BGE 31 I 385 - Gemeinderatswahlen | |||
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Bearbeitung, zuletzt am 15.03.2020, durch: Jana Schmid, A. Tschentscher | |||
73. Arrêt |
du 16 septembre 1905 dans la cause Quillet contre Rey et Collaud. | |
Regeste |
Notion de la presse; une circulaire distribuée à l'occasion d'élections a-t-elle droit à la garantie de la presse? |
Violation de la dite garantie, commis par un jugement pénal pour diffamation, etc. |
Annulation du jugement attaqué in toto (prononcés pénal et civil). | |
Sachverhalt | |
Le 28 février 1905 ont eu lieu, dans la paroisse fribourgeoise de Saint-Aubin, les élections pour le renouvellement du conseil paroissial. A cette occasion, le recourant Frédéric Quillet, propriétaire au dit lieu, et bourgeois de la commune, a fait imprimer une liste de candidats et une proclamation soit circulaire aux électeurs, qui leur furent distribuées. Cette proclamation est de la teneur suivante :
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"Aux électeurs de la paroisse de Saint-Aubin,
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Chers concitoyens,
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Les élections paroissiales d'aujourd'hui ont une grande importance. Le Comité d'initiative vous prie d'appuyer la liste ci-jointe, car elle est conforme à la réalisation de vos revendications et à l'intérêt supérieur de notre paroisse. Vous ne pouvez accorder votre confiance à la dernière administration qui s'est montrée plus insolente que capable, car sa principale occupation a été de ne respecter aucune autorité, pas même la personne vénérée de M. le Doyen qui les a élevés! Les ordres de notre Evêque, au sujet des sonneries d'Enterrement, ont été dédaignés! Sous prétexte d'économie, on a fait silence sur le voeu des hautes autorités ainsi que sur le vote de l'Assemblée où la grande majorité avait nettement exprimé son désir de voir restaurer la tour de notre vieille Eglise! Et que fallait-il dépenser pour cela? La modique somme de 200 francs, alors que la commune, soutien naturel de la paroisse, avait fait pendant l'année 7000 francs de bénéfices! Il est vrai que le président s'était empressé d'accepter pour sa soeur, l'institutrice, une somme de 200 francs accordée par le conseil communal avec une légèreté bien coupable, malgré le déficit de 3000 francs fait en 1903. Depuis que Saint-Aubin est érigé en paroisse, jamais nous n'avons eu d'aussi mauvais administrateurs! Certes, tous les membres du conseil ne méritent pas un blâme; mais le manque de fermeté de la plupart d'entre eux n'a pas permis aux meilleurs de s'élever contre l'orgueil autoritaire d'un président incapable qui ne peut plaire qu'à certains mignons ou autres hâbleurs qui ne voient qu'une chose, leurs intérêts personnels. Méfiez-vous de leur doucereuse attitude et de leurs manières hypocrites, sournoisement, ils auront l'air d'approuver vos griefs et condamneront l'incurie du conseil; mais une fois le dos tourné, vous pourrez les voir avec une nouvelle figure de circonstance. Ce sont eux qui, par leur double visage, sont responsables de la mauvaise gérance de nos affaires. Electeurs! vous aurez à coeur de voter pour notre liste, pour des gens dévoués à l'intérêt public! Il n'est pas juste que des incapables occupent continuellement des emplois publics et compromettent, par leur ignorance, l'intérêt de tous. A la dernière heure, vous verrez encore venir à leur secours un certain pintier qui, tour à tour épicier, chocolatier ou marchand de moutarde, nous a déjà mis dedans avec un établissement dont tout le bénéfice lui est acquis au détriment de nos finances et cela malgré la pétition de 75 membres de la Société des Carabiniers, tous signataires de la protestation. N'écoutez pas les conseils intéressés de ce verseur à outrance! S'il vous offre ses fonds de tonneau, bavez-lui son vin, mais ne votez pas selon ses désirs. Vous ne pouvez continuer à suivre les conseils de ces ennemis du Progrès et de l'Instruction. Chers Concitoyens! soyez fermes! Pas d'indifférence et surtout pas de croisements! Votez avec la liste entière, selon la méthode du premier syndic qui nous conduit depuis dix ans. Aussitôt le résultat connu, ce qui ne fait aucun doute pour les électeurs clairvoyants, réunissons-nous à l'Hôtel de Ville pour trinquer à la délivrance d'une oppression trop induente et tyrannique, et surtout lamentable pour les intérêts de tous! | 4 |
Vive la Paroisse de Saint-Aubin.
