BGer 1B_481/2021 | |||
| |||
Bearbeitung, zuletzt am 19.11.2021, durch: DFR-Server (automatisch) | |||
BGer 1B_481/2021 vom 04.11.2021 | |
[img]
|
1B_481/2021 |
Arrêt du 4 novembre 2021 |
Ire Cour de droit public | |
Composition
| |
MM. les Juges fédéraux Chaix, Juge présidant,
| |
Haag et Müller.
| |
Greffière : Mme Nasel.
| |
Participants à la procédure
| |
A.________, représenté par Me Valérie Malagoli-Pache, avocate,
| |
recourant,
| |
contre
| |
Service des contraventions de la République et canton de Genève, chemin de la Gravière 5, case postale 104, 1211 Genève 8.
| |
Objet
| |
Procédure pénale; séquestre d'un pistolet d'alarme,
| |
recours contre l'arrêt de la Cour de justice de la République et canton de Genève, Chambre pénale de recours, du 5 août 2021 (ACPR/507/2021 - PS/35/2021).
|
Faits : | |
A.
| 1 |
Le 23 juin 2020 à Collex-Bossy dans le canton de Genève, A.________ a envoyé quatre fusées détonantes, au moyen de son matériel d'effarouchement, pour effrayer les chiens de B.________, qui étaient entrés sur son domaine. Les chiens de cette dernière, affolés, se sont enfuis. Après avoir réussi à les rattraper, leur propriétaire a pris contact avec la police. Elle a déposé plainte le 23 juillet 2020. Il ressort notamment du procès-verbal d'audition de la même date que, pensant être la cible de coups de feu, B.________ aurait été très effrayée; elle a ajouté qu'un projectile aurait fini sa course à environ un mètre d'elle (art. 105 al. 2 LTF).
| 2 |
Par ordonnance du 25 juin 2021, le Service des contraventions de la République et canton de Genève (le SdC) a condamné A.________ à une amende de 1'000.- fr. pour emploi de pièces d'artifice sans se conformer aux mesures de protection ou de sécurité prescrites. Il a en outre prononcé le séquestre ainsi que la confiscation d'un pistolet d'alarme, de seize cartouches d'effaroucheur d'oiseaux et d'une boîte contenant des amorces.
| 3 |
B.
| 4 |
Par arrêt du 5 août 2021, la Chambre pénale de recours de la Cour de justice de la République et canton de Genève a rejeté le recours formé par A.________ contre l'ordonnance de séquestre du SdC du 25 juin 2021.
| 5 |
C.
| 6 |
Par acte du 6 septembre 2021, A.________ forme un recours en matière pénale par lequel il demande, en substance, au Tribunal fédéral d'annuler l'arrêt attaqué et de lever le séquestre. Subsidiairement, il conclut au renvoi de la cause à l'autorité précédente pour nouvelle décision dans le sens des considérants.
| 7 |
Invités à se déterminer, le Tribunal cantonal et le SdC y renoncent.
| 8 |
Considérant en droit : | |
1.
| 9 |
L'arrêt attaqué, qui confirme le maintien du séquestre de biens mobiliers en main du recourant, est un prononcé rendu en matière pénale au sens de l'art. 78 al. 1 LTF. Le recourant peut se prévaloir d'un intérêt juridique à obtenir l'annulation ou la modification de cette décision, de sorte qu'il dispose de la qualité pour recourir au sens de l'art. 81 al. 1 LTF (ATF 133 IV 278 consid. 1.3; 128 IV 145 consid. 1a). Le séquestre pénal est une décision à caractère incident: le recours n'est recevable que si l'acte attaqué est susceptible de causer un préjudice irréparable (art. 93 al. 1 let. a LTF; ATF 140 IV 57 consid. 2.3). Tel est le cas lorsque le détenteur se trouve privé temporairement de la libre disposition des biens ou valeurs saisis (ATF 128 I 129 consid. 1), ce qui est le cas en l'occurrence. Pour le surplus, le recours a été formé en temps utile (art. 100 al. 1 LTF) contre une décision rendue en dernière instance cantonale (art. 80 LTF) et les conclusions présentées sont recevables au regard de l'art. 107 al. 2 LTF, de sorte qu'il y a lieu d'entrer en matière.
| 10 |
2.
| 11 |
Le recourant soutient que le séquestre violerait les principes de légalité et de proportionnalité: il se plaint à cet égard d'une violation des art. 197 al. 1 et 263 al. 1 CPP.
