[AZA 3]
4P.296/1999
Ie C O U R C I V I L E
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2 mars 2000
Composition de la Cour: MM. Walter, président, Leu et Corboz,
juges. Greffier: M. Ramelet.
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Statuant sur le recours de droit public
formé par
Banque Edouard Constant S.A., à Genève, représentée par Me
Pierre-Louis Manfrini, avocat à Genève,
contre
l'arrêt rendu le 14 octobre 1999 par la Chambre d'appel de la
juridiction des prud'hommes du canton de Genève dans la cause
qui oppose la recourante à
Pierre Dejardin-Verkinder, à Genè-
ve, représenté par Me Marc Bonnant, avocat à Genève;
(art. 4 aCst.; droit d'être entendu, procédure civile)
Vu les pièces du dossier d'où ressortent
les
f a i t s suivants:
A.-
a) En 1979, Pierre Dejardin-Verkinder fut en-
gagé comme gestionnaire par la Banque Scandinave en Suisse
(ci-après: BSS; devenue le 27 septembre 1996 Banque Edouard
Constant S.A.). La BSS le nomma sous-directeur en avril 1982;
à cette occasion, le délai de dénonciation du contrat de tra-
vail du prénommé fut porté à six mois pour la fin d'un mois.
Nommé directeur général de la BSS dès 1991, Dejardin-
Verkinder assuma depuis 1994 la présidence du comité de di-
rection de l'établissement.
b) Le 19 mai 1992, Dejardin-Verkinder et la BSS
conclurent un contrat, rédigé en anglais, intitulé "Termina-
tion Agreement". La BSS passa des contrats identiques avec
les autres membres du comité de direction.
Après le préambule, dont la teneur était la sui-
vante:
" Attendu que la société souhaite stimuler ses cadres
et accroître ses moyens de retenir les membres
actuels de sa direction, et attendu que la société
souhaite récompenser le cadre pour les services
précieux et dévoués qu'il rend à la société, si le
contrat de travail du cadre devait être résilié aux
conditions décrites ci-dessous, et attendu que le
conseil d'administration considère par conséquent
qu'il est dans l'intérêt de la société et de ses
actionnaires de conclure des contrats de résilia-
tion avec certains cadres majeurs de la société et
attendu que le cadre est actuellement un membre dû-
ment élu du comité de direction, avec lequel le
conseil a dûment autorisé la société à conclure le
présent contrat, par conséquent, en vue d'assurer à
la société le dévouement soutenu du cadre et la
disponibilité de ses conseils si ces circonstances
se produisaient, et moyennant toute autre bonne et
valable contre-prestation, dont chaque partie accu-
se réception et qu'elle reconnaît appropriée, la
société et le cadre conviennent de ce qui suit",
la convention stipulait notamment les points suivants:
" 1. Portée du contrat.
1.1 Résiliation du contrat de travail
a. Les dispositions du paragraphe 2 des présentes dé-
ploieront leurs effets si le contrat de travail du
cadre est résilié à l'initiative de la société pour
d'autres motifs que le décès, l'invalidité et la
faute professionnelle. [...]
c. Aux fins des présentes: [...]
(III) "faute professionnelle" signifie:
i. la commission volontaire par le cadre d'un acte dé-
lictueux ou autre causant ou susceptible de causer
des dommages économiques à la société ou un tort
substantiel à sa réputation professionnelle
ii. la commission par le cadre d'un acte frauduleux
dans l'exercice de sa charge pour le compte de la
société
iii.le manquement continu et volontaire du cadre à
l'exécution de ses obligations en sa qualité de ca-
dre de la société (autre que tout manquement résul-
tant de l'invalidité du cadre en raison d'une mala-
die physique ou mentale), après que le conseil
d'administration aura adressé au cadre la notifica-
tion écrite d'un tel manquement (qui en précisera
raisonnablement les détails) et lui aura laissé la
possibilité d'être entendu et de réparer son man-
quement.
[...]
