BGer 1B_342/2016 | |||
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BGer 1B_342/2016 vom 12.12.2016 | |
{T 0/2}
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1B_342/2016
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Arrêt du 12 décembre 2016 |
Ire Cour de droit public | |
Composition
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MM. les Juges fédéraux Fonjallaz, Président,
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Eusebio et Chaix.
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Greffière : Mme Kropf.
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Participants à la procédure | |
recourante,
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contre
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intimé,
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Ministère public de la République et canton du Jura, Le Château, 2900 Porrentruy.
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Objet
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Procédure pénale; édition d'un dossier de l'assurance-invalidité,
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recours contre la décision de la Chambre pénale des recours du Tribunal cantonal de la République et canton du Jura du 18 juillet 2016.
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Faits : | |
A. Le 25 juin 2015, B.________, né en 1969, a été mis en prévention de viol, en lien avec des faits perpétrés dans la nuit du 20 au 21 juin 2015 au préjudice de A.________, née en 1995. Les chefs de prévention ont été étendus, le 15 février 2016, à ceux de contrainte sexuelle, viol et éventuellement d'actes d'ordre sexuel commis sur une personne incapable de discernement ou de résistance; en particulier, il était reproché au prévenu d'avoir contraint la victime à subir l'acte sexuel alors qu'elle se serait trouvée sous l'influence de l'alcool et de médicaments.
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Par ordonnance du 12 mai 2016, le Ministère public a demandé l'édition du dossier de l'assurance-invalidité (AI) de la victime. Le 18 juillet 2016, la Chambre pénale des recours du Tribunal cantonal de la République et canton du Jura a rejeté le recours intenté par A.________ contre cette décision.
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B. Par acte du 14 septembre 2016, A.________ forme un recours en matière pénale contre cet arrêt, concluant à son annulation et au refus d'autoriser la consultation de son dossier AI en mains de l'Office AI cantonal. Elle demande également l'effet suspensif au recours et l'octroi de l'assistance judiciaire.
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Par ordonnance présidentielle du 29 septembre 2016, le Président de la Ire Cour de droit public a admis la requête d'effet suspensif.
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Considérant en droit : | |
1. Le Tribunal fédéral examine d'office sa compétence (art. 29 al. 1 LTF) et contrôle librement la recevabilité des recours qui lui sont soumis (ATF 141 III 395 consid. 2.1 p. 397; 140 IV 57 consid. 2 p. 59).
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1.1. L'arrêt attaqué confirme l'ordonnance du Ministère public de faire produire le dossier AI de la recourante dans la cause pénale instruite à l'encontre de l'intimé. La décision entreprise a été rendue au cours d'une procédure pénale par une autorité statuant en dernière instance cantonale (art. 80 LTF); elle est donc susceptible d'un recours en matière pénale au sens des art. 78 ss LTF. La qualité pour recourir doit être reconnue à la recourante (art. 81 al. 1 let. a et b ch. 5 LTF). En effet, vu la nature des infractions dénoncées, elle est, en tant que victime, susceptible, pour le moins, de demander une indemnité pour tort moral; elle dispose également d'un intérêt juridique à la modification de la décision attaquée puisque celle-ci confirme la production de son dossier AI, mesure d'instruction à laquelle la recourante s'oppose. Le recours a en outre été déposé en temps utile (art. 46 al. 1 let. a et 100 al. 1 LTF).
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1.2. L'arrêt entrepris ne met pas fin à la procédure pénale; il a donc un caractère incident. Le recours en matière pénale contre une telle décision n'est dès lors recevable qu'aux conditions de l'art. 93 al. 1 let. a LTF, soit en présence d'un préjudice irréparable, l'art. 93 al. 1 let. b LTF n'étant généralement pas applicable en matière pénale (ATF 141 IV 284 consid. 2 p. 286).
