[AZA 0/6]
6P.113/1999/ROD
6P.133/1999
COUR DE CASSATION PENALE
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24 février 2000
Composition de la Cour: M. Schubarth, Président, Président du Tribunal
fédéral, M. Schneider et M. Kolly, Juges.
Greffier: M. Denys.
Statuant sur le recours de droit public
formé par
X.________, représenté par Mes GG.________ et II.________,
contre
le jugement rendu le 21 mai 1999 par la Cour d'appel pénale du Tribunal
cantonal valaisan dans la cause qui oppose le recourant au Ministère public
du V a l a i s c e n t r a l;
(art. 4 aCst., art. 6 CEDH, art. 14 Pacte ONU II;
garanties procédurales dans le procès pénal;
appréciation des preuves)
Vu les pièces du dossier d'où ressortent
les f a i t s suivants:
A.- Le 14 septembre 1992, une procédure pénale a été ouverte contre
X.________, pour diverses infractions patrimoniales commises au détriment de
la Banque cantonale du Valais (BCV). Le 27 avril 1998, le Tribunal du IIe
arrondissement pour le district de Sion a jugé X.________ et huit coaccusés.
Reconnaissant X.________ coupable d'abus de confiance (art. 138 ch. 2 CP),
d'escroquerie (art. 146 al. 2 CP), de délit manqué d'escroquerie (art. 22 al.
1 et art. 146 al. 2 CP ), de faux dans les titres (art. 251 ch. 1 aCP) et
d'obtention frauduleuse d'une constatation fausse (art. 253 CP), le Tribunal
d'arrondissement l'a condamné à huit ans de réclusion, sous déduction de
trois jours de détention préventive. Il a constaté que les infractions
retenues, commises entre 1986 et 1991, avaient porté sur plus de 120 millions
de francs, mais il n'a pas chiffré le dommage, la faillite de X.________
ouverte le 15 octobre 1993 n'étant pas encore liquidée.
B.- X.________ a interjeté appel le 24 septembre 1998. Par jugement du
21 mai 1999, la Cour d'appel pénale du Tribunal cantonal valaisan a
partiellement admis l'appel, prononcé l'acquittement sur un point et, sur la
base des mêmes dispositions légales que le Tribunal d'arrondissement, fixé
une peine de six ans de réclusion, sous déduction de six jours de détention
préventive.
C.- Le 25 mai 1999, X.________ a déposé un recours de droit public
(6P.133/1999) contre les décisions incidentes des 26 et 28 avril 1999 par
lesquelles la Cour d'appel a rejeté sa requête d'ajournement des débats,
décidé de poursuivre les débats nonobstant l'absence de son défenseur
d'office Me GG.________, refusé que Me II.________ l'assiste et dépose un
canevas de plaidoirie et enfin, l'a incarcéré pour la durée des débats. Ce
recours a été initialement attribué à la Ie Cour de droit public, dont le
président, par décision du 31 mai 1999 (1P.303/1999), a ordonné la suspension
de la procédure jusqu'à l'échéance du délai de recours contre le jugement au
fond.
Le 25 juin 1999, X.________ a déposé un recours de droit public
"complémentaire" (6P.113/1999), dirigé essentiellement contre le prononcé au
fond.
X.________ a en outre déposé un pourvoi en nullité. Cinq coaccusés ont
pour leur part déposé chacun un recours de droit public et un pourvoi en
nullité.
Invités à se déterminer sur les recours de droit public de X.________,
le Ministère public et la Cour d'appel ont conclu au rejet de ceux-ci,
renvoyant simplement au jugement attaqué.
C o n s i d é r a n t e nd r o i t:
...