2. Paiements lors de la résiliation
Si la société résilie le contrat de travail du ca-
dre pour une raison autre que le décès, l'invali-
dité, la retraite ou la faute professionnelle du
cadre tels que décrits au paragraphe 1.1 [...]
a. la société versera au cadre, en rétribution des
services rendus, avant ou à la date de résiliation,
une somme forfaitaire en numéraire (soumise à toute
déduction ou imposition applicable devant être re-
tenue et calculée au taux appliqué pour les paie-
ments supplémentaires) égale à deux (2) fois la
moyenne de la rétribution annuelle du cadre payable
par la société.
b. le cadre aura droit aux "pensions spéciales de re-
traite" telles que prévues dans les présentes, de
sorte que la pension de retraite totale que le ca-
dre recevra de la société s'approchera de la pen-
sion de retraite totale que le cadre aurait reçue
au titre de tous les plans de retraite et autres
contrats de travail de la société auxquels le cadre
est partie si le cadre avait eu entièrement droit à
ces plans de retraite et à toutes les pensions
payables aux termes de ces autres contrats de tra-
vail et si le cadre avait continué à être employé
par la société pendant trente-six mois suivant la
date de résiliation ou jusqu'à la date de sa re-
traite, si celle-ci survenait plus tôt. Ces pen-
sions spéciales de retraite seront payables aux
moments et de la manière prévue dans les plans de
retraite et autres contrats de travail en vigueur
auxquels elles se réfèrent.
c. "rétribution annuelle" signifie le montant détermi-
né en prenant la rétribution annuelle moyenne en
numéraire, y compris l'indemnité de représentation
et la prime au mérite à court terme, reçue lors des
trois années immédiatement antérieures à la date de
résiliation. Les postes suivants, tels qu'utilisés
dans les présentes, ne font pas partie de la rétri-
bution annuelle: frais remboursés, tout versement
au titre de primes d'assurance ou autres contribu-
tions à d'autres plans de sécurité sociale ou de
pension. Pour la période 1992-1994, la prime spé-
ciale au mérite versée en 1992 pour l'exercice de
1991 sera comprise dans le calcul à raison d'un
tiers (1/3) du montant effectivement reçu.
3. Généralités
[...]
a. Pour une période de trois ans suivant la date de
résiliation, le cadre ne prendra, directement ou
indirectement, aucun engagement, intérêt ou parti-
cipation dans une organisation exerçant ses activi-
tés ou entrant en concurrence avec la société, tel-
le que définie par la société vis-à-vis de ses
clients au moment de la résiliation. Le cadre re-
connaît que la société est seule propriétaire de
toutes ses informations et convient de traiter ces
informations comme confidentielles pendant cette
période. Sans le consentement préalable par écrit
de la société, il ne divulguera aucune information
confidentielle à quiconque pour aucune raison ni à
aucune fin, ni n'utilisera des informations confi-
dentielles pour son propre intérêt ou au bénéfice
d'un tiers. Le cadre restituera tout matériel con-
tenant ces informations à la résiliation du contrat
de travail.
b. L'obligation de la société de verser au cadre sa
rétribution et d'effectuer les démarches décrites
dans les présentes est absolue et inconditionnelle
et ne sera modifiée en aucune circonstance. Sauf
comme prévu au paragraphe 3.a des présentes, tout
paiement versé au titre des présentes par la socié-
té sera définitif et la société ne cherchera pas à
exiger, pour quelque raison que ce soit, la resti-
tution de tout ou partie de ce paiement du cadre ou
de tout ayant droit.
[...]
e. Aux fins des présentes, "date de résiliation" si-
gnifie la date indiquée dans l'avis de résiliation,
qui ne sera pas plus de quatre-vingt-dix (90) jours
après que cet avis aura été adressé. Si, dans les
trente (30) jours suivant la date à laquelle l'avis
a été donné, la partie le recevant informe l'autre
partie de l'existence d'un litige, la date de rési-
liation sera la date à laquelle le litige sera dé-
finitivement déterminé, soit par consentement mu-
tuel par écrit des parties, ou par un jugement fi-
nal, une ordonnance ou un arrêt rendu par un tribu-
nal compétent [...]".