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Le Comité."
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Les personnes suivantes se trouvèrent offensées par la dite proclamation:
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a) Louis Rey, aubergiste à Saint-Aubin, qui, dans sa plainte, s'est élevé contre le passage de la proclamation ci-haut reproduite, commençant par les mots "à la dernière heure", et finissant par ceux-ci: "selon ses désirs". Le plaignant prétend que ce passage a nui à ses intérêts, en ce sens qu'il l'accuse de servir à ses clients des fonds de tonneaux, et qu'il lui reproche en même temps d'être un "verseur à outrance"; qu'on le traite en outre d'épicier, de chocolatier, de marchand de moutarde et autres titres de mépris. Le premier de ces reproches est, suivant le plaignant, de nature à lui nuire dans l'exploitation de son industrie, et les autres qualifications qui lui sont adressées l'exposent à la risée et au mépris de ses concitoyens.
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Quillet a reconnu que le pintier visé par le pamphlet était bien le plaignant Rey; (Juillet affirme en outre qu'une fois, lors d'élections communales, Rey aurait débité 1500 litres de vin, soit en moyenne 10 litres par tête, aux électeurs; que Rey avait été précédemment l'un des auteurs d'un pamphlet injurieux, contenant les expressions les plus outrageantes contre Quillet; que dès lors il a mérité la réponse de ce dernier.
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Dans son jugement du 14 avril 1905, le Tribunal correctionnel de l'arrondissement de la Broyé a admis qu'en reprochant sans motif et sans preuve à M. Bey de vendre à outrance, non pas de la bonne marchandise, mais des fonds de tonneaux, F. Quillet a porté atteinte à l'honneur et au crédit de Bey, et a commis ainsi le délit d'injure publique, prévu à l'art. 408 Cp. Le jugement ne s'exprime pas sur les autres griefs formulés par le plaignant.
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b) Le président du Conseil paroissial, Albin Collaud, et quatre membres du même conseil, savoir Basile Collaud dit Boy, Arthur Collaud, Louis Collaud fils d'Edouard, tous à Saint-Aubin, et Auguste Marion, aux Briques, portèrent également plainte contre la prédite proclamation, dans son ensemble, et en visant spécialement les passages suivants:
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"Vous ne pouvez accorder votre confiance à la dernière administration qui s'est montrée plus insolente que capable, car sa principale occupation a été de ne respecter aucune autorité, pas même la personne vénérée de M. le Doyen qui les a élevés! Les ordres de notre Evêque, au sujet des sonneries d'Enterrement, ont été dédaignées!" | 12 |
M. Albin Collaud relève pour ce qui le concerne le passage suivant:
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"Il est vrai que le président s'était empressé d'accepter pour sa soeur, l'institutrice, une somme de 200 fr. accordée par le Conseil communal avec une légèreté bien coupable, malgré le déficit de 3000 fr. fait en 1903."
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Plus loin M. Albin Collaud serait encore accusé de ne chercher autre chose que ses intérêts personnels lorsqu'il s'occupe d'affaires publiques. Les membres du Conseil paroissial sont traités en outre d'hypocrites et de sournois. Ces accusations et reproches dénués de tout fondement constituent le délit de calomnie, d'offense à l'honneur et d'offense publique à l'égard d'une autorité ou d'un membre de celle-ci (Cp art. 324).
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Dans son jugement, le tribunal correctionnel déclare que les termes injurieux adressés aux membres du Conseil paroissial constituent le délit de l'offense publique à l'égard d'une autorité (Cp art. 324), que les reproches, faits à cette autorité, d'être insolente, incapable et de ne respecter aucune autre autorité, sont des outrages graves, et que ces fausses accusations portent atteinte à l'honneur des personnes visées, lesquelles ont rempli loyalement et fidèlement les fonctions auxquelles elles ont été appelées.
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Dans sa défense, Quillet fait valoir que Albin Collaud a été un des rédacteurs du pamphlet dirigé contre lui le 7 février 1904, et que ce plaignant a, dès lors, aussi mérité la réponse qui lui a été faite.
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Le tribunal correctionnel a admis que les reproches dont A. Collaud s'est plaint constituent également le délit prévu à l'art. 324 Cp attendu que ces allégués sont une atteinte à l'honnêteté et à la loyauté du plaignant, et sont de nature à diminuer l'estime et la confiance de ses concitoyens à son égard.
