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Original
 
[AZA 0]
2A.449/1999
IIe COUR DE DROIT PUBLIC
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10 janvier 2000
Composition de la Cour: MM. et Mme les Juges Wurzburger,
président, Hartmann, Hungerbühler, R. Müller et Yersin.
Greffière: Mme Dupraz.
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Statuant sur le recours de droit administratif
formé par
X.________, né le 18 août 1952, représenté par le Bureau de consultations juridiques pour requérants d'asile de CARITAS-Suisse/EPER, rue du Botzet 2, à Fribourg,
contre
la décision prise le 26 juillet 1999 par le Département fédéral de justice et police;
(art. 13 lettre f OLE: exception aux mesures de limitation)
Vu les pièces du dossier d'où ressortent
les faits suivants:
A.- Ressortissante de Bosnie-Herzégovine née le 27 avril 1952, dame X.________ est arrivée en Suisse le 25 septembre 1993 avec ses enfants R.________ né le 2 janvier 1979, S.________ née le 4 mai 1981 et T.________ née le 14 février 1986. Le 27 septembre 1993, les personnes précitées ont déposé une demande d'asile qui a été définitivement rejetée le 2 mars 1994, les intéressés devant quitter la Suisse.
Ces derniers ont cependant pu bénéficier d'une admission provisoire collective. X.________, ressortissant de Bosnie-Herzégovine né le 18 août 1952 et mari de dame X.________, a été autorisé à rejoindre sa famille en Suisse, ce qu'il a fait le 26 août 1994. Le 10 octobre 1994, il a été d'une part renvoyé de Suisse et d'autre part mis au bénéfice d'une admission provisoire collective.
Toutefois, le Conseil fédéral a décidé de lever l'admission provisoire collective concernant les ressortissants de Bosnie-Herzégovine en leur fixant un délai de départ échéant le 30 avril 1997, qui a été prolongé jusqu'au 30 avril 1998. Le Service de la police des étrangers et des passeports du canton de Fribourg a, de son côté, imparti à X.________ et à sa famille un délai de départ échéant le 15 juillet 1998.
B.- Les intéressés ont demandé le 5 juillet 1998 une autorisation de séjour pour cas personnel d'extrême gravité au sens de l'art. 13 lettre f de l'ordonnance du 6 octobre 1986 limitant le nombre des étrangers (OLE; RS 823. 21). Le 21 juillet 1998, le Département de la police du canton de Fribourg leur a fait savoir que "l'autorité cantonale" était disposée à leur accorder une autorisation de séjour en réservant cependant la décision que prendrait l'Office fédéral des étrangers (ci-après: l'Office fédéral) au sujet de l'exemption des mesures de limitation.
Par décision du 26 octobre 1998, l'Office fédéral a refusé d'excepter X.________ des mesures de limitation. Il a retenu en particulier que les arguments présentés à l'appui de la demande (séjour en Suisse depuis octobre 1994, activité et indépendance financière depuis juin 1998, bonne intégration et bon comportement) ne permettaient pas de conclure que le requérant se trouvait personnellement dans une situation d'extrême gravité au sens de la législation et de la pratique restrictive en la matière. De plus, l'Office fédéral a chargé les autorités fribourgeoises compétentes d'informer les intéressés qu'il ne s'était prononcé que sur le cas de X.________ car il n'y avait pas de place pour une procédure de police des étrangers pour sa femme et ses enfants.
C.- Le 19 novembre 1998, dame X.________ et ses trois enfants ont formé un recours au Département fédéral de justice et police (ci-après: le Département fédéral) pour déni de justice formel contre la décision de l'Office fédéral du 26 octobre 1998, parce que cette décision concernait uniquement X.________ et ne statuait pas sur leurs cas. Par décision formelle du 11 décembre 1998, l'Office fédéral a déclaré irrecevable la requête de dame X.________ et de ses trois enfants demandant une exception aux mesures de limitation au sens de l'art. 13 lettre f OLE. Il se référait en particulier à l'art. 12f al. 1 de la loi sur l'asile du 5 octobre 1979 en vigueur jusqu'au 30 septembre 1999 (RO 1980p. 1718). Le 19 janvier 1999, les intéressés ont recouru au Département fédéral contre la décision de l'Office fédéral du 11 décembre 1998. Par décision du 26 juillet 1999, le Département fédéral a rejeté le recours de dame X.________ et de ses trois enfants dans la mesure où il était recevable.