Le texte de l'art. 3.b de l'accord n'a pas été re-
produit dans l'arrêt cantonal. Il s'agissait d'une inadver-
tance manifeste qu'il y avait lieu de rectifier d'office
(art. 63 al. 2 in fine OJ).
c) A la fin 1993, le principal actionnaire de la
BSS, Scandinaviska Endskilda Banken (ci-après: la SEB), déci-
da de vendre sa participation dans la banque. La SEB et les
membres du comité de direction de la BSS convinrent alors
d'un accord dit "Incentive Agreement", prévoyant que ces der-
niers toucheraient une participation financière propor-
tionnelle au produit de la vente du capital-actions de la
banque. Afin de les assister dans la négociation avec la SEB,
les membres dudit comité de direction consultèrent l'avocat
Bernard Lachenal, dont la note d'honoraires, par 132 500 fr.,
fut réglée par le débit de la BSS, avec l'accord de l'action-
nariat de la banque. Dans le même cadre, les membres du comi-
té de direction mandatèrent le 10 mars 1994, après avoir ob-
tenu l'aval et du président du conseil d'administration de la
BSS et d'un représentant de la SEB, un consultant spécialisé,
SG Warburg & Co S.A.; la facture que ce consultant a établie,
arrêtée à 850 000 fr., fut honorée le 14 juillet 1994 par le
débit de la banque.
Le 30 mars 1994, la Fondation de famille Sandoz
acheta le capital-actions de la BSS. Le 4 mai 1994, la Fonda-
tion précitée, d'une part, et les membres du comité de direc-
tion de la BSS, d'autre part, conclurent une convention vi-
sant à constituer une société holding qui détiendrait 90% du
capital de la BSS, holding dont le 60 % des actions serait
détenu par la Fondation de famille Sandoz, le solde étant aux
mains du comité de direction. L'exécution de la convention
fut différée, en particulier en raison d'un différend survenu
à la suite de la vente à un tiers d'une filiale de la BSS, la
société Skandifinanz AG.
Peu après le rachat de la BSS, des tensions apparu-
rent entre le nouvel actionnaire et la direction de l'éta-
blissement, lesquelles s'amplifièrent au cours de l'année
1995 en raison des mauvais résultats financiers de la BSS.
Le 7 novembre 1994, Dejardin-Verkinder signa un ac-
cusé de réception du nouveau règlement du personnel de la
BSS, qui disposait notamment qu'après neuf ans de service, le
contrat de travail pouvait être résilié pour la fin d'un mois
moyennant un délai de congé de trois mois. Dans ce document,
il précisa que "conformément à la politique de la banque, (il
restait) bénéficiaire des droits acquis, en matière de vacan-
ces et de délai de congé".
Le litige relatif à Skandifinanz AG ayant été réso-
lu en février 1996, les membres du comité de direction priè-
rent la Fondation de famille Sandoz d'appliquer la convention
du 4 mai 1994. Il s'ensuivit entre mars et avril 1996 un
échange épistolaire peu amène, au terme duquel le conseil
d'administration de la BSS prit la décision de licencier no-
tamment Pierre Dejardin-Verkinder. La BSS convoqua ainsi le
prénommé le matin du 16 avril 1996 et lui proposa un arrange-
ment financier s'il mettait lui-même fin à son contrat de
travail. Devant le refus de l'intéressé, la BSS lui remit une
lettre de licenciement pour le 31 juillet 1996, laquelle lui
rappelait singulièrement ses devoirs de réserve et de non-
concurrence; Dejardin-Verkinder était libéré de son obliga-
tion de travailler avec effet immédiat, ses effets personnels
devant être retirés de son bureau le même jour avant midi.
