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Informationen zum Dokument  BGer 4C.193/2001  Materielle Begründung
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BGer 4C.193/2001 vom 14.05.2002
 
Tribunale federale
 
{T 0/2}
 
4C.193/2001 /ech
 
Arrêt du 14 mai 2002
 
Ire Cour civile
 
Les juges fédéraux Walter, président de la Cour, Corboz et Klett,
 
greffier Ramelet.
 
X.________ GmbH, à Düsseldorf (Allemagne
 
demanderesse et recourante principale, représentée par Me Daniel Peregrina, avocat, chemin des Vergers 4, 1208 Genève,
 
contre
 
Y.________ S.A., à Genève,
 
défenderesse et intimée, recourante par voie de jonction, représentée par Me Bernard Lachenal, avocat, place du Molard 3, case postale 3199, 1211 Genève 3.
 
responsabilité du mandataire; dommages
 
(recours en réforme contre l'arrêt de la Chambre civile de la Cour de justice du canton de Genève du 27 avril 2001).
 
Faits:
 
A.
 
Vers fin février ou début mars 1989, la société iranienne X.________, s'occupant de la production et du commerce des tapis, dirigée par A.________, souhaitait faire transporter un lot de tapis de Genève aux Etats-Unis d'Amérique, pour les présenter dans une galerie d'art à Washington, puis les ramener à Genève.
 
Afin d'assurer les tapis pendant ces deux transports et la durée de l'exposition, A.________ a pris contact avec B.________, agent de la Z.________, qui lui a soumis une proposition jugée trop onéreuse.
 
B.________ a mis A.________ en contact avec C.________, employé de la société W.________ S.A. (devenue Y.________ S.A.; ci-après: Y.________), ayant son siège à Genève. Cette société, qui a pour but le courtage et la souscription d'assurance, était en relation d'affaires avec un courtier agissant pour "The Institute of London Underwriters" à Londres (ci-après: les assureurs anglais).
 
En mars 1989, A.________, agissant pour X.________, a accepté une proposition des assureurs anglais, présentée par C.________.
 
Les assureurs anglais ont exigé que le transport des tapis se fasse par un vol direct de Genève à Washington, ce que seule la compagnie TWA offrait à cette époque. A.________, au nom de X.________, a chargé la société U.________ S.A. à Genève d'organiser ce transport par la compagnie TWA.
 
Selon le document émis par les assureurs anglais (reçu par la société Y.________ et transmis à A.________), les tapis devaient être transportés avec "pleine valeur déclarée à la compagnie aérienne". Ni la société Y.________, ni A.________ n'ont prêté attention à cette exigence des assureurs anglais. Le transport avec valeur déclarée est inhabituel; il a pour effet d'étendre la responsabilité assumée par la compagnie aérienne et, par voie de conséquence, d'augmenter le prix exigé par celle-ci.
 
Il n'est pas établi que U.________ S.A. ait reçu la moindre instruction à ce sujet, de sorte qu'elle a organisé un transport par TWA dans les conditions habituelles, c'est-à-dire en fret ordinaire, sans valeur déclarée.
 
Arrivés à l'aéroport de Washington, les containers qui renfermaient les tapis de X.________sont restés à l'air libre, sur le tarmac, pendant plusieurs jours, apparemment en attente des formalités douanières; pendant ce temps, il y a eu des infiltrations d'eau qui ont endommagé certains tapis, ce qui a été constaté lors de l'ouverture des containers, le 31 mars 1989. Quelques jours plus tard, entre le 1er et le 5 avril 1989, un autre tapis a subi des dégâts d'eau pendant l'exposition dans la galerie à Washington.
 
Par lettre du 10 août 1989, les assureurs anglais ont déclaré qu'ils invalidaient le contrat d'assurance pour le motif que la valeur des tapis n'avait pas été déclarée à la compagnie aérienne, comme exigé dans le contrat. Ils ont refusé toute prestation et ont remboursé la prime d'assurance.
 
B.
 
Affirmant être cessionnaire des droits de la société iranienne X.________, la société allemande X.________ GmbH, à Düsseldorf, a déposé devant les tribunaux genevois, le 6 janvier 1993, une demande en paiement dirigée contre Y.________ et contre U.________ S.A., leur réclamant solidairement la somme de 1 575 000 US$ avec intérêts.
 
