BGer 9C_55/2020 | |||
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BGer 9C_55/2020 vom 22.10.2020 |
9C_55/2020 |
Arrêt du 22 octobre 2020 |
IIe Cour de droit social | |
Composition
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M. et Mmes les Juges fédéraux Parrino, Président, Glanzmann et Moser-Szeless.
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Greffier : M. Cretton.
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Participants à la procédure
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A.________,
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représentée par Me William Rappard, avocat,
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recourante,
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contre
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Office de l'assurance-invalidité du canton de Genève, rue des Gares 12, 1201 Genève,
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intimé.
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Objet
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Assurance-invalidité (évaluation de l'invalidité),
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recours contre le jugement de la Cour de justice de la République et canton de Genève, Chambre des assurances sociales, du 25 novembre 2019 (A/1893/2018 - ATAS/1082/2019).
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Faits : |
A. | |
A.a. A.________, née en 1981, a requis des prestations de l'assurance-invalidité le 27 octobre 2011. Constatant que l'assurée avait souffert d'un épisode dépressif sévère réactionnel à un conflit conjugal dont les séquelles n'influençaient plus sa capacité de travail depuis le 1er décembre 2011, l'Office de l'assurance-invalidité du canton de Genève (ci-après: l'office AI) a rejeté sa requête par décision du 6 décembre 2012.
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A.b. Invoquant une rechute de sa pathologie dépressive, occasionnant une incapacité totale de travail depuis le mois d'août 2016, l'intéressée a déposé une nouvelle demande de prestations auprès de l'office AI le 10 octobre 2016. Après avoir recueilli des renseignements auprès des médecins traitants de l'assurée, la doctoresse B.________, spécialiste en psychiatrie et psychothérapie, et le docteur C.________, spécialiste en médecine interne générale, l'office AI a mandaté le docteur D.________, spécialiste en psychiatrie et psychothérapie du Centre d'expertise médicale Lancy (CEML) pour une expertise. Selon ce médecin, A.________ présentait un épisode dépressif léger sans effet sur la capacité de travail, que ce soit dans la dernière activité exercée de collaboratrice logistique ou toute activité adaptée (rapport du 13 décembre 2017).
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Informée que l'administration entendait rejeter sa demande sur la base du rapport d'expertise, l'assurée a critiqué le bien-fondé de ce document par le truchement de la doctoresse B.________ (rapport du 7 mars 2018). Considérant que l'intéressée ne présentait pas d'atteinte invalidante à la santé au sens de la loi, l'office AI a refusé toute prestation par décision du 19 avril 2018.
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B. L'intéressée a déféré la décision administrative à la Cour de justice de la République et canton de Genève, Chambre des assurances sociales. Elle a produit plusieurs avis de son psychiatre traitant durant la procédure. La juridiction cantonale a rejeté le recours par jugement du 25 novembre 2019.
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C. A.________ a interjeté un recours en matière de droit public contre ce jugement dont elle demande l'annulation. Elle conclut principalement à la reconnaissance de son droit à une rente entière dès le 1er août 2016 et subsidiairement au renvoi de la cause à la juridiction cantonale pour suite d'instruction. Elle sollicite également l'assistance judiciaire pour la procédure fédérale.
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L'administration conclut au rejet du recours. L'Office fédéral des assurances sociales a renoncé à se déterminer.
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Considérant en droit : | |
1. Le recours en matière de droit public (au sens des art. 82 ss LTF) peut être formé pour violation du droit (circonscrit par les art. 95 et 96 LTF). Le Tribunal fédéral applique le droit d'office (art. 106 al. 1 LTF). Il n'est limité ni par l'argumentation de la partie recourante ni par la motivation de l'autorité précédente. Il statue sur la base des faits établis par cette dernière (art. 105 al. 1 LTF). Cependant, il peut rectifier les faits ou les compléter d'office s'ils ont été établis de façon manifestement inexacte ou en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF (art. 105 al. 2 LTF). Le recourant ne peut critiquer les faits que s'ils ont été constatés de façon manifestement inexacte ou contraire au droit et si la correction d'un tel vice peut influer sur le sort de la cause (art. 97 al. 1 LTF).
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2. Le litige porte sur le droit de la recourante à une rente d'invalidité dans le cadre d'une nouvelle demande de prestations (cf. art. 17 al. 1 LPGA applicable par analogie, en lien avec l'art. 87 al. 2 et 3 RAI; voir aussi ATF 134 V 131 consid. 3 p. 132 s.; 133 V 108 consid. 5 p. 110 ss; 130 V 343 consid. 3.5 p. 349 ss; 130 V 71), en particulier sur l'appréciation de sa capacité de travail et l'évaluation de l'invalidité qui en découle.