Par l'entremise de son conseil, la BSS motiva le 2
mai 1996 la résiliation du contrat par "la rupture du rapport
de confiance nécessaire à une bonne coopération entre le con-
seil d'administration et la direction de la banque, causée
par (le comportement de son directeur général) ", repoussa le
terme du congé au 31 octobre 1996, offrit la somme de
1 225 351 fr. à titre d'indemnité calculée selon le "Termina-
tion Agreement", rappela la clause de non-concurrence insérée
dans cet accord et mit en demeure le travailleur de ne plus
chercher à flétrir la réputation de l'établissement. Par
courriers des 24 mai et 8 juillet 1996, Pierre Dejardin-
Verkinder contesta son licenciement; s'opposant à la prolon-
gation du délai de congé, il déclara que la clause de non-
concurrence du "Termination Agreement" était caduque et
chiffra à 3 468 432 fr. l'indemnité réclamée en vertu de
l'art. 2 de cet accord, correspondant à trois fois la moyenne
annuelle de la rétribution perçue lors des trois années ayant
précédé le congé (1 156 144 x 3).
d) Le 18 août 1996 selon la presse, le 1er septem-
bre 1996 selon ses dires, Dejardin-Verkinder a été nommé di-
recteur général de la Banque Piguet & Cie S.A.
Le 26 août 1996, la BSS a licencié Dejardin-
Verkinder avec effet immédiat, l'accusant d'avoir fait con-
currence directement à ladite banque auprès d'un établisse-
ment tiers avant la fin de son contrat de travail.
B.-
Le 16 septembre 1996, Pierre Dejardin-Verkin-
der a ouvert action contre la BSS devant la juridiction des
prud'hommes de Genève et a réclamé le montant total de
4 333 227 fr.50 plus intérêts à 5% dès le 16 juillet 1996;
cette somme se décompose comme il suit:
- 3 484 752 fr.30 à titre d'indemnité de départ selon le
"Termination Agreement" du 19 mai 1992;
- 348 475 fr.20 à titre de contribution de la BSS à la caisse
de prévoyance;
- 500 000 fr. à titre d'indemnité pour réparation du tort
moral.
La défenderesse a conclu à libération. Elle a formé
une reconvention tendant à ce que le demandeur soit condamné,
solidairement avec un autre cadre de la banque également con-
gédié sans délai, à lui verser 4 888 410 fr., soit,
- 850 000 fr. à titre de remboursement des honoraires de
SG Warburg & Co S.A.;
- 75 000 fr. au titre de remboursement partiel des honoraires
de l'avocat Lachenal;
- 170 000 fr. de dommages-intérêts pour débauchage
d'employés;
- 3 043 410 fr. comme dommages-intérêts pour perte de fonds
sous gestion, transférés à la Banque Piguet & Cie S.A.;
- 250 000 fr. représentant des dommages-intérêts pour déni-
grement;
- 500 000 fr. de dommages-intérêts pour actes de concurrence
directe illégaux.
En cours de procédure, la BSS a sollicité l'ouver-
ture d'une instruction complémentaire portant sur des faits
nouveaux, lesquels, à l'en croire, justifieraient encore
mieux a posteriori le congé signifié au demandeur; à ce ti-
tre, elle a requis l'audition de trois témoins supplémentai-
res. Le demandeur s'est opposé à l'ouverture d'une instruc-
tion sur ces faits, contestant du reste qu'il s'agisse de
nova.
La défenderesse a encore requis l'apport des pièces
saisies dans la procédure pénale dirigée contre le demandeur
en raison de l'établissement des factures de l'avocat Lache-
nal et de SG Warburg & Co S.A., procédure suspendue jusqu'à
droit connu sur le procès civil.
Par jugement du 30 juin 1998, le Tribunal des
prud'hommes de Genève a préalablement débouté la BSS de ses
conclusions tendant à l'apport des pièces saisies auprès de
SG Warburg & Co S.A. ainsi qu'à l'ouverture d'une instruction
sur faits nouveaux. Au fond, le Tribunal a rejeté tant la de-
mande principale que la reconvention.