Par un arrêt incident du 22 septembre 1995 (réformant un jugement de première instance du 20 octobre 1994), la Chambre civile de la Cour de justice du canton de Genève a admis la légitimation active de la société allemande.
 
Par arrêt du 27 avril 2001 (réformant un jugement de première instance du 13 avril 2000), la Chambre civile de la Cour de justice a condamné la société Y.________ à verser à la société allemande demanderesse la somme de 66 062 US$ avec intérêts à 5% dès le 1er avril 1989. En substance, la cour cantonale a considéré que la société U.________ S.A. avait correctement rempli sa mission et que sa responsabilité contractuelle n'était pas engagée; ce point n'est plus litigieux et la société U.________ S.A. n'a pas été mise en cause devant le Tribunal fédéral. En revanche, l'autorité cantonale a considéré que la société Y.________, qui devait conseiller X.________en matière d'assurance, aurait dû remarquer l'exigence des assureurs anglais et veiller à ce que les ordres de transport y répondent. Elle a estimé que la société X.________, bien que moins spécialisée, aurait aussi pu s'en rendre compte et devait donc se voir reprocher une faute concomitante, justifiant une réduction de la réparation de 20%. Déterminant le dommage notamment sur la base d'une expertise judiciaire, la cour cantonale a fixé en définitive à 66 062 US$ le montant des dommages-intérêts, en capital, dû par Y.________ à la société demanderesse.
 
La décision sur les dépens a été modifiée par un arrêt de la cour cantonale du 12 octobre 2001.
 
C.
 
X.________ GmbH exerce un recours en réforme au Tribunal fédéral. Se plaignant exclusivement de la détermination du dommage, elle conclut à ce que la société Y.________ soit condamnée à lui verser la somme de 327 156,40 US$ avec intérêts à 5% dès le 1er avril 1989.
 
La société intimée propose le rejet du recours . Dans sa réponse, elle forme un recours joint, mettant en cause principalement l'arrêt incident du 22 septembre 1995, et conclut à l'irrecevabilité ou au rejet de la demande.
 
La recourante principale conclut au rejet du recours joint.
 
Dans une lettre présentée hors délai, la défenderesse a produit une pièce nouvelle selon laquelle sa partie adverse a été radiée du registre du commerce de Düsseldorf le 21 juillet 1998.
 
Le Tribunal fédéral considère en droit:
 
1.
 
1.1 Interjeté par la partie qui a succombé partiellement dans sa demande en paiement et dirigée contre un jugement final rendu en dernière instance cantonale par un tribunal supérieur (art. 48 al. 1 OJ) sur une contestation civile dont la valeur litigieuse atteint le seuil de 8000 fr. (art. 46 OJ), le recours en réforme est en principe recevable, puisqu'il a été formé en temps utile (art. 54 al. 1 et 32 al. 2 OJ) dans les formes requises (art. 55 OJ).
 
Dans sa réponse, la défenderesse, qui a également succombé partiellement, a pris des conclusions pour demander la réforme de l'arrêt attaqué au détriment de la partie recourante. Ce recours joint est également recevable (cf. art. 59 al. 2 et 3 OJ).
 
1.2 Le recours en réforme est ouvert pour violation du droit fédéral (art. 43 al. 1 OJ). Il ne permet en revanche pas d'invoquer la violation directe d'un droit de rang constitutionnel (art. 43 al. 1 2e phrase OJ) ou la violation du droit cantonal (ATF 127 III 248 consid. 2c et les arrêts cités). S'agissant d'une contestation pécuniaire, le Tribunal fédéral, ne peut contrôler la bonne application par l'autorité cantonale du droit étranger désigné par le droit international privé suisse (art. 43a al. 2 OJ a contrario; ATF 127 III 123 consid. 2f; 126 III 492 consid. 3a).
 
