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Informationen zum Dokument  BGer 2C_933/2012  Materielle Begründung
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BGer 2C_933/2012 vom 11.04.2013
 
Bundesgericht
 
Tribunal fédéral
 
Tribunale federale
 
2C_933/2012
 
{T 0/2}
 
Arrêt du 11 avril 2013
 
IIe Cour de droit public
 
Composition
 
MM. et Mme les Juges fédéraux Zünd, Président,
 
Aubry Girardin et Stadelmann.
 
Greffier: Mme Beti.
 
 
Participants à la procédure
 
Interprofession du fromage X.________,
 
représentée par Me Yves Noël, avocat,
 
recourante,
 
contre
 
Administration fédérale des contributions, Division principale de la taxe sur la valeur ajoutée.
 
Objet
 
Opération TVA; contre-prestation; complément de prix; droit à la déduction de l'impôt préalable; périodes du 01.01.2002 au 31.03.2007,
 
recours contre l'arrêt du Tribunal administratif fédéral, Cour I, du 8 août 2012.
 
Faits:
 
A.
 
L'association "Interprofession du fromage X.________" (ci-après l'Association), sise à Y.________, a pour but principal la promotion du fromage X.________. Depuis le 1er juillet 2000, elle est immatriculée au registre de l'Administration fédérale des contributions (ci-après l'Administration fédérale) en tant qu'assujettie à la TVA.
 
L'Association regroupe trois catégories de membres actifs dans la fabrication de fromage X.________, à savoir des fabricants, des affineurs et des producteurs de lait. Leurs cotisations, facturées TVA comprise, sont fixées en fonction du nombre de kilos de fromage produits et sont réparties en parts égales entre les trois catégories de membres. Le 87 % du chiffre d'affaires de l'Association est constitué par les cotisations de ses membres.
 
Jusqu'en 2003, l'Association a organisé des ventes promotionnelles, au cours desquelles du fromage X.________ était offert au public à prix réduit. Pour éviter que les affineurs ne soient lésés par ce procédé, elle leur versait, sur chaque fromage vendu, le montant correspondant à la différence entre le prix de vente normal et le prix de vente réduit, sur la base de factures établies par les affineurs, qui incluaient la TVA. Ce système a été abandonné depuis l'exercice 2003-2004.
 
Jusqu'en 2008 en tout cas, l'Association avait également pour pratique de faire des versements aux affineurs selon le même principe en relation avec des exportations de fromage X.________.
 
B.
 
A la suite d'un contrôle qui s'est tenu en juin 2007 et qui portait sur les périodes fiscales allant du 1er janvier 2002 au 31 mars 2007, l'Administration fédérale a, par décision du 8 novembre 2007, réclamé à l'Association notamment le montant de CHF 35'039.- à titre d'annulation de la déduction de l'impôt préalable payé sur les versements faits aux affineurs en relation avec les ventes promotionnelles et les exportations (décompte complémentaire n° 146743). Elle a confirmé sa position par décision sur réclamation du 25 novembre 2009.
 
Par arrêt du 8 août 2012, le Tribunal administratif fédéral a rejeté le recours déposé par l'Association à l'encontre de la décision du 25 novembre 2009.
 
C.
 
Le 24 septembre 2012, l'Association forme un "recours" auprès du Tribunal fédéral à l'encontre de l'arrêt du 8 août 2012, notifié le 22 août 2012. Elle conclut à l'admission de celui-ci et à la réforme de la décision de l'Administration fédérale du 25 novembre 2009, en ce sens qu'elle est autorisée à déduire comme impôt préalable pour les périodes fiscales allant du premier trimestre 2002 au premier trimestre 2007 la somme de CHF 35'039.-.
 
Le Tribunal administratif fédéral a renoncé à prendre position. L'Administration fédérale a présenté des déterminations en concluant au rejet du recours. L'Association a déposé des observations finales le 5 octobre 2012.
 
Considérant en droit:
 
1.
 
1.1 L'arrêt attaqué est une décision finale (art. 90 LTF), émanant du Tribunal administratif fédéral (art. 86 al. 1 let. a LTF) dans une cause de droit public (art. 82 let. a LTF) ne tombant pas sous le coup des exceptions de l'art. 83 LTF. Il peut donc en principe faire l'objet d'un recours en matière de droit public. Le fait que la recourante n'ait pas qualifié son recours ne saurait lui porter préjudice, à condition que son mémoire remplisse les exigences de la voie de droit normalement ouverte (cf. ATF 136 II 497 consid. 3.1 p. 499).
 
