BGer 1B_95/2021 | |||
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BGer 1B_95/2021 vom 12.04.2021 |
1B_95/2021 |
Arrêt du 12 avril 2021 |
Ire Cour de droit public | |
Composition
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MM. les Juges fédéraux Chaix, Juge présidant,
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Haag et Merz.
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Greffier : M. Parmelin.
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Participants à la procédure
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A.________, représenté par Me Basile Couchepin, avocat,
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recourant,
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contre
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B.________, inspecteur de la Police judiciaire du canton du Valais,
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intimé.
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Objet
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Procédure pénale; récusation d'un inspecteur de police,
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recours contre la décision de l'Office régional du Ministère public du Bas-Valais du 25 janvier 2021
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(MPB 17 273).
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Faits : | |
A. Le 1 er janvier 2017, le directeur de C.________ a pris contact avec la Police judiciaire valaisanne pour lui signaler qu'une de ses employées mineures, D.________, aurait subi des attouchements de la part d'un cadre de l'entreprise, A.________. Entendue le même jour par l'inspecteur B.________, l'adolescente a exposé notamment que lors de la soirée du personnel du 15 décembre 2016, A.________ avait tenté de l'embrasser à deux reprises sur la bouche en la tenant par la nuque et en lui répétant plusieurs fois de se laisser faire. Elle a déposé plainte le 16 janvier 2017.
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Par ordonnance pénale du 14 juillet 2017, frappée d'opposition, la Procureure de l'Office régional du Ministère public du Bas-Valais a reconnu A.________ coupable, à raison de ces faits, de contravention contre l'intégrité sexuelle et l'a condamné à une amende de 300 francs convertible, en cas de non-paiement fautif de celle-ci, en 3 jours de peine privative de liberté.
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Le 20 septembre 2017, le conseil nouvellement constitué du prévenu a sollicité la récusation de l'inspecteur B.________ et l'annulation de tous les actes de procédure auxquels celui-ci avait participé en raison des propos jugés insultants tenus à l'égard de son mandant lors de l'audition audiovisuelle de la plaignante en date du 1 er janvier 2017. Selon la retranscription écrite de cette audition, l'inspecteur a indiqué à l'adolescente que si elle avait le moindre problème ou si le prévenu venait taper à sa porte, elle devait appeler le 117, ajoutant " Mais je ne vois pas pourquoi ça arriverait. C'est un vieux con qui a voulu draguer une jeunette et ça n'a pas marché. En résumé, c'est ça " et précisant encore que " Sauf que le vieux con est chef de service et n'a pas à faire ça à une employée mineure. Donc, on va lui expliquer tout ça ".
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Dans sa prise de position du 6 octobre 2017, l'inspecteur B.________ a admis avoir tenu les propos incriminés. Il dit cependant avoir utilisé le terme de " vieux con " en fin d'audition, après le récit libre de la plaignante, dans le sens d'un agresseur présumé de manière générale, soit d'une personne d'un certain âge qui s'en prend à une adolescente, dans l'objectif de calmer l'angoisse de l'adolescente, sans viser le prévenu qu'il ne connaissait pas et qui n'avait pas encore été interrogé. Il estimait en outre avoir fait preuve d'impartialité dans l'ensemble de l'enquête.
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Le 30 octobre 2017, A.________ a maintenu sa requête de récusation, relevant avoir été particulièrement malmené lors de son audition qui s'était déroulée le lendemain de celle de D.________.
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Par décision du 25 janvier 2021, la Procureure de l'Office régional du Ministère public du Bas-Valais a rejeté la demande de récusation de l'inspecteur B.________ et la demande d'annulation de tous les actes de procédure auxquels il a participé.
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B. Agissant par la voie du recours en matière pénale, A.________ requiert du Tribunal fédéral qu'il annule cette décision, admette la demande de récusation de l'inspecteur B.________ et décharge celui-ci de l'enquête instruite auprès du Ministère public.
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La Procureure se réfère à la décision attaquée sans autre remarque. L'intimé n'a pas déposé d'observations.
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Considérant en droit : | |
1. Le Tribunal fédéral examine d'office et librement la recevabilité des recours qui lui sont soumis.
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Le recourant précise ne pas contester la décision attaquée en tant qu'elle rejette la requête d'annulation de tous les actes de procédure auxquels l'inspecteur B.________ a participé. Seul est dès lors litigieux le rejet de sa requête de récusation de l'inspecteur B.________.
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Les décisions relatives à la récusation d'un policier rendues par le Ministère public sont susceptibles d'un recours en matière pénale direct et immédiat auprès du Tribunal fédéral, nonobstant leur caractère incident (cf. art. 59 al. 1 let. a et 380 CPP en relation avec les art. 78, 80 al. 2 in fine et 92 LTF; ATF 138 IV 222 consid. 1). L'auteur débouté de la demande de récusation a qualité pour recourir (art. 81 al. 1 LTF). Le recours a en outre été déposé en temps utile (art. 100 al. 1 LTF) et les conclusions qui sont prises sont recevables (art. 107 al. 2 LTF).