Cette décision n'a pas fait l'objet d'un recours.
D.- Par ailleurs, le 19 novembre 1998, X.________ a aussi recouru au Département fédéral contre la décision de l'Office fédéral du 26 octobre 1998. Par décision prise également le 26 juillet 1999, le Département fédéral a rejeté ce recours dans la mesure où il était recevable et déclaré que l'intéressé demeurait assujetti aux mesures de limitation.
E.- Agissant par la voie du recours de droit administratif, X.________ demande au Tribunal fédéral, sous suite de dépens, d'annuler la décision prise à son sujet par le Département fédéral le 26 juillet 1999 et de renoncer à l'assujettir aux mesures de limitation du nombre d'étrangers en Suisse. Il se plaint notamment d'excès et d'abus du pouvoir d'appréciation dans l'application de l'art. 13 lettre f OLE ainsi que de constatation inexacte et incomplète des faits pertinents.
Le Département fédéral conclut au rejet du recours.
Considérant en droit :
1.- La voie du recours de droit administratif est en principe ouverte contre les décisions relatives à l'assujettissement aux mesures de limitation prévues par l'ordonnance limitant le nombre des étrangers (ATF 122 II 403 consid. 1 p. 404/405; 119 Ib 33 consid. 1a p. 35). Déposé en temps utile et dans les formes prescrites par la loi, le présent recours est en principe recevable en vertu des art. 97 ss OJ.
2.- Saisi d'un recours de droit administratif dirigé contre une décision qui n'émane pas d'une autorité judiciaire, le Tribunal fédéral revoit, le cas échéant d'office, les constatations de fait des autorités inférieures (art. 104 lettre b et 105 al. 1 OJ). Sur le plan juridique, il vérifie d'office l'application du droit fédéral qui englobe en particulier les droits constitutionnels des citoyens (ATF 124 II 517 consid. 1 p. 519; 123 II 385 consid. 3 p. 388) - en examinant notamment s'il y a eu excès ou abus du pouvoir d'appréciation (art. 104 lettre a OJ) -, sans être lié par les motifs invoqués par les parties (art. 114 al. 1 in fine OJ). En revanche, l'autorité de céans ne peut pas revoir l'opportunité de la décision attaquée, le droit fédéral ne prévoyant pas un tel examen dans ce domaine (art. 104 lettre c ch. 3 OJ).
En matière de police des étrangers, lorsque la décision entreprise n'émane pas d'une autorité judiciaire, le Tribunal fédéral fonde en principe ses jugements, formellement et matériellement, sur l'état de fait et de droit existant au moment de sa propre décision (ATF 124 II 361 consid. 2ap. 365; 122 II 1 consid. 1b p. 4, 385 consid. 2 p. 390).
3.- Les mesures de limitation visent, en premier lieu, à assurer un rapport équilibré entre l'effectif de la population suisse et celui de la population étrangère résidante, ainsi qu'à améliorer la structure du marché du travail et à assurer un équilibre optimal en matière d'emploi (art. 1er lettres a et c OLE). L'art. 13 lettre f OLE soustrait aux mesures de limitation "les étrangers qui obtiennent une autorisation de séjour dans un cas personnel d'extrême gravité ou en raison de considérations de politique générale". Cette disposition a pour but de faciliter la présence en Suisse d'étrangers qui, en principe, seraient comptés dans les nombres maximums fixés par le Conseil fédéral, mais pour lesquels cet assujettissement paraîtrait trop rigoureux par rapport aux circonstances particulières de leur cas ou pas souhaitable du point de vue politique.
