BGer 4C.257/1999 |
BGer 4C.257/1999 vom 17.01.2000 |
«AZA 3»
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4C.257/1999
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Ie C O U R C I V I L E
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17 janvier 2000
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Composition de la Cour: M. Walter, président, M. Leu et M. Corboz, juges. Greffière: Mme Charif Feller.
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Dans la cause civile pendante
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entre
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Georgette Di Fabrizio, à Vernier, demanderesse et recourante, représentée par Me Pierre Ochsner, avocat à Genève,
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l'Agence de Courtage et Commerce Sàrl (ACC), à Genève, défenderesse et intimée, représentée par Me Christian Fischele, avocat à Genève;
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(contrat de courtage exclusif)
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Vu les pièces du dossier d'où ressortent
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les f a i t s suivants:
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A.- A la suite du décès de son mari, Georgette Di Fabrizio a décidé de réaliser sa villa sise à Vernier (GE). Le 7 avril 1994, elle a signé, sur formule préétablie, un contrat de "mandat exclusif" avec l'Agence de Courtage et Commerce Sàrl (ACC; ci-après: l'Agence), par lequel elle donnait au mandataire mandat exclusif soit de lui indiquer ou de lui amener un acquéreur pour la propriété désignée, soit de lui servir d'intermédiaire pour la négociation de cette vente. Le contrat a été conclu pour trois mois avec clause de tacite reconduction. Le mandataire n'a pas laissé copie du contrat à la mandante. L'Agence a fait visiter la villa à trois personnes en tout cas.
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Entre le 29 mai 1994 et le 2 mars 1995, dame Di Fabrizio a confié le mandat de vendre la villa à cinq autres agences, dont Régie Schmid S.A. Le 22 septembre 1995, les époux El Wardany ont acheté la villa par l'entremise de cette dernière agence qui a perçu une commission. Par lettre du 7 juin 1995, dame Di Fabrizio a informé l'Agence de la vente et a réclamé la restitution des clés. Par lettre du 30 octobre 1995, indiquant avoir appris la vente de la villa par la Feuille des avis officiels, l'Agence a réclamé à dame Di Fabrizio 31 600 fr., à titre de commission. Celle-ci a refusé de payer.
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B.- Le 8 octobre 1996, l'Agence a fait notifier à dame Di Fabrizio un commandement de payer portant sur la somme de 31 600 fr., avec intérêts à 5% dès le 13 octobre 1995, et sur la somme de 3 160 fr. (art. 106 CO), avec intérêts dès la même date. Suite à l'opposition formée par dame Di Fabrizio, la mainlevée provisoire pour le premier poste du commandement de payer a été prononcée le 23 avril 1997 par le Tribunal de première instance du canton de Genève et confirmée le 19 juin 1997 par la Cour de justice du canton de Genève. Par acte déposé en vue de conciliation le 9 mai 1997, dame Di Fabrizio a intenté une action en libération de dette. Par jugement du 9 septembre 1998, le Tribunal de première instance a admis l'action. Statuant sur appel de l'Agence le 21 mai 1999, la Chambre civile de la Cour de justice a reconnu qu'une commission était due, mais l'a réduite de moitié, soit à 16 000 fr., plus intérêts à 5% dès le 30 octobre 1995.
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C.- Dame Di Fabrizio interjette un recours en réforme au Tribunal fédéral. Elle conclut à la réforme de l'arrêt cantonal, en ce sens qu'il soit dit qu'elle n'est pas débitrice de la défenderesse et que la poursuite n'ira pas sa voie.
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Par décision du 23 juillet 1999, la Ie Cour civile a admis la demande d'assistance judiciaire de la demanderesse.
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La défenderesse a déposé un mémoire réponse et un recours joint. Elle y conclut à l'annulation de l'arrêt cantonal et à sa réforme, en ce sens qu'il soit dit que la demanderesse doit la somme de 31 600 fr., à titre de commission, et qu'elle soit déboutée de toutes autres ou contraires conclusions.
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C o n s i d é r a n t e n d r o i t :
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1.- La défenderesse n'a pas procédé à l'avance des frais judiciaires présumés dans le délai imparti à cet effet,
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soit jusqu'au 28 septembre 1999. Le versement n'a été effectué à un bureau de poste que le 29 septembre 1999. Dès lors, le recours joint est irrecevable (art. 150 al. 4 OJ).
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2.- a) La cour cantonale a tout d'abord considéré qu'en mettant en oeuvre d'autres courtiers, la demanderesse a violé la clause d'exclusivité du contrat passé avec la défenderesse. Se basant sur les termes de ladite clause, elle a retenu qu'une commission est en principe due à celle-ci, car la mandante, agissant directement ou par l'entremise d'un autre courtier, a violé l'obligation d'adresser l'amateur à la défenderesse, la privant ainsi de la possibilité de négocier le contrat. La cour cantonale a cependant estimé que la commission devait être réduite. Elle a motivé cette réduction par le fait qu'entre avril 1994 et juin 1995, soit jusqu'à la lettre par laquelle la demanderesse a informé la défenderesse de la vente, les parties n'ont plus eu de contact. Elle en a déduit le peu d'empressement de la défenderesse, courtier exclusif, à informer la demanderesse au sujet de ses démarches et de leur résultat, alors que celle-ci était dans une situation difficile l'obligeant à vendre sa villa. Les juges précédents ont également fait état de la circonstance que la demanderesse n'a pas conservé une copie du contrat de mandat exclusif et que la défenderesse, après réclamation, n'a pas prouvé lui avoir adressé une copie du contrat avant le 24 novembre 1995. Ils ont relevé que si la demanderesse avait eu en sa possession une copie du contrat, elle aurait pu ou dû se rappeler les clauses de cet acte et en particulier son obligation, pendant la durée de l'exclusivité, d'adresser à la défenderesse des amateurs qui prendraient directement contact avec elle, ce qui aurait pu l'amener à prendre toute disposition utile, soit à résilier le contrat voire sa clause d'exclusivité. La cour cantonale a par conséquent considéré que la défenderesse a enfreint ses obligations de diligence
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et de fidélité et que ses manquements ont été lourds de conséquences.