1.2 Le recours a été déposé en temps utile (art. 45 al. 1 et 100 al. 1 LTF), par la destinataire de l'acte attaqué qui, en tant que débitrice du montant réclamé par l'Administration fédérale, a un intérêt digne de protection à son annulation ou à sa modification, de sorte qu'il faut lui reconnaître la qualité pour recourir (art. 89 al. 1 LTF).
 
1.3 Si le mémoire comprend une motivation répondant aux exigences de l'art. 42 al. 2 LTF, la formulation des conclusions ne va pas sans poser problème. La recourante conclut à l'admission de son recours (I) et à la réforme de la décision du 25 novembre 2009 rendue par l'Administration fédérale (II). Comme les recours auprès du Tribunal administratif fédéral ont un effet dévolutif (art. 37 LTAF en relation avec 61 PA), la conclusion visant à la réforme de la décision sur réclamation est irrecevable (cf. en matière de TVA notamment: arrêts 2C_979/2011 du 12 juin 2012 consid. 1.1 in fine, in RDAF 2012 II 472; 2C_612/2007 du 7 avril 2008 consid. 1.1, in RDAF 2008 II 554). Quant à la conclusion en admission du recours, elle ne suffit pas, le Tribunal fédéral ayant un pouvoir de réforme (cf. art. 107 al. 2 LTF). Les conclusions doivent toutefois être interprétées à la lumière de la motivation contenue dans le mémoire (cf. ATF 137 II 313 consid. 1.3 p. 317 et les arrêts cités) et l'on comprend, à la lecture du recours, que l'Association conteste être redevable du montant de CHF 35'039.- correspondant à l'annulation de la déduction de l'impôt préalable confirmée par le Tribunal administratif fédéral. Dans cette mesure, il convient donc d'entrer en matière.
 
2.
 
La loi fédérale du 2 septembre 1999 régissant la taxe sur la valeur ajoutée (RO 2000 1300 et les modifications ultérieures; ci-après: aLTVA), entrée en vigueur le 1er janvier 2001, a été abrogée avec effet au 31 décembre 2009 par la nouvelle loi fédérale du 12 juin 2009 régissant la taxe sur la valeur ajoutée (LTVA; RS 641.20). Sous réserve d'exceptions, les normes de l'ancien droit ainsi que leurs dispositions d'exécution portant sur le fond sont applicables à tous les faits et rapports juridiques ayant pris naissance avant leur abrogation (art. 112 al. 1 LTVA). L'aLTVA s'applique dès lors à la présente procédure, qui porte sur des faits se rapportant aux périodes fiscales allant du 1er trimestre 2002 au 1er trimestre 2007.
 
3.
 
Le litige revient à s'interroger sur le bien-fondé du montant de CHF 35'039.- réclamé par l'Administration fédérale à la recourante à titre d'annulation de la déduction de l'impôt préalable sur les versements effectués aux affineurs en relation avec les ventes promotionnelles et les exportations de fromages X.________ à des prix promotionnels.
 
3.1 Selon l'arrêt attaqué, la déduction de l'impôt préalable n'est pas admissible, car les circonstances ne permettent pas de conclure à l'existence d'une opération TVA indépendante entre la recourante et les affineurs, en l'absence de prestation fournie par ces derniers à l'Association qui permettrait de construire un rapport d'échange avec les montants que cette dernière leur a versés. Excluant l'hypothèse d'un don, les juges du Tribunal administratif fédéral ont qualifié ces versements de compléments de prix, car ceux-ci constituaient une part de la contre-prestation versée pour l'achat de fromage X.________, au même titre que les montants payés par les acquéreurs de fromage. Toutefois, comme la recourante ne recevait elle-même aucune prestation, les fromages étant livrés à des tiers, elle ne pouvait inclure la TVA payée à ce titre dans le calcul de la déduction de l'impôt préalable. L'Association intervenait, en ce qui concernait le paiement d'une partie de la contre-prestation, à la place de l'acquéreur et non pour elle-même. Tout au plus, pouvait-elle faire supporter cet impôt aux destinataires de la marchandise. Cette problématique relevait des relations d'ordre privé et l'éventuelle absence de relation entre la recourante et les acheteurs n'y changeait rien.
 