Saisi d'un recours en réforme, le Tribunal fédéral doit conduire son raisonnement sur la base des faits contenus dans la décision attaquée, à moins que des dispositions fédérales en matière de preuve n'aient été violées, qu'il y ait lieu à rectification de constatations reposant sur une inadvertance manifeste (art. 63 al. 2 OJ) ou qu'il faille compléter les constatations de l'autorité cantonale parce que celle-ci n'a pas tenu compte de faits pertinents, régulièrement allégués et clairement établis (art. 64 OJ; ATF 127 III 248 ibidem). Dans la mesure où une partie recourante présente un état de fait qui s'écarte de celui contenu dans la décision attaquée, sans se prévaloir avec précision de l'une des exceptions qui viennent d'être rappelées, il n'est pas possible d'en tenir compte (ATF 127 III 248 consid. 2c). Il ne peut être présenté de griefs contre les constatations de fait, ni de faits ou de moyens de preuve nouveaux (art. 55 al. 1 let. c OJ). Le recours n'est pas ouvert pour se plaindre de l'appréciation des preuves et des constatations de fait qui en découlent (ATF 126 III 189 consid. 2a; 125 III 78 consid. 3a).
 
Si le Tribunal fédéral ne saurait aller au-delà des conclusions des parties, lesquelles ne peuvent en prendre de nouvelles (art. 55 al. 1 let. b in fine OJ), il n'est lié ni par les motifs qu'elles invoquent (art. 63 al. 1 OJ), ni par ceux de la décision cantonale, de sorte qu'il peut apprécier librement la qualification juridique des faits constatés (art. 63 al. 3 OJ; ATF 127 III 248 consid. 2c; 126 III 59 consid. 2a).
 
1.3 La défenderesse a présenté, hors délai, une pièce nouvelle en vue d'établir un fait non retenu par la cour cantonale (une radiation au registre du commerce allemand); il n'y a pas lieu d'en tenir compte, dès lors que la production d'un moyen de preuve nouveau en instance de réforme est exclu (art. 55 al. 1 let. c OJ).
 
2.
 
2.1 Pour examiner dans l'ordre logique les griefs soulevés par les parties, il faut examiner en premier lieu le recours joint.
 
Préalablement, il convient de déterminer, en fonction du droit international privé suisse, quelles sont les règles applicables.
 
Savoir si la société iranienne - inscrite au registre du commerce iranien selon les constatations cantonales (arrêt du 22 septembre 1995 p. 3) - a été valablement constituée, si elle a été valablement dissoute et liquidée et quels étaient les organes habilités à la représenter sont des questions qui, en vertu des art. 154 et 155 LDIP, relèvent du droit iranien. Dès lors que la cour cantonale ne prétend pas avoir appliqué le droit suisse, ce qu'elle a admis à ce sujet, même implicitement, relève de la bonne application du droit iranien et ne peut donc être réexaminé en instance de réforme, s'agissant d'une contestation de caractère pécuniaire (art. 43a al. 2 OJ a contrario).
 
Les mêmes questions concernant la société allemande recourante, dès lors qu'il a été constaté en fait qu'elle avait été inscrite au registre du commerce de Düsseldorf (arrêt du 22 septembre 1995 p. 3), ressortissent au droit allemand et, pour les mêmes raisons, ne peuvent pas être réexaminées ici.
 
Il faut ensuite s'interroger sur le droit applicable à la relation contractuelle qui a été nouée, en mars 1989, entre la société iranienne et la société suisse recourante par voie de jonction.
 
La qualification doit être opérée selon la loi du for (ATF 127 III 123 consid. 2c, 553 consid. 2c).
 
Il ressort des constatations cantonales - qui lient le Tribunal fédéral saisi d'un recours en réforme (art. 63 al. 2 OJ) - que la société suisse s'est engagée, à la demande de la société iranienne, à lui fournir des conseils en matière d'assurance. La cour cantonale a considéré qu'un tel accord se caractérisait, selon la loi du for, comme un mandat (cf. art. 394 al. 1 CO). Cette qualification n'est pas contestée par les parties et il n'y a pas lieu d'y revenir.
 
Il ne résulte pas de l'état de fait déterminant qu'une élection de droit ait été convenue (art. 116 LDIP).
 
En pareille situation, le contrat est régi par le droit de l'Etat avec lequel il présente les liens les plus étroits (art. 117 al. 1 LDIP). Ces liens sont réputés exister avec l'Etat dans lequel la partie qui doit fournir la prestation caractéristique a sa résidence habituelle ou, si le contrat est conclu dans l'exercice d'une activité professionnelle ou commerciale, son établissement (art. 117 al. 2 LDIP). Comme le mandat a pour objet de rendre un service, il faut considérer que celui-ci constitue la prestation caractéristique (art. 117 al. 3 let. c LDIP). En conséquence, le mandat, en droit international privé suisse, est régi, en l'absence d'élection, par le droit de l'Etat dans lequel le mandataire a sa résidence habituelle.
 
