ses prétentions civiles. Constituent de telles prétentions celles qui sont fondées sur le droit civil et doivent en conséquence être déduites ordinairement devant les tribunaux civils. Il s'agit principalement des prétentions en réparation du dommage et du tort moral au sens des art. 41 ss CO. En vertu de l'art. 42 al. 1 LTF, il incombe à la partie recourante d'alléguer les faits qu'elle considère comme propres à fonder sa qualité pour recourir. Lorsque le recours est dirigé contre une décision de non-entrée en matière ou de classement de l'action pénale, la partie plaignante n'a pas nécessairement déjà pris des conclusions civiles. Quand bien même la partie plaignante aurait déjà déclaré des conclusions civiles (cf. art. 119 al. 2 let. b CPP), il n'en reste pas moins que le ministère public qui refuse d'entrer en matière ou prononce un classement n'a pas à statuer sur l'aspect civil (cf. art. 320 al. 3 CPP). Dans tous les cas, il incombe par conséquent à la partie plaignante d'expliquer dans son mémoire au Tribunal fédéral quelles prétentions civiles elle entend faire valoir contre l'intimé. Comme il n'appartient pas à la partie plaignante de se substituer au ministère public ou d'assouvir une soif de vengeance, la jurisprudence entend se montrer restrictive et stricte, de sorte que le Tribunal fédéral n'entre en matière que s'il ressort de façon suffisamment précise de la motivation du recours que les conditions précitées sont réalisées, à moins que l'on puisse le déduire directement et sans ambiguïté compte tenu notamment de la nature de l'infraction alléguée (ATF 141 IV 1 consid. 1.1 p. 4).
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1.2. En l'espèce, le recourant indique avoir été directement lésé par la soustraction des avoirs dont il se plaint, laquelle lui aurait causé un préjudice de 604'923 fr. 20, dont il entend demander la réparation à la personne ayant vidé son coffre.
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Au vu de ce qui précède, le recourant a qualité pour recourir au Tribunal fédéral - au regard de l'art. 81 al. 1 let. b ch. 5 LTF - s'agissant d'une éventuelle infraction patrimoniale dont il aurait pu être la cible.
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2. Le recourant reproche à la cour cantonale d'avoir établi les faits de manière arbitraire.
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2.1. Le Tribunal fédéral statue sur la base des faits établis par l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF), à moins qu'ils aient été établis en violation du droit ou de manière manifestement inexacte au sens des art. 97 al. 1 et 105 al. 2 LTF, soit pour l'essentiel de façon arbitraire au sens de l'art. 9 Cst. (ATF 145 IV 154 consid. 1.1 p. 155 s.). L'établissement de l'état de fait incombe principalement au juge matériellement compétent pour se prononcer sur la culpabilité du prévenu. Le ministère public et l'autorité de recours n'ont dès lors pas, dans le cadre d'une décision de classement d'une procédure pénale, respectivement à l'encontre d'un recours contre une telle décision, à établir l'état de fait comme le ferait le juge du fond. Des constatations de fait sont admises au stade du classement, dans le respect du principe "in dubio pro duriore", soit dans la mesure où les faits sont clairs, respectivement indubitables, de sorte qu'en cas de mise en accusation ceux-ci soient très probablement constatés de la même manière par le juge du fond. Tel n'est pas le cas lorsqu'une appréciation différente par le juge du fond apparaît tout aussi vraisemblable. Le principe "in dubio pro duriore" interdit ainsi au ministère public, confronté à des preuves non claires, d'anticiper sur l'appréciation des preuves par le juge du fond. L'appréciation juridique des faits doit en effet être effectuée sur la base d'un état de fait établi en vertu du principe "in dubio pro duriore", soit sur la base de faits clairs (ATF 143 IV 241 consid. 2.3.2 p. 244 et les références citées). L'art. 97 al. 1 LTF est également applicable aux recours en matière pénale contre les décisions de classement ou confirmant de telles décisions. Saisi d'un tel recours, le Tribunal fédéral examine sous l'angle de l'arbitraire l'appréciation des preuves opérée par l'autorité précédente en application du principe "in dubio pro duriore" (ATF 143 IV 241 consid. 2.3.3 p. 245 ss), si l'autorité précédente a arbitrairement jugé la situation probatoire claire ou a admis arbitrairement que certains faits étaient clairement établis (ATF 143 IV 241 consid. 2.3.2 p. 244 s.). Les critiques de nature appellatoire sont irrecevables (ATF 145 IV 154 consid. 1.1 p. 156).
