[AZA 3]
1P.761/1999
Ie C O U R D E D R O I T P U B L I C
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7 mars 2000
Composition de la Cour: MM. les Juges Aemisegger, Président,
Catenazzi et Favre. Greffier: M. Parmelin.
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Statuant sur le recours de droit public
formé par
Jaroslav S o t o r n i k, à Villette, représenté par Me
Marie-Gisèle Danthe, avocate à Lausanne,
contre
l'arrêt rendu le 8 novembre 1999 par le Tribunal administra-
tif du canton de Vaud, dans la cause qui oppose le recourant
à
Robert F r i e d r i c h, c/o Roth Reisen, case postale
544, à Köniz, à la
Commune de V i l l e t t e, représentée
par Me Jean-Michel Henny, avocat à Lausanne, et au
Départe -
ment des infrastructures du canton de V a u d;
(art. 4 aCst.; déni de justice)
Vu les pièces du dossier d'où ressortent
les
f a i t s suivants:
A.-
Robert Friedrich est propriétaire de la parcelle
n° 270 du registre foncier de la Commune de Villette; sis en-
tre le lac Léman et la route cantonale n° 780, ce bien-fonds
de 620 m2 est occupé par une petite villa de trois étages.
Deux terrasses s'ouvrent vers le sud, au rez-de-chaussée et
au premier niveau, la terrasse supérieure reposant sur trois
piliers massifs.
Du 19 avril au 8 mai 1996, Robert Friedrich a soumis
à l'enquête publique un projet tendant notamment à réaliser
une véranda vitrée sur ces deux terrasses. Ce projet a susci-
té l'opposition du propriétaire voisin, Jaroslav Sotornik,
que la Municipalité de Villette a levée par décision du 24
juin 1996. Statuant le 27 novembre 1996, le Tribunal adminis-
tratif du canton de Vaud (ci-après, le Tribunal administratif
ou la cour cantonale) a admis un recours formé par Jaroslav
Sotornik contre cette décision qu'il a annulée. Il a consi-
déré que la véranda litigieuse empiétait sur la limite des
constructions imposée par le plan partiel d'affectation "Les
Rives" en cours d'élaboration et approuvé depuis lors par le
Conseil d'Etat vaudois le 13 janvier 1998 (ci-après, le PPA
"Les Rives").
B.-
Du 28 mars au 18 avril 1997, Robert Friedrich a
soumis à l'enquête publique un nouveau projet de véranda au-
quel Jaroslav Sotornik s'est opposé en temps utile en invo-
quant la violation de diverses dispositions du PPA "Les
Rives", de la loi vaudoise sur l'aménagement du territoire et
des constructions (LATC) et de son règlement d'application.
Par décisions séparées du 9 septembre 1997, la Municipalité
de Villette a levé l'opposition de Jaroslav Sotornik; elle a
également imparti au constructeur un délai au 31 octobre 1997
pour démolir la partie de la véranda déjà construite qui dé-
bordait à l'ouest l'alignement de la façade nord-sud.
Jaroslav Sotornik et Robert Friedrich ont tous deux
recouru contre la décision les concernant auprès du Tribunal
administratif. Statuant par arrêt du 26 février 1998, cette
autorité a admis le recours formé par Jaroslav Sotornik et
annulé la décision de la Municipalité de Villette levant son
opposition pour le motif que les plans d'enquête n'avaient
pas été établis par un architecte, conformément aux exigences
de l'art. 106 LATC. Elle a déclaré sans objet le recours de
Robert Friedrich.
C.-
Le 28 mai 1998, Jaroslav Sotornik a invité la
Municipalité de Villette à ordonner la démolition de la vé-
randa aménagée par Robert Friedrich. Cette autorité a sus-
pendu toute décision à ce sujet dans l'attente de la mise à
l'enquête d'un nouveau projet conforme aux exigences légales.
Le 26 juin 1998, Jaroslav Sotornik est intervenu auprès de
l'autorité municipale pour se plaindre de travaux réalisés
sans autorisation par son voisin. Les 6 juillet et 14 septem-
bre 1998, il a déposé deux nouveaux recours auprès du Tribu-
nal administratif contre la Municipalité de Villette, le pre-
mier pour déni de justice, le second contre la décision prise
par cette dernière autorité le 25 août 1998 levant son oppo-
sition au nouveau projet de construction d'une véranda sur la
propriété de Robert Friedrich, mis à l'enquête publique du 19
juin au 8 juillet 1998.
Statuant par arrêt du 8 novembre 1999, le Tribunal
administratif a rejeté les recours après les avoir joints.
Il a considéré que la Municipalité de Villette n'avait pas
commis de déni de justice en refusant d'ordonner la démoli-
tion immédiate de la véranda litigieuse et en attendant la
mise à l'enquête publique du nouveau projet conforme aux exi-
gences légales. Il a écarté le recours dirigé contre la déci-
sion municipale levant l'opposition de Jaroslav Sotornik en
se référant aux considérations émises dans ses arrêts du 27
novembre 1996 et du 26 février 1998.
