BGer 8C_348/2020 | |||
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BGer 8C_348/2020 vom 07.06.2021 | |
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8C_348/2020 |
Arrêt du 7 juin 2021 |
Ire Cour de droit social | |
Composition
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MM. et Mme les Juges fédéraux Maillard, Président, Heine et Abrecht.
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Greffière : Mme von Zwehl.
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Participants à la procédure
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Caisse nationale suisse d'assurance en cas d'accidents (CNA), Fluhmattstrasse 1, 6004 Lucerne,
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recourante,
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contre
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A.________, représenté par Me Marie-Eve Guillod, avocate,
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intimé.
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Objet
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Assurance-accidents (rechute; causalité),
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recours contre l'arrêt de la Cour des assurances sociales du Tribunal cantonal fribourgeois du 20 avril 2020 (605 2019 160).
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Faits : |
A. | |
A.a. A.________, né en 1975, travaille en qualité de technicien pour le service après-vente auprès de la B.________ SA. A ce titre, il est assuré contre le risque d'accidents auprès de la Caisse nationale suisse d'assurance en cas d'accidents (ci-après: la CNA).
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Le 14 octobre 2017, il s'est mal réceptionné sur son talon droit en voulant éviter une chute après avoir marché sur un jouet de son fils. Une voussure s'est développée au niveau de l'articulation sous-astragalienne. Sur la base d'une imagerie par résonance magnétique (IRM) et d'une radiographie de la cheville droite réalisées le 7 décembre 2017, les docteurs C.________ et D.________, spécialistes en orthopédie et traumatologie du pied et de la cheville, ont diagnostiqué une lésion de type kyste arthro-synovial. Sur leur indication, A.________ a subi une ponction et une infiltration du kyste le 29 mars 2018. La CNA a pris en charge le cas jusqu'à cette date sans procéder à des mesures d'instruction.
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A.b. A partir du mois d'octobre 2018, l'assuré a à nouveau ressenti une forte gêne au niveau de sa cheville droite, accentuée par le port de chaussures de sécurité. Le 7 décembre 2018, il s'est soumis à une opération consistant en l'excision du kyste arthro-synovial avec une évolution favorable. Le 19 décembre 2018, l'employeur a annoncé à la CNA une nouvelle incapacité de travail en relation avec l'accident du 14 octobre 2017.
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La CNA a demandé l'avis de son médecin d'arrondissement, le docteur E.________. Celui-ci a retenu que la distorsion de la cheville droite survenue le 14 octobre 2017 n'avait causé aucune lésion structurelle, mais seulement une aggravation passagère d'un état préexistant, et que l'intervention chirurgicale visait uniquement le traitement d'atteintes de nature dégénérative (appréciation du 20 février 2019).
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A.c. Par décision du 26 février 2019, la CNA a refusé de prendre en charge la rechute annoncée. L'assuré a formé opposition. A l'appui de ses objections, il a produit un avis des docteurs C.________ et D.________ du 2 avril 2019 qui exprimaient leur désaccord sur l'interprétation faite par le docteur E.________ de l'IRM et de la radiographie du 7 décembre 2017. La CNA a néanmoins maintenu son point de vue par décision sur opposition du 14 mai 2019.
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B.
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L'assuré a déféré cette décision à la Cour des assurances sociales du Tribunal cantonal fribourgeois en transmettant un rapport complémentaire du docteur C.________. Dans sa réponse au recours, la CNA s'est référée à une appréciation du 23 septembre 2019 de la doctoresse F.________, spécialiste en chirurgie générale et traumatologie de sa division de médecine des assurances. Tout en reconnaissant qu'un kyste arthro-synovial pouvait apparaître après un traumatisme, ce médecin a indiqué qu'une telle atteinte était objectivable au plus tôt trois mois après le traumatisme; par conséquent, le kyste visualisé à la cheville droite de l'assuré par l'IRM du 7 décembre 2017 ne pouvait pas être séquellaire de l'événement du 14 octobre 2017; de plus, le traumatisme aurait dû entraîner une atteinte ligamentaire ou tendineuse, voire même une fracture, pour provoquer son apparition.
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Par arrêt du 7 mai 2019, la cour cantonale a admis le recours; elle a annulé la décision sur opposition du 14 mai 2019 et a reconnu le droit de l'assuré aux prestations d'assurance.
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C.
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La CNA interjette un recours en matière de droit public contre cet arrêt, en concluant principalement à sa réforme dans le sens de la confirmation de la décision sur opposition du 14 mai 2019. Subsidiairement, elle conclut à l'annulation de l'arrêt et au renvoi de la cause à la cour cantonale pour mise en oeuvre d'une expertise médicale et nouvelle décision, les frais de l'expertise devant être mis à la charge de cette dernière.