2.- Le recourant se plaint d'une violation de l'art. 4 aCst. dans la
mesure où il n'a pas été assisté d'un avocat lors des débats devant la Cour
d'appel.
a) L'avocat GG.________ a assisté le recourant en qualité de défenseur
de choix dès le 2 avril 1993. Le 24 septembre 1998, il a, au nom du
recourant, déposé une déclaration d'appel de 66 pages et formulé une requête
d'assistance judiciaire. Le 28 janvier 1999, le président de la Cour d'appel
a fixé les débats d'appel au 26 avril 1999. Par décision du même jour, il a
mis le recourant au bénéfice de l'assistance judiciaire partielle et lui a
désigné Me GG.________ comme avocat d'office, observant que le recourant
n'était plus en mesure d'assumer les frais d'un avocat et qu'il ne pouvait
pas défendre sa cause lui-même.
Le 11 février 1999, Me GG.________ a formulé une requête de renvoi des
débats d'appel et, subsidiairement, a demandé à être relevé de son mandat de
droit public. Cette requête a été rejetée le 19 février 1999.
Le 17 mars 1999, Me II.________ a informé la Cour d'appel du fait qu'il
avait été mandaté par le recourant et a sollicité le report des débats afin
de pouvoir préparer la défense de celui-ci. Par décision du 22 mars 1999, le
président de la Cour d'appel a dénié au recourant l'assistance d'un second
avocat en la personne de Me II.________ et a une nouvelle fois refusé de ren-
voyer les débats. Par arrêt du 22 avril 1999 (1P.207/1999), la Ie Cour de
droit public du Tribunal fédéral a rejeté pour autant que recevable le
recours de droit public interjeté par le recourant contre cette décision.
Le 9 avril 1999, Me GG.________ a informé la Cour d'appel qu'il était
dans l'impossibilité d'assister le recourant aux débats du 26 avril.
Simultanément, il a produit une lettre du recourant du 8 avril 1999 dans
laquelle celui-ci marque son admiration pour le travail accompli mais le prie
de ne pas intervenir lors des débats d'appel.
Rappelé à ses devoirs d'avocat d'office et informé de ce que les débats
auraient lieu comme prévu, Me GG.________ a écrit le 22 avril 1999 à la Cour
d'appel qu'il ne se présenterait pas et a réitéré sa requête d'être libéré de
cette défense d'office. Il a joint à son courrier diverses pièces attestant
d'une intense activité professionnelle et publique ainsi qu'un certificat
médical du médecin généraliste JJ.________ du 17 avril 1999, dans lequel ce
dernier conseille à Me GG.________, souffrant de stress, une meilleure
hygiène de vie, avec prise en compte de périodes de repos et de diminution de
l'activité professionnelle. Ce même 22 avril 1999, le recourant a pour sa
part écrit à la Cour d'appel que ses deux avocats ne pouvaient accepter de le
défendre dans un délai si court.
Le 26 avril 1999, le recourant s'est présenté seul devant la Cour
d'appel. Après délibération, celle-ci a communiqué oralement sa décision de
maintenir les débats, considérant que le comportement du recourant était un
procédé dilatoire constitutif d'un abus de droit.
b) Dans son jugement du 21 mai 1999, la Cour d'appel a longuement motivé
sa décision de procéder nonobstant l'absence de défenseur. En résumé, après
avoir examiné le comportement du recourant et des avocats précités, elle a
conclu qu'il ne ressortait pas des deux certificats médicaux établis par le
Dr JJ.________ - celui remis lors de l'audience le 28 avril 1999 n'apportant
rien à celui daté du 17 avril 1999 - que Me GG.________ était incapable de
comparaître, que cette absence n'était que l'ultime moyen employé par le
recourant et ce mandataire pour reporter l'audience, qu'en invitant celui-ci
à ne pas l'assister aux débats et en comparaissant seul, le recourant avait
cherché à provoquer un ajournement des débats et, de la sorte, utilisé les
droits de la défense afin de paralyser le procès et de le repousser à son
gré. Elle a qualifié d'abusif et dilatoire le comportement du recourant qui,
s'étant en toute connaissance de cause privé de l'assistance de son avocat,
s'était ensuite prévalu du droit à un défenseur.