Du moment que la société suisse a conclu le contrat dans l'exercice de son activité professionnelle ou commerciale, c'est le lieu de son établissement qui est déterminant (art. 117 al. 2 LDIP). L'établissement d'une société se trouve dans l'Etat dans lequel elle a son siège ou une succursale (art. 21 al. 3 LDIP). En l'espèce, il n'a pas été retenu que le contrat aurait été passé avec une succursale. Le rattachement dépend ainsi du siège social de la société mandataire, lequel se trouve à Genève (Suisse). Ce contrat est donc régi par le droit suisse (cf. sur la détermination du droit applicable: ATF 127 III 123 consid. 2c).
 
Quand le droit international privé suisse désigne la loi applicable, cette désignation s'étend en principe à toutes les dispositions applicables à la cause (cf. art. 13 LDIP). En particulier, la loi désignée règle aussi bien la naissance que les effets de l'obligation; elle régit donc également les conséquences d'une inexécution ou d'une mauvaise exécution (ATF 127 III 123 consid. 2d; 125 III 443 consid. 3c). En l'espèce, c'est donc le droit suisse qui régit les conditions de la responsabilité contractuelle et l'étendue de l'obligation de réparer le dommage causé.
 
Il a été retenu que la société iranienne avait cédé sa créance en réparation à la société allemande. Selon l'art. 145 al. 1 LDIP, la cession contractuelle de créances est régie, à défaut de droit choisi, par le droit applicable à la créance cédée. Ce droit régit également la forme de la cession (art. 145 al. 3 LDIP). Dès lors qu'aucune élection de droit n'a été établie en fait, il faut en déduire que cette cession de créance est régie par le droit suisse, en tant que droit dont relève la créance en réparation cédée. Les art. 164 ss CO sont donc applicables, y compris l'art. 165 al. 1 CO qui requiert la forme écrite.
 
En ce qui concerne le contrat d'assurance conclu entre la société iranienne et les assureurs anglais, il faut déterminer le droit applicable en suivant le même raisonnement que celui adopté ci-dessus au sujet du mandat (cf. ATF 127 III 123 consid. 2c). Dès lors qu'aucune élection de droit n'a été constatée en fait, il faut admettre que la prestation caractéristique, dans le cas d'un contrat d'assurance, est celle fournie par l'assureur (Amstutz/Vogt/Wang, Commentaire bâlois, n. 58 ad art. 117 LDIP; Keller/Kren Kostkiewicz, IPRG Kommentar, n. 121 ad art. 117 LDIP; Dutoit, Commentaire de la loi fédérale du 18 décembre 1987, 3ème éd., n. 31 ad art. 117 LDIP). Comme le contrat a été conclu dans l'exercice d'une profession ou d'un commerce, il faut appliquer la loi du siège des assureurs, dès lors qu'il n'a pas été retenu qu'ils auraient agi par une succursale. En conséquence, le droit anglais est applicable à ce contrat.
 
2.2 L'arrêt rendu par la cour cantonale le 22 septembre 1995 n'est pas une décision finale (sur cette notion: cf. ATF 127 III 433 consid. 1b/aa, 474 consid. 1a; 126 III 445 consid. 3b; 123 III 414 consid. 1). En tant qu'étape vers la décision finale, la cour cantonale s'est bornée à trancher la question de savoir si la société allemande demanderesse pouvait, en vertu d'une cession, être titulaire de la créance en réparation contestée qu'elle invoquait en justice. Une telle décision n'était pas susceptible d'un recours en réforme immédiat, de sorte que l'intimée, dans son recours par voie de jonction, peut l'attaquer dans un recours dirigé contre la décision finale (cf. ATF 123 III 140 consid. 2c; 122 III 254 consid. 2a; 118 II 91 consid. 1b; sur l'ensemble de la question: Corboz, Le recours en réforme au Tribunal fédéral, in: SJ 2000 II p. 6 ss).
 
