BGer 9C_115/2021 | |||
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BGer 9C_115/2021 vom 16.12.2021 | |
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9C_115/2021 |
Arrêt du 16 décembre 2021 |
IIe Cour de droit social | |
Composition
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MM. et Mme les Juges fédéraux Parrino, Président, Stadelmann et Moser-Szeless.
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Greffier : M. Cretton.
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Participants à la procédure
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1. A.________,
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2. B.________,
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3. C.________,
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tous les trois représentés par M e Philippe Kitsos, avocat,
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recourants,
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contre
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Caisse de compensation du canton du Jura,
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rue Bel-Air 3, 2350 Saignelégier,
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intimée.
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Objet
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Assurance-vieillesse et survivants (responsabilité de l'employeur),
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recours contre l'arrêt du Tribunal cantonal de la République et canton du Jura, Cour des assurances, du 11 janvier 2021 (52LAVS 45, 46 et 47/2020).
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Faits : | |
A.
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A.a. D.________ Sàrl était affiliée à la Caisse de compensation du canton du Jura en tant qu'employeur. A.________, puis C.________ et B.________, en ont été des associés et/ou des gérants. La faillite de la société a été prononcée le 13 juin 2017 et suspendue faute d'actif le 4 août suivant.
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A.b. L'acquittement irrégulier des cotisations sociales ayant donné lieu à de multiples procédures de recouvrement, dont des poursuites ayant abouti à la délivrance d'actes de défaut de biens, la caisse a requis de A.________, C.________ ou B.________ notamment qu'ils lui versent 33'214 fr. 55, à titre de réparation du dommage causé par le non-paiement d'un solde de cotisations par la société (décisions du 9 décembre 2016, confirmées sur opposition le 15 mars 2017).
| 3 |
Sur recours de A.________, C.________ et B.________, la Cour des assurances du Tribunal cantonal de la République et canton du Jura a annulé lesdites décisions et renvoyé la cause à l'autorité administrative pour nouvelle décision dans le sens des considérants (arrêt du 24 mai 2019).
| 4 |
A.c. La caisse a à nouveau reconnu la responsabilité solidaire de A.________, C.________ et B.________ à hauteur de 33'214 fr. 55 pour le préjudice qu'elle avait subi en raison du non-paiement du solde des cotisations (décisions du 18 novembre 2019, confirmées sur opposition le 11 mars 2020).
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B.
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Saisie des trois recours interjetés par A.________, C.________ et B.________, la juridiction cantonale les a joints et rejetés (arrêt du 11 janvier 2021).
| 7 |
C.
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A.________, C.________ et B.________ interjettent un recours en matière de droit public contre le jugement cantonal, dont ils demandent l'annulation. Principalement, ils concluent à la constatation du fait qu'ils ne sont débiteurs d'aucun montant à titre de réparation du dommage, que le montant réclamé par la caisse dans les décisions du 18 novembre 2019 excède l'objet du litige et que le droit d'en réclamer le paiement est prescrit. Subsidiairement, ils concluent au renvoi de la cause au tribunal cantonal afin qu'il rende un nouvel arrêt au sens des considérants.
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La caisse a conclu au rejet du recours et l'Office fédéral des assurances sociales ne s'est pas prononcé.
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A.________, C.________ et B.________ ont déposé une détermination supplémentaire.
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Considérant en droit : | |
1.
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Le recours en matière de droit public (au sens des art. 82 ss LTF) peut être formé pour violation du droit (circonscrit par les art. 95 et 96 LTF). Le Tribunal fédéral applique le droit d'office (art. 106 al. 1 LTF). Il n'est limité ni par l'argumentation de la partie recourante ni par la motivation de l'autorité précédente. Il statue sur la base des faits établis par cette dernière (art. 105 al. 1 LTF). Cependant, il peut rectifier les faits ou les compléter d'office s'ils ont été établis de façon manifestement inexacte ou en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF (art. 105 al. 2 LTF). Le recourant ne peut critiquer les faits que s'ils ont été constatés de façon manifestement inexacte ou contraire au droit et si la correction d'un tel vice peut influer sur le sort de la cause (art. 97 al. 1 LTF).