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2.2. La cour cantonale a exposé que la banque C.________ avait insisté sur l'absence de garantie de fiabilité et d'exhaustivité de la liste des passages au coffre qu'elle avait transmise au recourant. Ainsi, depuis l'ouverture du compte concerné en juillet 2009, on ignorait quelles visites avaient exactement été faites. Quatre visites avaient probablement eu lieu à partir de 2012, dont trois en juin et août 2014. Il n'était pas possible d'exclure l'existence d'autres visites, hypothèse non dénuée de sens dans la mesure où le couple possédait des biens de valeur qu'il pouvait souhaiter retirer ou placer dans le coffre. Par ailleurs, à défaut de registre nominatif, il n'était pas possible de déterminer qui avait été l'auteur des différentes visites effectuées. S'il avait pu être établi que l'intimée s'y était rendue en 2012 puis en juin 2014, tandis que le recourant y était allé en août 2014 à deux reprises, on ignorait si l'un des deux avait pu s'y rendre à une autre date. Seules les déclarations des parties pourraient ainsi renseigner sur ces passages. Il n'était cependant pas possible de se fier aux souvenirs des intéressés. Ceux de l'intimée n'étaient pas fiables, car cette dernière ne savait plus combien de fois elle s'était rendue au coffre avec son époux, pensait - sans certitude - y avoir déposé des bijoux, cela éventuellement en février 2012, et avait donné des indications imprécises concernant la visite de juin 2014. L'état de santé de l'intimée, laquelle présentait un stress traumatique, pouvait expliquer cette confusion. Les souvenirs du recourant n'étaient pas plus fiables, car ce dernier s'était trompé, devant le ministère public, sur la date à laquelle il s'était rendu à la banque pour délivrer la procuration à son épouse, avait déclaré ne pas y être allé depuis 2009 ou 2010, mais avait prétendu, devant le juge des mesures protectrices de l'union conjugale, que son dernier passage remontait à février 2012, ce qui avait été infirmé par d'autres éléments. Par ailleurs, le recourant et l'intimée avaient livré des explications fluctuantes et contradictoires concernant le contenu du coffre, lequel n'avait pu être précisément déterminé par pièces. Pour l'autorité précédente, rien ne permettait donc d'affirmer - avec suffisamment de vraisemblance pour justifier un renvoi en jugement - que l'intimée aurait vidé le coffre, le 20 février 2012, le 25 juin 2014 ou encore à une autre date, ni de déterminer quels objets auraient pu être dérobés. Aucun acte d'instruction n'était propre à clarifier les déclarations des parties, particulièrement dans un contexte aussi conflictuel que celui dans lequel évoluaient celles-ci.
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2.3. Le recourant conteste qu'il aurait été impossible d'établir exactement les dates de toutes les visites du coffre effectuées ainsi que leur auteur. Il commence par présenter une chronologie des événements qui ressort également de l'arrêt attaqué, en affirmant en particulier que l'intimée s'est rendue auprès du coffre en février 2012, puis en juin 2014, ce qu'a admis la cour cantonale. Le recourant affirme ensuite, de manière purement appellatoire et, partant, irrecevable, qu'il aurait constaté en août 2014 que le coffre avait été vidé, se référant uniquement à ses propres déclarations en procédure sur ce point. Il poursuit en admettant que, selon la banque, aucun registre nominatif des visites des coffres n'était tenu, et que des visites avaient - sans garantie d'exhaustivité - eu lieu les 20 février 2012, 25 juin, 15 et 18 août 2014. Les conclusions qu'il tire de ces éléments - selon lesquelles le coffre était plein le 20 février 2012, aucune visite n'ayant eu lieu entre cette date et le 25 juin 2014 - sont cependant appellatoires, puisqu'elles reposent sur des conjectures qui n'ont pas été retenues par la cour cantonale, notamment en raison des indications de la banque relatives à l'exhaustivité des données transmises. Le recourant ne met ainsi aucunement en évidence un élément qui aurait arbitrairement été jugé clairement établi par l'autorité précédente, la prétendue soustraction d'objets dont il se plaint reposant en définitive sur ses uniques allégations.
