BGE 19 I 44 - Décosterd | |||
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Bearbeitung, zuletzt am 15.03.2020, durch: Sabiha Akagündüz, A. Tschentscher | |||
8. Arrêt du 4 Février 1893 dans la cause Décosterd | |
en fait: | |
Le sieur Henri Décosterd, domicilié à Lausanne, recourt au Tribunal fédéral en exposant que le 19 Octobre 1892 un mandat d'arrêt a été décerné contre lui par la préfecture du district de Lausanne, qui lui a infligé un emprisonnement de 16 jours, en acquittement de la taxe militaire que le recourant doit pour les années 1887 à 1891.
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Dans sa réponse du 15 Janvier écoulé le Gouvernement de Vaud explique que la décision attaquée est intervenue en exécution des art. 38 et 39 de la loi cantonale du 2 Février 1889, édictée en exécution de la loi fédérale du 28 Juin 1878 sur la taxe d'exemption du service militaire. Ces articles prévoient, en effet, l'incarcération des contribuables qui n'acquittent pas la taxe militaire ou n'usent pas de la faculté qui leur est donnée de se libérer en travaillant au profit de l'Etat. Ce n'est pas, dit le Conseil d'Etat, sans y avoir m’rement réfléchi que le législateur vaudois a adopté ces dispositions. L'expérience avait démontré que nombre de personnes trouvaient moyen d'échapper à l'action du fisc, alors qu'avec un peu de bonne volonté il leur e’t été facile de s'acquitter envers lui. Du reste, en introduisant les mesures de rigueur contre lesquelles le recours s'élève, le canton de Vaud n'a fait que suivre l'exemple d'autres cantons, et spécialement de celui de Berne, dont le Gouvernement a rendu, le 6 Janvier 1885, un arrêté portant à son art. 9 :
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"Les préfets sont chargés de pourvoir, sans aucun retard, à l'exécution pour tous les arrêts et conversions d'amende qui leur sont indiqués par la Direction militaire ou par les commandants d'arrondissement et les chefs de corps, aussi bien envers les militaires qu'envers les contribuables à la taxe militaire, etc.,"
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et l'art. 17 de l'ordonnance concernant le recouvrement de la taxe d'exemption du service militaire, rendue par le même Conseil exécutif en date du 27 Février dit entre autres:
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"Celui-ci (le commandant d'arrondissement) fait exercer des poursuites contre les contribuables en retard ou leur ordonne de se présenter pour s'acquitter de leur d’ par des travaux. Les préfets feront conduire par la gendarmerie les hommes qui ne donnent pas suite à l'ordre de marche, et ces contribuables seront punis par la Direction militaire."
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Le décret adopté par le Grand Conseil vaudois, le 2 Février 1889, a d'ailleurs été ratifié sans réserve par le Conseil fédéral le 5 dit. Il y a lieu de faire remarquer que cette dernière autorité, après avoir dans un premier règlement d'exécution de la loi sur la taxe militaire en date du 16 Octobre 1878, inséré une disposition portant qu'il était interdit de sévir contre les contribuables récalcitrants ou de transformer la taxe d'exemption en emprisonnement ou en corvées, avait elle-même rapporté cette prohibition en édictant, le 1er Juillet 1879, un nouvel arrêté abrogeant le précédent et supprimant complètement la disposition ci-dessus.
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En effet, poursuit la réponse, l'on ne saurait assimiler la détention dont est recours à la contrainte par corps, cette dernière laissant subsister la dette, tandis que celle que vise la loi vaudoise a lieu en acquittement de cette même dette. En outre, il est évident que la taxe militaire a un caractère autre que celui que présente une dette ordinaire. Elle est l'équivalent de l'obligation au service militaire, laquelle est éminemment personnelle, et doit être remplie par celui-là même qui y est tenu ; cette obligation astreint le citoyen à payer de sa personne, à moins d'encourir les rigueurs des règlements militaires, dont la violation entraóne le plus souvent un emprisonnement d'une durée plus ou moins longue. L'obligation au service étant, de par la constitution fédérale, générale, en ce sens qu'elle s'impose à tout citoyen, à peine d'emprisonnement, on ne voit pas pour quel motif on ne soumettrait pas au même régime ceux qui, incorporés dans l'armée, viennent à manquer à leur devoir, et ceux qui, dispensés du service moyennant une taxe, négligent ou refusent de l'acquitter. Autrement un citoyen, par son refus de payer la taxe, pourrait se soustraire entièrement, et impunément, à l'obligation de servir.