Saisie d'un appel du demandeur et d'un appel inci-
dent de la défenderesse, la Chambre d'appel de la juridiction
des prud'hommes du canton de Genève, par arrêt du 14 octobre
1999, a annulé le jugement déféré, puis, statuant à nouveau,
condamné la Banque Edouard Constant S.A. à payer à Dejardin-
Verkinder la somme de 3 484 752 fr.30 plus intérêts à 5% dès
le 31 juillet 1996, dit que la Banque Edouard Constant S.A.
devra verser à l'institution de prévoyance désignée par le
demandeur le montant de 348 475 fr.20 avec intérêts à la même
date, débouté les parties de toute autre conclusion et invité
la partie qui en a la charge à opérer les déductions sociales
usuelles. En substance, l'autorité cantonale a préalablement
jugé que les pièces produites par les parties étaient suffi-
santes pour trancher le litige, de sorte qu'elle a considéré
qu'il ne se justifiait ni d'entendre trois nouveaux témoins,
ni d'ordonner l'apport de la procédure pénale susmentionnée.
Après avoir rappelé que l'indemnité prévue par le "Termina-
tion Agreement" ne pouvait être octroyée au demandeur s'il
pouvait se voir reprocher une faute professionnelle, elle a
retenu que les raisons invoquées d'emblée par la défenderes-
se, même considérées dans leur ensemble, ne suffisaient pas à
établir l'existence d'un quelconque manquement imputable au
travailleur. Quant aux éléments découverts après le licencie-
ment, qui prétendument justifieraient le congé, ils n'ont
nullement été établis. Les relations contractuelles entre
parties ont pris fin le 31 juillet 1996, a poursuivi la cour
cantonale, car la BSS est liée par sa déclaration de résilier
pour ce terme le contrat du travailleur, lequel n'a pas con-
senti à le voir repousser au 31 octobre 1996. Le demandeur
était donc libre dès le 1er août 1996 de s'engager au service
d'un autre employeur, de sorte qu'il n'a pas violé son obli-
gation de fidélité par sa prise d'emploi ultérieure auprès de
la Banque Piguet & Cie S.A. Comme la défenderesse n'avait pas
de motif justifié pour mettre un terme au contrat de travail
de son directeur général, la prohibition de concurrence con-
venue dans le "Termination Agreement" ne doit déployer aucun
effet. Le demandeur a ainsi droit au versement et de l'indem-
nité et de la pension de retraite prévues dans cet accord,
les montants articulés à ce titre n'ayant pas été contestés
par la BSS. En revanche, les circonstances de son licencie-
ment ne permettaient pas de lui accorder une indemnité pour
tort moral. Enfin, les juges cantonaux ont rejeté tous les
postes de la reconvention formée par la défenderesse, aucune
forme de responsabilité du travailleur à l'égard de son an-
cien employeur ne pouvant entrer en considération.
C.-
La BSS saisit le Tribunal fédéral parallèlement
d'un recours de droit public et d'un recours en réforme con-
tre l'arrêt précité. Dans le recours de droit public, elle
requiert l'annulation de la décision cantonale.
L'intimé conclut au rejet du recours, alors que la
cour cantonale se réfère aux considérants de son arrêt.
C o n s i d é r a n t e n d r o i t :
1.-
a) Conformément à la règle générale de l'art.
57 al. 5 OJ, il y a lieu de statuer d'abord sur le recours de
droit public.
b) Le recours de droit public au Tribunal fédéral
est ouvert contre une décision cantonale pour violation des
droits constitutionnels des citoyens (art. 84 al. 1 let. a
OJ).
L'arrêt rendu par la cour cantonale, qui est final,
n'est susceptible d'aucun autre moyen de droit sur le plan
fédéral ou cantonal dans la mesure où la recourante invoque
la violation directe d'un droit de rang constitutionnel, de
sorte que la règle de la subsidiarité du recours de droit
public est respectée (art. 84 al. 2, 86 al. 1 et 87 OJ). En
revanche, si la recourante soulève une question relevant de
l'application du droit fédéral, le grief n'est pas recevable,
parce qu'il pouvait faire l'objet d'un recours en réforme
(art. 43 al. 1 et 84 al. 2 OJ).
c) En instance de recours de droit public, le Tri-
bunal fédéral n'examine que les griefs exposés de manière
assez claire et détaillée pour qu'il puisse déterminer quel
est le droit constitutionnel dont l'application est en jeu.