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Partant, il y a lieu d'entrer en matière dans la mesure définie par le recourant dans les termes et conclusions de son recours.
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2. Le recourant fait valoir que le terme de " vieux con " dont l'inspecteur l'a affublé lors de l'audition vidéo-filmée de la plaignante, dénoterait une prévention envers lui qui devrait entraîner sa récusation en application de l'art. 56 let. f CPP.
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2.1. Toute personne exerçant une fonction au sein d'une autorité pénale est récusable pour l'un des motifs prévus aux art. 56 let. a à e CPP. Elle l'est également, selon l'art. 56 let. f CPP, lorsque d'autres motifs, notamment un rapport d'amitié étroit ou d'inimitié avec une partie ou son conseil, sont de nature à le rendre suspect de prévention. Cette disposition a la portée d'une clause générale recouvrant tous les motifs de récusation non expressément prévus aux lettres précédentes de l'art. 56 CPP. Elle correspond à la garantie d'un tribunal indépendant et impartial instituée par les art. 30 al. 1 Cst. et 6 par. 1 CEDH (ATF 143 IV 69 consid 3.2). Elle concrétise aussi les droits déduits de l'art. 29 al. 1 Cst. garantissant l'équité du procès et assure au justiciable cette protection lorsque d'autres autorités ou organes que des tribunaux sont concernés (ATF 141 IV 178 consid. 3.2.2). Une demande de récusation peut donc être déposée à l'encontre d'un fonctionnaire de police, dès lors qu'il est un membre des autorités de poursuite pénale (art. 12 let. a CPP).
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Si les art. 56 let. b à e CPP s'appliquent de manière similaire à celle prévalant pour les membres des autorités judiciaires, une appréciation différenciée peut s'imposer s'agissant de l'application de la clause générale posée à l'art. 56 let. f CPP. En effet, la différence de fonction existant entre une autorité judiciaire (art. 13 CPP) et un membre d'une autorité de poursuite pénale (art. 12 CPP) ne peut pas être ignorée. Les exigences de réserve, d'impartialité et d'indépendance prévalant pour la première catégorie peuvent donc ne pas être les mêmes s'agissant de la seconde (arrêt 1B_398/2019 du 26 novembre 2019 consid. 2.1.1 et les arrêts cités). La jurisprudence a ainsi reconnu que, durant la phase d'instruction, le ministère public peut être amené, provisoirement du moins, à adopter une attitude plus orientée à l'égard du prévenu ou à faire état de ses convictions à un moment donné de l'enquête; tout en disposant, dans le cadre de ses investigations, d'une certaine liberté, le magistrat reste cependant tenu à un devoir de réserve et doit s'abstenir de tout procédé déloyal, instruire tant à charge qu'à décharge et ne point avantager une partie au détriment d'une autre (ATF 141 IV 178 consid. 3.2.2; 138 IV 142 consid. 2.2.1). En ce qui concerne la police, il n'y a lieu de se distancer de ces principes que dans la mesure où la direction de la procédure et les obligations en découlant ne lui incombent pas (cf. art. 61 let. a CPP; arrêt 1B_398/2019 du 26 novembre 2019 consid. 2.1.1).
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De manière générale, les déclarations d'un magistrat - notamment celles figurant au procès-verbal des auditions - doivent être interprétées de manière objective, en tenant compte de leur contexte, de leurs modalités et du but apparemment recherché par leur auteur (arrêt 1B_319/2020 du 17 novembre 2020 consid. 2.1). Des propos maladroits ou déplacés ne suffisent en principe pas pour retenir qu'un magistrat serait prévenu, sauf s'ils paraissent viser une personne particulière et que leur tenue semble constitutive d'une grave violation notamment des devoirs lui incombant (ATF 141 IV 178 consid. 3.2.3 et 127 I 196 consid. 2d; arrêts 1B_140/2020 du 6 octobre 2020 consid. 2.1 et 1B_65/2020 du 18 mai 2020 consid. 4.1).
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Par ailleurs, conformément à l'art. 58 al. 1 CPP, la récusation doit être demandée sans délai, dès que la partie a connaissance du motif de récusation, c'est-à-dire dans les jours qui suivent la connaissance de la cause de récusation, sous peine de déchéance (ATF 140 I 271 consid. 8.4.3). En matière pénale, est irrecevable pour cause de tardiveté la demande de récusation déposée trois mois, deux mois ou même vingt jours après avoir pris connaissance du motif de récusation. En revanche, n'est pas tardive la requête formée après une période de six ou sept jours, soit dans les jours qui suivent la connaissance du motif de récusation (arrêt 1B_630/2020 du 23 mars 2021 consid. 2.2 et les arrêts cités).