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b) A l'appui de son recours, la demanderesse fait valoir que l'arrêt attaqué, qui fait supporter le dommage aux deux parties à parts égales, serait totalement contraire aux principes dégagés par la doctrine et la jurisprudence au sujet du salaire du courtier exclusif. Ce salaire serait toujours soumis à la condition que le courtier ait déployé une certaine activité. Or, en l'espèce, le courtier n'aurait pas agi durant plus d'une année ou, à tout le moins n'en aurait pas informé la demanderesse alors qu'il savait qu'elle devait vendre rapidement. La grave violation de l'obligation de diligence, constatée par la cour cantonale, devrait entraîner l'absence du droit à la provision; elle ne constituerait pas un facteur de réduction, comme l'aurait retenu à tort la cour cantonale.
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3.- a) La jurisprudence a clairement posé que, dans un contrat de courtage, on doit inférer de la clause d'exclusivité liant les parties un devoir pour le courtier de déployer une activité en faveur du mandant. En effet, selon l'ATF 103 II 129, considérant 3, qui se réfère à l'art. 398 al. 2 CO, cela correspond à l'obligation contractuelle du courtier de "sauvegarder les intérêts du vendeur avec la diligence d'un commerçant sérieux"; une totale inactivité serait incompatible avec cette obligation de préserver les intérêts du mandant. La doctrine va dans le même sens (cf. entre autres: Tercier, Les contrats spéciaux, n. 4332; Hofstetter, Le mandat et la gestion d'affaires, in Traité de droit privé suisse, VII, 2, 1, p. 168; Christian Marquis, Le contrat de courtage immobilier et le salaire du courtier, thèse Lausanne 1993, p. 463, 467 et 475; Oser/Schönenberger, Zürcher Kommentar, n. 18 ad art. 413 CO).
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b) En l'espèce, il ressort des constatations souveraines de la cour cantonale, qui lient le Tribunal fédéral (art. 63 al. 2 OJ), qu'entre avril 1994 et juin 1995, les parties n'ont plus eu de contact. Les juges précédents ont conclu au peu d'empressement de la défenderesse à informer la demanderesse au sujet de ses démarches et de leur résultat, alors même qu'elle savait que celle-ci se trouvait dans une situation difficile et devait vendre sa villa. A l'exception de la visite de l'immeuble par trois personnes - au début du contrat semble-t-il -, la défenderesse n'a pas établi avoir exercé, durant plus d'un an, une quelconque activité en faveur de sa mandante. Il y a là indiscutablement une violation des obligations de sauvegarde et de diligence du courtier. La sanction de cette carence, qui constitue une inexécution du contrat, ne peut être que le refus d'allouer un salaire au courtier. La simple réduction de salaire, telle qu'opérée par la cour cantonale en application de l'art. 417 CO, apparaît insuffisante et inadéquate, compte tenu des lourdes conséquences reconnues par les juges cantonaux eux-mêmes.
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4.- La défenderesse, qui succombe, paiera l'intégralité de l'émolument judiciaire (art. 156 al. 1 OJ) et versera à la demanderesse, qui obtient gain de cause, une indemnité à titre de dépens (art. 159 al. 1 OJ). Au cas où ces dépens ne pourraient pas être recouvrés, la Caisse du Tribunal fédéral versera des honoraires à l'avocat de la demanderesse qui est au bénéfice de l'assistance judiciaire.
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Il appartiendra à la cour cantonale de statuer à nouveau sur les frais et dépens de la procédure accomplie par devant elle.
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Par ces motifs,
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l e T r i b u n a l f é d é r a l :
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1. Admet le recours principal, réforme l'arrêt attaqué en ce sens qu'il est dit que la demanderesse ne doit pas la somme de 31 600 fr. avec intérêts à 5% dès le 13 octobre 1995;
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2. Déclare le recours joint irrecevable;
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3. Met un émolument judiciaire de 2000 fr. à la charge de la défenderesse;
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4. Dit que la défenderesse versera à la demanderesse une indemnité de 2500 fr. à titre de dépens. Au cas où ces dépens ne pourraient pas être recouvrés, des honoraires de 2500 fr. seront versés à Me Pierre Ochsner, par la Caisse du Tribunal fédéral;
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5. Renvoie la cause à l'autorité cantonale pour nouvelle décision sur les frais et les dépens de la procédure cantonale;
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6. Communique le présent arrêt en copie aux mandataires des parties et à la Chambre civile de la Cour de justice du canton de Genève.
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Lausanne, le 17 janvier 2000
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ECH
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Au nom de la Ie Cour civile
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du TRIBUNAL FEDERAL SUISSE:
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Le Président,
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La Greffière,
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