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Erwägung 2 |
Erwägung 2.1 | |
2.1.1. Dans son premier arrêt du 24 mai 2019, la juridiction cantonale a essentiellement considéré que les recourants revêtaient la qualité d'organes (soit formels, soit de fait) de D.________ Sàrl (consid. 3-4) et répondaient du dommage subi par la caisse intimée en raison du non-paiement de cotisations sociales par la société (consid. 5-8). Elle a toutefois constaté que, dans la mesure où les décisions en réparation du dommage adressées aux administrateurs le 9 décembre 2016 avaient été rendues avant le prononcé de la faillite, le 13 juin 2017, la connaissance du dommage et le point de départ du délai de prescription du droit d'en demander la réparation correspondaient à la date de délivrance des actes de défaut de biens. Elle a déduit de ce qui précède que, même si la société avait reconnu sa dette de cotisations sociales en s'accordant avec la caisse intimée sur des plans de paiement, le droit de demander la réparation du dommage était prescrit en tant qu'il était en lien avec les trois actes de défaut de biens des 14 novembre 2011 et 12 mars 2012 mais pas en tant qu'il se basait sur l'acte de défaut de biens du 8 janvier 2016 (consid. 2). Ainsi, elle a annulé les décisions administratives attaquées et renvoyé la cause à la caisse intimée pour qu'elle procède à un nouveau décompte du dommage (en tenant compte de la prescription du droit de demander la réparation du dommage qui résultait de certaines créances) puis rende de nouvelles décisions (consid. 9).
| 14 |
2.1.2. Constatant que les diverses créances ayant fait l'objet des actes de défaut de biens mentionnés ci-avant avaient été remboursées soit par les versements effectués dans le cadre des plans de paiement conclus avec D.________ Sàrl, soit par compensations avec d'autres versements, l'administration a, le 18 novembre 2019, de nouveau exigé des recourants qu'ils lui versent les 33'214 fr. 55 réclamés auparavant à titre de réparation du dommage causé par le non-paiement du solde de cotisations sociales dû par la société.
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2.1.3. Dans son deuxième arrêt rendu le 11 janvier 2021, le tribunal cantonal a considéré que, vu le caractère contraignant de son arrêt de renvoi du 24 mai 2019, le litige portait uniquement sur la détermination du montant du dommage causé par le non-paiement de cotisations, au regard des règles concernant la prescription du droit d'en demander la réparation (consid. 3). En réponse aux différentes critiques émises par les recourants (consid. 4), il a succinctement expliqué les raisons pour lesquelles les considérants de son arrêt de renvoi n'étaient pas critiquables en tant qu'ils portaient sur la prescription du droit d'exiger la réparation du dommage en lien avec la délivrance d'actes de défaut de biens (consid. 4.1) ou sur le principe de la subsidiarité en lien avec des créances qui n'avaient fait l'objet ni d'acte de défaut de biens ni de faillite (consid. 4.2), sur lesquels il ne pouvait pas revenir. Il a en outre considéré que, sous réserve de l'examen de la prescription et de la naissance du dommage eu égard au principe de la subsidiarité, rien ne justifiait de traiter de façon différente les créances en réparation du dommage de la caisse intimée avant et après la faillite (consid. 4.3) et que les faits à la base du second arrêt étaient identiques à ceux ayant fait l'objet du premier. A cet égard, il a relevé que seule la présentation du calcul du dommage divergeait et démontrait l'extinction par voie de compensation des dettes les plus anciennes, y compris des créances atteintes par la prescription (consid. 4.4). Il a par conséquent confirmé les décisions administratives attaquées (consid. 5).
