BGer 4A_364/2018 | |||
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BGer 4A_364/2018 vom 06.08.2018 |
4A_364/2018 |
Arrêt du 6août 2018 |
Ire Cour de droit civil | |
Composition
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Mmes les juges Kiss, présidente, Niquille et May Canellas.
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Greffier : M. Thélin.
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Participants à la procédure | |
A.________, et
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B.________,
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représentés par Me Florent Boissard,
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recourants,
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contre
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Isabelle Boson, juge des districts d'Hérens et Conthey,
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intimée.
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Objet
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procédure civile; récusation
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recours contre la décision rendue le 17 mai 2018 par le Vice-Président de la Chambre civile du Tribunal cantonal du canton du Valais
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(C3 18 30).
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Considérant en fait et en droit : | |
1. Isabelle Boson, juge des districts d'Hérens et Conthey, est saisie d'une action civile intentée par les hoirs de feu X.________ aux défendeurs A.________, B.________ et C.________. D'après les allégués et les conclusions de la demande, les trois défendeurs ont conjointement acheté les actions d'une société anonyme et ils se sont solidairement obligés à en payer le prix, lequel, fixé à 300'000 fr., devait être acquitté en cinq annuités de 60'000 francs. La première annuité a seule été versée et les défendeurs doivent être condamnés à payer le solde à hauteur de 240'000 francs.
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Tous trois ont conclu au rejet de l'action.
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Selon les allégués concordants des trois défendeurs, A.________ et B.________ ont cédé toutes leurs actions à C.________ et ce dernier s'est obligé, envers eux, à acquitter la totalité du prix dû à l'hoirie X.________.
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Selon les allégués de C.________, celui-ci a ensuite vendu l'ensemble des actions à un quatrième individu, D.________. Ce dernier a promis 800'000 fr. en contrepartie; avec l'accord de l'hoirie X.________, il a notamment repris la dette contractée envers elle et il a effectivement acquitté la première annuité de 60'000 francs.
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2. C.________ a sollicité l'assistance judiciaire. La juge Boson a rejeté sa requête le 4 janvier 2018. Selon sa décision, les conclusions tendant au rejet de l'action sont dépourvues de chances de succès et la condition posée par l'art. 117 let. b CPC n'est donc pas accomplie. Il « semble [...] totalement invraisemblable » que A.________ et B.________ aient réellement cédé deux cents actions à C.________, de sorte que celui-ci n'avait pas le pouvoir d'en céder trois cents - la totalité - à D.________. Au regard de l'art. 176 CO, une éventuelle reprise par D.________ de la dette des trois défendeurs, avec effet libératoire pour eux, nécessitait l'accord des hoirs X.________. Cet accord est formellement contesté; il est allégué par C.________ mais celui-ci n'avance aucun indice apte à le rendre vraisemblable. Ce défendeur ne rend donc pas non plus vraisemblable qu'il soit libéré de la dette.
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3. Par requête du 8 janvier 2018, A.________ et B.________ ont demandé la récusation de la juge Boson au motif que sa décision de refus de l'assistance judiciaire éveillait la suspicion de partialité. Le Juge du district de Sierre a rejeté la requête le 7 février 2018. Le Vice-Président de la Chambre civile du Tribunal cantonal a rejeté le recours exercé contre cette décision; son prononcé est daté du 17 mai 2018.
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4. Agissant par la voie du recours en matière civile auprès du Tribunal fédéral, A.________ et B.________ persistent à demander la récusation de la juge Boson.
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Ce magistrat et le Tribunal cantonal ont renoncé à prendre position sur le recours.
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Par ordonnance du 12 juillet 2018, la Présidente de la Ire Cour de droit civil a donné effet suspensif au recours.
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5. Le prononcé de dernière instance cantonale est une décision incidente relative à une demande de récusation; il peut être attaqué indépendamment de la décision finale en vertu de l'art. 92 al. 1 LTF. Pour le surplus, les conditions de recevabilité du recours en matière civile sont satisfaites, notamment à raison de la valeur litigieuse. En l'état de la cause et selon l'art. 51 al. 1 let. c LTF, celle-ci correspond aux conclusions de la demande en justice.
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6. Le juge d'une cause civile est récusable dans les cas énumérés à l'art. 47 al. 1 let. a à e CPC; il est aussi récusable, selon l'art. 47 al. 1 let. f CPC, s'il est « de toute autre manière » suspect de partialité.
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Selon la jurisprudence, cette disposition-ci doit être appliquée dans le respect des principes de la garantie d'un tribunal indépendant et impartial instituée par les art. 6 par. 1 CEDH et 30 al. 1 Cst. (ATF 140 III 221 consid. 4.2 p. 222; 139 III 433 consid. 2.2 i.f. p. 441). Ladite garantie permet au plaideur d'exiger la récusation d'un juge dont la situation ou le comportement est de nature à faire naître un doute sur son impartialité; elle tend notamment à éviter que des circonstances extérieures à la cause ne puissent influencer le jugement en faveur ou au détriment d'une partie. Elle n'impose pas la récusation seulement lorsqu'une prévention effective du juge est établie, car une disposition interne de sa part ne peut guère être prouvée; il suffit que les circonstances donnent l'apparence de la prévention et fassent redouter une activité partiale du magistrat. Seules des circonstances constatées objectivement doivent être prises en considération; les impressions purement individuelles d'une des parties au procès ne sont pas décisives (ATF 116 Ia 135 consid. 2; voir aussi ATF 140 III 221 consid. 4.1 p. 221; 140 I 240 consid. 2.2 p. 242; 138 I 1 consid. 2.2 p. 3).
