BGer 1C_6/2016 | |||
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BGer 1C_6/2016 vom 27.05.2016 | |
{T 0/2}
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1C_6/2016
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Arrêt du 27 mai 2016 |
Ire Cour de droit public | |
Composition
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MM. les Juges fédéraux Fonjallaz, Président,
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Merkli et Chaix.
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Greffier : M. Kurz.
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Participants à la procédure | |
recourante,
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contre
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Conseil fédéral suisse, Palais fédéral Est, 3003 Berne, représenté par le Département fédéral des finances, Service juridique, Bernerhof, Bundesgasse 3, 3003 Berne.
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Objet
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blocage de compte, LRAI, art. 184 al. 3 Cst.,
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recours contre l'arrêt du Tribunal administratif fédéral, Cour III, du 27 novembre 2015.
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Faits : | |
A. Le 10 octobre 2012, le Conseil fédéral a ordonné le blocage d'un compte détenu par la société panaméenne A.________ SA (ci-après: A.________) auprès de la banque C.________ SA de Genève, présentant un solde d'environ 4'180'000 euros. Cette décision est principalement fondée sur la loi fédérale sur la restitution des valeurs patrimoniales d'origine illicite de personnes politiquement exposées (loi sur la restitution des avoirs illicites, LRAI, RS 196.1). Depuis l'entrée en vigueur de cette loi, le 1 er février 2011, une action avait été ouverte afin de confisquer les avoirs en Suisse de l'ancien président de la République d'Haïti Jean-Claude Duvalier, soit environ 5,8 millions de francs. Les avoirs de A.________ avaient fait l'objet d'une communication au MROS le 18 juillet 2011. L'ayant droit de A.________ était B.________, Ministre des finances d'Haïti de 1982 à 1985, décédé en 2005. Sa veuve D.________ lui avait succédé en tant qu'ayant droit. Près de 6 millions de francs avaient été versés sur son compte, en provenance de la fondation A.________ (Liechtenstein) dont l'ayant droit était une parente de B.________. Faute d'avoir été annoncés en temps utile, les avoirs de A.________ n'avaient pas été visés par les mesures ordonnées en Suisse en exécution des demandes d'entraide formées précédemment par la République d'Haïti (cf. à ce propos ATF 136 IV 4) ainsi que par la procédure de confiscation. Toutefois, l'origine illicite des avoirs étant notoire, il y avait lieu de prononcer leur blocage en application de l'art. 2 LRAI, subsidiairement de l'art. 184 al. 3 Cst.
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B. Sur recours de A.________ et de D.________, le Tribunal administratif fédéral (ci-après: le TAF) a, par arrêt du 27 novembre 2015, confirmé cette décision. D.________, simple ayant droit économique, n'avait pas qualité pour agir. Une première demande d'entraide judiciaire déposée en juin 1986 avait donné lieu à plusieurs décisions et à diverses garanties données par les autorités requérantes, puis à un refus de l'entraide judiciaire en 2002, en raison de l'instabilité de l'Etat, de la situation en matière de droits de l'homme et de l'absence de volonté de mener la procédure pénale à terme. Les faits étaient en outre prescrits. Une nouvelle demande, formée en mai 2008, avait été définitivement écartée par arrêt du 12 janvier 2010 du Tribunal fédéral (ATF 136 IV 4), en raison de la prescription. Il en ressortait clairement que l'Etat haïtien était défaillant au sens de l'art. 1 LRAI. Une ordonnance de non-lieu rendue en 1987 en faveur de B.________ avait été ensuite remise en cause par l'Etat requérant, et n'équivalait pas à une renonciation définitive à la poursuite. La demande d'entraide de 2008 visait d'ailleurs aussi B.________. La LRAI était par conséquent applicable. Certes, le compte visé ne faisait pas préalablement l'objet d'une mesure de blocage dans le cadre d'une procédure d'entraide judiciaire, comme le requiert l'art. 2 LRAI. Le législateur n'avait pas prévu le cas où les avoirs sont découverts après l'échec de la procédure d'entraide. Le but de la loi était toutefois de permettre la restitution des avoirs, en particulier ceux liés à Duvalier, y compris lorsqu'en raison de la négligence d'un intermédiaire financier, la découverte avait lieu tardivement. Les autres conditions pour le blocage des fonds (détenteur proche d'une personne politiquement exposée, défaillance de l'Etat d'origine, préservation de l'image de la Suisse) étaient remplies, la question de l'origine des avoirs devant être traitée dans le cadre de la procédure de confiscation. Subsidiairement, le TAF a considéré que le Conseil fédéral pouvait aussi se fonder directement sur l'art. 184 al. 3 Cst.