A lire les conclusions de la recourante par voie de jonction, ce serait une question de recevabilité que de savoir si sa partie adverse est titulaire des droits qu'elle invoque. Cette opinion est erronée: il s'agit clairement d'une question de fond (cf. ATF 126 III 59 consid. 1a; 125 III 82 consid. 1a).
 
La cour cantonale est parvenue à la conclusion que la société iranienne était entrée en liquidation et que son animateur était habilité à la représenter seul. Ces questions relèvent du droit iranien et ne sont donc pas susceptibles d'être réexaminées ici. Elle a estimé également que la même personne était l'organe habilité à engager la société allemande. Cette question concerne le droit allemand et ne peut donc pas davantage être réexaminée ici.
 
Procédant à l'appréciation des preuves produites, l'autorité cantonale est parvenue à la conviction que l'organe compétent des deux sociétés en cause a eu la volonté d'opérer le transfert des droits litigieux et que cette volonté a été exprimée d'une manière suffisante par écrit. Savoir si un document existe ou non et en déterminer le contenu sont des questions de fait; si le juge, procédant à une appréciation des preuves, est convaincu que les parties ont eu une intention réelle commune, il s'agit également d'une constatation de fait (cf. ATF 126 III 25 consid. 3c, 375 consid. 2e/aa; 125 III 305 consid. 2b, 435 consid. 2a/aa). Dès lors que la cour cantonale a constaté qu'il existe un ou plusieurs documents dans lesquels les deux sociétés ont exprimé leur réelle et commune intention de transférer les droits litigieux, le Tribunal fédéral est lié par ces constatations de fait (art. 63 al. 2 et 55 al. 1 let. c OJ).
 
Sur la base de l'état de fait déterminant, il n'apparaît nullement que la cour cantonale aurait méconnu l'exigence de la forme écrite posée par l'art. 165 al. 1 CO (applicable en vertu de l'art. 145 al. 3 LDIP). On ne voit pas non plus en quoi elle aurait perdu de vue les conditions de validité d'une cession de créance selon les art. 164 ss CO, applicables en vertu de l'art. 145 al. 1 LDIP.
 
2.3 La recourante par voie de jonction soutient que sa partie adverse aurait dû établir que la société iranienne cédante avait acquis valablement la propriété de chacun des tapis en cause, selon le droit désigné par l'art. 100 al. 1 LDIP.
 
Elle se trompe toutefois sur la pertinence de la question.
 
L'action introduite par la société cessionnaire est une action contractuelle tendant à la réparation du dommage causé par la mauvaise exécution du mandat. La partie demanderesse ne se fonde pas sur le droit de propriété et ne soutient pas que la défenderesse aurait violé un devoir général en portant atteinte à ce droit absolu (cf. ATF 123 III 306 consid. 4a; 119 II 127 consid. 3). Elle n'invoque pas la violation d'un devoir universel, mais d'un devoir relatif, c'est-à-dire d'un devoir né d'un acte juridique et qui n'incombe qu'au cocontractant (cf. Engel, Traité des obligations en droit suisse, 2ème éd., p. 12; Brehm, Commentaire bernois, n. 41 ad art. 41 CO).
 
Il n'est pas reproché à la recourante par voie de jonction d'avoir elle-même endommagé les tapis, mais de ne pas avoir donné les conseils qu'elle devait en qualité de mandataire, de telle sorte que les tapis n'étaient en réalité pas assurés et qu'il n'a pas été possible d'obtenir des prestations d'assurance pour les dégâts causés par les intempéries. Le devoir de donner des conseils adéquats résulte du mandat et seul le cocontractant peut se plaindre d'une mauvaise exécution de cette obligation contractuelle. Il n'est donc pas douteux que la société iranienne cédante, en tant que mandante, était titulaire de la créance en réparation litigieuse reposant sur une mauvaise exécution du mandat. A la suite de la cession, la société allemande est devenue titulaire de cette créance.
 
