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Informationen zum Dokument  BGer 4A_535/2020  Materielle Begründung
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BGer 4A_535/2020 vom 03.12.2020
 
 
4A_535/2020
 
 
Arrêt du 3 décembre 2020
 
 
Ire Cour de droit civil
 
Composition
 
Mmes les Juges fédérales
 
Kiss, présidente, Hohl et Niquille.
 
Greffière: Mme Raetz.
 
Participants à la procédure
 
A.________,
 
représentée par Me Raphaël Roux,
 
recourante,
 
contre
 
B.________ AG,
 
représentée par Me Romain Jouval,
 
intimée.
 
Objet
 
contrat de bail; résiliation anticipée,
 
recours contre l'arrêt rendu le 8 septembre 2020 par la Cour civile du Tribunal cantonal du canton du Jura (CC 12/2020).
 
 
Faits :
 
 
A.
 
A.a. A.________ (ci-après: la locataire) et B.________ AG (ci-après: la bailleresse) ont conclu un premier contrat de bail le 5 avril 2016, portant sur le bâtiment de l'ancienne... de l'entreprise B.________, situé à xxx. Les espaces verts entourant la chose louée et 22 places de parc étaient inclus dans le contrat de bail. Celui-ci prévoyait une échéance de la location au 31 décembre 2016 en cas de non-réalisation de certaines conditions. La bailleresse a " résilié " le bail pour cette date, en invoquant notamment le mauvais entretien de l'objet loué et des constructions réalisées sans son autorisation.
1
A.b. Dans le cadre de la procédure judiciaire en contestation du congé intentée par la locataire, les parties ont conclu un nouveau contrat de bail, daté du 19 juin 2017. Le bail prenait effet le 1er janvier 2017, pour une durée déterminée de 10 ans, avec un loyer mensuel de 500 fr. pendant les cinq premières années, puis de 1'000 francs.
2
L'art. 6 du contrat prévoyait en substance que l'objet loué se trouvait à l'entrée d'une entreprise industrielle internationale. Partant, la bailleresse souhaitait que les alentours de l'objet loué soient tenus propres et ordrés. La locataire s'engageait à maintenir ces alentours exempts de déchets. Selon l'art. 7 § 1, elle s'engageait également à ne pas modifier l'aspect extérieur du bâtiment loué sans l'accord préalable écrit de la bailleresse.
3
A.c. Les parties ont procédé à divers échanges de courriers entre le 5 février 2018 et le 4 février 2019.
4
En substance, la bailleresse a reproché à la locataire de ne pas respecter les termes du contrat, a requis qu'elle débarrasse divers éléments (caravanes, déchets, etc.) et démolisse les constructions réalisées sans son accord (poulailler, etc.), sous menace de résiliation du contrat de bail. Par courrier du 26 septembre 2018, la bailleresse a fixé à la locataire un ultime délai au 15 octobre 2018 afin qu'elle régularise la situation.
5
La locataire a pour sa part affirmé respecter les modalités du contrat. Le 15 octobre 2018, elle a informé avoir évacué un bus et a sollicité un délai supplémentaire s'agissant des caravanes.
6
A.d. Par la suite, un constat notarié portant sur l'état extérieur et les alentours de l'immeuble a été établi à la demande de la bailleresse.
7
A.e. Le 17 décembre 2018, sur formule officielle, la bailleresse a résilié le contrat de bail pour le 31 janvier 2019, en invoquant l'art. 257f CO. Dans un courrier subséquent, elle a précisé que la locataire ne s'était pas conformée à ses obligations légales et contractuelles. Il s'agissait notamment de la présence de déchets aux alentours de la chose louée, d'installations construites sans son accord et de l'utilisation des places de parc comme logement.
8
 
B.
 