Le recourant ne saurait se contenter de soulever de vagues
griefs ou de renvoyer aux actes cantonaux (ATF 122 I 70
consid. 1c; 121 IV 317 consid. 3b; 119 Ia 197 consid. 1d).
2.-
a) La recourante soutient que la cour canto-
nale a commis un déni de justice formel et violé son droit
d'être entendue en refusant d'examiner son argumentation
principale, qui peut se résumer comme suit: le "Termination
Agreement" revêtirait un caractère bilatéral en ce sens que
le paiement de l'indemnité prévue dans l'accord ne constitue-
rait pour le cadre licencié que la contrepartie de l'inter-
diction d'exercer une activité dans le domaine bancaire; il
suivrait de là que le travailleur qui entreprendrait une ac-
tivité concurrentielle perdrait son droit à l'indemnité, car
l'employeur serait en mesure d'invoquer l'exception de
l'inexécution (art. 82 CO).
b) Il y a déni de justice lorsqu'une autorité se
refuse à rendre une décision, alors qu'elle y est obligée
(ATF 124 V 130 consid. 4; 117 Ia 116 consid. 3a).
En l'espèce, il est manifeste que la cour cantonale
a statué sur toutes les conclusions prises devant elle, de
sorte qu'il n'y a pas trace d'un déni de justice au sens de
l'art. 4 aCst.
c) Lorsqu'elle invoque la violation de son droit
d'être entendue, la recourante se prévaut plus précisément du
droit pour tout justiciable à obtenir une décision motivée.
La jurisprudence a déduit du droit d'être entendu,
découlant de l'art. 4 aCst., le devoir pour l'autorité de mo-
tiver sa décision, afin que le destinataire puisse la com-
prendre, l'attaquer utilement s'il y a lieu et que l'autorité
de recours puisse exercer son contrôle (ATF 125 II 369 con-
sid. 2c; 124 II 146 consid. 2a; 124 V 180 consid. 1a; 123 I
31 consid. 2c; 123 II 175 consid. 6c). Il suffit cependant
que le juge mentionne, au moins brièvement, les motifs qui
l'ont guidé et sur lesquels il a fondé sa décision, de maniè-
re à ce que l'intéressé puisse se rendre compte de la portée
de celle-ci et l'attaquer en connaissance de cause (ATF 123 I
31 consid. 2c; 122 IV 8 consid. 2c). Il n'a pas l'obligation
d'exposer et de discuter tous les faits, moyens de preuve et
griefs invoqués par les parties, mais peut au contraire se
limiter à ceux qui, sans arbitraire, lui apparaissent perti-
nents (122 IV 8 consid. 2c; 121 I 54 consid. 2c et les arrêts
cités).
Déterminer si la motivation présentée est convain-
cante est une question distincte de celle du droit à un juge-
ment motivé. Dès lors que l'on peut discerner les motifs qui
ont guidé la décision des juges, le droit à une décision mo-
tivée est respecté, même si la motivation est erronée.
En l'espèce, la Chambre d'appel a admis que la dé-
fenderesse avait résilié le contrat de travail du demandeur
en l'absence de tout motif justifié, si bien que, conformé-
ment à l'art. 340c al. 2 CO, elle ne pouvait pas exiger le
respect de la prohibition de concurrence convenue dans le
"Termination Agreement". Comme l'intimé ne s'était au demeu-
rant rendu coupable d'aucune faute professionnelle telle que
l'entendait l'art. 1.1.c.III, l'indemnité prévue par la con-
vention est due. Cette motivation, parfaitement intelligible,
est évidemment suffisante pour comprendre les raisons pour
lesquelles la recourante a été condamnée à paiement. Il n'y a
ainsi pas eu de violation de son droit à recevoir une déci-
sion motivée.
Quant au point de savoir si l'art. 340c al. 2 CO a
été sainement appliqué par la Chambre d'appel, il s'agit
d'une question de droit fédéral qui ressortit à l'instance de
réforme, ce qui exclut qu'elle soit examinée par la voie sub-
sidiaire du recours de droit public (art. 84 al. 2 OJ).