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A.________ conclut au rejet du recours. L'Office fédéral de la santé publique a renoncé à se déterminer.
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Considérant en droit : | |
1.
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Le recours est dirigé contre une décision finale (art. 90 LTF) rendue en matière de droit public (art. 82 ss LTF) par une autorité cantonale de dernière instance (art. 86 al. 1 let. d LTF). Il a été déposé dans le délai (art. 100 LTF) et la forme (art. 42 LTF) prévus par la loi. Il est donc recevable.
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2.
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Est litigieux le point de savoir si la cour cantonale était fondée à reconnaître le droit de l'assuré à des prestations de l'assurance-accidents (traitement médical et indemnités journalières) pour la rechute annoncée de l'accident du 14 octobre 2017.
| 15 |
La présente procédure portant sur l'octroi ou le refus de prestations en espèces et en nature de l'assurance-accidents, le Tribunal fédéral n'est pas lié par les faits établis par l'autorité précédente (art. 97 al. 2 et 105 al. 3 LTF) en ce qui concerne les faits communs aux deux types de prestations (arrêt 8C_657/2017 du 14 mai 2018 consid. 2.2 et les arrêts cités, in SVR 2018 UV n° 39 p. 141).
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3.
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L'arrêt entrepris expose correctement les dispositions légales régissant le droit aux prestations de l'assurance-accidents en cas de rechute (art. 11 OLAA [RS 832.202]) ainsi que les principes jurisprudentiels relatifs à la notion de causalité naturelle (ATF 142 V 435 consid. 1 p. 438; 129 V 177 consid. 3.1 p. 181) et à l'appréciation des preuves médicales (ATF 134 V 231 consid. 5.1 p. 232; 125 V 351 consid. 3a p. 352). On peut y renvoyer.
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Erwägung 4 | |
4.1. La cour cantonale a considéré qu'il n'était pas nécessaire de procéder à une instruction complémentaire, bien que les avis médicaux au dossier fussent divergents et établis par des spécialistes en chirurgie dont aucun ne présentait la qualité d'un expert indépendant. Selon elle, en effet, l'examen de ces avis permettait d'accorder une valeur probante prépondérante aux conclusions des docteurs C.________ et D.________. Ces médecins avaient personnellement examiné l'assuré et réfuté de manière circonstanciée et convaincante l'opinion du médecin d'arrondissement E.________ qui avait fait état d'atteintes dégénératives. La doctoresse F.________ avait au demeurant également confirmé que l'arthrose n'était généralement pas la cause de la formation d'un kyste arthro-synovial qui, en revanche, pouvait se développer après un traumatisme. Cela étant, l'argument de cette dernière lié au temps de formation d'un kyste post-traumatique pour nier le lien de causalité naturelle entre l'accident du 14 octobre 2017 et l'atteinte objectivée chez l'assuré par IRM le 7 décembre 2017 apparaissait trop catégorique et ne convainquait pas. Cela revenait à dire que si l'IRM avait eu lieu quelques semaines plus tard, le lien de causalité aurait pu être admis, ce qui confinait à l'arbitraire. De plus, ce médecin, interne à la CNA, s'était prononcé en cours de procédure contentieuse dans le sens de la décision de cet assureur mais avec une motivation fondamentalement différente de celle de son confrère également interne à la CNA, ce qui était de nature à susciter des doutes quant au bien-fondé de ses conclusions et quant à son impartialité.
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4.2. La recourante se plaint d'une violation du principe de la libre appréciation des preuves (art. 61 let. c LPGA [RS 830.1]) et du principe inquisitoire par la cour cantonale. Elle lui reproche en substance d'avoir dénié toute valeur probante à l'appréciation de la doctoresse F.________ et de s'être déclarée convaincue par l'existence d'un lien de causalité entre les lésions de l'assuré et l'événement du 14 octobre 2017 sur la seule base des rapports médicaux du docteurs C.________. En tout état de cause, la cour cantonale ne pouvait pas considérer l'avis de ce médecin comme suffisamment convaincant pour rendre inutile un complément d'instruction. Pour conclure à un kyste d'origine traumatique, le docteur C.________ se fondait en particulier sur le fait que l'assuré était asymptomatique avant l'accident du 14 octobre 2017 et que la lecture de l'imagerie ne le conduisait pas à retenir des changements dégénératifs importants. Or le seul fait que des symptômes douloureux ne se sont manifestés qu'après la survenance d'un accident ne suffit pas à établir un rapport de causalité naturelle avec cet accident (raisonnement "post hoc, ergo propter hoc"). Enfin, la recourante soutient que la cour cantonale a écarté l'avis de la doctoresse F.________ sur la base de considérations arbitraires.