B.a. Au bénéfice d'une autorisation de procéder, la locataire a formé une demande en annulation de la résiliation auprès du Tribunal des baux à loyer et à ferme du canton du Jura.
9
Par jugement du 31 octobre 2019, le tribunal a rejeté la demande et a fixé la fin du bail au 31 mars 2020, pour tenir compte d'un éventuel appel. Il a retenu que les conditions permettant une résiliation au sens de l'art. 257f al. 3 CO étaient réalisées, de sorte que le congé était valable (art. 271a al. 3 let. c CO).
10
B.b. Statuant le 8 septembre 2020, la Cour civile du Tribunal cantonal jurassien a rejeté l'appel formé par la locataire et confirmé le jugement attaqué.
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C.
 
La locataire (ci-après: la recourante) a exercé un recours en matière civile au Tribunal fédéral, assorti d'une requête d'effet suspensif. Elle a conclu à l'annulation du congé litigieux, subsidiairement au constat de l'inefficacité de celui-ci.
12
La bailleresse (ci-après: l'intimée) a conclu au rejet de la requête d'effet suspensif et l'autorité précédente s'en est remise à justice sur ce point. Elles n'ont pas été invitées à se déterminer sur le fond.
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Considérant en droit :
 
 
Erwägung 1
 
Les conditions de recevabilité du recours en matière civile sont réalisées sur le principe, notamment celles afférentes à la valeur litigieuse minimale de 15'000 fr. (art. 74 al. 1 let. a LTF) et au délai de recours (art. 45 al. 1 et art. 100 al. 1 LTF).
14
 
Erwägung 2
 
2.1. Le recours peut être formé pour violation du droit fédéral (art. 95 let. a LTF). Le Tribunal fédéral applique le droit d'office (art. 106 al. 1 LTF). Eu égard, toutefois, à l'exigence de motivation qu'impose l'art. 42 al. 2 LTF, sous peine d'irrecevabilité (art. 108 al. 1 let. b LTF), il n'examine que les griefs invoqués, sauf en cas d'erreurs juridiques manifestes (ATF 140 III 115 consid. 2).
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2.2. Le Tribunal fédéral statue sur la base des faits établis par l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF). Il ne peut rectifier ou compléter les constatations de l'autorité précédente que si elles sont manifestement inexactes ou découlent d'une violation du droit au sens de l'art. 95 LTF (art. 105 al. 2 LTF). " Manifestement inexactes " signifie ici " arbitraires " (ATF 140 III 115 consid. 2; 135 III 397 consid. 1.5). Encore faut-il que la correction du vice soit susceptible d'influer sur le sort de la cause (art. 97 al. 1 LTF).
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2.3. La recourante reproche à la cour cantonale d'avoir établi certains faits en violation du droit fédéral, d'avoir omis plusieurs points et d'avoir indiqué à une reprise une date erronée. Il n'y a pas lieu d'examiner plus avant ces différents éléments, dès lors qu'ils n'ont pas d'incidence sur le sort de la cause, au vu des considérations qui suivent (cf. consid. 4 et 5
17
 
Erwägung 3
 
Le litige porte sur la validité de la résiliation anticipée du contrat de bail conclu le 19 juin 2017.
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Erwägung 4
 