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En matière pénale, le préjudice irréparable au sens de l'art. 93 al. 1 let. a LTF se rapporte à un dommage de nature juridique qui ne puisse pas être réparé ultérieurement par un jugement final ou une autre décision favorable au recourant (ATF 141 IV 284 consid. 2.2 p. 287). Les décisions relatives à l'administration des preuves ne sont en principe pas de nature à conduire à un dommage juridique irréparable (ATF 134 III 188 consid. 2.3 p. 191; arrêts 1B_424/2016 du 17 novembre 2016 consid. 1.7; 1B_165/2016 du 4 mai 2016 consid. 2), qu'il s'agisse de décisions refusant ou ordonnant la mise en oeuvre d'un moyen de preuve déterminé (arrêts 1B_448/2015 du 5 février 2016 consid. 1.2.1 [refus d'ordonner une hospitalisation à des fins d'expertise]; 1B_414/2015 du 30 novembre 2015 consid. 2.3, 1B_200/2015 du 4 juin 2015 consid. 2 [expertise psychiatrique]; 1B_11/2015 du 13 mai 2015 consid. 1.2 [refus de faire produire les écoutes téléphoniques rétroactives du téléphone de la victime et son matériel informatique]; 1B_278/2014 du 18 novembre 2014 consid. 1.2 [refus de faire produire le dossier AI de la représentante légale de la victime]; 1B_419/2012 du 17 août 2012 consid. 2 [expertise technique]). Il est en effet généralement possible, soit de réitérer au cours de la procédure les réquisitions de preuve rejetées et/ou de recourir contre la décision finale, afin d'obtenir leur mise en oeuvre si elles devaient avoir été écartées pour des raisons non pertinentes ou en violation des droits fondamentaux du recourant (ATF 134 III 188 consid. 2.3 p. 191; arrêt 1B_91/2015 du 21 avril 2015 consid. 2.3.1).
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En l'espèce, il y a lieu de reconnaître l'existence d'un préjudice irréparable en cas de transmission du dossier AI de la victime recourante. Celui-ci contient incontestablement des données relatives à sa sphère intime. En cas de production de ces pièces, les informations s'y trouvant pourraient être consultées par les parties (cf. leur droit d'accès au dossier [art. 101 CPP]), catégorie à laquelle appartient le prévenu intimé (art. 104 al. 1 let. a CPP). Il n'y a pas lieu, au stade de la recevabilité, de déterminer si d'éventuelles mesures de protection (caviardage, limitation d'accès) pourraient être envisagées; celles-ci pourraient au demeurant uniquement limiter la divulgation des données, sans exclure de manière définitive toute atteinte irrémédiable. Partant, il y a lieu d'entrer en matière.
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2. Dans un premier grief, la recourante reproche en substance à l'autorité précédente d'avoir considéré que l'art. 164 CPP - en lien avec l'art. 194 CPP - s'appliquerait à la partie ayant la qualité de victime.
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2.1. Selon l'art. 164 al. 1 CPP, les antécédents et la situation personnelle d'un témoin ne font l'objet de recherches que si ces informations sont nécessaires pour apprécier sa crédibilité. La direction de la procédure peut ordonner une expertise ambulatoire si elle a des doutes quant à la capacité de discernement d'un témoin ou que celui-ci présente des signes de troubles mentaux et si l'importance de la procédure pénale et du témoignage le justifie (art. 164 al. 2 CPP).
