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Bearbeitung, zuletzt am 16.03.2020, durch: Jana Schmid, A. Tschentscher | |||
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56. Extrait de l'arrêt |
du 3 décembre 1937, dans la cause Barraud et consorts contre Loi neuchâteloise interdisant le parti communiste. | |
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L'art. 56 CF permet aux cantons d'interdire les associations subversives (consid. 3). |
Le parti communiste peut être rangé actuellement au nombre des associations subversives (consid. 4). |
Le législateur a pouvoir de prohiber non seulement les associations subversives en général, mais encore telle association particulière, lorsque, sans arbitraire, il peut estimer cette mesure nécessaire pour atteindre le but qu'il se propose: empêcher les mouvements subversifs (consid. 5). | |
Sachverhalt | |
A. | |
La loi neuchâteloise du 23 février 1937 portant interdiction des organisations communistes ou subversives décrète que le parti communiste est dangereux pour I'Etat et illégal et lui interdit toute activité politique ou autre sur territoire neuchâtelois; le Conseil d'Etat est chargé de dissoudre les organisations illicites (art. 1). Elle interdit également l'offre, la remise, l'envoi ou la distribution de tous journaux, écrits, feuilles volantes, manifestes et autre matériel de propagande ayant un caractère communiste ou subversif (art. 2). L'exercice d'un mandat public et d'une fonction administrative ou pédagogique est déclaré incompatible avec le fait d'être membre du parti communiste, d'une organisation qui s'y rattache ou qui s'en inspire (art. 3 al. 1). En conséquence, l'entrée en vigueur de la loi emporte de plein droit l'annulation des mandats publics attribués à des communistes et la résiliation des rapports de service des fonctionnaires, employés et ouvriers de l'Etat ou des communes, appartenant soit au parti communiste, soit aux organisations qui s'y rattachent ou qui s'en inspirent (art. 3 al. 2). Les personnes qui, sans se ![]() ![]() | 1 |
La loi, soumise à la votation populaire à la suite d'une demande de referendum, fut adoptée par 17.524 oui contre 8597 non les 24 et 25 avril 1937. Le parti communiste déposa contre la validité du scrutin une réclamation qui fut déclarée mal fondée par décret du Grand Conseil rendu le 18 mai 1937. Le même jour, la loi fut promulguée par arrêté du Conseil d'Etat. Décret et arrêté furent publiés dans la Feuille officielle le 19 mai 1937.
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B. | |
Aurèle Barraud et 19 corecourants, tous citoyens suisses domiciliés dans le canton de Neuchâtel et tous, sauf cinq, membres du parti communiste au moment de la promulgation de la loi, ont formé auprès du Tribunal fédéral un recours de droit public, le 16 juin 1937, contre la loi du 23 février promulguée le 18 mai 1937 par le Conseil d'Etat, contre l'arrêté de promulgation et contre le décret du Grand Conseil du 18 mai concernant la votation populaire des 24 et 25 avril 1937.
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Les recourants se plaignent de la violation de nombreuses dispositions constitutionnelles, notamment de celles qui garantissent la liberté d'association, la séparation des pouvoirs et l'égalité des citoyens devant la loi.
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C. | |
Tant au nom du Grand Conseil qu'en son propre nom, le Conseil d'Etat de Neuchâtel a conclu au rejet du recours.
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Erwägungen: | |
Extrait des motifs:
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Erwägung 3 | |
3. Aux termes de l'art. 56 CF, les citoyens ont le droit de former des associations, mais ce droit n'existe qu'autant ![]() ![]() | 7 |
Cette limitation du droit d'association et ce pouvoir des cantons, qui en est le corollaire, se comprennent et se justifient d'emblée. Une des missions essentielles de l'autorité est de maintenir l'ordre et la tranquillité publics, de protéger les institutions de l'Etat, d'empêcher toute atteinte à la sûreté intérieure et extérieure du pays. Les citoyens ne jouissent de leurs droits constitutionnels que dans la mesure compatible avec cette sauvegarde (RO 57 I p.272; 60 I p.124, 208 et 351; 61 I p. 35, 110 et 269). Les groupements de citoyens ne sauraient avoir des droits plus étendus; au contraire, leur activité, si elle sort des limites indiquées, est évidemment plus dangereuse que celle d'individus isolés.