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C. Par acte du 6 janvier 2016, A.________ SA demande au Tribunal fédéral de réformer l'arrêt du TAF en ce sens que la décision de blocage est annulée; subsidiairement, elle demande qu'ordre soit donné au Conseil fédéral de produire les deux demandes d'entraide judiciaire de 1986 et 2008; plus subsidiairement, elle conclut au renvoi de la cause au TAF pour nouvelle décision au sens des considérants.
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Le TAF a renoncé à prendre position sur le recours. Le Conseil fédéral, représenté par le Département fédéral des finances, conclut au rejet du recours. Dans ses dernières observations, la recourante persiste dans ses conclusions.
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Considérant en droit : | |
1. Tout comme la décision du Conseil fédéral, l'arrêt attaqué est fondé principalement sur la LRAI et, subsidiairement, sur l'art. 184 al. 3 Cst. Il s'agit donc d'une décision en matière de droit public au sens des art. 5 PA, qui pouvait en tant que telle faire l'objet d'un recours auprès du Tribunal administratif fédéral (cf. art. 33 let. b ch. 3 LTAF - RS 173.32; ATF 139 II 384 consid. 2.3 p. 390).
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1.1. Dans le système de la LRAI, le blocage d'un compte a lieu en vue de l'ouverture de la procédure de confiscation prévue aux art. 5 ss de la loi (cf. art. 2 in initio et 3 al. 1 LRAI). Il s'agit par conséquent d'une décision incidente (ATF 128 I 129 consid. 1 p. 131; 126 I 97 consid. 1b p. 100 et les références). Selon la jurisprudence, le séquestre de valeurs patrimoniales cause en principe un dommage irréparable au sens de l'art. 93 al. 1 let. a LTF, car le détenteur se trouve privé temporairement de la libre disposition des valeurs saisies (ATF 126 I 97 consid. 1b p. 101; voir également ATF 133 IV 139 consid. 4 p. 141; 128 I 129 consid. 1 p. 131).
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1.2. En tant que titulaire du compte bloqué et ayant participé à la procédure devant l'autorité cantonale, la recourante a qualité pour agir (art. 89 al. 1 LTF). Son ayant droit, qui s'est vu dénier la qualité pour recourir devant le TAF, a renoncé à contester ce prononcé devant le Tribunal fédéral.
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1.3. La cause ne tombe pas sous le coup des exceptions de l'art. 83 LTF, en particulier de la lettre a de cette disposition. En effet, les mesures de coercition consistant dans le gel des avoirs et des ressources économiques des personnes visées, affectent des droits de caractère civil au sens de l'art. 6 par. 1 CEDH, dont le respect implique de garantir l'accès à un juge (cf. ATF 133 II 450 consid. 2.2 p. 454 s.; 132 I 229 consid. 6.1 p. 237; arrêt 2C_349/2012 du 18 mars 2013 consid. 1.1.1). Par conséquent, bien que la décision attaquée repose partiellement sur l'art. 184 al. 3 Cst. relatif à la "sauvegarde des intérêts du pays", la clause d'irrecevabilité prévue à l'art. 83 let. a LTF n'est pas applicable (ATF 139 II 384 consid. 2.3 p. 389 s.), et cela même si une instance judiciaire (le TAF) s'est déjà prononcée avant le Tribunal fédéral (consid. 1.3 non publié de l'ATF 141 I 20; arrêt 2C_349/2012 du 18 mars 2013 consid. 1.1.3 et les références citées).