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2.2. Les recourants soutiennent en substance que l'objet du litige a été déterminé par les décisions du 9 décembre 2016 et que, compte tenu de la nature contraignante du jugement de renvoi, il se limite au montant du dommage causé par le non-paiement des cotisations ayant fait l'objet d'actes de défaut de biens. A cet égard, ils font valoir que, d'après les constatations cantonales, le droit de leur demander la réparation du dommage reposant sur les créances ayant fait l'objet des trois premiers actes de défaut de biens était prescrit (les montants dus n'existaient plus et, par conséquent, ne pouvaient être récupérés ou compensés) et que, selon le décompte final produit par la caisse intimée, la société s'était acquittée du montant ayant fait l'objet du dernier acte de défaut de biens. Ils prétendent dès lors que les 33'214 fr. 55, dont le paiement était exigé par la caisse intimée, correspondent soit à des créances dont le droit de réclamer la réparation était prescrit, soit à des créances qui n'avaient fait l'objet d'aucune poursuite et qui, par conséquent, ne font pas partie de l'objet du litige. Ils estiment que si la caisse intimée voulait interrompre la prescription du droit de demander le paiement de ce montant, elle aurait dû rendre une décision distincte dans un délai de deux ans après le prononcé de la faillite, ce qu'elle n'a pas fait, de sorte que le droit en question était prescrit depuis le 13 juin 2019.
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Erwägung 3 | |
3.1. D'après le principe de la subsidiarité, une caisse de compensation ne peut agir à l'encontre des organes d'une personne morale (au sens de l'art. 52 LAVS) que si le débiteur des cotisations sociales (à savoir, la personne morale) est insolvable (voir notamment arrêt 9C_701/2018 du 27 novembre 2018 consid. 5.3). La délivrance d'un acte de défaut de biens établit l'insolvabilité du débiteur. Cela ne signifie toutefois pas uniquement que le débiteur ne peut pas s'acquitter de la créance qui a fait l'objet de l'acte de défaut de biens mais suppose aussi qu'il n'a pas les moyens de payer les autres créances ouvertes qui n'ont fait l'objet d'aucune poursuite. Le créancier peut donc agir contre les organes du débiteur afin d'obtenir le paiement de tout ce que celui-ci lui doit, soit non seulement le montant constaté par l'acte de défaut de biens mais également l'entier des créances ouvertes.
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C'est précisément ce que la caisse intimée a fait en l'espèce, dans ses décisions du 9 décembre 2016, en demandant aux administrateurs de D.________ Sàrl (dont l'insolvabilité venait d'être confirmée par l'acte de défaut de biens du 8 janvier 2016) le versement de 33'214 fr. 55 correspondant au montant du dommage causé par le non-paiement des cotisations par la société. Elle a ainsi interrompu de façon valable la prescription à l'égard des administrateurs. De surcroît, l'interruption de la prescription concernait non seulement le montant constaté dans l'acte de défaut de biens du 8 janvier 2016 (soit 12'014 fr. 45) mais aussi l'intégralité des créances ouvertes (soit les 33'214 fr. 55, représentant le solde de cotisations resté impayé au moment de la délivrance de l'acte de défaut de biens évoqué). En effet, en l'absence de déclaration contraire de la part de la société (cf. art. 86 et 87 CO), la caisse intimée avait affecté au fur et à mesure les différents paiements effectués par celle-ci au remboursement de ses différentes dettes (objets ou non de poursuites) dans l'ordre de leur constitution.
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3.2. Dans leur arrêt du 24 mai 2019, les premiers juges ont toutefois abouti à la conclusion que "[...] les créances en réparation du dommage fondées sur les décomptes 2009, 2010 et 2e trimestre 2011 [étaient] prescrites" (consid. 2.3). Cela signifie concrètement qu'ils ont explicitement constaté que le paiement du montant des créances, dont le recouvrement avait abouti à la délivrances des trois premiers actes de défaut de biens, ne pouvait plus être demandé, faute pour la caisse intimée d'avoir agi en responsabilité à l'encontre des recourants avant l'expiration du délai de prescription de deux ans qui avait débuté avec la délivrance des actes de défaut de biens mentionnés (cf. art. 52 al. 3 LAVS dans sa teneur en vigueur jusqu'au 31 janvier 2019). Ils ont dès lors annulé les décisions sur opposition du 15 mars 2017 (qui confirmaient les décisions du 9 décembre 2016) et ont renvoyé la cause à la caisse intimée pour qu'elle procède à un nouveau décompte du dommage qui tienne compte de la prescription du droit de demander la réparation de certaines créances et rende de nouvelles décisions (consid. 9 et dispositif du jugement cantonal).
