BGer 6S.401/2000 | |||
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BGer 6S.401/2000 vom 17.08.2000 | |
[AZA 0]
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6S.401/2000/mnv
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COUR DE CASSATION PENALE
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17 août 2000
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Composition de la Cour: M. Schubarth, Président, Président
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du Tribunal fédéral, M. Kolly et Mme Escher, Juges.
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Greffière: Mme Michellod.
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Statuant sur le pourvoi en nullité
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formé par
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A.________, représentée par Me Robert Assael, avocat à Genève, et B.________, représenté par Me Vincent Spira, avocat à Genève,
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contre
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l'arrêt rendu le 19 mai 2000 par la Cour de cassation genevoise dans la cause qui oppose les recourants à C.________, actuellement détenu à la prison de Champ-Dollon, à Thônex, représenté par Me François Canonica, avocat à Genève, et au Procureur général du canton deG e n è v e;
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(art. 8 al. 1 let. c LAVI)
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Vu les pièces du dossier d'où ressortent
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les faits suivants:
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A.- C.________ a été engagé en 1986 en qualité de vendeur par le magasin "D.________", anciennement "E.________". Il travaillait au rayon "la Cave à vins".
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Le 16 décembre 1997, aux environs de 11h30, il s'est rendu au snack de ce magasin. Ayant cru entendre à une table voisine des propos le concernant et par lesquels il se sentit humilié, il se rendit, en proie à une grande excitation, au bureau du personnel pour avoir un entretien avec les responsables des ressources humaines.
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A l'issue de sa conversation avec le chef du personnel puis avec le directeur de l'établissement, il fut informé de son licenciement sur le champ. Quittant le bureau de ses interlocuteurs, il se rendit au rayon de la coutellerie où il s'empara d'un grand couteau de cuisine, glissé dans un étui en plastique, avec l'intention d'aller effrayer le collègue de travail qui l'avait mis en cause.
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Constatant que ce collègue avait quitté les lieux, C.________ se précipita à la cave pour voir si son supérieur hiérarchique direct, F.________, s'y trouvait, ce qui n'était pas le cas. En remontant de la cave, il aperçut celui qu'il cherchait et, sous prétexte d'un problème avec du champagne, il l'invita à le suivre au sous-sol. Lorsque F.________ parvint à sa hauteur, C.________ le frappa brusquement dans la région du ventre au moyen du couteau, sans que l'agressé ne puisse esquisser le moindre geste de défense. La lame effilée que C.________ avait sortie de son étui perfora l'artère iliaque commune droite de F.________, ce qui entraîna sa mort.
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Après avoir jeté précipitamment le couteau et son étui dans le local attenant à la cave à vins, C.________ prit la fuite par la rampe du garage, abandonnant ainsi sa victime qui, après avoir remonté les marches de la cave, s'écroula en disant "il m'a foutu un coup de couteau, il est fou".
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B.- Estimant que les circonstances ayant précédé les actes reprochés à C.________, de même que la région du corps visée et la façon dont le coup avait été porté ne prouvaient pas que ce dernier avait eu l'intention de tuer F.________, le jury de la Cour d'assises du canton de Genève a écarté la réalisation d'un meurtre intentionnel et n'a retenu que la commission de lésions corporelles graves au sens de l'art. 122 al. 1 CP.
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Ainsi, par arrêt du 23 septembre 1999, la Cour d'assises genevoise a condamné C.________, pour lésions corporelles graves, à la peine de six ans de réclusion et à l'expulsion du territoire suisse pour une durée de dix ans. Elle a alloué à A.________, compagne de F.________ et mère de ses deux enfants, une indemnité pour tort moral de 30'000 francs, et à B.________, frère de la victime, une indemnité de 15'000 francs.
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C.- A.________ et B.________ ont formé un pourvoi cantonal en cassation contre cet arrêt. Ils soutenaient que le jury avait violé le droit fédéral, soit les art. 18 et 111 CP, en ne retenant pas la qualification de meurtre et qu'il avait transgressé son devoir de motivation en n'exposant pas de façon suffisante les raisons pour lesquelles il avait écarté cette qualification. Subsidiairement, ils invoquaient la violation des art. 117 et 128 CP.
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Le Procureur général s'est aussi pourvu en cassation, estimant que le jury avait violé la loi pénale en ne retenant pas, en concours idéal avec l'infraction de lésions corporelles graves, celle de l'homicide par négligence.
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Par arrêt du 19 mai 2000, la Cour de cassation genevoise a admis le pourvoi du Procureur général. Ellea en revanche déclaré irrecevables les pourvois de A.________ et de B.________, au motif que ceux-ci n'exposaient pas en quoi l'arrêt entrepris les lésait dans leurs prétentions civiles.
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D.- A.________ et B.________ se pourvoient en nullité contre l'arrêt cantonal du 19 mai 2000. Invoquant une violation de l'art. 8 al. 1 let. c LAVI, ils concluent à l'annulation de cet arrêt dans la mesure où il déclare irrecevables leurs pourvois en cassation.