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1.4. Si elle suppose une procédure d'entraide judiciaire qui n'a pas pu aboutir en raison de la défaillance de l'Etat requérant (art. 1, 2 let. a et let. c), la procédure de blocage et de confiscation instituée par la LRAI ne constitue pas une procédure d'entraide mais une procédure subsidiaire à celle-ci; elle est régie par des dispositions spécifiques et peut d'ailleurs être suspendue jusqu'à droit connu en cas de reprise de la procédure d'entraide (art. 5 al. 4 LRAI). Il s'agit dès lors d'une procédure administrative sui generis, de sorte que les dispositions des art. 84 et 100 al. 2 let. b LTF ne s'appliquent pas.
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1.5. Pour le surplus, le recours a été formé dans le délai prescrit à l'art. 100 al. 1 LTF, contre un arrêt rendu par le Tribunal administratif fédéral (art. 86 al. 1 let. a LTF). Il y a donc lieu d'entrer en matière.
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2. Dans un grief d'ordre formel, à examiner en premier lieu, la recourante se plaint d'une violation de son droit d'être entendue. Selon elle, la décision du Conseil fédéral serait insuffisamment motivée s'agissant de l'application de l'art. 184 Cst.
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2.1. Le droit d'être entendu (art. 29 al. 2 Cst.) implique notamment pour l'autorité l'obligation de motiver sa décision, afin que le justiciable puisse la comprendre, la contester utilement s'il y a lieu et exercer son droit de recours à bon escient. Pour répondre à ces exigences, l'autorité doit mentionner, au moins brièvement, les motifs qui l'ont guidée et sur lesquels elle a fondé sa décision, de manière à ce que l'intéressé puisse se rendre compte de la portée de celle-ci et l'attaquer en connaissance de cause. Elle n'a pas l'obligation d'exposer et de discuter tous les faits, moyens de preuve et griefs invoqués par les parties, mais peut au contraire se limiter à l'examen des questions décisives pour l'issue du litige (ATF 139 IV 179 consid. 2.2 p. 183; 134 I 83 consid. 4.1 p. 88 et les arrêts cités).
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2.2. En l'occurrence, la décision du Conseil fédéral ne comporte que deux lignes sur l'application subsidiaire de l'art. 184 al. 3 Cst. Elle précise toutefois que celle-ci a lieu pour les mêmes motifs que ceux retenus en application de l'art. 2 LRAI, soit en particulier la provenance notoirement délictueuse des avoirs déposés par Duvalier et son entourage, et la nécessité d'un blocage en vue d'une confiscation. La recourante était ainsi à même de contester la décision attaquée sur ce point également. Au demeurant, la procédure devant le TAF a permis de réparer une éventuelle violation de l'obligation de motiver. La recourante a en effet pu faire valoir ses griefs dans son recours, et s'est déterminée à deux reprises sur la réponse puis la duplique du Conseil fédéral, avant que l'instance précédente n'examine librement la question, en relevant que la motivation de la décision attaquée était quasi inexistante à propos de l'art. 184 Cst., mais pouvait facilement être déduite des motifs auxquels il était renvoyé. Enfin, comme on le verra ci-dessous, la question de l'application de l'art. 184 al. 3 Cst. n'apparaît, de toute façon, pas déterminante pour l'issue de la cause. Le grief doit dès lors être écarté.