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Statuant sur ces faits et considérant en droit : | |
1. Bien que la différence, signalée par la réponse, entre la contrainte par corps proprement dite et la détention prévue par la loi vaudoise soit incontestable, en ce sens que la première laisse subsister la dette, tandis que la seconde l'éteint, cette circonstance ne justifie pas l'inférence qu'en tire le Conseil d'Etat de Vaud. Ce n'est pas, en effet, par le motif que celui qui a subi la contrainte par corps n'en demeure pas moins tenu à l'exécution de ses engagements, que la constitution fédérale a interdit ce mode de coercition, mais bien plutùt parce que cette voie d'exécution apparaissait comme en opposition avec le principe de droit moderne en vertu duquel les biens seuls d'un débiteur, et non sa personne, peuvent être soumis à l'action de ses créanciers. Or il n'est pas douteux qu'à ce point de vue l'analogie entre la contrainte par corps et la mesure contre laquelle réclame le recourant est complète, et que ce principe doit faire repousser également cette dernière ; à plusieurs reprises d'ailleurs, le Tribunal de céans a reconnu l'inconstitutionnalité de la détention qui se présente comme un mode d'exécution, soit qu'elle apparaisse comme une contrainte à l'adresse du débiteur, soit qu'elle fait pour but d'éteindre une obligation dépourvue de tout caractère de pénalité (voir, entre autres, arrêt du Tribunal fédéral en la cause Messerli du 12 Mai 1888, Rec. XIV, p. 179).
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Bien qu'il y ait lieu de reconnaótre que l'obligation au service militaire et l'astriction au paiement de la taxe reposent l'une et l'autre sur la disposition de l'art. 18 de la constitution fédérale, aux termes de laquelle tout Suisse est tenu au dit service, l'identité complète que la réponse cherche à faire admettre entre les infractions aux règlements ou au Code pénal militaire et le refus de payer la taxe n'en est pas moins inadmissible.
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Ce défaut de paiement, en effet, ne peut être assimilé à un manquement disciplinaire et il ne saurait, en soi, entraóner d'autres conséquences que celles qui résultent du refus de paiement d'un autre impùt, soit de l'obligation de verser au fisc une somme d'argent.
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3. II n'y a pas lieu davantage de s'arrêter à l'argument consistant à dire que d'autres cantons usent de mesures semblables à celle qui fait l'objet du recours, et qu'en particulier le Conseil fédéral, après les avoir proscrites par son arrêté du 16 Octobre 1878, a rapporté celui-ci et l'a remplacé par un autre arrêté du 2 Juillet 1879 dans lequel il n'a pas reproduit cette interdiction.
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Quel que soit le motif de cette modification, et à supposer même qu'il faille le chercher dans le désir de réprimer les abus signalés par le Conseil d'Etat de Vaud de la part de certains contribuables rénitents, il n'en est pas moins certain que ces considérations d'opportunité doivent s'effacer devant le principe inscrit à l'art. 59 de la constitution fédérale, lequel est absolu et ne souffre aucune exception. Si, ainsi qu'il vient d'être dit, la taxe militaire apparaót comme un véritable impùt, sa rentrée ne saurait être poursuivie par voie de contrainte par corps. C'est là la seule interprétation compatible avec le texte impératif du prédit article, et le recours doit être accueilli.
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Par ces motifs, | |
Le Tribunal fédéral prononce : | |
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