BGer 6S.93/2004 | |||
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BGer 6S.93/2004 vom 29.04.2004 | |
Tribunale federale
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{T 0/2}
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6S.93/2004 /rod
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Arrêt du 29 avril 2004
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Cour de cassation pénale
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Composition
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MM. les Juges Schneider, Président,
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Kolly et Karlen.
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Greffier: M. Denys.
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Parties
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X.________,
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recourant, représenté par Me Patrick Stoudmann, avocat,
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contre
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Hoirs de A.Y.________ et B.Y.________,
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intimés, représentés par Raymonde Charrière,
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Ministère public du canton de Fribourg,
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rue de Zaehringen 1, 1700 Fribourg.
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Objet
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Faux dans les titres,
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pourvoi en nullité contre l'arrêt de la Cour d'appel pénal du Tribunal cantonal de l'Etat de Fribourg du 21 janvier 2004.
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Faits:
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A.
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Par jugement du 11 septembre 2001, le Tribunal pénal de la Gruyère a condamné X.________, pour faux dans les titres et escroquerie, à huit mois d'emprisonnement avec sursis pendant trois ans. Il a en outre alloué partiellement les conclusions civiles prises au nom des héritiers Y.________ et condamné X.________ à verser à ces derniers 91'000 francs plus intérêts.
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Statuant le 13 février 2003, la Cour d'appel pénal du Tribunal cantonal fribourgeois a confirmé ce jugement.
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Par arrêt du 26 mai 2003 (6S.99/2003), le Tribunal fédéral a partiellement admis le pourvoi en nullité de X.________ en application de l'art. 277 PPF et a renvoyé la cause en instance cantonale pour nouvelle décision. En substance, le Tribunal fédéral a d'une part jugé que la condamnation de X.________ pour escroquerie ne violait pas le droit fédéral. D'autre part, il a considéré que les faits retenus ne permettaient pas d'apprécier si la quittance au contenu mensonger établie le 5 février 1998 constituait un faux dans les titres au sens de l'art. 251 CP. Il a par conséquent appliqué l'art. 277 PPF.
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B.
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Statuant à nouveau par arrêt du 21 janvier 2004, la Cour d'appel pénal du Tribunal cantonal fribourgeois a rejeté le recours de X.________ et a confirmé le jugement rendu le 11 septembre 2001.
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C.
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X.________ se pourvoit en nullité au Tribunal fédéral contre cet arrêt. Il conclut à son annulation.
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Le Tribunal fédéral considère en droit:
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1.
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1.1 Le recourant a été condamné pour faux dans les titres selon l'art. 251 ch. 1 CP pour avoir fait signer à la venderesse du bien immobilier une quittance attestant qu'elle avait "reçu la somme de 146'000 francs". Pour lui, le document en question ne représente pas un titre.
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1.2 Selon les constatations cantonales, la quittance établie par le recourant exprime un fait faux puisqu'en réalité le montant mentionné n'a pas entièrement été payé. A l'initiative du recourant, la signature de la venderesse apposée sur la quittance a été légalisée devant notaire.
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1.3 L'art. 251 ch. 1 CP vise non seulement un titre faux ou la falsification d'un titre (faux matériel), mais aussi un titre mensonger (faux intellectuel). Il y a faux matériel lorsque l'auteur réel ne coïncide pas avec l'auteur apparent, alors que le faux intellectuel vise un titre qui émane de son auteur apparent, mais qui est mensonger dans la mesure où son contenu ne correspond pas à la réalité (ATF 126 IV 65 consid. 2a p. 67). En l'espèce, on se trouve dans l'hypothèse d'un document qui est simplement mensonger dans son contenu (faux intellectuel).
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Il est admis qu'un simple mensonge écrit ne constitue pas un faux intellectuel. La confiance que l'on peut avoir à ne pas être trompé sur la personne de l'auteur est plus grande que celle que l'on peut avoir à ce que l'auteur ne mente pas par écrit. Pour cette raison, même si l'on se trouve en présence d'un titre, il est nécessaire pour que le mensonge soit punissable comme faux intellectuel que le document ait une valeur probante plus grande que dans l'hypothèse d'un faux matériel. Sa crédibilité doit être accrue et son destinataire doit pouvoir s'y fier raisonnablement. Une simple allégation, par nature sujette à vérification ou discussion, ne suffit pas. Il doit résulter des circonstances concrètes ou de la loi que le document est digne de confiance, de telle sorte qu'une vérification par le destinataire n'est pas nécessaire et ne saurait être exigée (ATF 126 IV 65 consid. 2a p.67/68; 123 IV 61 consid. 5b p. 64/65).