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Par renvoi de l'art. 180 al. 2 CPP, la disposition susmentionnée - située dans le chapitre sur les témoins - est en principe applicable à la partie plaignante ("Privatklägerschaft", "accusatore privato"; ANDREAS DONATSCH, in DONATSCH/HANSJAKOB/LIEBER, Kommentar zur Schweizerischen Strafprozessordnung (StPO), 2e éd. 2014, n° 27 ad art. 180 CPP; MARTIN BÜRGISSER, in Basler Kommentar, Schweizerische Strafprozessordnung, Art. 1-195 StPO, 2e éd. 2014, n° 2 ad art. 194 CPP; NIKLAUS SCHMID, Schweizerische Strafprozessordnung, Praxiskommentar, 2e éd. 2013, n° 1 ad art. 164 CPP en lien avec l'art. 178 let. a CPP; SUSANNE SCHAFFNER-HESS, in GOMM/ZEHNTNER (édit.), Opferhilfegesetz, 3e éd. 2009, n° 16 ad art. 36 de la loi fédérale du 23 mai 2007 sur l'aide aux victimes d'infractions [LAVI (2007); RS 312.5; disposition abrogée au 31 décembre 2010 RO 2008 1607; 2010 1881, FF 2006 1057] et n° 1 ad art. 169 CPP), à savoir au lésé ("die geschädigte Person", "il danneggiato") qui déclare expressément vouloir participer à la procédure pénale comme demandeur au pénal ou au civil (art. 118 al. 1 CPP; sur les notions de lésé et de partie plaignante, cf. ATF 141 IV 454 consid. 2.3.1 p. 457, 1 consid. 3.1 p. 5 s.; 138 IV 258 consid. 2.2 à 2.4 p. 262 ss).
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On entend par victime ("Opfer", "vittima"), le lésé qui, du fait d'une infraction, a subi une atteinte directe à son intégrité physique, psychique ou sexuelle (art. 116 al. 1 CPP). Il s'agit donc d'une catégorie spéciale de lésé, qui jouit des droits procéduraux conférés à celui-ci, ainsi que de droits spécifiques notamment rappelés à l'art. 117 CPP (M OREILLON/PAREIN-REYMOND, Petit commentaire, Code de procédure pénale, 2e éd. 2016, n° 3 ad art. 116 CPP; MARIANNE SCHWANDER, Das Opfer im Strafrecht, 2e éd. 2015, n° 2.1.2 et n° 2.2 p. 63 ss; PRISCILLE SCHORER, Les droits procéduraux des victimes avant et après l'entrée en vigueur du Code de procédure pénale, in Jusletter 31 août 2015, n° 2 p. 3 s. et n° 3 p. 5 ss; MAZZUCCHELLI/POSTIZZI, in Basler Kommentar, Schweizerische Strafprozessordnung, Art. 1-195 StPO, 2e éd. 2014, n° 3 ad art. 116 CPP; SCHMID, op. cit., n° 7 ad art. 116 CPP); cela se justifie essentiellement en raison des besoins de protection accrus des droits de la personnalité compte tenu de la nature des atteintes subies par la victime (JEANNERET/KUHN, Précis de procédure pénale, 2013, n° 7022 p. 166). La victime, en tant que lésée, peut se constituer partie plaignante au sens de l'art. 118 al. 1 CPP (MOREILLON/PAREIN-REYMOND, Petit commentaire, op. cit., n° 3 ad art. 116 CPP et n° 2 ad art. 118 CPP; SCHORER, op. cit., n° 3 let. f p. 9 ss; WYSSMANN/RUSCHI, in STEIGER-SACKMANN/MOSIMMAN (édit.), Recht der sozialen Sicherheit, 2014, Opferhilfe, n° 38.100 p. 1404; MAZZUCCHELLI/POSTIZZI, op. cit., n° 2 ad art. 118 CPP; SCHMID, op. cit., n° 8 ad art. 116 CPP et n° 1 ad art. 118 CPP; JEANNERET/KUHN, op. cit., n° 7025 p. 167).
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2.2. En l'espèce, il n'est pas contesté que la recourante soit une victime au sens de l'art. 116 al. 1 CPP et qu'elle se soit constituée partie plaignante (cf. ad n. 7 et 13 du mémoire de recours, ainsi que la déclaration de plainte du 1er juillet 2015). Elle est donc soumise aux dispositions relatives à cette seconde qualité, soit notamment lors de ses auditions, aux art. 178 let. a, 180 al. 2 et 162 ss CPP. Elle bénéficie toutefois, à titre de règles spéciales primant les dispositions générales, des articles relatifs à la protection de la victime.