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Si l'on examine la loi neuchâteloise dans son titre et clans l'ensemble de son texte, on constate qu'en principe elle vise précisément à empêcher l'abus du droit d'association en interdisant les organisations subversives, soit tous groupements dirigés contre l'Etat démocratique et préconisant la violence (au Grand Conseil neuchâtelois, le député qui a proposé d'introduire le mot "subversif" dans le titre de la loi a précisé que ce terme "vise ceux qui organisent le renversement du régime par la violence", art. 6). Il saute aux yeux que de pareilles associations sont illicites ou illégales -- ces deux mots pris dans le même sens général de contraires au droit écrit ou non écrit (Rechtsordnung) --, qu'elles sont de plus dangereuses pour l'Etat (cf. BURCKHARDT, 3e éd. p. 524; FLEINER, Bundesstaatsrecht, p. 369 et 370; LAMPERT, Vereine, p. 14; BONHOTE, La liberté d'association, p. 211), et que le législateur cantonal peut les interdire en vertu de la réserve insérée dans l'art. 56 CF. ![]() | 9 |
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Qu'en est-il du parti communiste?
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Erwägung 4 | |
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Pour se convaincre qu'il en est bien ainsi, il suffit de se reporter à divers documents versés au dossier, dont l'exactitude n'est pas contestée.
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a) Il est avéré -- et les recourants le reconnaissent -- que le parti communiste suisse (PCS) aussi bien que l'Internationale communiste (lC) ont pour but d'instituer la dictature du prolétariat, à l'exemple des Soviets, et de faire la révolution (Messages du Conseil fédéral: 1 du 7 décembre ![]() ![]() | 14 |
Rien ne permet d'affirmer que les communistes, depuis 1935, aient décidé une modification fondamentale de leur mouvement. Au contraire, le VIIe Congrès affirme à de multiples reprises que le communisme ne se départ pas de son caractère révolutionnaire et qu'il reste fidèle à son but et à ses méthodes, qui le distinguent des autres partis et notamment du socialisme "réformiste" (VIIe Congrès, p. 5, 13, 24, 26, 33 et suiv.). Si, momentanément, le parti communiste se propose, selon l'exemple des communistes français, de former un front unique avec d'autres partis ouvriers, voire avec certaines fractions bourgeoises, c'est uniquement pour sauvegarder contre les tendances réac ![]() ![]() | 15 |
Pour le parti communiste, la désorganisation des institutions destinées à maintenir la sûreté intérieure, en vue du renversement de l'ordre légal par la révolution, ne constitue pas seulement un moyen et un but éloignés et purement idéologiques. On est fondé à admettre au contraire qu'il s'agit du but essentiel dont s'inspire toute l'activité du mouvement, comme le proclament les discours et les résolutions communistes. Ainsi le Tribunal fédéral a déjà eu l'occasion de constater que le parti avait entrepris un travail de sape et de désagrégation interne dans l'armée en usant d'une tactique de dissimulation et de trahison (RO 61 I p. 267), qu'il prenait aussi à tâche d'exciter jusqu'a l'exaspération et sans souci d'objectivité les passions populaires contre la police, contre les organes de l'Etat et contre d'autres citoyens, à l'effet de provoquer des violences et des troubles (RO 60 I p. 122 et suiv.; voir aussi ROBERT GRIMM, "Geschichte der sozialistischen Ideen in der Schweiz", 1931, p. 222 et 223: "In schroffer Weise stehen sich Sozialismus und Kommunismus dort gegenüber, wo es sich um die konkrete Aktion, um den Kommunismus als einer Bewegung der internationalen Agitation und Propaganda handelt..."). La responsabilité des communistes dans les troubles de La Chaux-de-Fonds paraît établie, et les recourants se bornent en somme à en atténuer l'importance. Il n'en demeure pas moins que cet exemple récent montre que la tactique, du reste notoire (RO 61 I p. 267), ne s'est pas modifiée.
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Comme le Conseil fédéral le constate dans le message cité du 18 août 1937 (FF. 1937 II p. 621), il est "suffisamment démontré" que "le but des associations et organisations affiliées directement ou indirectement à l'Internationale communiste est dangereux pour l'Etat et pour l'ordre public".
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Cette extrême dépendance des sections est une des caractéristiques de la Ille Internationale créée en 1919. En 1921, celle-ci a défini les conditions auxquelles pourraient être admis dans son sein les partis affiliés précédemment à la IIe Internationale, en soulignant notamment les pouvoirs prépondérants accordes au Congrès international et au Comité exécutif dans la nouvelle organisation. Selon l'ouvrage de SCHENKER, "Die sozialdemokratische Bewegung in der Schweiz von ihren Anfängen bis zur Gegenwart", 1926, p. 19 et suiv., "c'était à prendre ou à laisser". Pour ce motif, le parti socialiste suisse, faute de pouvoir choisir lui-même sa tactique propre, décida à la majorité de ne pas adhérer à la IIIe Internationale.
