BGer 8G.80/2002 | |||
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BGer 8G.80/2002 vom 23.07.2002 | |
Tribunale federale
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{T 0/2}
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8G.80/2002 /rod
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Séance du 23 juillet 2002
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Chambre d'accusation
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Les juges fédéraux Corboz, président,
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Nay et Karlen,
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greffière Bino.
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Ministère public de la Confédération, 3003 Berne,
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requérant,
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contre
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Peter Friederich,
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intimé, représenté par Me Jean-René H. Mermoud, rue du Petit St-Jean 5, 1003 Lausanne.
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prolongation de la détention (art. 51 al. 2 PPF).
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Faits:
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A.
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A la suite d'une demande de renseignements du 28 février 2002 émanant du parquet du Tribunal d'arrondissement de Luxembourg, Service anti-blanchiment, concernant des opérations suspectes effectuées par Peter Friederich, ambassadeur de Suisse auprès du Grand-Duché du Luxembourg, le Ministère public de la Confédération (ci-après MPC) a ouvert, le 8 avril 2002, une enquête de police judiciaire contre inconnu pour blanchiment d'argent (art. 305bis CP).
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B.
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Le 3 juillet 2002, le MPC a dirigé la procédure à l'encontre de Peter Friederich. Il résultait des enquêtes entreprises que ce dernier avait déposé, entre août et décembre 2001, d'importantes sommes d'argent en espèces sur son compte auprès de la banque X.________ à Luxembourg. Les dépôts avaient été effectués en différentes devises (NLG, GBP, USD) et, parfois, en petites coupures pour plusieurs centaines de milliers de dollars. Ensuite, très rapidement, des sommes quasi équivalentes à celles déposées avaient été transférées sur divers comptes dans différents pays, en Suisse notamment; les principaux bénéficiaires de ces transferts étaient connus des autorités de poursuite pénale pour avoir un lourd passé en relation avec le trafic de stupéfiants.
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C.
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Le 8 juillet 2002, lors de son interrogatoire, Peter Friederich a déclaré que l'argent déposé provenait de la vente d'objets d'art lui appartenant. Ensuite, il est en partie revenu sur ses déclarations et a admis avoir établi de faux justificatifs sur la provenance des fonds afin de cacher le nom des acheteurs et d'éviter qu'ils ne payent des impôts.
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D.
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Le 8 juillet 2002, le MPC a décerné un mandat d'arrêt à l'encontre de Peter Friederich pour risque de fuite et collusion. L'arrestation a été confirmée par le Juge d'instruction fédéral pour risque de collusion le 10 juillet 2002.
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E.
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Le 15 juillet 2002, Peter Friederich, entendu par le MPC, a déclaré en particulier que l'argent litigieux provenait d'un certain Y.________ qui voulait le placer en Suisse pour des raisons fiscales. Il a également avoué percevoir une commission de 3% sur le montant de chaque transaction effectuée pour le compte et selon les directives de Y.________
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F.
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Le 15 juillet 2002, le MPC a étendu la procédure à l'infraction de faux dans les titres (art. 251 CP).
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G.
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Le 16 juillet 2002, le MPC a requis la prolongation de la détention préventive auprès de la Chambre d'accusation du Tribunal fédéral conformément à l'art. 51 al. 2 PPF jusqu'au 15 août 2002.
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H.
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Invité à se déterminer sur la requête de prolongation de sa détention, le 22 juillet 2002, Peter Friederich a conclu pour l'essentiel à ce que sa mise en liberté soit ordonnée.
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La Chambre considère en droit:
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1.
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Selon l'art. 51 al. 2 et 3 PPF (selon la nouvelle teneur en vigueur depuis le 1er janvier 2002), le MPC, qui a ordonné la détention d'un inculpé pour risque de collusion dans le cadre de la procédure des recherches de la police judiciaire en application de l'art. 44 ch. 2 PPF et qui entend maintenir la détention pour une durée supérieure à 14 jours, doit présenter à la Chambre de céans, avant l'expiration de ce délai, une requête de prolongation de la détention. En l'espèce, cette exigence a été respectée et, partant, la requête est recevable. La prolongation peut être octroyée exclusivement si les conditions cumulatives de l'art. 44 ch. 2 PPF sont toujours remplies. Ainsi, doivent persister, d'une part, des présomptions graves de crime ou délit et, d'autre part, des circonstances déterminées qui laisseraient craindre que l'inculpé ne veuille détruire les traces de l'infraction ou induire les témoins et coïnculpés éventuels à faire des fausses déclarations ou compromettre de quelque autre façon le résultat de l'instruction. La possibilité théorique que l'inculpé, une fois libéré, puisse faire obstruction aux investigations n'est pas, en tant que telle, suffisante pour justifier la prolongation de la détention; des indices concrets quant à la réalisation d'un tel risque doivent exister.
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2.
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A l'appui de sa requête, le MPC fait valoir que les soupçons qui pèsent sur l'intimé sont graves: les dépôts concernent d'importantes sommes d'argent et des faux documents ont été établis pour couvrir certaines personnes. Les déclarations de l'intimé selon lesquelles l'argent proviendrait d'un certain Y.________ méritent vérification et l'affirmation que les transactions auraient pour but l'évasion fiscale apparaît peu crédible puisque les fonds ont été transférés sur d'autres comptes très rapidement. Toujours selon le MPC, de nombreuses questions demeurent pour l'instant sans réponse et requièrent des investigations approfondies, en particulier pour retrouver les traces de Y.________ et procéder à des recherches à l'étranger par le biais notamment des commissions rogatoires. Le risque de collusion serait dès lors concret compte tenu de la possibilité pour l'intimé, s'il devait être libéré, de prendre contact avec les personnes impliquées, en particulier avec Y.________.