Se référant à un arrêt du Tribunal fédéral (ATF 113 Ia 218), le
recourant soutient qu'en cas de défense nécessaire ou obligatoire (sur cette
notion, cf. arrêt précité, consid. 3b et c), il a, à défaut d'un comportement
manifestement abusif, un droit absolu à être défendu par un avocat, dont
l'absence représente dans tous les cas une violation de l'art. 4 aCst. ainsi
que de l'art. 6 CEDH. A cet égard, l'art. 32 al. 2 Cst. (entré en vigueur le
1er janvier 2000 [RO 1999 2555]) ne confère pas plus de droit (cf. FF 1987 I
189).
c) Cet arrêt a été rendu dans une cause de défense nécessaire où le
défenseur, à la suite d'une inadvertance, ne semble pas avoir eu connaissance
de la date de l'audience d'appel et où l'accusé qui y a participé n'a pas
protesté contre la tenue des débats en l'absence de son avocat. Selon le
Tribunal fédéral, l'avocat doit, dans les causes de défense obligatoire ou
nécessaire, être présent aux débats et la tenue des débats en son absence
viole, dans tous les cas, l'art. 4 aCst. et l' art. 6 par. 1 et 3 let . c CEDH;
les débats doivent être ajournés même si l'avocat fait défaut aux débats sans
motif valable; dans le cas jugé, l'accusé ne pouvait pas valablement renoncer
à la présence de son défenseur (ATF 113 Ia 218 consid. 3c et d p. 222 ss).
Dans un obiter dictum, le Tribunal fédéral a soulevé la question du défaut du
défenseur dans les cas de défense facultative, observant que les dispositions
précitées ne seraient pas violées si l'accusé renonçait expressément à la
présence de l'avocat ou que l'absence de celui-ci était due à une manoeuvre,
soit à un abus de droit (ATF 113 Ia 218 consid. 3e p. 224 s.).
Le Tribunal fédéral a donc expressément réservé l'exception de l'abus de
droit pour les causes de défense facultative. Mais rien ne permet de supposer
qu'il ait entendu l'exclure dans les causes de défense obligatoire; le
recourant lui-même ne le soutient pas. N'étant pas saisi d'un cas d'abus de
droit, le Tribunal fédéral n'avait pas à se prononcer sur cette question.
