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Original
 
[AZA 0]
5A.19/1999
IIe COUR CIVILE
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13 mars 2000
Composition de la Cour: M. Reeb, Président, Mme Nordmann et M. Merkli, Juges. Greffière: Mme Bruchez.
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Statuant sur le recours de droit administratif
formé par
E.________, représenté par Me Pierre Christe, avocat à Delémont,
contre
l'arrêt rendu le 15 septembre 1999 par la Chambre administrative du Tribunal cantonal du canton du Jura dans la cause qui oppose le recourant à G.________, représenté par Me Jean- Marie Allimann, avocat à Delémont.
(art. 60 al. 2 let. b LDFR)
Vu les pièces du dossier d'où ressortent
les faits suivants:
A.- Le 13 juillet 1989, E.________, dessinateur sur machines, et G.________, agriculteur, ont acquis en propriété commune, sous la forme d'une société simple, l'entreprise agricole de la Métairie des B.________. Celle-ci comprend les parcelles 374 (habitation, grange, écurie, garage, assise, aisance, terrain, pâturage et forêt d'une contenance de 13,09 hectares) et 375 (forêt d'une surface de 1,56 hectare) du ban de X.________ ainsi que la parcelle 563 (terrain et forêt d'une superficie de 21 ha 73 a 55 ca) du ban de Y.________.
Les acquéreurs ont passé, le 19 octobre 1990, un contrat de société simple qui attribue notamment à E.________ la jouissance exclusive des terrains, forêts et bâtiments dessinés en jaune sur le plan de situation du 22 mars 1990 et à G.________ celle des terrains et forêts dessinés en rouge.
Le même jour, ils ont signé une promesse de vente aux termes de laquelle G.________ et E.________ s'engageaient réciproquement à acheter et vendre la surface dessinée en rouge, respectivement le feuillet 375 et la surface dessinée en jaune.
Par décision du 6 février 1997, la Juge administrative de district a rejeté une requête de E.________ et
G._________ tendant en résumé à l'octroi d'une autorisation de morcellement des immeubles 374 et 563, et de partage matériel de leur entreprise agricole.
Le 6 septembre suivant, E.________ et son épouse ont résilié le contrat de société simple avec effet au 31 mars 1998.
Une procédure introduite le 13 octobre 1998 par E.________ en vue de la modification du jugement du 6 février 1997 est devenue sans objet à la suite d'une nouvelle requête.
B.- Le 28 avril 1999, E.________ a en effet pris, sous suite de frais et dépens, le chef de conclusions suivant, fondé sur l'art. 60 al. 2 LDFR, entré en vigueur le 1er janvier 1999:
"Autoriser le morcellement des immeubles feuillets 374 du ban de X.________ et 563 du ban de Y.________, pour autant que cela concerne la sortie des terrains et forêts faisant l'objet du projet de mutation [...] du 14 avril 1998, d'une surface totale de 11.49 hectares, le solde de la surface, de 23 ha, restant la propriété de M. E.________. "
La Juge administrative du district de Delémont a rejeté cette demande le 19 mai 1999.
Statuant le 15 septembre 1999, la Chambre administrative du Tribunal cantonal jurassien a rejeté le recours interjeté par E.________ contre ce jugement.
C.- E.________ forme un recours de droit administratif contre cet arrêt. Il reprend, principalement, les conclusions formulées dans sa requête du 28 avril 1999 et, conclut, subsidiairement, au renvoi de la cause à l'autorité cantonale pour nouvelle décision dans le sens des considérants.
Il sollicite en outre l'octroi de l'assistance judiciaire.
G.________ propose le rejet du recours. L'autorité cantonale ne formule pas d'observations. L'Office fédéral de la justice est d'avis que le recours doit être rejeté dans la mesure de sa recevabilité.
Considérant en droit :
1.- a) L'arrêt de la Chambre administrative du Tribunal cantonal jurassien statuant sur le recours de E.________ est une décision au sens de l'art. 5 de la loi fédérale sur la procédure administrative (PA; RS 172. 021); prononcé en dernière instance cantonale (art. 15 de l'Ordonnance introductive à la loi fédérale du 14 octobre 1991 sur le droit foncier rural, du 21 décembre 1993; RS JU 215. 124.1), il peut faire l'objet d'un recours de droit administratif au Tribunal fédéral (art. 97 al. 1 et 98 let. g OJ), dès lors qu'un tel recours n'est pas exclu par les art. 99 à 102 OJ. L'art. 89 LDFR prévoit d'ailleurs expressément cette voie de droit contre les décisions sur recours prises par les autorités cantonales de dernière instance au sens de l'art. 88 al. 1 et 90 let. f LDFR. Déposé en temps utile, le recours est aussi recevable au regard de l'art. 106 al. 1 OJ.
b) La question de savoir si le recourant - qui forme une société simple avec l'intimé -peut agir seul souffre de demeurer indécise, le recours étant de toute façon malfondé pour les motifs qui suivent.