| 12 |
2.1. Le recours peut être interjeté pour violation du droit, tel qu'il est délimité par les art. 95 et 96 LTF. Dans la mesure où il applique le droit d'office (art. 106 al. 1 LTF), le Tribunal fédéral n'est pas lié par les motifs que les parties invoquent devant lui, ni par la motivation retenue par la décision attaquée; en particulier, il peut admettre ou rejeter un recours en adoptant une autre argumentation juridique que celle de l'autorité précédente (ATF 146 IV 88 consid. 1.3.2; 145 IV 228 consid. 2.1). Dans ce dernier cas, la nouvelle motivation juridique n'est cependant possible que si elle repose sur des faits constatés dans l'arrêt attaqué ou qui peuvent être ajoutés par un complément conforme à l'art. 105 al. 2 LTF (ATF 142 I 155 consid. 4.4.3; 136 V 362 consid. 4.1). Il n'est pas nécessaire d'entendre préalablement les parties à ce sujet si elles devaient s'attendre à la motivation adoptée (ATF 136 III 247 consid. 4; arrêt 1B_13/2021 du 1er juillet 2021 consid. 3.1).
| 13 |
2.2. Le séquestre - notamment au sens de l'art. 263 al. 1 CPP - est une mesure de contrainte qui ne peut être ordonnée, en vertu de l'art. 197 al. 1 CPP, que si elle est prévue par la loi (let. a), s'il existe des soupçons suffisants laissant présumer une infraction (let. b), si les buts poursuivis ne peuvent pas être atteints par des mesures moins sévères (let. c) et si elle apparaît justifiée au regard de la gravité de l'infraction (let. d).
| 14 |
Dans le cadre de l'examen d'un séquestre conservatoire, l'autorité statue sous l'angle de la vraisemblance, examinant des prétentions encore incertaines. Le séquestre pénal est en effet une mesure conservatoire provisoire destinée à préserver les objets ou valeurs qui peuvent servir de moyens de preuve, que le juge du fond pourrait être amené à confisquer ou à restituer au lésé, ou qui pourraient servir à l'exécution d'une créance compensatrice (art. 263 al. 1 CPP et 71 al. 3 CP). L'autorité doit pouvoir statuer rapidement (cf. art. 263 al. 2 CPP), ce qui exclut qu'elle résolve des questions juridiques complexes ou qu'elle attende d'être renseignée de manière exacte et complète sur les faits avant d'agir (ATF 141 IV 360 consid. 3.2; arrêt 1B_356/2021 du 21 septembre 2021 consid. 3.1).
| 15 |
Un séquestre est proportionné lorsqu'il porte sur des objets ou des avoirs dont on peut admettre en particulier qu'ils pourront être vraisemblablement confisqués en application du droit pénal. Tant que l'instruction n'est pas achevée et que subsiste une probabilité de confiscation, de créance compensatrice ou d'une allocation au lésé, la mesure conservatoire doit être maintenue (ATF 141 IV 360 consid. 3.2). Les probabilités d'une confiscation, respectivement du prononcé d'une créance compensatrice, doivent cependant se renforcer au cours de l'instruction (ATF 122 IV 91 consid. 4). Un séquestre peut en effet apparaître disproportionné lorsque la procédure dans laquelle il s'inscrit s'éternise sans motifs suffisants (ATF 132 I 229 consid. 11.6; arrêt 1B_16/2020 du 24 juin 2020 consid. 3.1.1).
| 16 |
2.3. En l'occurrence, la cour cantonale a jugé que le séquestre du pistolet d'alarme en vue de sa confiscation remplissait les conditions légales: les faits laissaient présumer la commission d'une infraction et la mesure était proportionnée. De plus, il n'apparaissait pas inconcevable que le pistolet d'alarme, utilisé avec des cartouches d'effarouchement, entre dans la catégorie des engins pyrotechniques au sens de la LExpl, de l'OExpl et du règlement genevois d'application de la loi fédérale sur les substances explosibles du 25 novembre 1987 (RaLExpl; RS/GE L 5 30.02).
| 17 |
2.4. Le recourant reproche à la cour cantonale d'avoir considéré que la LExpl serait applicable et prétend qu'aucune infraction à cette loi, respectivement à la LArm ne saurait être retenue à son égard: le séquestre ne serait ainsi fondé sur aucune base légale en violation du principe de la légalité.
| 18 |
La question de l'application de la LExpl ou de la LArm peut toutefois demeurer indécise à ce stade de la procédure. En effet, quand bien même aucune infraction à ces lois ne pourrait être retenue, les faits reprochés au recourant sont susceptibles, en l'état, d'être constitutifs d'autres infractions. Dans la mesure où ces infractions sont d'application simple et entrent régulièrement en ligne de compte dans des litiges du type de celui qui oppose le recourant à la plaignante, celui-ci pouvait s'attendre à la substitution de motifs qui suit.