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3.
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L'intimé conteste essentiellement le bien-fondé des accusations dirigées à son encontre ainsi que le risque de collusion. Sur la base des explications fournies par Y.________, il avait cru traiter de l'argent "défiscalisé". En ce qui concerne le risque de collusion, il se réfère à sa collaboration pendant l'enquête ainsi qu'à l'ampleur de la diffusion que les médias ont donnée à cette affaire.
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4.
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Il est établi que, entre août et décembre 2001, l'intimé a déposé sur son compte auprès de la banque X.________ à Luxembourg différentes devises (NLG, GBP, USD) pour un montant global de plusieurs centaines de milliers de dollars. Ces dépôts avaient lieu, parfois, en petites coupures: à titre d'exemple, le versement en livres sterling était composé de 5492 billets de 10 £ et de 6885 coupures de 20 £. Ensuite, les montants déposés étaient transférés sur les comptes d'autres personnes dans différents pays, en particulier en Suisse; les principaux bénéficiaires de ces comptes étaient connus des autorités de poursuite pénale, notamment pour trafic des stupéfiants. Ces éléments sont suffisants pour étayer, à ce stade, de graves soupçons de blanchiment d'argent. Une telle manière de procéder, à savoir le dépôt des différentes devises en petites coupures, l'établissement des faux justificatifs et le transfert immédiat des fonds sur divers comptes de plusieurs personnes, rendent peut crédible la thèse de l'évasion fiscale soutenue par l'intimé, compte tenu aussi du manque de cohérence de ses déclarations. Partant, la première condition cumulative pour prolonger la détention, l'existence des graves présomptions de culpabilité, est remplie. Il en va de même pour la deuxième, le risque de collusion. Il est en effet nécessaire de trouver et interroger Y.________ pour établir si les dernières déclarations de l'intimé correspondent à la vérité. Des recherches supplémentaires, en particulier sur l'origine des fonds et l'identité des bénéficiaires des comptes, s'imposent également. Dans ces conditions, il existe un risque concret que l'intimé, une fois libéré, ne contacte Y.________, ou les autres personnes impliquées, pour élaborer une stratégie de défense et compromettre ainsi l'instruction.
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L'intimé se plaint que l'exécution des mesures d'enquête - en particulier de la commission rogatoire déjà adressée à l'Espagne par le MPC pour entendre Y.________ - va prendre du temps surtout en "pleine période de vacances". A cet égard, il suffit de relever que si l'intimé avait d'emblée dit la vérité concernant l'origine des fonds litigieux, les investigations auraient avancé plus rapidement. Les déclarations contradictoires de celui-ci ont ralenti la procédure; partant, il doit en supporter les conséquences. Pour les mêmes raisons, la prétendue collaboration pendant l'enquête qui, selon l'intimé, rendrait inexistant le risque de collusion, doit être relativisée.
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L'intimé se réfère également au "procès-verbal de l'interrogatoire par la police fédérale du 19 juillet 2002" et semble en requérir la production. Il n'explique pas pourquoi celui-ci devrait être produit dans la présente procédure; ainsi, il n'y a pas lieu de donner suite à sa demande.
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Ce qui vient d'être relevé au sujet des soupçons de blanchiment et du risque de collusion est, en l'état, suffisant pour admettre la requête de prolongation de la détention; ainsi, il n'y a pas de raisons d'examiner l'imputation de faux dans les titres et les griefs (principe de la spécialité) invoqués à ce propos par l'intimé.
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5.
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Dans ses observations, l'intimé soulève des critiques qui ont trait au déroulement de l'enquête et qui échappent à la compétence de la Chambre de céans saisie d'une demande de prolongation de la détention.
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Il se prévaut également de l'immunité pénale absolue dont il bénéficie sur le territoire de l'Etat accréditaire selon l'art. 31 al. 1 de la Convention de Vienne sur les relations diplomatiques (Convention de Vienne; RS 0.191.01) et de l'incompétence des autorités suisses pour le poursuivre. L'intimé opère une confusion entre Etat accréditaire et Etat accréditant. Conformément à l'art. 31 al. 1 et 4 de la Convention de Vienne, l'immunité pénale absolue ne vaut que dans l'Etat accréditaire - ici le Luxembourg - et non pas dans l'Etat accréditant - ici la Suisse - (cf. également Mathias Kraft, Les privilèges et immunités diplomatiques en droit international - Leurs conséquences pour l'instruction pénale, RPS 1984, p. 147). Pour le surplus, la compétence des autorités de poursuite fédérales ne fait aucun doute (cf. art. 6 et 340ss CP).
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6.
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Compte tenu de ce qui précède, la requête du MPC est admise et la détention de l'intimé est prolongée, en application de l'art. 51 al. 2 PPF, jusqu'au 15 août 2002. Cette échéance respecte le principe de la proportionnalité compte tenu de la gravité des faits et des mesures d'enquête complexes qui s'imposent encore, en particulier par le moyen de commissions rogatoires. L'intimé devra néanmoins être libéré avant cette date si le risque de collusion devait ne plus exister.
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Par ces motifs, la Chambre prononce:
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1.
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La requête est admise et la détention ordonnée sur la base de l'art. 44 ch. 2 PPF prolongée jusqu'au 15 août 2002.
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2.
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Il n'est pas perçu d'émolument judiciaire.
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3.
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Le présent arrêt est communiqué en copie aux parties (le dispositif d'abord par télécopie).
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Lausanne, le 23 juillet 2002
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Au nom de la Chambre d'accusation
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du Tribunal fédéral suisse
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Le président: La greffière:
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