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3.3. La caisse intimée n'a pas formé de recours contre l'arrêt de renvoi ainsi qu'elle aurait été en droit de le faire dans la mesure où la décision du tribunal cantonal lui causait un dommage irréparable (cf. art. 93 al. 1 let. a LTF) en lui donnant des instructions contraignantes, contraires au droit selon elle, sur la manière de calculer le montant du préjudice subi (cf. ATF 145 V 266 consid. 1.3; 145 I 239 consid. 3.3). Elle s'est au contraire contentée de rendre des décisions substantiellement identiques à ses premières décisions en expliquant différemment la façon dont elle avait calculé le montant du dommage. Ce faisait, elle ne s'est pas conformée aux instructions du jugement de renvoi, par lesquelles tant les autorités administratives que les autorités judiciaires sont liées (cf. notamment arrêt 9C_203/2011 du 22 novembre 2011 consid. 4.2 in: SVR 2012 IV n° 29 p. 119). Comme elle n'avait pas recouru contre l'arrêt de renvoi, la caisse intimée aurait dû soustraire du montant total du dommage la somme des créances qui avaient fait l'objet des trois actes de défaut de biens délivrés le 14 novembre 2011 et le 12 mars 2012.
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3.4. Dans l'arrêt du 11 janvier 2021, la cour cantonale a confirmé les décisions sur opposition du 11 mars 2020 (entérinant les décisions du 18 novembre 2019). Ce faisant, à l'instar de l'administration, elle se distanciait également de son arrêt de renvoi bien qu'elle en ait rappelé le caractère contraignant (consid. 2.1.3 supra). Les explications de la caisse intimée sur la manière dont elle avait calculé le montant du dommage - peut-être plus claires que celles données auparavant - ne sauraient être assimilées à des "faits nouveaux importants" qui existaient déjà avant l'arrêt de renvoi, qui auraient été découverts après celui-ci et qui seraient susceptibles de rompre l'autorité qui y était attachée (cf. arrêt 9C_340/2013 du 25 juin 2013 consid. 3.2 et la référence). Dès lors, les premiers juges ne pouvaient entériner les décisions qui contrevenaient à leur arrêt de renvoi sans violer eux-mêmes le droit fédéral.
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3.5. Compte tenu de ce qui précède, il convient d'annuler l'arrêt du 11 janvier 2021 ainsi que les décisions sur opposition du 11 mars 2020 et de renvoyer la cause à la caisse intimée afin qu'elle calcule le montant du dommage conformément aux injonctions de l'arrêt de renvoi du 24 mai 2019 et rende de nouvelles décisions.
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4.
| 24 |
Le renvoi de la cause pour nouvel examen et nouvelle décision revient à obtenir gain de cause (ATF 146 V 28 consid. 7). Par conséquent, les frais judiciaires et les dépens sont mis à la charge de la caisse intimée (art. 66 al. 1 et 68 al. 1 LTF). Par ailleurs, la cause doit être renvoyée à la cour cantonale pour qu'elle rende une nouvelle décision sur les dépens de la procédure antérieure (art. 67 et 68 al. 5 LTF).
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Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce : | |
1.
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Le recours est admis. L'arrêt du Tribunal cantonal de la République et canton du Jura, Cour des assurances, du 11 janvier 2021 et les décisions sur opposition de la Caisse de compensation du canton du Jura du 11 mars 2020 sont annulés. La cause est renvoyée à l'intimée pour nouvelle décision dans le sens des considérants.
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2.
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Les frais judiciaires, arrêtés à 3000 fr., sont mis à la charge de l'intimée.
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3.
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L'intimée versera aux recourants la somme de 2800 fr. à titre de dépens pour la procédure devant le Tribunal fédéral.
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4.
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La cause est renvoyée au Tribunal cantonal de la République et canton du Jura, Cour des assurances pour nouvelle décision sur les dépens de la procédure antérieure.
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5.
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Le présent arrêt est communiqué aux parties, au Tribunal cantonal de la République et canton du Jura, Cour des assurances, et à l'Office fédéral des assurances sociales.
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Lucerne, le 16 décembre 2021
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Au nom de la IIe Cour de droit social
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du Tribunal fédéral suisse
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Le Président : Parrino
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Le Greffier : Cretton
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