| 19 |
2.4.1. Aux termes de l'art. 180 al. 1 CP, celui qui, par une menace grave, aura alarmé ou effrayé une personne sera, sur plainte, puni d'une peine privative de liberté de trois ans au plus ou d'une peine pécuniaire. La menace suppose que l'auteur ait volontairement fait redouter à sa victime la survenance d'un préjudice, au sens large (ATF 122 IV 97 consid. 2b). La loi exige que la menace soit grave. C'est le cas si elle est objectivement de nature à alarmer ou à effrayer la victime. Il convient à cet égard de tenir compte de la réaction qu'aurait une personne raisonnable face à une situation identique (ATF 122 IV 322 consid. 1a). Il faut en outre que la victime ait été effectivement alarmée ou effrayée. Celle-ci doit craindre que le préjudice annoncé se réalise. Cela implique, d'une part, qu'elle le considère comme possible et, d'autre part, que ce préjudice soit d'une telle gravité qu'il suscite de la peur (cf. arrêt 6B_1215/2020 du 22 avril 2021 consid. 4.1).
| 20 |
En l'espèce, il est notamment reproché au recourant d'avoir volontairement utilisé son pistolet d'alarme afin d'effrayer la plaignante et ses chiens pour qu'ils quittent son domaine. Celle-ci, pensant être la cible de coups de feu, a été effrayée et s'est éloignée de la parcelle du recourant pour prendre contact avec les autorités et déposer plainte pénale. Partant, à ce stade de la procédure, il semble vraisemblable que ces faits puissent être constitutifs de menace.
| 21 |
2.4.2. Se rend coupable de contrainte selon l'art. 181 CP celui qui, en usant de violence envers une personne ou en la menaçant d'un dommage sérieux, ou en l'entravant de quelque autre manière dans sa liberté d'action, l'aura obligée à faire, à ne pas faire ou à laisser faire un acte. Selon la jurisprudence, la contrainte n'est contraire au droit que si elle est illicite (ATF 120 IV 17 consid. 2a et les références citées), soit parce que le moyen utilisé ou le but poursuivi est illicite, soit parce que le moyen est disproportionné pour atteindre le but visé, soit encore parce qu'un moyen conforme au droit utilisé pour atteindre un but légitime constitue, au vu des circonstances, un moyen de pression abusif ou contraire aux moeurs (ATF 141 IV 437 consid. 3.2.1). Sur le plan subjectif, il faut que l'auteur ait agi intentionnellement, c'est-à-dire qu'il ait voulu contraindre la victime à adopter le comportement visé en étant conscient de l'illicéité de son comportement; le dol éventuel suffit (ATF 120 IV 17 consid. 2c; arrêt 6B_406/2020 du 20 août 2020 consid. 2.1).
| 22 |
En l'occurrence, la plaignante a quitté le domaine du recourant avec ses chiens suite aux tirs de ce dernier qui l'ont effrayée: les actes du recourant pourraient ainsi être qualifiés de menace illicite ayant entravé la liberté d'action de la plaignante. Par conséquent et en l'état, ceux-ci pourraient être qualifiés de contrainte selon l'art. 181 CP.
| 23 |
2.4.3. Aux termes de l'art. 123 ch. 1 al. 1 CP, celui qui, intentionnellement, aura fait subir à une personne une autre atteinte à l'intégrité corporelle ou à la santé sera, sur plainte, puni d'une peine privative de liberté de trois ans au plus ou d'une peine pécuniaire. Pour justifier la qualification de lésions corporelles, l'atteinte doit revêtir une certaine importance. Afin de déterminer ce qu'il en est, il y a lieu de tenir compte, d'une part, du genre et de l'intensité de l'atteinte et, d'autre part, de son impact sur le psychisme de la victime (ATF 134 IV 189 consid. 1.4 et les références citées; arrêt 6B_1445/2020 du 28 juillet 2021 consid. 1.1; 6B_1064/2019 du 16 janvier 2020 consid. 2.2). Il y a tentative lorsque l'auteur a réalisé tous les éléments subjectifs de l'infraction et manifesté sa décision de la commettre, alors que les éléments objectifs font, en tout ou en partie, défaut (ATF 140 IV 150 consid. 3.4). La jurisprudence a affirmé à plusieurs reprises que l'équivalence des deux formes de dol - direct et éventuel - s'appliquait également à la tentative (ATF 122 IV 246 consid. 3a; arrêt 6B_193/2021 du 30 septembre 2021 consid. 2.2.2).