D.-
Agissant par la voie du recours de droit public
pour violation de l'art. 4 aCst., Jaroslav Sotornik demande
au Tribunal fédéral d'annuler cet arrêt. Il reproche au Tri-
bunal administratif d'avoir commis un déni de justice en fai-
sant siennes les déterminations de la Municipalité de Vil-
lette et en écartant ses arguments sans les examiner. Il dé-
nonce une interprétation arbitraire des règles cantonales sur
la police des constructions et des dispositions du PPA "Les
Rives".
Le Tribunal administratif conclut au rejet du re-
cours. Robert Friedrich demande au Tribunal fédéral de "dé-
clarer le recours non valable", avec suite de frais et dé-
pens, et de délivrer définitivement l'autorisation de cons-
truire. Le Département des infrastructures du canton de Vaud
a renoncé à déposer des observations.
E.-
Par ordonnance du 27 janvier 2000, le Président
de la Ie Cour de droit public a admis la requête d'effet sus-
pensif présentée par Jaroslav Sotornik.
C o n s i d é r a n t e n d r o i t :
1.-
Le Tribunal fédéral examine d'office et libre-
ment la recevabilité des recours qui lui sont soumis (ATF 125
I 412 consid. 1a p. 414; 125 II 497 consid. 1a p. 499; 125
III 461 consid. 2 p. 463 et la jurisprudence citée).
a) En vertu de l' art. 34 al. 1 et 3 LAT , seule la
voie du recours de droit public est ouverte contre l'octroi
d'un permis de construire en zone à bâtir dans la mesure où
le recourant fait essentiellement valoir des griefs tirés du
droit de l'aménagement du territoire (cf. ATF 123 II 88 con-
sid. 1a/cc p. 92 et les arrêts cités).
b) En matière d'autorisation de construire, le Tri-
bunal fédéral reconnaît la qualité pour recourir au voisin
selon l'art. 88 OJ s'il invoque la violation de dispositions
du droit des constructions qui sont destinées à le protéger
ou qui ont été édictées à la fois dans l'intérêt public et
dans celui des voisins. Il doit en outre se trouver dans le
champ de protection des dispositions dont il allègue la vio-
lation et être touché par les effets prétendument illicites
de la construction litigieuse (ATF 121 I 267 consid. 2 p. 268
et les arrêts cités). La qualité pour recourir par la voie du
recours de droit public s'appréciant uniquement sous l'angle
de l'art. 88 OJ, il importe peu que la qualité de partie lui
ait été reconnue dans la procédure cantonale (ATF 123 I 279
consid. 3b p. 280; 120 Ia 369 consid. 1a p. 371; 118 Ia 112
consid. 2a p. 116; 117 Ia 18 consid. 3b p. 20). Enfin, il in-
combe au recourant d'alléguer les faits qu'il considère comme
propres à fonder sa qualité pour recourir (ATF 120 Ia 227
consid. 1 p. 229).
Le recourant prétend que la véranda litigieuse ne
constituerait pas un agrandissement de peu d'importance au
sens de l'art. 4 al. 1 PPA "Les Rives" et qu'elle ne respec-
terait pas les distances minimales fixées par l'art. 5 PPA
"Les Rives" par rapport à la limite de propriété voisine,
aggravant ainsi l'atteinte à la réglementation en vigueur.
Selon la jurisprudence constante du Tribunal fédé-
ral, les règles relatives à la distance aux limites sont en
principe également destinées à la protection des intérêts
privés du voisin, dans la mesure où elles sont de nature à
affecter les possibilités d'utilisation de sa propriété ou à
engendrer des nuisances. Il en va de même des prescriptions
relatives aux dimensions des bâtiments et à la densité des
constructions, qui sont des règles mixtes (cf. ATF 118 Ia 232
consid. 1b p. 235; 117 Ia 18 consid. 3b p. 20; 115 Ib 456
consid. 1e p. 462 et les arrêts cités; voir aussi ZBl 89/1988
p. 267 consid. 1a). Le recourant se trouve donc dans le champ
d'application des dispositions qu'il invoque. Cela ne suffit
toutefois pas pour lui reconnaître la qualité pour agir; en-
core faut-il qu'il soit effectivement touché par les irrégu-
larités dont il se prévaut.
En l'espèce, la véranda litigieuse prendrait place
sur deux terrasses existantes au sud, au rez-de-chaussée et
au premier étage de la villa du constructeur; elle ne serait
pas visible depuis le bâtiment du recourant qui se trouve en
retrait de la villa, au nord-ouest de celle-ci; la violation
alléguée des règles sur les distances aux limites de proprié-
té et l'aggravation de l'atteinte portée à la réglementation
en vigueur que causerait l'agrandissement de la surface habi-
table n'auraient donc pas de répercussion sensible sur la vue
ou l'ensoleillement dont le recourant bénéficierait si la
construction respectait les distances aux limites fixées par
le PPA "Les Rives" et les dimensions prévues à l'art. 4 al. 1
PPA "Les Rives". Celui-ci n'établit pas non plus, comme il
lui appartenait de le faire (cf. ATF 120 I 227 précité), être
de toute autre manière atteint concrètement par les irrégula-
rités qu'il dénonce. Le recours est donc irrecevable en tant
qu'il porte sur une interprétation arbitraire des règles can-
tonales sur la police des constructions et sur le PPA "Les
Rives".