Il découle de la formulation de l'art. 13 lettre f OLE que cette disposition dérogatoire présente un caractère exceptionnel et que les conditions auxquelles la reconnaissance d'un cas de rigueur est soumise doivent être appréciées restrictivement. Il est nécessaire que l'étranger concerné se trouve dans une situation de détresse personnelle. Cela signifie que ses conditions de vie et d'existence, comparées à celles applicables à la moyenne des étrangers, doivent être mises en cause de manière accrue, c'est-à-dire que le refus de soustraire l'intéressé aux restrictions des nombres maximums comporte pour lui de graves conséquences. Lors de l'appréciation d'un cas personnel d'extrême gravité, il y a lieu de tenir compte de l'ensemble des circonstances du cas particulier. La reconnaissance d'un cas personnel d'extrême gravité n'implique pas forcément que la présence de l'étranger en Suisse constitue l'unique moyen pour échapper à une situation de détresse. Par ailleurs, le fait que l'étranger ait séjourné en Suisse pendant une assez longue période et s'y soit bien intégré ne suffit pas, à lui seul, à constituer un cas personnel d'extrême gravité; la jurisprudence en a ainsi décidé même dans le cas où l'intéressé se trouvait en Suisse depuis sept à huit ans (ATF 124 II 110 consid. 3 p. 113). Il faut encore que la relation de l'étranger avec la Suisse soit si étroite qu'on ne saurait exiger qu'il aille vivre dans un autre pays, notamment dans son pays d'origine. A cet égard, les relations de travail, d'amitié ou de voisinage que l'intéressé a pu nouer pendant son séjour ne constituent normalement pas des liens si étroits avec la Suisse qu'ils justifieraient une exemption des mesures de limitation (ATF 124 II 110 consid. 2 p. 111/112 et la jurisprudence citée).
4.- a) aa) Le recourant souligne que le fait de bénéficier de "l'action Bosnie-Herzégovine" ne l'a pas empêché de s'intégrer parfaitement en Suisse, d'autant plus qu'une personne jouissant d'une admission provisoire ne peut jamais prévoir la durée du séjour qu'elle effectuera à ce titre. Il fait valoir que beaucoup de "familles bosniaques" vivant dans le canton de Fribourg ont obtenu une autorisation de séjour pour rigueur excessive au sens de l'art. 13 lettre f OLE. L'intéressé soutient qu'en raison de problèmes de santé, il a perdu un emploi et s'est trouvé au chômage mais que, sans cela, il a travaillé régulièrement pendant de nombreuses années, ce qui dénote une bonne intégration professionnelle. Au surplus, l'acquisition de connaissances professionnelles spécifiques serait impossible pour les personnes admises provisoirement en Suisse, puisqu'elles seraient cantonnées dans certains domaines d'activités. Le recourant estime que le nombre d'années passées dans sa patrie importe peu et que ce qui est déterminant ce sont les efforts consentis et l'intégration réellement atteinte en Suisse.
bb) L'intéressé séjourne en Suisse depuis le 26 août 1994, soit depuis moins de cinq ans et demi. Ce laps de temps, qui ne constitue pas un long séjour au regard de la jurisprudence rappelée ci-dessus, est peu important en comparaison des nombreuses années qu'il a passées dans son pays d'origine. En effet, il a vécu quarante-deux ans dans sa patrie, soit toute sa jeunesse, ce qui est capital car c'est durant ces années que se forge la personnalité, en fonction de l'environnement culturel. Les années décisives sont effectivement celles de l'adolescence. Quoi qu'en pense le recourant, il garde donc des attaches socio-culturelles prépondérantes avec son pays d'origine. Ces attaches priment les efforts qu'il a consentis pour s'intégrer en Suisse, quand bien même il n'est pas contesté que son intégration est bonne et méritoire. Au demeurant cette intégration n'est pas telle qu'elle justifierait une exemption des mesures de limitation au sens de la jurisprudence précitée. D'ailleurs l'intéressé reconnaît lui-même que son intégration professionnelle a été freinée par des problèmes de santé et qu'il n'a pas acquis de connaissances professionnelles spécifiques. En outre, toute personne bénéficiant d'une admission provisoire en Suisse sait que son séjour dans ce pays est limité, même si sa durée est indéterminée. Elle doit donc s'attendre à repartir dès que la situation dans l'Etat dont elle vient se sera améliorée. Enfin, le recourant semble se plaindre d'une inégalité de traitement par rapport à des compatriotes vivant dans le canton de Fribourg qui auraient obtenu une autorisation de séjour pour cas personnel d'extrême gravité au sens de l'art. 13 lettre f OLE. En l'absence de toute indication précise sur la situation de ces personnes, il est impossible de juger si le cas de l'intéressé est vraiment comparable aux leurs. Les arguments que le recourant développe au sujet de sa propre situation ne sont donc pas fondés.