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En vain les recourants allèguent-ils que cette centralisation du pouvoir était réservée pour une période où l'Inter ![]() ![]() | 21 |
Il est vrai que le dernier Congrès mondial de l'IC, en 1935, a chargé le Comité exécutif de préparer, pour le prochain Congrès, une modification des statuts actuels, afin de tenir compte des résolutions prises. Les recourants s'en prévalent; mais, en attendant, loin d'être caducs, ces statuts sont encore en vigueur. Au surplus, la résolution en vertu de laquelle les sections, dorénavant, auront une plus grande initiative, ne restreint pas les pouvoirs du Comité exécutif international, mais l'invite simplement, pour des raisons de pure tactique, à habituer les sections à prendre rapidement et spontanément, au fur et à mesure des événements, les décisions qu'exigent les tâches politiques et tactiques du mouvement communiste; tout au plus le Comité exécutif devrait-il éviter, en règle générale, de s'immiscer directement dans les questions d'organisation purement interne du parti. Encore faut-il, pour réaliser cette décentralisation du commandement, que les partis communistes soient dotés de cadres et de véritables chefs bolchéviques, formés avec le concours du Comité exécutif (VIIe Congrès, p. 16 et 12, discours de Dimitrow; Message 1936, p. 397).
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c) Le manque quasi total d'indépendance du PCS le rend particulièrement dangereux pour l'Etat. Ce danger est encore augmenté par les relations étroites, quoique pas encore entièrement élucidées, entre l'Internationale et une Puissance étrangère (Message 1936, loc. cit.): Le parti communiste détient le pouvoir dans l'URSS, les principaux dirigeants du parti sont des communistes russes, le siège du comité exécutif se trouve à Moscou. Selon les recourants, ce serait l'Internationale qui exercerait son influence sur ![]() ![]() | 23 |
Dès lors, comme le Conseil fédéral le constate (Message 1936, p. 397 i. f.), "on ne peut nier que les manoeuvres d'un parti de renversement soumis à une direction internationale, organisé jusque dans les moindres détails et travaillant avec toute sorte de moyens illégaux, ne compromettent l'ordre constitutionnel et, en particulier, les institutions démocratiques". Des intérêts étrangers risquent même de compromettre la sûreté extérieure et la neutralité de la Suisse. Un pareil danger existe aussitôt qu'un parti, organisé en Suisse, est inféodé à un parti étranger et à une puissance étrangère, en raison même du devoir d'obéissance qui le lie.
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L'interdiction du parti communiste par la loi neuchâteloise -- parce qu'illégal et dangereux pour l'Etat -- n'est par conséquent pas attaquable en vertu de l'art. 56 CF. Elle ne l'est pas non plus en vertu de l'art. II de la Constitution cantonale qui garantit la liberté d'association dont le but et les moyens n'ont rien d' "illégal". Ce mot n'a évidemment pas d'autre signification que le mot "illicite" ![]() ![]() | 25 |
Autre est la question de l'opportunité de pareille mesure. Cette question d'appréciation doit être laissée à la décision souveraine du canton. Les recourants font valoir en vain que le caractère de leur association était identique dans les années précédentes et que les autorités neuchâteloises, cependant, ne l'ont pas prohibée. En vain aussi relèveraient-ils que, dans d'autres cantons, ces mêmes organisations n'ont pas été interdites. Il appartient en effet au pouvoir compétent de mesurer, suivant le temps et le lieu, si un parti révolutionnaire présente un danger effectif suffisant pour que l'Etat l'interdise au lieu d'intervenir dans chaque cas particulier où un acte subversif serait commis ou imminent. Le danger effectif varie suivant l'état des esprits, suivant les circonstances politiques et économiques et suivant le milieu où agit la propagande communiste. Dans les régions et dans les périodes où la crise économique est plus aigue, où le chômage sévit particulièrement et où une partie de la population éprouve des difficultés à subsister, la propagande révolutionnaire trouve plus facilement des adeptes prêts à envisager le bouleversement de l'ordre par la violence. De telles conjonctures exigent, de la part de l'Etat, plus de vigilance. Les autorités cantonales en sont juges. Le fédéral n'a pas à se prononcer.
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Erwägung 5 | |
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Ces griefs ne sont pas fondés. La portée de la loi neuchâteloise est toute générale. Son art. 6 le montre clairement, comme on l'a déjà relevé. Le législateur n'a pas ![]() ![]() ![]() | 28 |
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