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4.3. En l'occurrence, pour le docteur C.________, plusieurs éléments plaident en faveur de l'origine traumatique du kyste arthro-synovial diagnostiqué chez l'assuré, à savoir que celui-ci ne s'était jamais plaint de sa cheville avant le traumatisme, que l'événement du 14 octobre 2017 avait occasionné un choc axial violent sur le membre inférieur droit et qu'il s'en était suivi le développement d'une voussure sous-malléolaire antérieure droite; ce médecin a également produit un article de littérature médicale mentionnant que de tels kystes peuvent faire suite à un traumatisme et s'est référé à G.________, praticien et auteur médical, qui cite précisément le traumatisme comme première étiologie de ces kystes (document consultable à l'adresse https://www. orthobullets.com/hand/6086/ganglion-cysts?expandLeftMenu=true.).
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En d'autres termes, le docteur C.________ s'est basé sur un ensemble de critères tels que l'expérience médicale, l'absence de troubles antérieurs, un événement traumatique clairement défini et une corrélation temporelle entre celui-ci et l'évolution clinique observée. S'il est vrai que le principe «post hoc ergo propter hoc» ne suffit pas en soi à établir un rapport de causalité entre une atteinte à la santé et un accident (ATF 119 V 341 sv.), on ne saurait cependant lui dénier toute valeur lorsqu'il est mis en relation avec d'autres éléments médicalement déterminants comme l'a fait le docteur C.________. On doit dès lors reconnaître avec la cour cantonale que son rapport remplit les exigences formelles et matérielles auxquelles sont soumises les preuves médicales pour pouvoir être pris en considération (ATF 125 V 351 consid. 3a p. 352).
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Par ailleurs, et quoi qu'en dise la recourante, on peut comprendre, même si cela tient à d'autres raisons, les réserves exprimées par les juges cantonaux au sujet de l'appréciation de la doctoresse F.________. L'argumentation de cette dernière pour nier l'existence du lien de causalité repose essentiellement sur une citation de H. Hempfling et K. Weise tirée de leur article, publié en 2011, "Ganglien und Ihre Begutachtung", aux termes de laquelle "Ein traumatisch entstandenes Ganglion wird also frühestens drei Monaten nach dem Unfallereignis nachzuweisen sein". Or, en l'absence de production de l'article médical d'où vient cette citation et qui n'est pas librement accessible sur Internet, il n'est pas possible d'en vérifier la portée et la pertinence pour le cas d'espèce. Non seulement on ignore sur quelles observations se fondent les auteurs cités mais aussi si le critère des trois mois qu'ils ont posé a ou non une simple valeur indicative.
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Cela étant, on ne saurait écarter d'emblée l'avis de la doctoresse F.________ pour ce motif au profit de celui du médecin traitant de l'intimé. A supposer que la citation de H. Hempfling et K. Weise constitue une référence pertinente, le point de savoir quelles conclusions de l'une ou de l'autre sont plus convaincantes demande en tout état de cause des connaissances médicales dont le juge ne dispose pas. Dans ces conditions, la cour cantonale était tenue, en vertu de la maxime inquisitoire (art. 61 let. c LPGA), d'ordonner une expertise par un médecin indépendant pour les départager. Toutefois, contrairement à ce que voudrait la recourante, il n'appartient pas au Tribunal fédéral, à ce stade de la procédure, de se prononcer sur la prise en charge des frais de cette expertise.
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4.4. Il s'ensuit que la conclusion subsidiaire du recours se révèle bien fondée. La cause sera renvoyée à la cour cantonale afin qu'elle mette en oeuvre une expertise judiciaire portant sur le lien de causalité entre l'accident du 14 octobre 2017 et le kyste arthro-synovial, puis rende un nouvel arrêt sur le droit aux prestations de l'intimé.
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5.
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Ce dernier, qui succombe, supportera les frais judiciaires (art. 66 al. 1 LTF).
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Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce : | |
1.
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Le recours est partiellement admis. L'arrêt la Cour des assurances sociales du Tribunal cantonal fribourgeois du 20 avril 2020 est annulé. La cause est renvoyée à la cour cantonale pour qu'elle rende une nouvelle décision au sens des considérants. Pour le surplus, le recours est rejeté.
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2.
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Les frais judiciaires, arrêtés à 800 fr., sont mis à la charge de l'intimé.
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3.
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Le présent arrêt est communiqué aux parties, à la Cour des assurances sociales du Tribunal cantonal fribourgeois, et à l'Office fédéral de la santé publique.
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Lucerne, le 7 juin 2021
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Au nom de la Ire Cour de droit social
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du Tribunal fédéral suisse
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Le Président : Maillard
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La Greffière : von Zwehl
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