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Interrogé lors des débats, Quillet a reconnu que c'était lui qui avait colporté la circulaire relative aux élections paroissiales de Saint-Aubin, et il a déclaré qu'il assumait toute la responsabilité de son contenu, bien qu'il n'en fût pas l'auteur.
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Statuant, le tribunal a condamné le prévenu Quillet à une amende correctionnelle de 100 fr. et aux frais ; il a prononcé en outre, en vertu de l'art. 415 du Cp, qu'une publication du jugement aura lieu une fois à la sortie de l'office divin à Saint-Aubin, aux frais du condamné.
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Statuant en outre sur les conséquences civiles de cette condamnation, le tribunal condamna en outre Quillet:
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a) à payer au plaignant Rey, pour les frais de course, débours, et aussi pour un certain préjudice à lui causé en sa qualité d'aubergiste, une indemnité de 30 fr. avec suite de frais;
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b) à payer aux membres du Conseil paroissial, également pour frais, débours, et un certain préjudice causé à leur honnêteté (perte morale) une indemnité de 50 fr. avec suite de frais.
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Un recours en nullité, interjeté par Quillet contre ce jugement, fut écarté par arrêt de la Cour de cassation du canton de Fribourg, en date du 6 juin 1905.
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) Violation de la liberté de la presse, garantie à l'art. 55 CF. Rien, dans la proclamation distribuée par le recourant, n'est attentatoire à l'honneur des plaignants, dont il n'a fait que discuter, comme c'était son droit, la valeur et les actes, à l'occasion du renouvellement du Conseil paroissial. Les fonctions des membres de ce conseil étaient expirées, et c'est à tort que le Tribunal de la Broyé voit dans la dite proclamation un outrage à l'adresse de magistrats à propos de l'exercice de leurs fonctions.
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b) Le jugement dont est recours viole également l'art. 5 CF, garantissant la liberté des citoyens. On a voulu rendre au recourant la vie impossible dans la localité, et on a usé dans ce but de tous les moyens. Les plaignants ont abusé de leur situation politique pour obtenir du Tribunal de la Broyé la condamnation d'un audacieux qui n'a pas craint d'attaquer une administration dont la réélection n'était, selon lui, pas méritée.
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c) Le jugement incriminé constitue, en outre, un déni de justice, en ce sens qu'aux termes de l'art. 324 Cp, Quillet, reconnu coupable d'outrages publics et de calomnies à l'égard de fonctionnaires dans l'exercice de leurs fonctions, aurait dû être condamné à la détention dans une maison de correction. En lui appliquant seulement l'amende, le jugement correctionnel a violé les dispositions formelles du prédit article; si le juge ne voulait pas appliquer la peine de l'art. 324 Cp, il devait reconnaître Quillet coupable seulement d'une infraction à l'art. 408 ibid. Par le même motif il y a également déni de justice au point de vue de l'art. 411 Cp, du moment où le juge reconnaissait Quillet coupable de calomnie.
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d) Le jugement du Tribunal de la Broyé viole diverses dispositions d'une loi promulguée constitutionnellement, notamment l'art. 259 chiff. 8 Cpp, lequel statue que tout jugement doit contenir la mention des lois appliquées. Le recourant a été condamné à payer des indemnités civiles, sans que le jugement mentionne les articles de la loi civile ni les articles du Cpp en vertu desquels le prévenu a été reconnu coupable. La partie civile du dit jugement doit dès lors être annulée, en vertu de l'art. 491 chiff. 2 et 4 Cpp. Enfin, dans les faits qu'il expose au début de son pourvoi, Quillet allègue, à la vérité, que le tribunal l'a condamné sans lui laisser le temps de citer ses témoins, mais il n'invoque pas cette circonstance comme impliquant un déni de justice. Dans leur réponse, les opposants au recours concluent au rejet de celui-ci, en faisant valoir, en résumé, les considérations suivantes:
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ad a: La liberté de la presse n'a pu être violée à l'occasion d'un misérable pamphlet, visant un cas restreint et n'ayant pas paru dans une feuille périodique. D'ailleurs la garantie de l'art. 55 CF n'est point absolue, et elle ne saurait assurer l'impunité en matière d'injures ou de diffamations. Il est faux que les fonctions des plaignants eussent été expirées, comme l'affirme le recourant, lors de la distribution de la circulaire incriminée; ces fonctions durent jusqu'à l'assermentation des nouveaux élus.
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ad b: Ce grief du recours constitue une nouvelle calomnie contre des corps à l'abri de tout soupçon, et qui n'ont jamais abusé de leur situation politique.