| 24 |
A ce stade de la procédure, il ne semble pas exclu que l'utilisation d'un pistolet d'alarme à l'encontre d'une promeneuse puisse être à même de la mettre en danger ou de la blesser, et ce, d'autant plus si un projectile atterrit à proximité d'elle. Or, c'est précisément ce qui serait advenu en l'espèce selon les déclarations de la plaignante. Le recourant ne démontre pas le contraire: il se contente de prétendre que l'utilisation faite de son pistolet ce jour-là ne serait pas abusive ou dangereuse et ne sortirait pas du cadre de son emploi usuel, soit pour effrayer les oiseaux et autres animaux nuisibles aux récoltes et à la faune. Or, cette argumentation met au contraire en évidence qu'un pistolet d'alarme n'est pas conçu pour éloigner des promeneurs et les chiens qui les accompagnent: ceux-ci ne peuvent être comparés à des oiseaux ou d'autres animaux nuisibles aux récoltes et à la faune. Par conséquent et à ce stade de la procédure, les actes reprochés au recourant pourraient être constitutifs d'une tentative de lésions corporelles simples. En effet, il n'est pas exclu que, si un projectile avait touché la plaignante, cette dernière aurait pu être atteinte dans son intégrité physique.
| 25 |
2.5. Quoiqu'il en soit, il n'appartient pas au juge du séquestre de résoudre des questions juridiques complexes ou d'attendre d'être renseigné de manière exacte et complète sur les faits avant d'agir. C'est pourquoi, l'autorité statue sous l'angle de la vraisemblance, examinant des prétentions encore incertaines. Partant et au vu de ce qui précède, c'est à juste titre que la cour cantonale a considéré qu'à ce stade de la procédure, les faits reprochés au recourant laissaient présumer la commission d'une infraction; quand bien même l'autorité inférieure n'a pas précisé l'infraction en question, il était reconnaissable pour le recourant que ces actes pourraient vraisemblablement être qualifiés de menace, de contrainte, ou encore de tentative de lésions corporelles simples.
| 26 |
Par ailleurs, l'argumentation du recourant selon laquelle il n'existerait aucun lien de connexité entre la prétendue infraction commise et le séquestre ordonné tombe à faux: l'objet du séquestre est l'arme lui ayant vraisemblablement permis de commettre une ou plusieurs infractions. Il en va de même quant aux arguments de ce dernier relatifs au principe de proportionnalité. Le recourant n'allègue pas ni a fortiori ne démontre l'existence d'une autre mesure moins sévère et apte à atteindre le même but, soit s'assurer qu'il ne se servira plus de son pistolet pour effrayer des promeneurs et les chiens les accompagnant. De plus, la valeur sentimentale que peut accorder un prévenu à l'arme avec laquelle il est soupçonné d'avoir commis une ou plusieurs infractions ne justifie pas à elle seule de le remettre en possession de celle-ci, à tout le moins au stade de la mesure provisoire que constitue le séquestre. Qui plus est, et malgré le temps écoulé depuis la commission de l'infraction, le recourant ne démontre pas que la procédure se serait éternisée sans motifs suffisants, ni que les probabilités d'une confiscation du pistolet d'alarme se seraient amoindries, respectivement ne se seraient pas renforcées; la prétendue absence d'instruction ordonnée par le SdC ne change rien quant à son intention d'ordonner la confiscation de cette arme qui semble probable au vu notamment de l'ordonnance litigieuse. En outre, le recourant n'expose pas être empêché de mener à bien son travail sans cette arme; dans tous les cas, il existe d'autres moyens pour effrayer les oiseaux et les autres animaux nuisibles aux récoltes et à la faune.
| 27 |
Il s'ensuit que la cour cantonale n'a pas violé les principes de légalité et de proportionnalité, ni les art. 197 al. 1 et 263 al. 1 CPP en confirmant l'ordonnance de séquestre litigieuse.
| 28 |
3.
| 29 |
Par conséquent, le recours est rejeté aux frais du recourant qui succombe (art. 66 al. 1 LTF).
| 30 |
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce : | |
1.
| |
Le recours est rejeté.
| |
2.
| |
Les frais judiciaires, arrêtés à 2'000 fr., sont mis à la charge du recourant.
| |
3.
| |
Le présent arrêt est communiqué à la mandataire du recourant, au Service des contraventions de la République et canton de Genève et à la Cour de justice de la République et canton de Genève, Chambre pénale de recours.
| |
Lausanne, le 4 novembre 2021
| |
Au nom de la Ire Cour de droit public
| |
du Tribunal fédéral suisse
| |
Le Juge présidant : Chaix
| |
La Greffière : Nasel
| |
© 1994-2021 Das Fallrecht (DFR). |