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S'agissant du contenu du coffre, le recourant détaille - de manière appellatoire - les différents objets qui y auraient été déposés, pour affirmer que des valeurs d'un montant dépassant 600'000 fr. auraient été placées à cet endroit. On ne perçoit pas l'intérêt de cette argumentation, puisque le contenu exact du coffre et la valeur des objets concernés ne constituaient aucunement des éléments décisifs dans l'état de fait de la cour cantonale ayant fondé le classement de la procédure (cf. art. 97 al. 1 LTF). Il en va de même lorsque le recourant évoque le contenu de la convention signée avec l'intimée le 28 avril 2016 concernant les effets accessoires de leur divorce ainsi que les circonstances qui l'auraient amené à accepter de ne pas faire mention - dans ce document - de la procédure pénale impliquant les époux. Cet aspect ne fait aucunement apparaître comme arbitraire l'état de fait de la cour cantonale, ayant permis à celle-ci de conclure à l'absence d'indices pointant la commission d'une infraction par l'intimée.
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Le grief doit ainsi être rejeté dans la mesure où il est recevable.
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3. Le recourant reproche à l'autorité précédente d'avoir violé son droit d'être entendu en refusant d'administrer les preuves requises.
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3.1. Le droit d'être entendu, tel qu'il est garanti par l'art. 29 al. 2 Cst., comprend notamment pour le justiciable le droit d'obtenir l'administration des preuves pertinentes et valablement offertes, de participer à l'administration des preuves essentielles et de se déterminer sur son résultat lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre (ATF 145 I 73 consid. 7.2.2.1 p. 103). En procédure pénale, l'art. 318 al. 2 CPP prévoit que le ministère public ne peut écarter une réquisition de preuves que si celle-ci exige l'administration de preuves sur des faits non pertinents, notoires, connus de l'autorité pénale ou déjà suffisamment prouvés en droit. Selon l'art. 139 al. 2 CPP, il n'y a pas lieu d'administrer des preuves sur des faits non pertinents, notoires, connus de l'autorité pénale ou déjà suffisamment prouvés. Le législateur a ainsi consacré le droit des autorités pénales de procéder à une appréciation anticipée des preuves. Le magistrat peut renoncer à l'administration de certaines preuves, notamment lorsque les faits dont les parties veulent rapporter l'authenticité ne sont pas importants pour la solution du litige. Ce refus d'instruire ne viole le droit d'être entendu que si l'appréciation anticipée de la pertinence du moyen de preuve offert, à laquelle le juge a ainsi procédé, est entachée d'arbitraire (ATF 144 II 427 consid. 3.1.3 p. 435; 141 I 60 consid. 3.3 p. 64; 136 I 229 consid. 5.3 p. 236).
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3.2. L'autorité précédente a exposé que même si le recourant n'avait pas été convaincu par les explications de la banque, celle-ci avait affirmé ne disposer d'aucune autre information que celles déjà fournies. Une saisie du registre des coffres était ainsi inutile, tout comme l'audition du responsable de la salle des coffres. Ces mesures d'instruction ne seraient de toute manière pas propres à déterminer ce qui avait été déposé dans le coffre ni ce qui en aurait été retiré, ou encore à quelle date.
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3.3. Le recourant affirme que les mesures d'instruction requises permettraient de "déterminer les mouvements des biens" qui se trouvaient dans le coffre. On ne voit cependant pas quelles informations pourraient être, sur ce point, tirées des preuves dont l'administration est demandée, puisque le recourant prétend tout au plus qu'il serait possible de s'assurer qu'il n'aurait pas existé d'autres visites du coffre que celles déjà annoncées par la banque. Or, comme l'a relevé la cour cantonale, même s'il pouvait être établi que seules les visites déjà connues ont eu lieu durant la période concernée, cela ne permettrait aucunement de savoir ce qui était déposé à la banque ni d'appréhender quand et par qui des valeurs auraient pu être retirées. On ne distingue donc aucun arbitraire dans l'appréciation anticipée des preuves à laquelle s'est livrée l'autorité précédente.
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Le grief doit être rejeté.
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4. Le recours doit être rejeté dans la mesure où il est recevable. Le recourant, qui succombe, supporte les frais judiciaires (art. 66 al. 1 LTF). L'intimée, qui n'a pas été invitée à se déterminer, ne saurait prétendre à des dépens.
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Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce : | |
1. Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable.
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2. Les frais judiciaires, arrêtés à 3'000 fr., sont mis à la charge du recourant.
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3. Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la Cour de justice de la République et canton de Genève, Chambre pénale de recours.
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Lausanne, le 3 novembre 2020
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Au nom de la Cour de droit pénal
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du Tribunal fédéral suisse
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Le Président : Denys
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Le Greffier : Graa
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