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Invité à déposer des observations, l'intimé a conclu à l'irrecevabilité du pourvoi et, subsidiairement, à son rejet. Le Procureur général a déclaré s'en remettre à l'appréciation de la Cour de céans.
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Considérant en droit :
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1.- Indépendamment des conditions de l'art. 270 al. 1 PPF, une victime, au sens de l'art. 2 de la Loi fédérale sur l'aide aux victimes d'infractions (LAVI; RS 312. 5), peut se pourvoir en nullité pour se plaindre de ce que les autorités cantonales ne l'ont pas mise au bénéfice de tous les droits qui lui sont reconnus par la LAVI (ATF 120 IV 38 consid. 2c p. 42).
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En l'espèce, la cour cantonale a estimé que les pourvois de la compagne et du frère de la victime ne répondaient pas aux conditions posées par l'art. 8 al. 1 let. c LAVI. Dans ces circonstances, les recourants, eux-mêmes victimes (cf. art. 2 al. 2 LAVI), sont légitimés à se plaindre d'une violation du droit de recours que leur accorde l'art. 8 al. 1 let. c LAVI.
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2.- a) En vertu de l'art. 8 al. 1 let. c LAVI, la victime peut former contre le jugement les mêmes recours que le prévenu, si elle était déjà partie à la procédure auparavant et dans la mesure où la sentence touche ses prétentions civiles ou peut avoir des effets sur le jugement de ces dernières. Selon la jurisprudence, il appartient à la victime d'exposer dans son recours en quoi les conditions de recevabilité sont réunies (ATF 120 IV 44 consid. 8 p. 57 s.). Lorsqu'elle ne fournit pas les indications exigées, le recours de la victime est en règle générale irrecevable (cf. ATF 125 IV 109 consid. 1bp. 111). Dans la mesure toutefois où il est d'emblée manifeste que les conditions de recevabilité sont réalisées, notamment parce que l'on discerne clairement quelles sont les prétentions civiles de la victime et en quoi la décision attaquée peut influencer négativement le jugement de celles-ci, le seul fait que cela ne soit pas exposé formellement dans le mémoire n'entraîne pas l'irrecevabilité du recours.
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b) En l'espèce, les recourants ont présenté des conclusions civiles dans la procédure pénale. A titre de réparation du tort moral, la compagne du défunt sollicitait le paiement d'une somme de 80'000 francs et le frère du défunt une somme de 50'000 francs. Dans le cadre de son arrêt, la Cour d'assises leur a alloué respectivement 30'000 et 15'000 francs. Pour fixer ces montants, elle a pris en considération l'importance de la souffrance subie par les victimes, sa durée, sa nature et ses conséquences, ainsi que les circonstances de l'événement dommageable, en particulier la faute de l'auteur. La jurisprudence prévoit en effet que l'intensité de la faute de l'auteur constitue l'un des critères à prendre en considération pour fixer l'indemnité prévue par l'art. 47 CO (ATF 125 III 412 consid. 2a).
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Il apparaît donc clairement que le sort des prétentions civiles des recourants pouvait être influencé négativement par le fait que l'arrêt de la Cour d'assises ne retenait que l'infraction de lésions corporelles graves.
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Même en l'absence de motivation sur ce point, l'autorité de cassation cantonale pouvait aisément constater que les conclusions en tort moral des victimes étaient susceptibles d'être modifiées si la qualification de meurtre était retenue. La cour cantonale a par conséquent violé l'art. 8 al. 1 let. c LAVI en déclarant irrecevables les pourvois des victimes au seul motif qu'elles n'avaient pas exposé en quoi leurs prétentions civiles étaient touchées par la sentence de la Cour d'assises.
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3.- Le pourvoi sera donc admis et la cause renvoyée à la cour cantonale pour nouvelle décision. Comme les recourants obtiennent gain de cause, une indemnité leur sera versée par la Caisse du Tribunal fédéral (art. 278 al. 3 PPF). L'intimé ayant conclu à l'irrecevabilité, subsidiairement au rejet du pourvoi, il succombe et supportera un émolument judiciaire (art. 278 al. 1 PPF).
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Par ces motifs,
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le Tribunal fédéral :
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1. Admet le pourvoi, annule l'arrêt attaqué dans la mesure où il déclare les pourvois cantonaux de A.________ et de B.________ irrecevables.
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Renvoie la cause à l'autorité cantonale pour nouvelle décision.
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2. Met à la charge de l'intimé un émolument judiciaire de 800 francs.
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3. Dit que la Caisse du Tribunal fédéral versera à chaque recourant une indemnité de 1'200 francs à titre de dépens.
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4. Communique le présent arrêt en copie aux mandataires des parties, au Procureur général du canton de Genève et à la Cour de cassation genevoise.
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Lausanne, le 17 août 2000
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Au nom de la Cour de cassation pénale
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du TRIBUNAL FEDERAL SUISSE:
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Le Président,
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La Greffière,
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