Le mandataire qui exécute mal ses obligations doit réparation à son cocontractant (art. 97 al. 1 CO). Le dommage causé par une mauvaise exécution peut consister aussi bien en une diminution de l'actif qu'en une augmentation du passif (cf. ATF 128 III 22 consid. 2e/aa; 127 III 543 consid. 2b). Dès lors, il est sans pertinence de savoir qui était propriétaire des tapis. S'ils appartenaient à la société iranienne, celle-ci a subi une diminution de son actif. Si les tapis lui ont été confiés par un tiers, elle est responsable contractuellement à son égard du fait que ces objets de valeur n'ont, par négligence, pas été assurés; elle subit alors une augmentation de son passif sous la forme d'une dette à l'égard du cocontractant. Sur la base de l'état de fait qui lie le Tribunal fédéral, aucune autre hypothèse ne se conçoit. Comme on peut admettre (en l'absence d'autres données factuelles) que le dommage est le même dans les deux cas (diminution de l'actif/augmentation du passif), la question soulevée par la défenderesse est sans pertinence.
 
2.4 La cour cantonale a constaté que l'intimée avait été chargée de conseiller la société iranienne en matière d'assurance, étant une spécialiste de ce domaine. Elle a retenu que la défenderesse, sur la base des documents qui lui ont été transmis, aurait dû remarquer que les assureurs anglais exigeaient que la valeur soit déclarée à la compagnie aérienne et que le transport prévu ne prévoyait pas cela; elle aurait dû réagir et signaler le problème à son cocontractant qui n'aurait pas manqué de prendre les mesures nécessaires pour que ces objets de valeur soient assurés; si l'intimée s'était conformée à son devoir de diligence, les tapis auraient été assurés et la société iranienne aurait reçu les prestations de l'assurance pour les dégâts constatés.
 
On ne voit pas en quoi ce raisonnement violerait le droit fédéral, applicable au contrat d'espèce et aux conséquences de sa mauvaise exécution. En particulier, la cour cantonale n'a pas violé les règles du droit fédéral sur le fardeau de la preuve (art. 8 CC), ni méconnu l'exigence de la causalité (art. 97 al. 1 CO).
 
Sans tenter la moindre démonstration en droit anglais, la recourante par voie de jonction prétend que le contrat d'assurance était de toute façon sans effet en droit anglais, parce que les tapis étaient surévalués.
 
On ne trouve cependant nulle part dans l'arrêt cantonal la constatation que les tapis étaient surévalués, la cour cantonale s'étant bornée à faire part d'un doute. Ainsi, la construction juridique suggérée par l'intimée repose entièrement sur un fait (la surévaluation des tapis, cf. ATF 120 II 259 consid. 2a) qui n'a pas été constaté par la cour cantonale, ce qui n'est pas admissible en instance de réforme. Au demeurant, dès lors que le rapport de causalité était dûment établi, c'était à l'intimée qu'il incombait de prouver un fait qui puisse conduire à le remettre en question (cf. Kummer, Commentaire bernois, n. 246 ad art. 8 CC). L'appréciation des preuves et l'établissement des faits ne peuvent donner matière à un recours en réforme, mais seulement à un recours de droit public pour arbitraire (ATF 127 III 543 consid. 2c; 126 III 189 consid. 2a; 125 III 78 consid. 3a).
 
2.5 La recourante par voie de jonction reproche enfin à la cour cantonale d'avoir sous-estimé la faute concomitante.
 
En cas de faute concomitante, le juge peut réduire les dommages-intérêts, ou même n'en point allouer (art. 44 al. 1 CO). Cette règle est également applicable en matière de responsabilité contractuelle (art. 99 al. 3 CO). Comme le mandat est soumis au droit suisse, ces dispositions sont applicables.
 
La cour cantonale ne les a pas ignorées puisqu'elle a admis l'existence d'une faute concomitante et qu'elle a procédé à une réduction des dommages-intérêts. Le litige ne porte plus que sur la gravité de cette faute. Il s'agit là d'une question d'appréciation.
 
Lorsque la norme applicable accorde un pouvoir d'appréciation au juge, celui-ci ne viole pas le droit fédéral en faisant usage du pouvoir que lui donne la loi; le Tribunal fédéral ne doit en principe pas substituer sa propre appréciation à celle du juge du fait; il ne peut intervenir, en considérant le droit fédéral comme violé, que si le juge est sorti des limites que la norme lui fixe, s'il n'a pas tenu compte des critères pertinents, s'il s'est laissé guider par des considérations étrangères à la disposition applicable ou encore s'il a fait de son pouvoir un usage choquant et inexplicable, au point que l'on doive parler d'un abus du pouvoir d'appréciation (ATF 127 III 300 consid. 6b, 310 consid. 3; 126 III 223 consid. 4a; 125 III 226 consid. 4b, 412 consid. 2a).
 