3.2 La recourante, faisant le parallèle avec les "fausses subventions", soutient principalement qu'il y a bien eu échange de prestations entre elle-même et ses membres bénéficiaires des paiements, dont elle "achetait" la baisse de prix en compensant leur manque à gagner par kilo de fromages vendus. Partant, elle était en droit de déduire l'impôt préalable litigieux. De plus, lui refuser cette possibilité violerait, pour ses contributions aux exportations, le principe du dégrèvement intégral des exportations, car le traitement du complément de prix doit suivre le sort du principal, soit des fromages X.________ exportés. Subsidiairement, elle reproche aux autorités de ne pas avoir traité les compléments de prix en conformité avec la jurisprudence du Tribunal fédéral, en particulier l'arrêt 2A.353/2001, qui assimile ces compléments à des subventions non assujetties à la TVA. Les affineurs, bénéficiaires des versements, ne devaient donc pas ajouter la TVA aux factures destinées à l'Association, de sorte que le problème de la déduction de l'impôt préalable n'aurait pas dû se poser. Partant, s'agissant de versements qui ne devaient pas être assujettis à la TVA, on ne saurait refuser à la recourante le droit de déduire cet impôt à titre de charge préalable. L'arrêt attaqué la met ainsi dans une situation juridiquement insatisfaisante, car on l'empêche de remettre en cause le bien-fondé de la TVA d'amont facturée par les affineurs sur les compléments de prix contrairement à la jurisprudence, tout en lui refusant le droit de déduire ces sommes à titre de l'impôt préalable. Elle considère que l'arrêt attaqué aboutit à un résultat contraire à la neutralité concurrentielle et au principe de la bonne foi. Dans un souci d'économie de procédure, elle demande que le Tribunal fédéral confirme sa jurisprudence sur les compléments de prix et constate, de manière générale, que ceux-ci ne sont pas des opérations au sens de la législation sur la TVA ancienne et nouvelle, ce qui lui permettra, pour le futur, d'obtenir des bénéficiaires de ces montants qu'ils ne lui adressent plus de factures avec TVA.
 
4.
 
Au préalable, il convient de rappeler qu'il n'appartient pas au Tribunal fédéral de se prononcer au-delà de l'objet du litige. En l'occurrence, il s'agit de s'interroger sur le droit pour la recourante de déduire l'impôt préalable sur les montants versés aux affineurs. Il n'y a pas lieu de régler les relations juridiques internes entre la recourante et ces derniers, qui plus est sous l'angle du nouveau droit. La requête de la recourante tendant, de manière générale, à ce que la Cour de céans confirme sa jurisprudence sur les compléments de prix en constatant que ceux-ci ne sont pas des opérations imposables, y compris sous le nouveau droit, afin d'éviter que les affineurs lui adressent des factures comprenant la TVA, n'est donc pas admissible, car elle dépasse l'objet du litige.
 
5.
 
Il convient en revanche de vérifier si l'arrêt attaqué a correctement appliqué les principes généraux gouvernant la TVA en considérant que la recourante ne pouvait prétendre au remboursement de l'impôt préalable. Si tel devait être le cas, il faudra encore se demander si le fait que les affineurs aient facturé la TVA à la recourante empêche l'Administration fédérale de lui réclamer le montant de CHF 35'039.- litigieux.
 
5.1 Les principes de la déduction de l'impôt préalable sont fixés à l'art. 38 aLTVA. Selon l'alinéa 4 de cette disposition, ne donnent pas droit à la déduction de l'impôt préalable notamment les opérations exclues du champ de l'impôt, les activités qui ne sont pas considérées comme des opérations, les activités privées, les opérations exercées dans le cadre de la puissance publique.
 
L'art. 5 aLTVA définit le concept d'opération soumise à l'impôt. Il en découle que, hormis l'impôt sur les prestations à soi-même, ne sont soumises à la TVA que les livraisons de biens et les prestations de services effectuées à titre onéreux (cf. art. 5 let. a, b et d aLTVA). Une opération est effectuée à titre onéreux, à savoir contre rémunération, s'il y a échange d'une prestation et d'une contre-prestation. Un rapport économique étroit doit exister entre elles en ce sens que c'est la prestation qui déclenche la contre-prestation (cf. ATF 132 II 353 consid. 4.1 p. 356 s.; arrêt 2C_506/2007 du 13 février 2008 consid. 3.2, in RDAF 2008 II 33). La rémunération constitue la contre-prestation et sert de base au calcul de l'impôt (cf. art. 33 al. 1 aLTVA). Elle se détermine du point de vue du destinataire de la prestation et non du point de vue du fournisseur. Elle inclut tout ce que le destinataire, ou un tiers à sa place, dépense en contre-partie de la livraison ou de la prestation de services (cf. arrêt 2A.400/2001 du 9 avril 2002 consid. 5.1, in RDAF 2002 II 347). Les prestations à l'égard de personnes proches ne doivent pas être traitées différemment par rapport à des prestations fournies à des tiers (arrêt 2C_129/2012 du 15 juin 2012 consid. 4.1, résumé in RF 67/2012 711).
 