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Des erreurs de procédure ou d'appréciation commises par un juge ne suffisent pas à fonder objectivement la suspicion de partialité, même lorsque ces erreurs sont établies; seules des fautes particulièrement lourdes ou répétées, qui doivent être considérées comme des violations graves des devoirs du magistrat, peuvent avoir cette conséquence (ATF 138 IV 142 consid. 2.3 p. 146; 116 Ia 135 consid. 3a p. 138).
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De par l'art. 47 al. 2 let. a CPC, le juge de la cause civile n'est pas récusable du seul fait qu'il s'est prononcé sur une requête d'assistance judiciaire et qu'il a porté, aux fins d'appliquer l'art. 117 let. b CPC, une appréciation sur les chances de succès des conclusions articulées par la partie requérante. Entrée en vigueur en 2011, cette disposition codifie la jurisprudence plus ancienne relative à la garantie ci-mentionnée (ATF 131 I 113 consid. 3.7 p. 120).
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7. L'appréciation des chances de succès prévue par l'art. 117 let. b CPC exige du juge qu'il suppute le futur résultat de l'instance sur la base d'un examen sommaire et provisoire des éléments qui lui sont déjà apportés au moment de la requête d'assistance judiciaire (ATF 139 III 475 consid. 2.2 p. 476/477). La décision doit être motivée avec une certaine précision mais elle ne doit pas usurper sur un jugement au fond (arrêt 5A_858/2012 du 4 février 2013, consid. 3.3.1.1).
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Les recourants reprochent à la juge Boson de n'avoir pas respecté les limites de cet examen sommaire dans sa décision du 4 janvier 2018 et d'y avoir au contraire discuté la cause civile comme si l'instruction et, en particulier, comme si l'administration des preuves étaient achevées. Les recourants reprochent aussi à ce magistrat d'avoir porté un jugement sur des faits que nul n'avait allégués, donc hors de cause, et de s'être exprimé dans des termes tels que son opinion paraît définitivement établie, donc insusceptible d'évoluer dans la suite de l'instruction et des débats. Selon leur exposé, la motivation ainsi développée dénote que l'issue du procès de première instance est scellée et qu'ils n'ont aucune perspective de parvenir au rejet de l'action; ils tiennent ainsi la prévention de la juge Boson pour avérée.
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La motivation de la décision du 4 janvier 2018 est en effet critiquable. Selon la thèse de C.________, les trois défendeurs sont libérés de leur obligation envers les hoirs X.________ par l'effet d'un contrat de reprise de dette conclu conformément à l'art. 176 COentre ces derniers et D.________. Pour motiver le refus de l'assistance judiciaire, il suffisait de relever que la conclusion de ce contrat de reprise de dette est contestée par les hoirs X.________, qu'elle est peu vraisemblable car ceux-ci n'avaient apparemment aucun intérêt à ce que D.________ vînt remplacer les défendeurs dans le rapport d'obligation concerné, et que la preuve d'un consentement à ce remplacement, à apporter par les défendeurs dans le procès, sera à l'évidence difficile. Toute autre discussion est oiseuse; en particulier, il n'était ni nécessaire ni utile de mettre en doute la cession de toutes les actions à C.________. Les autorités ont fréquemment tendance à renforcer leurs décisions, croient-elles, en y insérant des développements sur des points qui ne sont pas décisifs et y en ajoutant des commentaires, lesquels peuvent se révéler excessifs ou inappropriés. Ce travers est classique et il ne dénote pas, d'ordinaire, une approche partiale de l'autorité. En l'occurrence, l'erreur de procédure effectivement imputable à la juge Boson est certes regrettable mais elle n'est pas objectivement propre à engendrer le doute sur sa volonté et sa faculté d'apprécier de manière impartiale, le moment venu, l'ensemble des éléments de fait et de droit que l'instruction aura apportés. Le rejet de la demande de récusation se révèle donc conforme à l'art. 47 al. 1 let. f CPC, ce qui conduit au rejet du recours.
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8. A titre de parties qui succombent, les recourants doivent acquitter l'émolument à percevoir par le Tribunal fédéral.
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Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce : | |
1. Le recours est rejeté.
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2. Les recourants acquitteront un émolument judiciaire de 2'000 francs.
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3. Le présent arrêt est communiqué aux parties ou à leurs mandataires, au Tribunal cantonal du canton du Valais, à Me Frédéric Pitteloud, avocat à Sion, pour les hoirs de feu X.________, et à Me Marcel-Henri Gard, avocat à Sierre, pour C.________.
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Lausanne, le 6 août 2018
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Au nom de la Ire Cour de droit civil
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du Tribunal fédéral suisse
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La présidente : Kiss
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Le greffier : Thélin
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