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3. Sur le fond, la recourante se plaint d'une application arbitraire de l'art. 2 LRAI. Elle relève que selon le texte clair de cette disposition, le blocage d'un compte doit être précédé d'une saisie provisoire en exécution d'une demande d'entraide, dans le cadre de laquelle l'origine illicite des avoirs est examinée. Cela serait confirmé par le message relatif au projet de loi fédérale sur le blocage et la restitution des valeurs patrimoniales d'origine illicite de personnes politiquement exposées à l'étranger (loi sur les valeurs patrimoniales d'origine illicite - LVP), adoptée le 18 décembre 2015 (FF 2015 5121); la loi ne s'appliquerait pas en l'absence de saisie préalable et il s'agirait non pas d'une lacune mais d'un silence qualifié dès lors que la nouvelle loi doit justement permettre le blocage des avoirs non encore identifiés. En l'occurrence, aucune saisie n'avait été ordonnée en application des précédentes demandes d'entraide de la République d'Haïti, de sorte qu'aucun examen préalable de l'origine des fonds n'aurait eu lieu. La recourante fait valoir que les valeurs se trouvaient en Suisse bien avant l'exercice des fonctions ministérielles de B.________. Elles proviendraient de la fortune personnelle de la famille de D.________ et de son premier mariage; il n'y aurait eu aucun accroissement significatif en relation avec l'exercice de la fonction de B.________. Faute d'une base légale suffisante, la décision de blocage violerait en outre la garantie de la propriété (art. 26 Cst.).
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3.1. Selon la jurisprudence, une décision relative à des mesures de contrainte statue de manière définitive sur la restriction des droits fondamentaux. Elle ne constitue pas une mesure provisionnelle au sens de l'art. 98 LTF, de sorte que la limitation des griefs et le principe d'allégation au sens de l'art. 106 al. 2 LTF ne s'appliquent pas (ATF 138 IV 186 consid. 1.2 p. 189; 137 IV 340 consid. 2.4 p. 346; arrêt 1B_277/2011 du 28 juin 2011 consid. 1.2). Cela vaut également pour le séquestre d'objets ou de valeurs patrimoniales (art. 263 ss CPP; ATF 129 I 103 consid. 2 p. 105 ss). Dès lors que le sort des biens saisis n'est décidé définitivement qu'à l'issue de la procédure - en l'occurrence de confiscation - et dans la mesure où la décision incidente de séquestre (ATF 128 I 129 consid. 1 p. 131 et les références) peut être attaquée aux conditions de l'art. 93 al. 1 LTF, le Tribunal fédéral examine librement l'admissibilité de cette mesure; malgré le caractère provisoire du séquestre, ce libre pouvoir d'examen se justifie compte tenu de la gravité de l'atteinte et afin d'assurer le respect des garanties des droits fondamentaux (art. 36 et 190 Cst.; ATF 140 IV 57 consid. 2.2; 131 I 333 consid. 4 p. 339 s.; 425 consid. 6.1 p. 434 et les références citées). Développée à propos des mesures de contrainte en procédure pénale, cette jurisprudence doit aussi trouver à s'appliquer à un blocage de compte ordonné en application de la LRAI. C'est dès lors inutilement que la recourante restreint ses griefs à l'arbitraire.
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3.2. Adoptée en octobre 2010, la LRAI tend à remédier aux limites de l'entraide judiciaire à l'égard d'Etats qui, après des années d'instabilité politique ou de dictature, ne sont pas en mesure de mener les procédures judiciaires ou d'apporter les preuves exigées à l'égard des personnes politiquement exposées, en raison de leurs faibles capacités institutionnelles, d'une instabilité persistante ou d'une mauvaise gouvernance. Il apparaitrait choquant que le délabrement de l'appareil judiciaire d'un Etat profite à ceux qui ont contribué à cette situation (FF 2010 2998). Le législateur n'a toutefois pas renoncé à la présentation par l'Etat d'origine d'une demande d'entraide judiciaire: il ne s'agissait pas d'une exigence disproportionnée, puisque la République d'Haïti avait notamment pu y satisfaire avant que la situation de défaillance ne soit devenue évidente (FF 2010 3013-3014). Selon l'art. 1 LRAI, la loi ne s'applique que dans les cas où une demande d'entraide judiciaire déposée par l'Etat d'origine ne peut aboutir en raison de la situation de défaillance (FF 2010 3013). L'art. 2 let. a LRAI pose ainsi comme condition pour le blocage que les valeurs patrimoniales font déjà l'objet d'une mesure provisoire de saisie dans le cadre d'une procédure d'entraide. Cette procédure d'entraide est la preuve de la volonté de coopération de l'Etat requérant (FF 2010 3016).