S'agissant du "Termination Agreement" litigieux, la
cour cantonale n'a pas déterminé la volonté réelle des par-
ties; elle a interprété les clauses de l'accord selon le
principe de la confiance. Or, la détermination de la volonté
hypothétique des parties sur la base d'une interprétation ob-
jective est une question de droit, qui peut être réexaminée
dans un recours en réforme (ATF 125 III 305 consid. 2b p.
308, 435 consid. 2a/aa; 123 III 106 consid. 5a, 420 consid.
3a). La subsidiarité absolue du recours de droit public (art.
84 al. 2 OJ) ne permet donc pas que le problème soit discuté
dans la présente instance.
3.-
La recourante reproche à l'autorité cantonale
d'avoir violé l'art. 4 aCst. en ayant refusé d'administrer
des preuves complémentaires à propos d'un transfert de fonds
organisé par le demandeur, à la requête d'un avocat genevois,
au moyen d'un compte dénommé "Ariane". A l'en croire, ces
faits, dont elle aurait découvert l'existence après l'ouver-
ture du procès, justifieraient a posteriori le congé de
l'intimé. L'appréciation de la Chambre d'appel, qui a retenu
que l'opération "Ariane" avait un réel arrière-plan économi-
que, relèverait d'une "crédulité favorable aux allégations de
l'intimé... clairement incompatible avec les explications de
la banque". Et de se référer notamment aux déclarations ef-
fectuées par le demandeur le 10 juin 1999. Dès l'instant où
les transferts d'argent impliquant des sorties par caisse
sont des indices sérieux d'irrégularité, la suspicion de
blanchiment d'argent ne pouvait pas être écartée par une al-
légation de donation entre époux. Pour la recourante, le re-
fus de donner suite à sa demande d'ouverture de probatoires à
propos des nova précités, et singulièrement d'entendre le
gestionnaire qui a exécuté l'opération "Ariane" ainsi que le
responsable de l'inspectorat interne de la banque, résulte-
rait d'une appréciation anticipée arbitraire des preuves.
a) Selon la jurisprudence, une mesure probatoire
peut, sans violation de l'art. 4 aCst., être refusée sur la
base d'une appréciation anticipée des preuves, dans l'hypo-
thèse où le juge, compte tenu des éléments de preuve dont il
dispose déjà, parvient sans arbitraire à la constatation que
la preuve sollicitée, même si elle conduit à un résultat fa-
vorable au recourant, ne peut plus modifier sa conviction
(ATF 124 I 208 consid. 4a p. 211; 122 II 464 consid. 4a p.
469 et les arrêts cités).
b) En l'occurrence, la défenderesse a allégué que
le demandeur, contre l'avis d'un gestionnaire et après avoir
soumis le cas au comité de direction de la BSS, a autorisé, à
la requête d'un avocat genevois, le transfert de 33,6 mil-
lions du compte détenu par un client auprès d'une banque
tierce sur le compte "Ariane" ouvert par l'homme de loi à la
BSS. Ces fonds ont ensuite été sortis par caisse et déposés
sur un nouveau compte de la BSS avant d'être retransférés au-
près d'un autre compte à la banque tierce précitée.
Pour réfuter les reproches élevés à son encontre
par la recourante, l'intimé a déclaré, lors de l'audience
tenue 10 juin 1999, que la somme de 33,6 millions se trouvait
au départ sur un compte propriété de deux époux, que les
fonds ont été virés sur le compte de l'avocat en cause, puis
sont ressortis pour aboutir finalement sur le compte d'une
fondation propriété de la seule épouse. Le demandeur a soute-
nu que cette transaction avait pour base un acte de donation
entre époux, de sorte qu'aucun blanchiment d'argent ne serait
intervenu. A l'appui de sa version des faits, l'intimé a pro-
duit une déclaration de l'avocat genevois concerné, qui,
après avoir décrit le cheminement des fonds, a qualifié de
"fantaisiste" l'allégation de blanchiment.