b) aa) Le recourant invoque également l'intégration en Suisse de sa femme et de leurs trois enfants: R.________, S.________ et T.________. Il relève en particulier qu'un retour de ces enfants dans leur patrie constituerait un véritable déracinement pour eux.
bb) Il est vrai que, lors de l'examen d'un cas personnel d'extrême gravité au sens de l'art. 13 lettre f OLE, on tient compte, en principe, non seulement de la situation de l'intéressé, mais encore de celle de sa proche famille vivant avec lui (conjoint et enfants) et que la solution est le résultat d'une appréciation globale (arrêt non publié du 23 octobre 1996 en la cause Sadiku, consid. 3b). Dans le cas présent cependant, la femme et les enfants du recourant ont fait l'objet d'une décision définitive prise le 26 juillet 1999 par le Département fédéral, qui leur a refusé une exemption des mesures de limitation fondée sur l'art. 13 lettre f OLE. Dès lors, on ne saurait prendre en considération des arguments concernant leur situation dans l'examen de l'exception aux mesures de limitation demandée par leur mari et père, sur la base de l'art. 13 lettre f OLE.
Sur ce point d'ailleurs, la pratique du Département fédéral est discutable. En effet, dans le cas de la famille X.________, il a pris simultanément deux décisions différentes et contradictoires dans leur argumentation. D'une part, il a refusé d'exempter des mesures de limitation la femme et les enfants de l'intéressé pour des raisons purement formelles et, d'autre part, il a apprécié leur situation dans le cadre de l'application éventuelle de l'art. 13 lettre f OLE à leur mari et père et relevé les difficultés que pourraient rencontrer les enfants à l'aube ou au coeur de l'adolescence. Au demeurant, il serait souhaitable que le Département fédéral traite de manière uniforme les dossiers concernant plusieurs membres d'une même famille; en effet, parfois, il regroupe les cas de ces différents membres, parfois, il les sépare. Il conviendrait qu'à l'avenir, le Département fédéral adopte une pratique uniforme qui tienne compte du fait que la situation d'une famille est en principe appréciée globalement.
c) Toutefois, compte tenu de ce qui a été dit plus haut, l'autorité intimée n'a pas excédé ni abusé de son pouvoir d'appréciation en appliquant l'art. 13 lettre f OLE dans le présent cas. Elle n'a pas non plus constaté les faits pertinents de façon inexacte et incomplète.
d) Au demeurant, on rappellera que des motifs d'empêchement nouveaux et individuels peuvent être invoqués dans le cadre d'une demande de reconsidération concernant l'exécution du renvoi (arrêts non publiés du 26 octobre 1999 en la cause Takac, consid. 3b, et du 5 octobre 1999 en la cause Husejnovic, consid. 4b).
5.- Vu ce qui précède, le recours doit être rejeté.
Succombant, le recourant doit supporter les frais judiciaires (art. 156 al. 1, 153 et 153a OJ) et n'a pas droit à des dépens (art. 159 al. 1 OJ).
Par ces motifs,
le Tribunal fédéral :
1. Rejette le recours.
2. Met à la charge du recourant un émolument judiciaire de 1'000 fr.
3. Communique le présent arrêt en copie au représentant du recourant et au Département fédéral de justice et police.
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Lausanne, le 10 janvier 2000
DAC/mnv
Au nom de la IIe Cour de droit public
du TRIBUNAL FEDERAL SUISSE:
Le Président,
La Greffière,