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3. La cour cantonale a cité les normes et la jurisprudence indispensables à la résolution du litige, notamment celles concernant l'appréciation du caractère invalidant des troubles psychiques (ATF 141 V 281; 143 V 409; 418), le rôle des médecins lors de l'évaluation de l'invalidité (ATF 140 V 193 consid. 3.2 p. 195 s.; 125 V 256 consid. 4 p. 261 s.), le principe de la libre appréciation des preuves (art. 61 let. c LPGA) ainsi que la valeur probante des rapports médicaux (ATF 143 V 124 consid. 2.2.2 p. 126 s.; 125 V 351 consid. 3 p. 352 ss). Il suffit d'y renvoyer.
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4. La juridiction cantonale a confirmé la décision litigieuse. Pour aboutir à cette conclusion, elle a considéré que le rapport d'expertise du docteur D.________ avait une pleine valeur probante bien que celui-ci n'ait pas repris la nomenclature de la jurisprudence relative à l'évaluation du caractère invalidant des troubles psychiques. Elle en a notamment déduit que l'assurée souffrait d'un épisode dépressif léger avec syndrome somatique (l'anxiété observée par la doctoresse B.________ ayant été exclue) et qu'elle possédait des ressources exploitables sur le plan professionnel; elle a encore mentionné une réticence à s'engager dans une réinsertion professionnelle ou une augmentation des symptômes. Elle a par ailleurs écarté les critiques émises par le psychiatre traitant dans la mesure où elles reposaient essentiellement sur les plaintes de la patiente et, par conséquent, reflétaient le rapport de confiance inhérent à tout mandat thérapeutique. Elle a encore relevé que le Service médical régional de l'office intimé (SMR) avait aussi eu connaissance de ces critiques et les avait écartées au motif qu'elles ne constituaient qu'une appréciation différente des faits déjà appréciés par le docteur D.________.
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Erwägung 5 | |
5.1. Pour l'essentiel, la recourante reproche aux premiers juges d'avoir nié son droit à la rente sur la seule base du rapport d'expertise psychiatrique et d'avoir ainsi arbitrairement apprécié les preuves dont ils disposaient. Elle soutient avoir produit en procédure cantonale des documents médicaux probants et convaincants qui établissaient l'existence d'une affection psychique grave et invalidante de façon indubitable ou auraient au moins dû susciter de sérieux doutes quant à la fiabilité des conclusions de l'expert et amener le tribunal cantonal à compléter ses investigations. Elle considère notamment que la gravité du trouble de la personnalité attestée par la psychologue E.________ à l'issue d'un bilan neuropsychologique (rapport du 4 janvier 2018) et par la doctoresse F.________, spécialiste en psychiatrie et psychothérapie (rapport du 7 mars 2019), en plus du psychiatre traitant, de même que l'absence d'explications de la part du docteur D.________ quant aux conséquences des actes d'ordre sexuel subis depuis l'enfance ou aux motifs ayant conduit à l'échec de la réinsertion et des traitements illustrent ce manque de fiabilité. Elle prétend enfin que l'expert et la cour cantonale ont omis de prendre en compte certains faits pertinents.
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5.2. L'argumentation de l'assurée est fondée. Au cours de la procédure cantonale, elle a effectivement opposé au rapport du docteur D.________ les avis de la doctoresse B.________. Or, contrairement à ce que laisse entendre la juridiction cantonale, les avis du psychiatre traitant ne sont pas seulement une appréciation subjective des mêmes faits déjà évalués par l'expert mais constituent une critique circonstanciée du rapport d'expertise qui met en évidence son caractère lacunaire et remet véritablement en question ses conclusions.
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Ainsi, par exemple, si le docteur D.________ a certes expliqué succinctement pourquoi il excluait l'anxiété généralisée observée par la doctoresse B.________, il n'a nullement analysé - ni même ne serait-ce qu'évoqué - le trouble de la personnalité évitant sévère diagnostiqué à l'origine par le psychiatre traitant et confirmé ultérieurement, selon celle-ci, par des tests effectués à l'occasion d'un bilan neuropsychologique (rapport du 29 janvier 2019). L'expert préconise un traitement dont il ignore qu'il avait déjà été instauré et avait échoué selon les précisions du psychiatre traitant (rapport du 27 juin 2018). Il ignore également tout ou presque des vaines tentatives de réinsertion entreprises par la recourante et, par conséquent, encore plus des raisons ayant conduit à ces échecs. Il n'évoque de surcroît à aucun moment les troubles du comportement alimentaire mentionnés initialement par la doctoresse B.________ et n'en analyse dès lors pas les causes possibles. Il ne mentionne pas non plus les événements traumatiques survenus depuis l'enfance et leurs éventuelles conséquences.