5.2 En l'espèce, il faut examiner la nature des versements effectués par la recourante en faveur des affineurs. Il s'agit de montants déterminés alloués en fonction du nombre de kilos de fromage vendus à des tiers à un prix inférieur à celui du marché. En contre-partie, les destinataires, à savoir les affineurs ne livrent rien en retour à l'Association, puisque les fromages qui servent de base au calcul des versements sont vendus à des tiers avec lesquels la recourante n'a aucun contact. Les affineurs n'offrent par ailleurs aucun service à la recourante en contre-partie du montant reçu. Le fait que les affineurs soient membres de l'Association et lui versent des cotisations n'est pas dans un rapport direct avec les montants alloués par celle-ci, de sorte que l'on a pas affaire à une prestation qui déclencherait une contre-prestation. Enfin, il n'apparaît pas que les affineurs aient une créance envers la recourante, que cette dernière compenserait en leur versant un montant en fonction de la quantité de fromage vendu. Lorsque la recourante soutient qu'elle "achetait" la baisse de prix en compensant le manque à gagner des affineurs, elle perd de vue que, pour savoir s'il y a contre-prestation, il faut se placer du point de vue du destinataire de la prestation. Or, on voit mal en quoi pourrait consister la contre-prestation des affineurs envers l'Association lorsque celle-ci compense leur manque à gagner lié à la vente de fromage à un prix inférieur à celui du marché. Les contributions versées par la recourante ne peuvent ainsi être qualifiées de contre-prestations d'une opération déterminée fournie par les affineurs.
 
Dans ces circonstances, on ne peut reprocher au Tribunal administratif fédéral d'avoir considéré que les versements effectués ne consistaient pas en une opération TVA, de sorte qu'ils ne pouvaient donner lieu à déduction de l'impôt préalable de la part de la recourante.
 
5.3 La recourante soutient que l'arrêt attaqué, qui n'a pas traité les versements qu'elle effectue comme des subventions exonérées mais comme des compléments de prix, n'est pas conforme à la jurisprudence du Tribunal fédéral. Elle se réfère à cet égard en particulier à l'arrêt 2A.353/2001 du 11 février 2002.
 
Les autorités administratives, l'ancienne Commission de recours en matière de TVA et le Tribunal administratif fédéral font une distinction parmi les subventions et traitent de manière particulière les "compléments de prix" par rapport aux autres subventions. En substance, lorsqu'une collectivité verse un montant en relation directe avec la vente d'un produit ou d'un service, il n'y a, selon cette pratique, pas une subvention ordinaire, mais un complément de prix. Contrairement aux subventions, qui ne sont pas soumises à la TVA, le complément de prix l'est, de sorte que son bénéficiaire, à savoir le contribuable qui peut ainsi vendre un bien ou fournir un service à un prix réduit grâce au complément de prix, doit la TVA sur ce montant. Dans l'arrêt 2A.353/2001 dont se prévaut la recourante, le Tribunal fédéral a de son côté considéré qu'une entreprise qui recevait des subventions ayant une répercussion directe sur le prix de ses produits ne pouvait prendre en compte la subvention lors du calcul de l'impôt préalable, mais devait opérer une réduction proportionnelle à la subvention reçue. Il n'a en revanche pas examiné la pratique du complément de prix appliquée par les autorités administratives.
 
Malgré les développements du recours et de l'arrêt attaqué relatifs à la question des compléments de prix, il n'y a cependant pas lieu d'examiner plus avant cette controverse dans la présente affaire. En effet, dès lors que les versements octroyés ne sont pas en lien avec une contre-prestation directe de la part des affineurs envers l'Association, il n'y a pas opération TVA en aval, ce qui exclut les déductions d'impôt préalable (cf. supra consid. 5.2). Cette conséquence est indépendante du point de savoir si les affineurs devaient ou non, en application de la pratique sur les compléments de prix, payer la TVA. Partant, il n'y a pas lieu de se prononcer sur les critiques de la recourante sur ce point, dès lors qu'elles ne sont pas de nature à modifier le résultat de la présente procédure.
 
Dans ces circonstances, le recours doit être rejeté dans la mesure de sa recevabilité.
 
6.
 
Compte tenu de l'issue du litige, les frais seront mis à la charge de la recourante (art. 66 al. 1 LTF). Il ne sera pas alloué de dépens (art. 68 al. 1 et 3 LTF).
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:
 
1.
 
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable.
 
2.
 
Les frais judiciaires, arrêtés à CHF 2'000.-, sont mis à la charge de la recourante.
 
3.
 
Le présent arrêt est communiqué au mandataire de la recourante, à l'Administration fédérale des contributions, Division principale de la taxe sur la valeur ajoutée, et au Tribunal administratif fédéral, Cour I.
 
Lausanne, le 11 avril 2013
 
Au nom de la IIe Cour de droit public
 
du Tribunal fédéral suisse
 
Le Président: Zünd
 
La Greffière: Beti
 
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