La cour cantonale a constaté que le dirigeant de la société iranienne avait reçu les mêmes documents que l'intimée et qu'il pouvait, en commerçant expérimenté, également constater la discordance entre le transport prévu et l'exigence des assureurs anglais. Elle a cependant admis qu'il était légitime qu'il se repose largement sur le mandataire spécialisé qu'il avait mis en oeuvre pour traiter les problèmes d'assurance, de sorte que l'on pouvait comprendre qu'il ait examiné ces questions avec moins d'attention. On ne voit pas en quoi ce raisonnement violerait le droit fédéral. Par ailleurs, on ne sait pas très bien dans quelle mesure le dirigeant de la société iranienne aurait pu éviter que les tapis restent aussi longtemps sur le tarmac, puisqu'il a été retenu qu'ils y sont restés "pendant plusieurs jours, apparemment en attente des formalités douanières" (arrêt attaqué p. 6), sans que l'on sache si la société iranienne aurait pu accélérer le cours de ces formalités. On ne discerne aucune violation du droit fédéral à considérer cet élément comme secondaire. En estimant en conclusion que la société lésée devait assumer le 20% de son dommage, on ne peut pas dire que la cour cantonale se soit écartée des critères pertinents, qu'elle ait pris en considération des éléments qui n'auraient pas dû l'être ou qu'elle ait abusé du large pouvoir d'appréciation qui lui est reconnu en cette matière par le législateur fédéral.
 
ll suit de là que le recours joint doit être intégralement rejeté.
 
3.
 
3.1 La recourante principale soutient que la cour cantonale a méconnu la notion juridique du dommage.
 
Dire s'il y a eu un dommage et quelle en est la quotité est une question de fait qui ne peut être revue dans un recours en réforme (ATF 128 III 22 consid. 2e; 127 III 73 consid. 3c, 543 consid. 2b; 126 III 388 consid. 8a); en revanche, le Tribunal fédéral peut examiner si la notion juridique de dommage a été méconnue, parce qu'il s'agit d'une question de droit fédéral (ATF 128 III 22 consid. 2e; 127 III 73 consid. 3c, 543 consid. 2b).
 
Le dommage juridiquement reconnu réside dans la diminution involontaire de la fortune nette; il correspond à la différence entre le montant actuel du patrimoine du lésé et le montant qu'aurait ce même patrimoine si l'événement dommageable ne s'était pas produit (ATF 128 III 22 consid. 2e/aa; 127 III 73 consid. 4a, 403 consid. 4a, 543 consid. 2b). Le dommage peut se présenter sous la forme d'une diminution de l'actif, d'une augmentation du passif, d'une non-augmentation de l'actif ou d'une non-diminution du passif (ATF 128 III 22 consid. 2e/aa; 127 III 543 consid. 2b).
 
Lorsque le fait dommageable ne cause pas seulement un préjudice, mais également un gain (notamment sous la forme d'une économie), il faut opérer la compensatio lucri cum damno (ATF 128 III 22 consid. 2e/cc et les auteurs cités).
 
3.2 La cour cantonale a estimé que si l'exigence fixée par les assureurs avait été respectée, ceux-ci auraient réparé le préjudice résultant du fait que le tapis n° 1118 a été endommagé lors de l'exposition dans la galerie à Washington. Elle en a déduit que ce préjudice devait être pris en considération dans le calcul du dommage (arrêt attaqué p. 16 et 17). Par la suite, de manière incompréhensible, ce tapis n° 1118 a été exclu lors du calcul du dommage à réparer (arrêt attaqué p. 19). Il semble qu'une inadvertance se soit produite, voire une confusion entre des tapis. L'intimée n'a pu apporter aucun éclaircissement à ce sujet et s'en est rapportée à justice.
 
Admettre un poste du dommage, puis en refuser sans raison la réparation revient à violer l'art. 97 al. 1 CO. Le recours principal doit donc être admis sur ce point.
 
L'arrêt attaqué ne contient aucune constatation de fait sur le préjudice relatif aux dégâts subis par ce tapis. Il faut ainsi annuler l'arrêt attaqué et renvoyer la cause à l'autorité cantonale pour qu'elle statue à nouveau sur cette question (cf. art. 64 al. 1 OJ).
 