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2.2. La Procureure a retenu qu'en l'espèce, le prévenu avait pu avoir connaissance du motif de récusation au plus tôt dès le 8 septembre 2017, date de réception du dossier envoyé pour consultation la veille, et que, déposée 12 jours plus tard, la demande de récusation et d'annulation des actes de procédure apparaissait tardive. Sur le fond, elle a constaté que les propos certes très maladroits de l'inspecteur B.________ avaient été prononcés en fin d'audition, après le récit libre fait par la partie plaignante, dans le but de la rassurer, que ces propos n'avaient pas influencé l'adolescente dans son récit, que sa démarche était justifiée par l'intérêt bien compris de cette dernière, qu'il voulait rassurer et à qui il voulait expliquer la suite de la procédure, et qu'ils n'étaient pas destinés à porter atteinte à l'honneur du prévenu, mais bien à faire comprendre à la partie plaignante qu'elle ne devait pas se sentir coupable d'avoir dénoncé les faits, qu'elle était crue et qu'elle devait ne pas s'inquiéter. Il ne ressortait pas en sus du dossier que l'inspecteur B.________ ait montré des signes de partialité dans le traitement de l'affaire et, en particulier, dans les auditions entreprises ultérieurement, notamment celle du prévenu au cours de laquelle il ne tenait que le rôle de rédacteur du procès-verbal. Ce n'était que le 30 octobre 2017, soit près d'un mois et demi après le dépôt de la demande de récusation et près de dix mois après les faits, que le prévenu alléguait pour la première fois avoir été malmené par les inspecteurs en charge de l'enquête. Cela étant, aucun élément au dossier ne faisait redouter une activité partiale de la part de l'inspecteur B.________, ses propos maladroits n'étant pas suffisants.
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La décision attaquée se fonde ainsi sur une double motivation qu'il appartenait au recourant de contester en respectant les exigences déduites de l'art. 42 al. 2 LTF et, le cas échéant, de l'art. 106 al. 2 LTF, sous peine de voir son recours déclaré irrecevable (ATF 142 III 364 consid. 2.4).
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2.3. Le recourant soutient que le terme " vieux con " utilisé à deux reprises par l'intimé à son endroit n'est pas simplement très maladroit mais qu'il constitue un propos grossier et insultant, propre à le rendre méprisable aux yeux de la partie plaignante et des autres parties à la procédure, qui n'a pas sa place dans la bouche d'un fonctionnaire de police chargé d'une enquête pénale, sauf à violer gravement ses devoirs de réserve, et qui n'était nullement nécessaire pour rassurer la partie plaignante. Il ne s'en prend en revanche pas, dans les motifs de son recours, à l'argumentation de la Procureure selon laquelle sa demande de récusation apparaissait tardive faute d'avoir été déposée dans les jours suivant la date à laquelle le dossier de la cause lui a été remis pour consultation. Dans la partie consacrée aux faits ressortant de la décision attaquée, il dit avoir pris connaissance de l'intégralité du dossier au plus tôt le 18 septembre 2017, date du retour de vacances de son mandataire après son mariage célébré le 9 septembre 2017, laissant ainsi entendre que la demande de récusation, adressée à la Procureure deux jours plus tard, aurait été déposée dans les délais. La question de savoir si le recours satisfait sur ce point aux exigences de motivation requises, respectivement si l'argumentation avancée est de nature à faire apparaître sur ce point la décision attaquée comme non conforme au droit peut demeurer indécise car la motivation retenue au fond pour écarter la demande de récusation ne prête pas flanc à la critique.
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2.4. Il n'est pas contesté que le terme de " vieux con " auquel l'intimé a recouru pour qualifier le recourant était inapproprié et irrespectueux. Il doit toutefois être replacé dans son contexte (cf. arrêt 1B_379/2016 du 19 décembre 2016 consid. 2.3). Comme l'a relevé la Procureure, les propos litigieux ont été tenus à la fin de l'audition de la jeune fille, qui venait de fêter ses 17 ans et qui avait manifesté une certaine crainte et culpabilité en rapport avec le dépôt d'une plainte, en réponse à la manière dont celle-ci devait réagir s'il devait y avoir le moindre problème ou si le recourant, dont elle dénonçait les agissements, venait taper à sa porte. La Procureure n'a pas fait une interprétation objectivement insoutenable de ces propos en considérant qu'ils relevaient plus d'une tentative maladroite de l'intimé de rassurer la jeune fille et de relativiser la gravité des faits dénoncés que de la volonté réelle de celui-ci de porter atteinte à l'honneur du recourant qu'il ne connaissait pas; elle n'a pas davantage violé le droit fédéral en retenant qu'ils ne trahissaient pas, dans le contexte très particulier dans lequel ils ont été tenus, une inimitié personnelle avec le recourant et ne dénotaient pas une prévention de sa part à l'égard de celui-ci.
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3. Le recours doit par conséquent être rejeté dans la mesure où il est recevable, aux frais du recourant qui succombe (art. 65 et 66 al. 1 LTF). Il n'y a pas lieu d'allouer des dépens à l'intimé qui a procédé seul.
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Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce : | |
1. Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable.
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2. Les frais judiciaires, arrêtés à 2'000 fr., sont mis à la charge du recourant.
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3. Il n'est pas alloué de dépens.
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4. Le présent arrêt est communiqué aux parties et à l'Office régional du Ministère public du Bas-Valais.
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Lausanne, le 12 avril 2021
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Au nom de la Ire Cour de droit public
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du Tribunal fédéral suisse
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Le Juge présidant : Chaix
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Le Greffier : Parmelin
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