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ad c: On ne comprend pas un condamné venant recourir d'un jugement parce qu'il n'aurait pas été condamné à une peine assez forte. D'ailleurs l'amende prononcée contre Quillet est prévue aux art. 324 et 408 Cp; il n'a donc pas été prononcé une autre peine, mais une peine moindre que celle qui pouvait lui être infligée.
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ad d: Le jugement attaqué est suffisamment motivé; les dispositions de l'art. 259 Cpp ont été observées. L'art. 491 chiff. 2 et 4 du même code ne sont d'aucune application en l'espèce, attendu qu'aucune disposition légale n'a été violée dans l'instruction de la procédure, et que non seulement les plaignants avaient demandé des dommages-intérêts, mais que le montant de ceux-ci était supérieur à ceux qui leur ont été alloués.
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Erwägungen: | |
Statuant sur ces faits et considérant en droit:
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Erwägung 1 | |
35 | |
Erwägung 2 | |
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Le premier moyen du recours est basé sur l'affirmation d'une atteinte portée à la liberté de la presse (CF art. 55). Il y a donc lieu de rechercher si le jugement attaqué viole cette garantie constitutionnelle.
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Les opposants au recours font valoir d'abord que la circulaire électorale dont il s'agit n'apparaît pas comme une publication rentrant dans la catégorie de celles que l'art. 55 précité a pour but de protéger. La Cour de cassation fribourgeoise, dans son arrêt du 6 juin écoulé, partage ce point de vue, en disant que la loi sur la presse et les principes constitutionnels qui s'y rattachent ne trouvent pas leur application dans l'espèce, où il ne s'agit que d'un pamphlet lancé dans un cercle restreint (paroisse et commune), à propos d'élections paroissiales. A l'appui de cette manière de voir, les opposants au recours soutiennent que l'on doit, en effet, entendre par "la presse" seulement des écrits périodiques, des journaux proprement dits, s'adressant au public en général et publiés dans les conditions et avec la garantie prévue par la loi; que, dans le cas actuel, on se trouve en présence d'un misérable pamphlet, visant un cas restreint et qui n'a pas paru dans une feuille périodique. Cette définition apparaît toutefois comme beaucoup trop étroite. Il est évident en effet que les produits de la "presse" ne sont pas, pour pouvoir être considérés comme tels, astreints à la condition absolue de paraître périodiquement, sinon la garantie de l'art. 55 susvisé devrait être refusée à tous les livres, brochures etc., qui sont pourtant sans conteste des publications auxquelles cette garantie est éminemment applicable. La liberté de la presse, au sens du prédit art. 55, n'est autre chose que la liberté de la manifestation des opinions par la voie de la presse. Sans doute que tout produit de la presse ne peut être mis au bénéfice de la dite garantie, et qu'il y aurait lieu, par exemple, d'en exclure un écrit qui n'aurait été imprimé qu'en un exemplaire unique; la protection constitutionnelle accordée à la presse suppose l'élément de la publicité. Il faut dès lors admettre qu'un produit de la presse doit en tout cas jouir du bénéfice de cette garantie lorsqu'il a été tiré à un nombre plus ou moins considérable d'exemplaires et qu'il est destiné à un nombre plus ou moins grand de lecteurs; il va de soi que le chiffre ne saurait en être déterminé d'une manière précise, mais la notion de publicité est si claire qu'il sera toujours possible de décider, dans chaque cas particulier, si le nombre d'exemplaires ou de lecteurs prévu est suffisant pour qu'il y ait lieu d'admettre l'existence d'une publication capable de jouir de la protection constitutionnelle. Dans l'espèce actuelle, l'importance de l'édition de la circulaire n'est pas établie, mais il n'en est pas moins hors de doute qu'il s'agit d'un imprimé portant les caractères de la publicité, puisqu'il était destiné à tous les électeurs de la paroisse de Saint-Aubin sans distinction, et qu'il a été distribué, en fait, à la majorité de ceux-ci.