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3.3. En l'occurrence, la République d'Haïti a présenté deux demandes d'entraide judiciaire à la Suisse. La première en 1986, dont il ressort que B.________ figurait lui aussi parmi les personnes inculpées qui auraient transféré à l'étranger les fonds d'origine délictueuse. L'autorité requérante demande le blocage des fonds détenus par ces personnes et la communication des coordonnées de l'ensemble de ces avoirs. L'exposé des faits mentionne notamment la participation de B.________, Ministre des finances de 1983 à 1985, à des détournements pour au moins 934'000 USD. Le 2 septembre 1986, le Juge d'instruction du canton de Genève, alors chargé d'exécuter la demande d'entraide, a adressé une circulaire aux établissements bancaires, valant ordre de perquisition et de saisie. Il demandait à ces établissements d'indiquer si les personnes visées étaient titulaires d'avoirs, dès 1976, de produire les documents y relatifs et de bloquer immédiatement tous les avoirs, sous quelque forme que ce soit, détenus par les personnes visées. Une liste de ces personnes est annexée à l'ordonnance, où figure B.________. La seconde demande, présentée en mai 2008 par une étude d'avocats genevois, relève notamment que B.________ a été renvoyé en jugement en 1999 pour concussion et corruption de fonctionnaires. Elle revient sur le rôle joué par celui-ci dans les détournements opérés par Duvalier et considère qu'il ferait l'objet de mesures provisoires en Suisse. Les décisions de saisie et demandes de renseignements n'ont toutefois pas porté sur le compte de la recourante, car l'établissement bancaire n'a pas réagi aux injonctions des autorités d'exécution. Il ne l'a fait qu'en juillet 2011, ce qui lui a valu une amende de 20'000 fr. pour violation de l'obligation de communiquer (art. 37 LBA).
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3.4. Comme le relève l'arrêt attaqué, la LRAI a été adoptée après le rejet définitif de la demande d'entraide judiciaire formée par les autorités Haïtiennes. Le législateur a notamment voulu éviter que la Suisse ne débloque des avoirs dont l'origine délictueuse était notoire, ce qui nuirait à son image et à celle de sa place financière. Comme cela résulte très clairement de l'art. 1 LRAI, la condition essentielle posée par la loi est celle de l'existence d'une demande d'entraide judiciaire démontrant la volonté de l'Etat requérant d'obtenir la restitution des valeurs d'origine illicite. Le législateur s'est ensuite fondé sur la considération qu'en exécution de cette demande, les comptes bancaires et avoirs concernés étaient normalement identifiés et bloqués en application de l'art. 18 EIMP. Tel est le sens de l'art. 2 let. a qui dispose que les valeurs patrimoniales doivent faire l'objet d'une mesure provisoire de saisie dans le cadre de la procédure d'entraide.
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3.5. En l'occurrence, une demande de saisie a bien été présentée à l'égard des avoirs détenus par B.________; l'autorité suisse d'exécution a prononcé une mesure de saisie en date du 2 septembre 1986, à charge pour les établissements bancaires d'individualiser les comptes concernés. Il en résulte qu'une mesure de blocage a bien été prononcée en Suisse à l'encontre des avoirs de la recourante, mais que son exécution n'a pas été possible pour des raisons qui ne tiennent ni à l'autorité d'exécution, ni à l'Etat requérant. Dans ces conditions, il y a lieu de retenir que la condition posée à l'art. 2 let. a LRAI est satisfaite et d'admettre que la loi autorise un blocage ultérieur lors de la découverte des fonds, pour autant que leur blocage ait été ordonné sur la base d'une demande d'entraide. Contrairement à ce que retient l'arrêt attaqué, il n'y a pas, dans une telle situation, de lacune de la loi qu'il conviendrait de combler par voie d'interprétation.