4.1. La recourante reproche d'abord à l'instance précédente d'avoir violé l'art. 257f al. 3 CO en admettant la validité du congé litigieux.
19
4.2. Aux termes de l'art. 257f al. 3 CO, lorsque le maintien du bail est devenu insupportable pour le bailleur ou les personnes habitant la maison parce que le locataire, nonobstant une protestation écrite du bailleur, persiste à enfreindre son devoir de diligence ou à manquer d'égards envers les voisins, le bailleur peut résilier le contrat avec effet immédiat; les baux d'habitation et de locaux commerciaux peuvent être résiliés moyennant un délai de congé minimum de 30 jours pour la fin d'un mois.
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La résiliation prévue par l'art. 257f al. 3 CO suppose la réalisation des cinq conditions cumulatives suivantes: (1) une violation du devoir de diligence incombant au locataire, (2) un avertissement écrit préalable du bailleur, (3) la persistance du locataire à ne pas respecter son devoir en relation avec le manquement évoqué par le bailleur dans sa protestation, (4) le caractère insupportable du maintien du contrat pour le bailleur et, enfin, (5) le respect d'un préavis de trente jours pour la fin d'un mois (arrêt 4A_140/2019 du 26 septembre 2019 consid. 4.1 et les références citées).
21
4.3. S'agissant de la première condition, la recourante fait grief à la cour cantonale d'avoir retenu qu'elle avait enfreint les art. 6 et 7 du contrat de bail. L'instance précédente aurait procédé à une interprétation insoutenable de ce contrat, violant l'art. 18 CO au point d'être arbitraire.
22
La cour cantonale a constaté que le mauvais entretien des alentours de la chose louée faisait déjà partie des griefs ayant conduit à la résiliation du premier contrat de bail. L'art. 6 du nouveau contrat précisait que " l'objet loué marqu[ait] l'entrée d'une entreprise industrielle internationale; partant, [la bailleresse] souhait[ait] que les alentours de l'objet loué soient tenus propres et ordrés ". Cela démontrait que l'intimée tenait à clarifier ses attentes et les raisons pour lesquelles elle vouait une importance particulière à l'aspect des extérieurs du bâtiment. La recourante ne pouvait, de bonne foi, ignorer que l'intimée avait une autre approche de la notion de " propre et ordré ", et qu'en persistant dans cette attitude, elle violerait l'art. 6 du contrat. La cour cantonale a retenu, sur la base du constat notarié, que plusieurs objets pouvaient être qualifiés de déchets et que la vision globale des alentours de la chose louée laissait un sentiment de déchetterie, ne permettant pas d'admettre qu'ils étaient tenus de manière conforme aux dispositions contractuelles. La cour cantonale a encore relevé que la recourante n'avait pas contesté avoir construit plusieurs installations sans l'accord préalable de l'intimée, alors que l'art. 7 § 1 du contrat prévoyait la nécessité d'un tel accord.
23
La recourante soutient que l'art. 6 du contrat ne pouvait s'interpréter que comme exprimant l'idée que la chose louée était délivrée dans un certain état de propreté, qui devait être conservé, mais pas amélioré. Ce faisant, elle ne fait qu'opposer sa propre opinion à l'appréciation de l'autorité précédente et ne parvient en aucun cas à démontrer que celle-ci aurait erré en retenant les considérations précitées. Il en va de même s'agissant des autres allégations de la recourante, notamment en lien avec l'interprétation du terme " déchet ".
24
La recourante affirme encore que l'art. 7 § 1 du contrat ne s'applique qu'aux constructions futures, et non à celles déjà existantes au moment de la conclusion du second bail. Elle ajoute que l'intimée n'avait pas prouvé que les éléments litigieux étaient absents à ce moment-là. Cependant, elle perd de vue que selon les constatations de la cour cantonale, le poulailler et la cabane à déchets ont été érigés postérieurement à la conclusion du second contrat de bail, faits que la recourante n'a pas critiqués par une motivation précise et circonstanciée.
25
4.4. Concernant les deuxième et troisième conditions, la recourante fait valoir d'une part que les protestations de l'intimée n'étaient pas claires, et d'autre part qu'au moment de la notification de la résiliation, elle n'enfreignait plus son devoir de diligence.
26
Ces griefs sont à l'évidence infondés. L'autorité cantonale retient expressément que l'intimée s'est adressée quatre fois à la recourante en lui impartissant des délais pour se conformer à ses obligations contractuelles, et qu'elle a dressé à trois reprises une liste des travaux à entreprendre sous peine de résiliation du contrat. La recourante ne conteste pas ces faits, ni que l'acte notarié, établi après l'ultime délai fixé au 15 octobre 2018, constatait que les demandes émises par l'intimée n'avaient pas été satisfaites. La recourante se prévaut des efforts qu'elle aurait réalisés - postérieurement au délai précité - en lien avec les véhicules stationnés sur le parking, ce qui est en tout état de cause insuffisant, étant donné qu'il ne s'agit là que d'une partie des violations de ses obligations contractuelles.
27
4.5. Enfin, s'agissant de la quatrième condition, la recourante reproche à la cour cantonale de ne pas avoir procédé à un examen global des circonstances et d'avoir outrepassé son pouvoir d'appréciation en retenant le caractère insupportable du maintien du bail pour l'intimée.
28
Le juge du fait apprécie librement, dans le cadre du droit et de l'équité selon l'art. 4 CC, si le manquement imputable au locataire est suffisamment grave pour justifier la résiliation anticipée du contrat, en prenant en considération tous les éléments concrets du cas d'espèce. De son côté, le Tribunal fédéral ne revoit qu'avec retenue la décision d'équité prise par l'instance précédente (ATF 136 III 65 consid. 2.5; arrêt 4A_655/2017 du 22 février 2018 consid. 3).
29
Au vu des faits établis, on ne discerne pas en quoi la cour cantonale aurait violé le droit fédéral, notamment abusé de son pouvoir d'appréciation, en retenant l'existence de motifs permettant la résiliation du bail. En particulier, les éléments dont elle n'aurait pas tenu compte, selon la recourante, ne suffisent pas pour conclure à un abus du pouvoir d'appréciation.
30
 