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Il s'ensuit que l'autorité précédente était en droit de considérer que l'art. 164 CPP permettait en principe de demander à d'autres autorités la production de leur dossier en lien avec la recourante (art. 194 CPP; cf. également les considérations ci-après en lien avec l'administration des preuves, en particulier le consid. 3.2).
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3. La recourante soutient ensuite que les droits spécifiques conférés à la victime, notamment en lien avec la protection de sa personnalité (cf. les art. 117, 152 CPP, 28 ss CC, 10 et 13 Cst.), lui permettraient de se prévaloir de l'art. 169 al. 4 CPP pour s'opposer à la production de son dossier AI. Selon la recourante, le contenu de celui-ci ne permettrait pas d'établir les faits en lien avec les infractions dénoncées, notamment quant à son état de santé les 20 et 21 juin 2015 (cf. art. 194 al. 1 CPP). La recourante prétend encore que cette mesure violerait le principe de proportionnalité dès lors qu'elle toucherait ses intérêts privés, ainsi que ceux de membres de sa famille (cf. art. 194 al. 2 CPP); cela vaudrait d'autant plus en l'absence de caviardage.
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3.1. En vertu de l'art. 117 al. 1 CPP, la victime jouit de droits particuliers au cours de la procédure. Elle a notamment le droit à la protection de la personnalité (art. 70 al. 1 let. a, 74 al. 4, et 152 al. 1 CPP; let. a); le droit à des mesures de protection (art. 152 à 154 CPP; let. c); et/ou le droit de refuser de témoigner (art. 169 al. 4 CPP; let. d).
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En particulier, la victime d'infraction à l'intégrité sexuelle peut, dans tous les cas, refuser de répondre aux questions qui ont trait à sa sphère intime (art. 169 al. 4 CPP). Cette disposition est située dans le chapitre relatif aux témoins et dans la section traitant de leur droit, le cas échéant, de refuser de témoigner. Dès lors que le témoignage est en principe oral (cf. les termes "déclarations", "Aussagen" et "dichiarazioni" de l'art. 162 CPP), il est incontesté que l'art. 169 al. 4 CPP peut être invoqué par la victime d'infraction à l'intégrité sexuelle lorsqu'elle est auditionnée par les autorités pénales, qu'elle soit entendue en tant que témoin (art. 166 al. 1 CPP) ou comme partie plaignante (art. 178 let. a et 180 al. 2 CPP; MÉLANIE RUDIN, Les mesures de protection des victimes d'infraction contre l'intégrité sexuelle dans le CPP et les risques d'acquittement comme effet secondaire, in Jusletter 11 août 2014, n° 2.1 p. 13; SCHAFFNER-HESS, op. cit., n° 16 ad art. 36 LAVI (2007) et n° 1 ad art. 169 CPP; EVA WEISHAUPT, Die verfahrensrechtlichen Bestimmungen des Opferhilfegesetzes (OHG), 1998, C.1 p. 185 en lien avec l'art. 7 al. 2 de l'ancienne loi fédérale du 4 octobre 1991 sur l'aide aux victimes d'infractions [LAVI (1991); RO 1992 2465, FF 1991 III 1440; abrogé au 31 décembre 2008, RO 2008 1607]). Dans ce cadre, le droit de la victime est par ailleurs absolu et prévaut notamment sur la limite au refus de témoigner posée à l'art. 168 al. 4 CPP (MOREILLON/PAREIN-REYMOND, op. cit., n° 11 ad art. 169 CPP; SCHORER, op. cit., n° 3 let. j p. 15; DONATSCH, op. cit., n° 25 ad art. 169 CPP; RUDIN, op. cit., n° 2.1 p. 13 s.; VEST/HORBER, in Basler Kommentar, Schweizerische Strafprozessordnung, art. 1-195 StPO, 2e éd. 2014, n° 13 ad art. 169 CPP; SCHMID, op. cit., n° 13 ad art. 169 CPP; SCHAFFNER-HESS,op. cit., n° 5 ad art. 169 CPP). Cette solution se justifie eu égard en particulier aux difficultés, notamment émotionnelles, que peut engendrer le fait de parler, devant des autorités - voire en présence du prévenu - de cette thématique particulière.