Selon une jurisprudence constante, la réserve de l'abus de droit s'applique à
l'ensemble de l'ordre juridique et en particulier, sans restriction, à tous
les droits procéduraux des parties (ATF 125 IV 79 consid. 1b p. 81; 104 IV 90
consid. 3a p. 94 s.; Robert Hauser/Erhard Schweri, Schweizerisches
Strafprozessrecht, 4ème éd., Bâle 1999, § 57 p. 231 ss). Ainsi, par exemple,
un défenseur d'office peut être refusé à l'accusé indigent pour abus de droit
lorsque cet accusé a provoqué son indigence en vue du procès en cause (ATF
104 Ia 31 consid. 4 p. 34).
La limite de l'abus de droit vaut au demeurant aussi à l'encontre des
droits découlant de l'art. 6 CEDH (cf. Alphonse Spielmann/Dean Spielmann, La
notion de l'abus de droit à la lumière de la CEDH, in: L'abus de droit et les
concepts équivalents: principe et applications actuelles, Actes du 19ème
colloque de droit européen, Strasbourg 1990, p. 60; Jean-François Flauss,
L'abus de droit dans le cadre de la CEDH, RUDH 1992 p. 462). En matière de
défense, ces droits coïncident avec ceux qu'accorde l'art. 4 aCst. (ATF 124 I
185 consid. 3a p. 189). Or, dans un cas où l'avocat d'office avait abandonné
son mandat en raison du comportement de l'accusé et où ce dernier, qui
soutenait ne pas être en mesure de se défendre seul, s'était néanmoins vu
refuser la désignation d'un autre avocat d'office, la Commission européenne
des Droits de l'Homme a nié une violation de l'art. 6 par. 3 let. c CEDH,
alors même que la peine privative de liberté prononcée était de cinq ans. La
Commission a considéré que le droit à un défenseur était certes un élément
essentiel d'un procès équitable, mais qu'en l'espèce, l'inégalité des armes
dont l'accusé avait eu à souffrir sans avocat n'était "imputable qu'à son
propre comportement"; elle a ainsi jugé que, vu l'attitude contradictoire de
l'accusé, la conduite du procès ne pouvait pas être considérée comme
inéquitable (Décisions et rapports, vol. 21 p. 126 ss, ad requête no
8386/78). Dans le même sens, la Cour de cassation belge a jugé que le refus
de l'ajournement d'une audience pour permettre au prévenu, dont les droits de
la défense avaient par ailleurs été respectés, de choisir un nouvel avocat
lorsqu'il s'était lui-même mis dans la situation de ne plus avoir de
défenseur ne violait pas l'art. 6 par. 3 let. c CEDH (arrêt du 22 septembre
1982, cité in: Jacques Velu/Rusen Ergec, La Convention européenne des Droits
de l'Homme, Bruxelles 1990, n. 601 p. 497). La Commission européenne des
Droits de l'Homme a en outre jugé conforme à la CEDH de frapper les auteurs
de recours abusifs de sanctions pécuniaires, pour autant que le but poursuivi
soit la bonne administration de la justice (cf. Jean-François Flauss, op.
cit., p. 465). Quant à la Cour européenne des Droits de l'Homme, elle a
statué que l'art. 6 par. 3 let. c CEDH ne commandait pas l'octroi d'un avocat
d'office à un accusé indigent qui souhaitait introduire un appel sans chance
objective de succès contre un jugement de première instance rendu dans un
procès équitable au sens de l'art. 6 CEDH (aff. Monnell et Morris, Série A
vol. 115, § 67).
d) En l'espèce, la Cour d'appel a retenu en fait que le recourant,
d'entente avec son défenseur, avait délibérément invité celui-ci à ne pas
comparaître devant la Cour d'appel afin de paralyser le procès par un ajour-
nement des débats, en d'autres termes qu'il s'était privé d'avocat en pleine
connaissance de cause dans le seul but d'obtenir le report des débats, qui
lui avait d'ailleurs été précédemment refusé à plusieurs reprises. A l'en-
contre de cette constatation, le recourant ne soulève pas de moyen spécifique
tiré de l'arbitraire; à défaut d'être mise en cause, la constatation lie le
Tribunal fédéral.
Certes, dans une remarque liminaire, le recourant évoque la dépression
de Me GG.________; il échafaude diverses explications possibles au
comportement de son avocat et relève en particulier qu'il est "assez vrai-
semblable" que le refus de la Cour d'appel, le 22 mars 1999, d'ajourner les
débats et d'admettre un second défenseur aient provoqué chez celui-ci une
rupture grave de son état psychique sous forme de dépression. Émettre ces
hypothèses ne démontre évidemment pas que la constatation précitée de la Cour
d'appel serait insoutenable.
Par ailleurs, le certificat médical du Dr JJ.________ du 17 avril 1999
ne parle pas d'une grave rupture de l'état psychique, mais d'un état de
stress évident, d'une tension artérielle excessive et d'une surcharge
pondérale, d'un traitement antihypertenseur et antidépresseur, de
recommandations formelles notamment pour une meilleure hygiène de vie, une
diminution de l'activité professionnelle, une plus grande participation à la
vie privée et familiale pour diminuer l'état de stress et d'anxiété. C'est
sans arbitraire que la Cour d'appel a conclu que ce certificat ne démontrait
pas l'incapacité de Me GG.________ de comparaître aux débats. A noter
d'ailleurs que le recourant lui-même relève le fait que, le jour des débats,
Me GG.________ était à son étude.