3.3 La recourante principale reproche à la cour cantonale de ne pas avoir tenu compte d'une prétendue dévaluation du marché des tapis anciens entre 1989 et 1997.
 
La cour cantonale a retenu que si la société intimée avait respecté son devoir de diligence, la valeur aurait été déclarée à la compagnie aérienne et les tapis auraient été assurés; en conséquence, la société iranienne aurait reçu les prestations des assureurs après les vérifications usuelles. L'omission reprochée à l'intimée a donc eu pour conséquence de frustrer la société iranienne des prestations d'assurance. La lésée doit donc, grâce aux dommages-intérêts, être placée dans la même situation que si elle avait reçu lesdites prestations. La cour cantonale a estimé que ces prestations auraient été versées vers 1989 et que les calculs devaient être effectués en fonction de cette date. Ce raisonnement ne prête pas le flanc à la critique.
 
Que la société iranienne ait gardé les tapis et que ceux-ci aient perdu de leur valeur entre 1989 et 1997 ne peut pas être mis en relation de causalité avec l'omission reprochée à l'intimée.
 
Il semble que la recourante principale invoque plutôt un préjudice résultant de l'existence du procès. Elle ne l'a cependant pas motivé sous cet angle et elle n'a pas expliqué pourquoi sa partie adverse serait responsable de la durée de la procédure. Le rejet de cette prétention ne transgresse pas le droit fédéral.
 
3.4 La recourante principale reproche enfin à la cour cantonale d'avoir soustrait du dommage le montant plus élevé qui aurait dû être payé pour le transport si la valeur avait été déclarée.
 
L'omission reprochée à l'intimée a eu pour conséquence que les tapis n'étaient pas assurés. Le dommage auquel la société iranienne pouvait prétendre correspond donc à la différence entre l'état de son patrimoine sans que les tapis ne soient assurés (situation réelle) et l'état de ce même patrimoine si les tapis avaient été assurés (situation hypothétique).
 
Il est évident que si les tapis avaient été correctement assurés, la société iranienne aurait dû payer pour cela une prime d'assurance (qui lui a été remboursée) et supporter un coût de transport plus élevé, lié à l'extension de la responsabilité de la compagnie aérienne en raison de la valeur déclarée. En ne remplissant pas les conditions fixées par les assureurs, la société iranienne a fait l'économie du coût supplémentaire du transport et il est justifié d'en tenir compte au titre de la compensatio lucri cum damno (cf. ATF 128 III 22 consid. 2e/cc). La société iranienne ne peut pas prétendre être placée comme si elle avait été assurée et ne pas assumer les coûts qui auraient résulté d'une assurance valablement conclue.
 
Sous cet angle également, on ne discerne aucune violation du droit fédéral.
 
4.
 
La recourante principale obtient gain de cause sur un seul point, qui était indiscutable et qui a pu être liquidé très facilement. On ne peut pas dire que l'intimée succombe - au sens de l'art. 159 al. 1 OJ - sur ce point, puisqu'elle s'en est rapportée à justice.
 
En revanche, chacune des parties succombe sur tous les griefs réellement litigieux formulés dans leur recours respectif. Dans ces circonstances, il se justifie de compenser les dépens (cf. art. 159 al. 1 OJ).
 
Chacune des parties devra supporter les frais de son propre recours (art. 156 al. 1 OJ); il sera tenu compte du fait que la réforme demandée par la recourante principale portait sur un montant plus important.
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:
 
1.
 
Le recours joint est rejeté.
 
2.
 
Le recours principal est partiellement admis et l'arrêt attaqué est annulé, la cause étant renvoyée à la cour cantonale pour nouvelle décision au sens des considérants.
 
3.
 
Un émolument judiciaire de 8000 fr. est mis à la charge de la recourante principale.
 
4.
 
Un émolument judiciaire de 4000 fr. est mis à la charge de la recourante par voie de jonction.
 
5.
 
Le présent arrêt est communiqué en copie aux mandataires des parties et à la Chambre civile de la Cour de justice du canton de Genève.
 
Lausanne, le 14 mai 2002
 
Au nom de la Ire Cour civile
 
du Tribunal fédéral suisse
 
Le président: Le greffier:
 
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