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Erwägung 3 | |
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A cet égard il convient de faire remarquer, d'une manière générale, qu'en matière d'élection de n'importe quelles autorités, chaque citoyen a le droit de critiquer librement, notamment en ce qui concerne leur capacité, soit les candidats nouveaux, soit les anciens titulaires dont il est question de renouveler le mandat. Le reproche d'incapacité, même alors qu'il est dénué de fondement, ne peut être considéré comme attentatoire à l'honneur, et le recourant, en déclarant les plaignants incapables, s'est livré à une critique, peut-être mal fondée, mais point illicite. Il en est de même de l'appréciation, contenue dans la même circulaire: "jamais nous n'avons eu d'aussi mauvais administrateurs", ainsi que du passage de la circulaire reprochant au Conseil paroissial de ne pas respecter les autorités ecclésiastiques supérieures, et en particulier de ne pas se soumettre aux ordres de l'évêque. C'est à propos de cette désobéissance seulement que la circulaire accuse l'administration paroissiale de s'être montrée "insolente". Mais eût-elle été employée d'une manière toute générale à l'adresse du dit conseil, cette expression, vive, impolie, et peu parlementaire sans doute, ne saurait être envisagée comme portant atteinte à l'honneur des personnes qu'elle visait. Ce terme, le synonyme ou l'analogue de ceux d'orgueilleux, d'outrecuidant, hautain, arrogant, comporte sans doute une critique sérieuse de certains côtés du caractère de la personne à laquelle il s'applique, mais son emploi n'a rien d'attentatoire à l'honneur de celle-ci. Il ne constitue, au sens pénal, ni une calomnie, ni une diffamation, ni une injure, et ne saurait, surtout en temps d'élection, apparaître comme devant appeler ou pouvant justifier une répression pénale. Le contenu de l'alinéa conçu en ces termes: "Méfiez-vous de leur doucereuse attitude, et de leurs manières hypocrites, sournoisement, ils auront l'air d'approuver vos griefs et condamneront l'incurie du conseil; mais une fois le dos tourné, vous pourrez les voir avec une nouvelle figure de circonstance. Ce sont eux qui, par leur double visage, sont responsables de la mauvaise gérance de nos affaires" pourrait être interprété comme formulant à l'adresse du dit conseil des accusations plus graves, en lui reprochant de l'hypocrisie et des manières sournoises. Toutefois le Tribunal correctionnel de la Broyé n'a nullement basé son jugement sur les dites accusations, qu'il n'a point spécialement retenues comme constituant une offense, -- à la différence d'autres passages de la circulaire, qu'il énumère, et auxquels il attribue un caractère injurieux.
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Les prédites accusations ne peuvent dès lors être prises en considération par le Tribunal fédéral, puisqu'il s'agit seulement de savoir si le jugement attaqué, en ce qui concerne les passages de la circulaire sur lesquels la condamnation du recourant se fonde, peut subsister ou non en droit fédéral. -- Il suit des considérations ci-dessus que cette condamnation, obtenue par les plaignants, est en contradiction avec le principe de la liberté de la presse, les passages incriminés par le Tribunal de la Broyé ne contenant que des appréciations ou des critiques permises, et en tout cas non attentatoires à l'honneur.
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Erwägung 4 | |
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Ce reproche, toutefois, n'emporte aucune attaque dirigée contre l'honneur de ce plaignant. Tout lecteur du passage incriminé doit en conclure, d'une part, que la somme dont il s'agit n'a pas profité au dit plaignant, mais à la soeur de celui-ci, en sa qualité d'institutrice, et, d'autre part, que c'est le Conseil communal qui a voté cette dépense. L'auteur de la circulaire ne prétend nullement que le président se soit enrichi illégitimement de ce chef, et il ne viendra à l'esprit de personne de prétendre qu'en ne s'opposant pas à cette gratification, A. Collaud ait forfait à l'honneur. Le dit président se plaint ensuite d'avoir été accusé "de ne chercher autre chose que ses intérêts personnels lorsqu'il s'occupe d'affaires publiques." Or nulle part ce reproche ne lui est adressé, dans cette teneur, par la circulaire, qui se borne à prétendre que "le manque de fermeté de la plupart des membres du conseil n'a pas permis aux meilleurs de s'élever contre l'orgueil autoritaire d'un président incapable, qui ne peut plaire qu'à certains mignons ou autres hâbleurs qui ne voient qu'une chose, leurs intérêts personnels." Ce dernier reproche n'est ainsi point adressé au président Collaud, mais à d'autres personnes; les seules affirmations formulées à son endroit sont celles d'être en proie à un orgueil autoritaire, lequel ne peut plaire qu'à des favoris et à des vantards. Or ces griefs, pas plus que le reproche d'incapacité, n'ont, avec raison, pas été considérés par le Tribunal correctionnel comme une offense à l'honneur, et le Tribunal de céans n'a point à s'en préoccuper.
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Erwägung 5
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Erwägungen 6 und 7 | |
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Erwägung 8 | |
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Dispositiv | |
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:
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