Dans un résumé des faits précédant les griefs formels, le recourant, en
renvoyant aux deux certificats médicaux du Dr JJ.________, déclare que Me
GG.________ souffrait d'une incapacité de travail de 75% dès le 17 avril
1999. Or, ces chiffres ne ressortent pas de ces documents. Quant aux
déclarations écrites de Me II.________ et du bâtonnier KK.________ auxquelles
le recourant se réfère aussi, il s'agit de pièces nouvelles, partant
irrecevables (ATF 118 Ia 20 consid. 5a p. 26 et les arrêts cités).
Enfin, le recourant, sans autre démonstration, affirme que Me
GG.________ n'aurait pas demandé à être libéré de son mandat de défenseur
d'office s'il y avait réellement eu collusion entre eux. Cette thèse est tout
sauf convaincante dès lors que si Me GG.________ avait été libéré de son
mandat, un autre avocat aurait dû reprendre la défense. Compte tenu du temps
nécessaire à cet avocat pour étudier le volumineux dossier, le renvoi des
débats souhaité par le recourant se serait imposé.
e) L'abus de droit consiste notamment à utiliser une institution
juridique à des fins étrangères à son but pour réaliser des intérêts que
cette institution ne veut pas protéger, de telle sorte que l'écart entre le
droit exercé et l'intérêt qu'il est censé protéger soit manifeste (ATF 125 IV
79 consid. 1b p. 81; 121 II 97 consid. 4 p. 103 s.).
Outre la garantie découlant des art. 4 aCst. et 6 CEDH (ATF 113 Ia 218
consid. 3b p. 221 s.), le recourant devait, en vertu du droit cantonal,
obligatoirement être assisté d'un défenseur (art. 49 ch. 3 CPP/VS; RVJ 1996
p. 309 consid. 4a et 1981 p. 420 consid. 1). En connaissance de cette règle,
il a invité son défenseur d'office à ne pas comparaître, puis a invoqué son
droit à un défenseur et pris argument du défaut de celui-ci pour requérir
l'ajournement des débats et, en conséquence, retarder l'issue de la
procédure. Il a ainsi tenté de détourner l'institution de la défense
obligatoire de son but, qui est de garantir à l'accusé un procès équitable et
non de lui ouvrir la possibilité de manoeuvres dilatoires. Le comportement
contradictoire du recourant apparaît constitutif d'un abus manifeste des
droits de la défense. Dès lors que ce comportement lui était imputable, la
Cour d'appel pouvait passer outre à l'absence de défenseur; elle le pouvait
d'autant plus que le recourant avait été assisté d'un avocat durant l'instru-
ction et la procédure de première instance, que cet avocat avait déposé une
déclaration d'appel détaillée, que le Ministère public n'avait pour sa part
pas recouru, que la Cour d'appel ne pouvait revoir, en défaveur du recourant,
des points non remis en cause dans sa déclaration de recours (art. 189 ch. 2
CPP/VS; Bulletin des séances du Grand Conseil du Canton du Valais, séance du
27 janvier 1992, p. 36), et que le principe de l'interdiction de la
reformatio in pejus s'appliquait en appel (art. 192 ch. 2 CPP/VS).
Dans ces circonstances, le recourant doit supporter les conséquences de
son comportement abusif durant la procédure d'appel. Le grief soulevé est
infondé dans la mesure où il est recevable.
3.- Le recourant se plaint d'une application arbitraire des art. 49 et
125 CPP /VS faute d'avoir été assisté d'un avocat lors des débats devant la
Cour d'appel.
L'art. 49 ch. 2 CPP/VS accorde au prévenu le droit de se pourvoir d'un
défenseur en tout état de cause; l'art. 49 ch. 3 CPP/VS prescrit que dans
certaines causes, le prévenu doit nécessairement être assisté d'un défenseur.
Quant à l'art. 125 ch. 1 CPP/VS aussi applicable en appel (art. 191 ch. 1
CPP/VS), il prévoit que le tribunal ajourne les débats lorsque le défenseur
ne se présente pas alors que sa présence est requise. Il découle en principe
de ces dispositions cantonales que des débats d'appel ne peuvent pas avoir
lieu en l'absence du défenseur du recourant. Toutefois, la réserve de l'abus
de droit vaut aussi à leur égard (ATF 125 IV 79 consid. 1b p. 81). L'abus du
recourant étant, pour les motifs précités, manifeste, la Cour d'appel pouvait
procéder aux débats nonobstant l'absence de défenseur. Le grief est infondé.