Erwägung 5
 
5.1. La recourante allègue encore une violation des art. 271 et 271a al. 1 let. e ch. 4 CO. Elle fait valoir que le motif de la résiliation litigieuse, soit un " niveau d'entretien insuffisant ", était le même que celui qui prévalait lors du premier litige, lequel s'était soldé par une transaction et la conclusion d'un nouveau bail. Dès lors, le second congé, donné dans le délai de protection légal, serait abusif. Elle se réfère à l'avis de DAVID LACHAT, lequel considère, en lien avec l'art. 257f CO, qu'un nouveau congé donné dans les trois ans après qu'une première résiliation a été déclarée inefficace tombe sous le coup de l'art. 271a al. 1 let. e CO et est annulable, 
31
5.2. Le congé est annulable lorsqu'il contrevient aux règles de la bonne foi (art. 271 al. 1 CO). En particulier, la résiliation du bail est annulable lorsqu'elle est donnée par le bailleur dans les trois ans à compter de la fin d'une procédure judiciaire au sujet du bail et que le bailleur a conclu une transaction ou s'est entendu de toute autre manière avec le locataire (art. 271a al. 1 let. e ch. 4 CO). Cette disposition n'est toutefois pas applicable lorsqu'un congé est donné pour violation grave par le locataire de son devoir de diligence selon l'art. 257f al. 3 CO (art. 271a al. 3 let. c CO).
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5.3. Il résulte des considérations qui précèdent (cf. consid. 4 supra) que la recourante a violé son devoir de diligence au sens de l'art. 257f al. 3 CO. Ainsi, la protection garantie par l'art. 271a al. 1 let. e CO est exclue. La doctrine que cite la recourante ne lui est en tout état de cause d'aucun secours. En effet, si l'intimée a conclu une transaction avec la recourante dans le cadre du premier litige, elle a néanmoins expressément clarifié, dans le nouveau contrat, ses attentes quant à la tenue propre et ordrée des alentours de l'objet loué, ce que la recourante n'a à nouveau pas respecté (cf. consid. 4.3 
33
 
Erwägung 6
 
En définitive, le recours doit être rejeté. La requête d'effet suspensif devient dès lors sans objet.
34
La recourante, qui succombe, prendra en charge les frais judiciaires (art. 66 al. 1 LTF). Elle versera en outre une indemnité de dépens à l'intimée pour ses déterminations sur la requête d'effet suspensif (art. 68 al. 1 et 2 LTF).
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 Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :
 
1. Le recours est rejeté.
 
2. Les frais judiciaires, arrêtés à 4'000 fr., sont mis à la charge de la recourante.
 
3. La recourante versera à l'intimée une indemnité de 300 fr. à titre de dépens.
 
4. Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la Cour civile du Tribunal cantonal du canton du Jura.
 
Lausanne, le 3 décembre 2020
 
Au nom de la Ire Cour de droit civil
 
du Tribunal fédéral suisse
 
La Présidente : Kiss
 
La Greffière : Raetz
 
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