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3.6. Le 18 décembre 2015, l'Assemblée fédérale a adopté la LVP, destinée à remplacer la LRAI (art. 31 al. 1 LVP). Celle-ci institue à son art. 3 un blocage préventif par le Conseil fédéral "en vue de l'entraide judiciaire", soit préalablement à une telle démarche. Un tel blocage était jusque-là fondé sur l'art. 184 al. 3 Cst. (FF 2914 5151). La loi prévoit ensuite une obligation de communiquer (art. 7 LVP) ainsi que des mesures de soutien destinées en particulier à favoriser la présentation d'une demande d'entraide judiciaire (art. 13 LVP). La nouvelle loi maintient par ailleurs la possibilité d'un blocage et d'une confiscation en cas d'échec de l'entraide judiciaire (art. 4 et 14 ss LVP). Il ne ressort pas de ces modifications ou du message à l'appui de la loi (FF 5121, 5156) que la loi actuelle ne permettrait pas un blocage dans le cas particulier où une demande d'entraide a bien été déposée et des mesures provisoires ordonnées en Suisse, mais où certains avoirs n'ont pu être bloqués faute d'avoir été identifiés. Se fondant sur un texte identique à la loi actuelle, le message précise que la mesure provisoire de saisie peut avoir pris fin avant le prononcé du blocage, l'élément essentiel étant l'ouverture d'une procédure d'entraide judiciaire, comme "preuve de la disposition et de la volonté de l'Etat d'origine de coopérer" (FF 2014 5157).
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3.7. Pour le surplus, la recourante ne conteste pas que les autres conditions posées à l'art. 2 LRAI (détention des avoirs par un proche d'une personne politiquement exposée, impossibilité de l'Etat d'origine de satisfaire aux exigences d'une procédure d'entraide, sauvegarde des intérêts de la Suisse) sont réalisées en l'espèce. Il appartiendra à la recourante de faire valoir ses autres objections concernant l'origine des valeurs dans le cadre de la procédure de confiscation (art. 6 et 7 LRAI).
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3.8. Sur le vu de ce qui précède, le grief fondé sur l'art. 26 Cst. doit lui aussi être écarté. La garantie de la propriété n'empêche pas, en effet, le prononcé de restrictions provisoires (séquestre civil, pénal ou administratif) destinées à assurer l'exécution de décisions finales ultérieures (ATF 141 I 20 consid. 4 p. 23). En l'occurrence, la restriction repose sur une base légale suffisante, soit l'art. 2 LRAI. Elle apparaît proportionnée puisqu'elle doit prendre fin lors de la décision sur la confiscation et que sa durée ne saurait dans tous les cas excéder dix ans (art. 3 LRAI). Elle répond enfin à l'intérêt public évident qui est à la base de la LRAI.
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3.9. Dès lors que le blocage ordonné par le Conseil fédéral pouvait se fonder sur l'art. 2 LRAI, il n'y a pas lieu d'examiner s'il pouvait également être prononcé en application de l'art. 184 al. 3 Cst.
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4. Sur le vu de ce qui précède, le recours est rejeté. Conformément à l'art. 66 al. 1 LTF, les frais judiciaires sont mis à la charge de la recourante qui succombe.
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Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce : | |
1. Le recours est rejeté.
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2. Les frais judiciaires, arrêtés à 10'000 fr., sont mis à la charge de la recourante.
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3. Le présent arrêt est communiqué au mandataire de la recourante, au Conseil fédéral suisse et au Tribunal administratif fédéral, Cour III.
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Lausanne, le 27 mai 2016
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Au nom de la Ire Cour de droit public
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du Tribunal fédéral suisse
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Le Président : Fonjallaz
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Le Greffier : Kurz
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