4.- Le recourant se plaint d'une violation de l'art. 6 par. 3 let. b
CEDH et de l'art. 14 Pacte ONU II (RS 0.103.2), dans la mesure où, à la suite
du refus de reporter les débats à l'automne 1999, il n'aurait pas disposé du
temps et des facilités nécessaires à la préparation de sa défense.
L'art. 14 par. 3 let. b Pacte ONU II garantit à l'accusé de disposer du
temps et des facilités nécessaires à la préparation de sa défense. Cette
garantie est équivalente à celle découlant de l'art. 6 par. 3 let. b CEDH; il
n'en découle pas de droits plus larges (ATF 122 I 109 consid. 3c p. 114).
En l'espèce, le dossier de la cause et le jugement du Tribunal
d'arrondissement ont certes une ampleur tout à fait exceptionnelle. Mais Me
GG.________, mandaté le 2 avril 1993, a défendu le recourant durant
l'instruction et la procédure de première instance; il connaissait donc bien
le dossier. Le 24 septembre 1998, il a déposé une déclaration d'appel motivée
de 66 pages; à défaut d'appel de la part du Ministère public, la procédure
d'appel ne portait que sur les points soulevés par le recourant (art. 189 ch.
2 CPP/VS; Bulletin des séances du Grand Conseil du Canton du Valais, séance
du 27 janvier 1992, p. 36). Le 28 janvier 1999, le président de la Cour
d'appel a fixé les débats au 26 avril 1999, soit trois mois plus tard et sept
mois après le dépôt de la déclaration d'appel.
Dans son arrêt du 22 avril 1999 (1P.207/1999), le Tribunal fédéral a
relevé mal comprendre comment Me GG.________ pouvait prétendre ne pas avoir
disposé de suffisamment de temps pour préparer la défense du recourant et a
retenu que le comportement de celui-ci pouvait objectivement apparaître comme
abusif et dilatoire. En l'espèce, le recourant se contente d'affirmer sans
autre démonstration que le temps à disposition était insuffisant et de citer
des passages de doctrine que personne ne conteste d'ailleurs. Mais il
n'apporte aucun élément propre à réviser l'appréciation précitée, qui est
convaincante. Au contraire, l'abus du droit qu'il a commis au début des
débats en relation avec le droit à un défenseur la conforte. Le seul élément
concret que le recourant articule est le soupçon qu'on ait à tout prix voulu,
vu la "portée socio-politique" de la cause, "classer" le dossier au niveau
cantonal avant les élections fédérales de l'automne. Cela n'a rien à voir
avec la question de savoir s'il a suffisamment eu de temps à disposition pour
préparer sa défense.
Pour l'essentiel, il s'agissait de préparer la plaidoirie. Vu la
connaissance détaillée du dossier que possédait Me GG.________ et eu égard à
la déclaration d'appel circonstanciée déposée par celui-ci, un délai de trois
mois dès réception de la citation à comparaître respectivement de sept mois
dès le dépôt de la déclaration d'appel était suffisant pour ce faire. Le
grief est infondé.
5.- Le recourant se plaint d'une violation de l'art. 6 par. 3 let. c
CEDH pour violation du droit de se défendre ou d'avoir recours à un avocat;
dans sa motivation, il se plaint toutefois uniquement du fait qu'il ne lui a
pas été permis de se constituer un second défenseur.
Selon cette disposition, l'accusé a le droit à l'assistance d'un
défenseur (respectivement à une "legal assistance" selon le texte anglais
auquel se réfère le recourant). Selon une décision de la Commission euro-
péenne des Droits de l'Homme portant sur la limitation du nombre des
défenseurs, l'art. 6 par. 3 let. c CEDH, malgré son texte anglais plus
indéfini, accorde à l'accusé, pour autant que de besoin, le soutien "d'un"
professionnel indépendant ("assistance of an independent professional") afin
d'assurer le respect effectif du contradictoire (Décisions et rapports, vol.