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1.4 Dans son arrêt du 26 mai 2003 (consid. 3.2.4), le Tribunal fédéral a mentionné que la jurisprudence admet certes qu'un document privé constitue un titre lorsqu'il est la preuve requise par un officier public pour procéder à une inscription dans un registre public (ATF 123 IV 132 consid. 3b/bb p. 137/138; 120 IV 199 consid. 3c p. 204); qu'en matière de transfert de propriété immobilière, celui qui requiert l'inscription au registre foncier doit se légitimer quant à son droit de disposition et quant au titre sur lequel se fonde l'opération (art. 965 CC), sans avoir en principe à établir le paiement du prix de vente; qu'ainsi, la quittance litigieuse ne présentait pas une garantie objective de véracité à défaut de constituer une pièce justificative pour l'inscription au registre foncier. Le Tribunal fédéral a toutefois ajouté que l'état de fait ne précisait pas si le recourant avait besoin de la quittance pour une autre raison, par exemple pour justifier de ses pouvoirs. Il a à ce sujet relevé que si la procuration du 10 février 1998 ne prévoyait aucune condition, il paraissait en revanche ressortir de la réquisition du 12 février 1998 que le mandat donné au recourant pour déposer la réquisition de transfert immobilier au registre foncier était subordonné au paiement complet du prix de vente.
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Dans son nouvel arrêt du 21 janvier 2004 (p. 9), la Cour d'appel pénal a indiqué que l'exercice du droit d'emption était subordonné au paiement du prix de vente; que par conséquent, les quittances produites avec la réquisition constituaient des pièces justificatives pour l'inscription au registre foncier; qu'en outre, la réquisition mentionnait expressément que le recourant avait reçu mandat des parties au contrat de demander le transfert de propriété au registre foncier dans un délai de vingt jours dès le paiement complet du prix de vente; qu'ainsi, le recourant devait établir que le prix avait été intégralement payé pour pouvoir demander le transfert de propriété.
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1.5 A la suite du renvoi, il a donc été tenu pour établi que le recourant avait besoin de la quittance litigieuse pour justifier de ses pouvoirs, lesquels dépendaient du paiement du prix de vente. Autrement dit, le recourant n'était légitimé à requérir l'inscription que s'il démontrait le paiement. En ce sens, la quittance représente une pièce justificative pour le registre foncier relativement à la validité des pouvoirs du recourant.
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Le contenu du registre foncier jouit d'une force probante accrue et est présumé exact (art. 9 et 937 CC). Chargé de procéder à une inscription, une modification ou une radiation (art. 965 al. 1 CC), le conservateur du registre foncier ne doit pour l'essentiel examiner que si les conditions de forme du titre sont remplies (ATF 129 III 216 consid. 3.3.2 p. 223/224; 124 III 341 consid. 2b p. 343). Son pouvoir n'est pas plus étendu pour les pièces annexes (ATF 108 II 548 consid. 4 p. 549). L'examen porte le cas échéant sur la qualité de représentant du requérant (cf. art. 965 al. 2 CC). En raison du pouvoir de vérification limité du conservateur, les pièces justificatives remises à l'appui d'une requête d'inscription, de modification ou de radiation participent à la présomption de véracité attachée au registre et revêtent ainsi une crédibilité accrue. De telles pièces constituent un titre au sens de l'art. 251 CP. C'est par conséquent le cas de la quittance en question. A noter aussi que, de manière générale, une procuration écrite ne représente pas une simple déclaration mais est particulièrement digne de confiance et vaut titre (ATF 122 IV 332 consid. 2c p. 339). Cette solution s'étend à tous les éléments nécessaires à justifier des pouvoirs conférés, donc aussi à la quittance litigieuse dans le cas d'espèce. Le recourant a sciemment établi un titre mensonger dans le but de tromper le registre foncier et d'obtenir le transfert de la propriété de l'immeuble. Sa condamnation en vertu de l'art. 251 ch. 1 CP ne viole pas le droit fédéral. Le pourvoi est infondé et doit être rejeté.
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2.
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Le recourant, qui succombe, supporte les frais de la cause (art. 278 al. 1 PPF).
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Il n'y a pas lieu d'allouer d'indemnité aux intimés, qui n'ont pas eu à intervenir dans la procédure devant le Tribunal fédéral.
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Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:
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1.
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Le pourvoi est rejeté.
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2.
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Un émolument judiciaire de 2'000 francs est mis à la charge du recourant.
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3.
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Le présent arrêt est communiqué en copie aux mandataires des parties, au Ministère public du canton de Fribourg et à la Cour d'appel pénal du Tribunal cantonal fribourgeois.
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Lausanne, le 29 avril 2004
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Au nom de la Cour de cassation pénale
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du Tribunal fédéral suisse
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Le président: Le greffier:
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