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De plus, la victime décide librement d'utiliser ce droit ou pas; elle peut ainsi refuser de répondre ou n'apporter qu'une réponse partielle. Si elle accepte à un moment donné de répondre, cela ne signifie pas qu'elle renonce à son droit ou, si elle en fait usage, qu'elle s'en prévaut d'une manière générale (RUDIN, op. cit., n° 2.2 p. 14; VEST/ HORBER, op. cit., n° 13 ad art. 169 CPP; SCHMID, op. cit., n° 13 ad art. 169 CPP; D ONATSCH, op. cit., n° 24 ad art. 169 CPP; SCHAFFNER-HESS, op. cit., n° 14 ad art. 36 LAVI (2007); WEISHAUPT, op. cit., n° 2.1.1 p. 187).
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3.2. Vu l'emplacement de l'art. 169 al. 4 CPP dans la systématique de la loi (chapitre consacré aux témoins) et le rapport explicatif de l'Office fédéral de la justice relatif à l'avant-projet d'un code de procédure pénale suisse (cf. p. 135 dudit rapport), la mise en oeuvre d'autres moyens de preuve en lien avec la sphère intime n'est pas d'emblée exclue (cf. également RUDIN, op. cit., n° 2.2 et n° 2.3 p. 14 in fine ss; SCHAFFNER-HESS, op. cit., n° 16 ad art. 36 LAVI (2007); WEISHAUPT, op. cit., n° 5 p. 192 et n° 7.2 p. 195).
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Cependant, sauf à vider de tout sens la protection conférée par l'art. 169 al. 4 CPP, les moyens ordonnés ne doivent pas permettre de contourner de manière inadmissible ce droit; en particulier, les éléments portant sur la sphère intime de la victime introduits en procédure par un tiers ne pourront être utilisés que s'ils découlent de la propre perception de ce dernier, mais pas s'ils résultent de déclarations - écrites ou orales - de la victime, relatées ensuite à l'autorité pénale (RUDIN, op. cit., n° 2.2 p. 14; SCHAFFNER-HESS,op. cit., n° 15 ad art. 36 LAVI (2007) et n° 9 ad art. 169 CPP; WEISHAUPT,op. cit., n° 5 p. 192 s.). Il s'ensuit que dans la mesure où la victime d'infraction à l'intégrité sexuelle a manifesté son opposition à une mesure d'instruction qui permettrait d'obtenir des informations en lien avec sa sphère privée, ce moyen ne peut pas être mis en oeuvre.
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3.3. En l'occurrence, il n'est pas contesté que la production du dossier AI de la recourante tend avant tout à obtenir des renseignements sur son état de santé (antécédents médicaux, diagnostic, médicaments prescrits; cf. p. 4 s. du jugement entrepris et ad n. 76 des observations de l'intimé), soit des éléments entrant dans la notion de sphère intime et, au demeurant, vraisemblablement couverts par le secret médical. La sphère intime comprend également ce qui touche au cercle des amis et proches (MOREILLON/PAREIN-REYMOND, op. cit., n° 11 ad art. 169 CPP; RUDIN, op. cit., n° 2.1 p. 14; VEST/HORBER, op. cit., n° 12 ad art. 169 CPP; DONATSCH, op. cit., n° 22 ad art. 169 CPP; JEANNERET/KUHN, op. cit., n° 12032 p. 229; SCHAFFNER-HESS, op. cit., n° 13 ad art. 36 LAVI (2007) et n° 6 ad art. 169 CPP; WEISHAUPT, op. cit., n° 2.1.2 p. 189 s.), à savoir ce qui pourrait toucher la famille de la recourante; il n'est d'ailleurs pas démontré en quoi les informations y relatives seraient nécessaires pour établir les faits ou pour juger le prévenu (cf. art. 194 al. 1 CPP).