14, n. 19, p. 89 et 114). Cette disposition ne donne donc pas un droit à être
assisté de plusieurs avocats et le droit national peut limiter leur nombre
(Theo Vogler, Internationaler Kommentar zur EMRK, art. 6 n. 519, p. 203;
Stefan Trechsel, Die Verteidigungsrechte in der Praxis zur EMRK, RPS 96/1979,
p. 358). Les passages de doctrine cités par le recourant ne disent pas autre
chose. Le grief est infondé dans la mesure où il est recevable.
Au surplus, il sied de relever que Me GG.________ a assumé seul la
défense du recourant jusqu'au dépôt de la déclaration d'appel, sans jamais
objecter qu'il n'était pas en mesure de le faire. Dès lors qu'il avait déposé
une déclaration d'appel détaillée, que le Ministère public n'avait pour sa
part pas recouru, que la Cour d'appel ne pouvait pas revoir, en défaveur du
recourant, des points non remis en cause dans sa déclaration de recours (art.
189 ch. 2 CPP/VS; Bulletin des séances du Grand Conseil du Canton du Valais,
séance du 27 janvier 1992, p. 36) et que le principe de l'interdiction de la
reformatio in pejus s'appliquait (art. 192 ch. 2 CPP/VS), il est manifeste
que la présence d'un second avocat aux côtés de Me GG.________ pour préparer
et présenter la plaidoirie devant la Cour d'appel n'était pas nécessaire.
6.- Le recourant se plaint d'une violation de l'art. 14 Pacte ONU II dès
lors qu'il ne lui a pas été permis de se défendre en ayant recours à un
avocat et de se constituer un second défenseur; il ne motive toutefois que le
second grief relatif au droit à un second avocat.
L'art. 14 par. 3 let. d Pacte ONU II garantit à l'accusé le droit à
avoir l'assistance d'un avocat. Cette disposition accorde une garantie
équivalente à celle découlant de l'art. 6 par. 3 let. c CEDH; il n'en découle
pas de droits plus larges (ATF 122 I 109 consid. 3c p. 114; 120 Ia 247
consid. 5b p. 255). Le grief est dès lors également infondé dans la mesure où
il est recevable.
7.- Pour le motif qu'il ne lui a pas été permis de se constituer un
second défenseur, le recourant invoque encore une violation de l'art. 4 aCst.
Le droit d'être entendu, garanti par l'art. 4 aCst., implique la
possibilité de mandater un défenseur (ATF 120 Ia 247 consid. 3a p. 250); à
cet égard, l'art. 32 al. 2 Cst. (entré en vigueur le 1er janvier 2000 [RO
1999 2555]) ne confère pas plus de droit (FF 1987 I 189). Mais il ne donne
pas un droit inconditionnel et illimité à se faire assister par plusieurs
défenseurs. Pour le motif déjà qu'un second défenseur n'était pas nécessaire
en l'espèce pour garantir une défense suffisante, l'art. 4 aCst. n'a pas été
violé. Les garanties procédurales qu'offre l'art. 4 aCst. ont d'ailleurs une
portée équivalente à celles des art. 6 CEDH et 14 Pacte ONU II (ATF 122 I 109
consid. 3c p. 114). Le grief est infondé.
Par ces motifs,
le Tribunal fédéral,
1. Rejette le recours dans la mesure où il est recevable.
2. Met un émolument judiciaire de 8'000 francs à la charge du recourant.
3. Communique le présent arrêt en copie aux mandataires du recourant, au
Ministère public du Valais central et à la Cour d'appel pénale du Tribunal
cantonal valaisan.
Lausanne, le 24 février 2000
Au nom de la Cour de cassation pénale
du TRIBUNAL FEDERAL SUISSE:
Le Président,
Le Greffier,