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Certes, l'assurée ne semble pas avoir signalé ces éléments lors de l'expertise et la plupart d'entre eux paraissent avoir été rapportés par le psychiatre traitant à l'occasion de la contestation du projet de décision (rapport du 7 mars 2018) ou durant la procédure judiciaire cantonale (rapports des 27 juin et 17 décembre 2018 ainsi que 21 janvier 2019). Leur mention postérieure à la réalisation de l'expertise n'ôte toutefois rien à leur pertinence du point de vue de l'analyse du caractère invalidant des troubles psychiques et ne pouvait être ignorée au stade de la procédure cantonale. Aussi, à défaut d'avoir invité le docteur D.________ à s'exprimer sur l'ensemble des critiques, le tribunal cantonal ne pouvait se fonder sur son rapport pour en inférer - même implicitement - les indicateurs développés dans l'ATF 141 V 281 dès lors qu'il revient aux organes chargés de l'application du droit (soit à l'administration ou au tribunal en cas de litige) de procéder à l'appréciation définitive de la capacité de travail de l'intéressé (ATF 140 V 193 consid. 3.2 p. 195).
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A cet égard, si les premiers juges ont bien évoqué le contexte social pour en déduire des ressources exploitables sur le marché du travail ou une augmentation des symptômes, leur analyse n'est pas suffisante ni convaincante. Des ressources préservées ne sauraient être inférées de relations maintenues avec certains membres de la famille dont la recourante est dépendante. De même, un facteur d'exclusion (au sens de l'ATF 141 V 281 consid. 2.2 p. 287 s.) ne saurait être déduit d'une "augmentation" de symptômes qui, sans plus amples explications, peut être rapprochée du diagnostic psychiatrique de majoration des symptômes physiques pour des raisons psychologiques et non d'une simulation. On relèvera par ailleurs que le tribunal cantonal n'a pas justifié la différence des diagnostics retenus par l'expert et le psychiatre traitant autrement que par des considérations d'ordre très général ne répondant pas aux critiques émises. Il n'a rien déduit du déroulement des traitements ou des mesures de réinsertion ni même analysé les causes de leur échec. Il n'a pas davantage procédé à une analyse sous l'angle de l'axe "personnalité" et son appréciation plus que succincte du contexte social (liens familiaux soi-disant préservés) ne semble pas pertinente.
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5.3. Compte tenu de ce qui précède, il apparaît que la cour cantonale a arbitrairement apprécié les rapports médicaux dont elle disposait, en particulier le rapport d'expertise qui, en l'état, ne permet pas de procéder à l'analyse des indicateurs développés dans l'ATF 141 V 281. Aussi, il convient d'annuler le jugement cantonal ainsi que la décision administrative litigieuse et, dans la mesure où l'essentiel des critiques émises par la doctoresse B.________ était déjà contenu dans son rapport produit à l'appui des observations contre le projet de décision, de renvoyer la cause à l'office intimé pour qu'il complète l'instruction (en invitant le docteur D.________ à s'exprimer sur les critiques soulevées ou, au besoin, en réalisant une nouvelle expertise) et rende une nouvelle décision.
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Etant donné le renvoi à l'administration, il n'y a pas lieu de déterminer si le rapport de la doctoresse F.________ du 7 mars 2019 - que la recourante indique avoir versé à la procédure cantonale le 15 avril 2019 mais qui ne figure pas au dossier transmis par l'instance précédente - constitue une preuve nouvelle au sens de l'art. 99 al. 1 LTF.
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6. Vu l'issue de la procédure, les frais judiciaires et les dépens sont mis à la charge de l'office intimé (art. 66 al. 1 et 68 al. 1 LTF). L'avocat de l'assurée a produit une note d'honoraires pour un montant de 2692 fr. 50 (y compris la taxe à la valeur ajoutée). Ce montant n'apparaît pas excessif compte tenu de la nature du litige, de sorte qu'il convient de le lui allouer.
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Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce : | |
1. Le recours est admis. Le jugement de la Cour de justice de la République et canton de Genève, Chambre des assurances sociales, du 25 novembre 2019 et la décision de l'Office de l'assurance-invalidité du canton de Genève du 19 avril 2018 sont annulés. La cause est renvoyée à l'office intimé pour complément d'instruction au sens des considérants et nouvelle décision.
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2. Les frais judiciaires, arrêtés à 800 fr., sont mis à la charge de l'intimé.
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3. L'intimé versera à l'avocat de la recourante la somme de 2692 fr. 50 à titre de dépens pour la procédure devant le Tribunal fédéral.
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4. La cause est renvoyée à la Cour de justice de la République et canton de Genève, Chambre des assurances sociales, pour nouvelle décision sur les frais et les dépens de la procédure antérieure.
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5. Le présent arrêt est communiqué aux parties, à la Cour de justice de la République et canton de Genève, Chambre des assurances sociales, et à l'Office fédéral des assurances sociales.
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Lucerne, le 22 octobre 2020
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Au nom de la IIe Cour de droit social
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du Tribunal fédéral suisse
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Le Président : Parrino
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Le Greffier : Cretton
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