Les juges cantonaux ont estimé qu'ils étaient suf-
fisamment renseignés sur ce transfert de fonds, lequel, ont-
ils ajouté, avait un réel arrière-plan économique.
A considérer les faits allégués par les deux par-
ties au sujet de l'opération "Ariane", la cour cantonale pou-
vait, sans arbitraire, admettre que l'audition des deux té-
moins proposés ne serait pas propre à modifier sa conviction,
déjà acquise en fonction de l'ensemble des pièces produites.
En effet, la recourante n'a même pas indiqué sur quels points
précis les témoins dont elle sollicitait la convocation de-
vaient être interrogés. La défenderesse n'a en outre donné
aucune explication pour étayer son soupçon que les fonds
ainsi transférés seraient d'origine criminelle. Que le ges-
tionnaire ait refusé dans un premier temps de prêter son
concours au transfert des fonds n'est nullement l'indice
qu'il y aurait eu blanchiment d'argent. Enfin, on ne voit pas
ce que l'audition du responsable de l'inspection interne à la
BSS pouvait amener dans ce contexte, dès lors que la recou-
rante n'a pas taxé d'arbitraire la constatation selon laquel-
le les contrôles internes et externes de la banque n'ont dé-
tecté aucune malversation.
Au vu de ce qui précède, la Chambre d'appel, en
confirmant le refus d'entendre les témoins proposés par la
défenderesse, n'a pas violé le droit d'être entendu de cette
dernière.
4.-
La recourante prétend que l'autorité cantonale
a appliqué arbitrairement les normes de la procédure civile
genevoise, qui régissent la question de savoir jusqu'à quel
stade du procès des allégations nouvelles peuvent être formu-
lées. A ses yeux, on ne pourrait lui faire grief d'avoir al-
légué tardivement les nova relatifs au transfert de fonds
évoqué ci-dessus. Du moment que seule l'enquête pénale dili-
gentée en mai 1997 a mis en lumière le caractère irrégulier
de l'opération favorisée par son ancien directeur général,
poursuit-elle, il serait manifeste que la BSS ne pouvait s'en
apercevoir par ses propres contrôles.
En l'espèce, par une appréciation anticipée des
preuves qui résiste, comme on l'a vu, au grief d'arbitraire,
la cour cantonale a estimé qu'il n'y avait pas lieu d'ordon-
ner de nouvelles mesures d'instruction à propos de l'opéra-
tion "Ariane" et que la requête de la défenderesse tendant à
l'audition de témoins supplémentaires pouvait être rejetée,
cela sans qu'il soit nécessaire de se prononcer sur le ca -
ractère de nova des faits allégués (c'est le Tribunal fédéral
qui souligne). Autrement dit, quoi qu'en pense la recourante,
les magistrats genevois n'ont pas fait application du droit
de procédure genevois régissant l'apport de nova pour rejeter
les conclusions préalables de la BSS. C'est dire que le
moyen, totalement déplacé, ne mérite pas plus ample examen.
5.-
En définitive, le recours doit être rejeté
dans la mesure de sa recevabilité. La valeur litigieuse étant
très largement supérieure à 20 000 fr., la procédure n'est
pas gratuite (cf. art. 343 al. 2 et 3 CO ). Les frais et dé-
pens doivent être mis à la charge de la recourante qui suc-
combe (art. 156 al. 1 et 159 al. 1 OJ).
Par ces motifs,
le Tribunal fédéral :
1. Rejette le recours dans la mesure où il est re-
cevable;
2. Met un émolument judiciaire de 17 000 fr. à la
charge de la recourante;
3. Dit que la recourante versera à l'intimé une in-
demnité de 20 000 fr. à titre de dépens;
4. Communique le présent arrêt en copie aux manda-
taires des parties et à la Chambre d'appel de la juridiction
des prud'hommes du canton de Genève.
_____________
Lausanne, le 2 mars 2000
ECH
Au nom de la Ie Cour civile
du TRIBUNAL FEDERAL SUISSE:
Le Président,
Le Greffier,