c) Même s'il n'a pas qualité pour agir au fond, un
citoyen peut se plaindre de la violation d'une garantie de
procédure qui équivaut à un déni de justice formel. Dans un
tel cas, l'intérêt juridiquement protégé exigé par l'art. 88
OJ découle non pas du droit de fond, mais du droit de parti-
ciper à la procédure. Le recourant peut alors se prévaloir
des droits de partie que lui reconnaît le droit cantonal ou
qui sont reconnus directement par l'art. 4 aCst. (ATF 123 I
25 consid. 1 p. 26/27; arrêt du 18 novembre 1994 dans la
cause B. contre Tribunal administratif du canton de Vaud,
paru à la RDAF 1995 p. 290 consid. 1b p. 291). Dans ce cadre,
il peut notamment faire valoir que son recours a été déclaré
à tort irrecevable, qu'il n'a pas été entendu, qu'on ne lui a
pas donné l'occasion de présenter ses moyens de preuve ou
qu'il n'a pas pu prendre connaissance du dossier. Il ne sau-
rait en revanche se plaindre ni de l'appréciation des preu-
ves, ni du rejet de ses propositions si l'autorité retient
que les preuves offertes sont impropres à ébranler sa convic-
tion. Une telle décision, fondée sur une appréciation antici-
pée des preuves, ne porte en effet pas sur les droits procé-
duraux du requérant, mais sur la constatation des faits (ATF
120 Ia 220 consid. 2a p. 222, 227 consid. 1 p. 230 et les
arrêts cités). De même, celui-ci ne peut soutenir que la dé-
cision attaquée serait insuffisamment motivée ou que les ar-
guments développés dans son recours auraient été insuffisam-
ment réfutés. De tels griefs ne peuvent en effet être séparés
de l'examen du fond, de sorte que celui qui n'a pas qualité
pour recourir au fond ne peut pas les invoquer (ATF 117 Ia 90
consid. 4a p. 95).
En l'occurrence, le recourant reproche à l'autorité
intimée d'avoir commis un déni de justice et violé son obli-
gation de motiver ses décisions, en faisant siennes les dé-
terminations de la Municipalité de Villette et en écartant
ses arguments sans les examiner. Il perd toutefois de vue
que, pour satisfaire à cette exigence, le juge n'est pas tenu
de rendre une décision motivée sur tous les faits, moyens de
preuve et griefs invoqués par les parties, mais peut au con-
traire se limiter à ceux qui, sans arbitraire, apparaissent
pertinents (cf. ATF 121 I 54 consid. 2c p. 57 et les arrêts
cités). L'autorité qui ne se prononce pas sur un grief
qu'elle tient de manière soutenable pour dénué de toute per-
tinence ne commet donc pas un déni de justice. Il en va de
même de l'autorité qui se réfère à la motivation rendue dans
un précédent arrêt divisant les mêmes parties (cf. ATF 123 I
31 consid. 2c p. 34; arrêt du 18 mai 1995 dans la cause V.
contre Tribunal cantonal du canton du Valais, paru à la RVJ
1996 p. 48 consid. 2b p. 49). Dans la mesure où ces questions
ne peuvent être résolues sans examiner le fond du litige, que
le recourant n'est pas habilité à mettre en cause fût-ce de
manière indirecte, le Tribunal fédéral ne saurait entrer en
matière sur ce point.
2.-
Le recours doit par conséquent être déclaré ir-
recevable, aux frais du recourant qui succombe ( art. 156 al.
1, 153 et 153a OJ ). Ce dernier versera une indemnité de dé-
pens à la Commune de Villette qui obtient gain de cause avec
l'assistance d'un avocat (art. 159 al. 1 OJ). Robert
Friedrich, qui agit seul, prétend à des dépens; ceux-ci ne
pourraient lui être accordés que pour les frais engendrés par
la procédure de recours devant le Tribunal fédéral, à la
condition qu'ils soient clairement établis (cf. ATF 113 Ib
353 consid. 6b p. 356/357). Or, l'état de frais que l'intimé
a déposé à l'appui de ses observations se rapporte exclusive-
ment à des frais encourus dans le cadre de la procédure can-
tonale de recours. Dans ces conditions, il n'y a pas lieu de
lui allouer des dépens.
Par ces motifs,
l e T r i b u n a l f é d é r a l :
1. Déclare le recours irrecevable;
2. Met un émolument judiciaire de 1'500 fr. à la
charge du recourant;
3. Dit que le recourant versera une indemnité de
500 fr. à la Commune de Villette, à titre de dépens;
4. Communique le présent arrêt en copie aux parties,
ainsi qu'au Département des infrastructures et au Tribunal
administratif du canton de Vaud.
_______________
Lausanne, le 7 mars 2000
PMN/col
Au nom de la Ie Cour de droit public
du TRIBUNAL FEDERAL SUISSE:
Le Président,
Le Greffier,