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Ce moyen de preuve est donc susceptible de donner accès - à l'autorité d'instruction, ainsi qu'au prévenu - à des informations pour lesquelles la victime aurait valablement pu faire valoir son droit de refuser de répondre lors d'une audition. La recourante peut donc légitimement s'opposer à la production de son dossier AI. Cela vaut d'ailleurs d'autant plus que celui-ci est également constitué de renseignements obtenus directement auprès de l'assurée elle-même (cf. notamment la demande de prestations). Cela étant, il demeure la possibilité de mettre en oeuvre une expertise psychiatrique dès lors que la recourante semble avoir consenti à une telle mesure (cf. notamment ad n. 72 de son mémoire de recours; THOMAS HANSJAKOB, in DONATSCH/ HANSJAKOB/LIEBER (édit.), Kommentar zur Schweizerischen Strafprozessordnung (StPO), 2e éd., 2014, n° 15 ad art. 251 CPP; CHARLES HAENNI, in Basler Kommentar, Schweizerische Strafprozessordnung, Art. 196-457 StPO, 2e éd. 2014, n° 25 in fine ad art. 251 CPP; SCHMID, op. cit., n° 11 ad art. 251 CPP; JEANNERET/KUHN, op. cit., n° 14039 p. 278 s.; selon ces auteurs, ce moyen de preuve n'est en effet possible qu'avec l'accord de la victime). Quant au défaut de production du dossier AI, cela peut certes engendrer des difficultés et/ou du travail supplémentaires pour l'expert. Il n'en résulte pas pour autant que toute expertise serait impossible.
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Vu les considérations précédentes, il apparaît que la Chambre pénale des recours a violé le droit fédéral en confirmant la décision du Ministère public tendant à l'édition du dossier AI de la recourante et ce grief doit être admis.
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3.4. Il n'y a dès lors pas lieu de déterminer si les conditions posées à l'art. 194 CPP seraient réalisées (cf. notamment la nécessité des informations contenues) ou si le principe de proportionnalité serait violé (production de l'entier des documents).
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4. Il s'ensuit que le recours est admis. L'arrêt entrepris est annulé et l'édition du dossier AI de la recourante dans la procédure pénale ouverte contre l'intimé est refusée.
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La recourante, qui obtient gain de cause avec l'assistance d'un mandataire professionnel, a droit à des dépens à la charge de l'intimé (art. 68 al. 1 et 5 LTF); la requête d'assistance judiciaire de la première est dès lors sans objet. L'intimé, qui succombe, supporte les frais judiciaires (art. 66 al. 1 LTF). La cause est renvoyée à l'autorité précédente pour qu'elle rende une nouvelle décision sur les frais et indemnités de la procédure cantonale de recours (art. 67 et 68 al. 5 LTF).
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Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce : | |
1. Le recours est admis. L'arrêt du 18 juillet 2016 de la Chambre pénale des recours de la République et canton du Jura est annulé. L'édition du dossier de l'assurance-invalidité de la recourante est refusée. La cause est renvoyée à l'autorité précédente pour qu'elle statue sur les frais et indemnités de la procédure cantonale de recours.
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2. La requête d'assistance judiciaire de la recourante est sans objet.
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3. Une indemnité de dépens, fixées à 2'500 fr., est allouée à la mandataire de la recourante, à la charge de l'intimé.
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4. Les frais judiciaires, arrêtés à 2'000 fr., sont mis à la charge de l'intimé.
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5. Le présent arrêt est communiqué aux mandataires des parties, au Ministère public de la République et canton du Jura et à la Chambre pénale des recours du Tribunal cantonal de la République et canton du Jura.
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Lausanne, le 12 décembre 2016
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Au nom de la Ire Cour de droit public
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du Tribunal fédéral suisse
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Le Président : Fonjallaz
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La Greffière : Kropf
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