2.- Les juges cantonaux ont relevé que les deux fils de l'intimé désirent reprendre l'exploitation agricole litigieuse. Cette constatation lie le Tribunal fédéral saisi d'un recours de droit administratif dirigé contre la décision d'une autorité judiciaire, faute pour le recourant de faire valoir que ce fait serait manifestement inexact ou aurait été établi au mépris de règles essentielles de procédure (art. 105 al. 2 en relation avec l'art. 104 let. b OJ). Se référant à un acte cantonal, le recourant se contente en effet d'affirmer que les intéressés n'ont jamais prétendu vouloir acquérir sa maison d'habitation ainsi que les terres attenantes et une partie des forêts. Or, une telle motivation est insuffisante (ATF 113 Ib 287).
3.- En premier lieu, la Chambre administrative a rejeté la demande d'autorisation de partage matériel de l'entreprise agricole, motif pris de son caractère prématuré. En second lieu, elle a considéré que la requête ne serait pas plus fondée si elle devait entrer en matière, les conditions de l'art. 60 al. 2 let. b LDFR n'étant pas remplies en l'espèce. L'arrêt querellé repose donc sur une double motivation; le recourant s'en prend à chacune d'elles, comme l'exige la jurisprudence constante (ATF 121 IV 94 consid. 1b p. 95; 119 Ia 13 consid. 2 p. 16 et la jurisprudence citée). De ce point de vue, son recours est dès lors recevable.
4.- Le recourant prétend que les conditions de l'art. 60 al. 2 let. b LDFR ne sont pas remplies. Les fils de l'intimé ne seraient pas au bénéfice d'un droit de préemption, le partage d'une société simple ne constituant pas un cas de préemption. Ils ne seraient par ailleurs pas titulaires d'un droit d'attribution, dès lors qu'aucune succession n'est ouverte. En d'autres termes, les personnes, dont la renonciation à exploiter personnellement l'entreprise conditionne l'octroi de l'autorisation de partage, seraient uniquement celles énumérées par la disposition litigieuse pour autant qu'elles puissent concrètement faire valoir un droit de préemption ou un droit d'attribution sur l'exploitation.
a) Selon l'art. 60 al. 2 LDFR, entré en vigueur le 1er janvier 1999 (RO 1998 3009, 3011), l'autorité permet une exception à l'interdiction de partage matériel posée à l'art. 58 LDFR lorsque trois conditions sont remplies cumulativement (Müller/Schmid-Tschirren, Kommentar zum Bundesgesetz über das bäuerliche Bodenrecht vom 4. Oktober 1991, Ergänzung des Kommentars zufolge der Teilrevision vom 26. Juni 1998, in Communications de droit agraire 1999, p. 75 et la référence au Bulletin officiel du Conseil des Etats; Schmid-Tschirren, Teilrevision des landwirtschaftlichen Bodenrechts, RJB 1999, p. 152): le partage matériel sert principalement à améliorer les structures d'autres entreprises agricoles (let. a); le conjoint qui a exploité l'entreprise avec le propriétaire approuve le partage matériel (let. c); aucun parent titulaire d'un droit de préemption ou d'un droit à l'attribution n'entend reprendre l'entreprise agricole pour l'exploiter à titre personnel et aucune autre personne qui pourrait demander l'attribution dans le partage successoral (art. 11, 2e al.) ne veut reprendre l'ensemble de l'entreprise pour l'affermer (let. b). Cette dernière lettre - dont le recourant soutient que les conditions ne seraient pas remplies en l'espèce - reprend textuellement, en ce qui concerne les personnes dont la renonciation est nécessaire à l'octroi de l'autorisation, l'art. 60 al. 1 let. e du projet de loi (FF 1996 IV p. 391). On peut donc se référer sur ce point au message du Conseil fédéral (FF 1996 IV p. 384), selon lequel le cercle des parents comprend les personnes qui, en cas d'aliénation de l'entreprise, seraient titulaires d'un droit de préemption sur cette dernière et qui, en cas de mort du propriétaire, pourraient en réclamer l'attribution ou faire valoir sur elle un droit d'emption (enfants, petits-enfants, frères et soeurs, enfants des frères et soeurs) (cf. aussi: Müller/ Schmid-Tschirren, ibidem; Schmid-Tschirren, op. cit. , p. 152 s., note 47). Il est ainsi manifeste que le législateur n'a pas entendu viser les parents qui peuvent faire valoir concrètement, dans le cadre du partage envisagé, leur droit de préemption ou leur droit d'attribution sur le domaine en question, mais tous ceux qui, dans l'hypothèse d'une aliénation de ce dernier ou du décès du propriétaire, pourraient respectivement exercer un droit de préemption ou prétendre à une attribution.
b) En cas d'aliénation d'une entreprise agricole, les descendants ont un droit de préemption pour autant qu'ils entendent exploiter eux-mêmes le domaine et qu'ils en paraissent capables (art. 42 al. 1 ch. 1 LDFR). Quand l'entreprise agricole à aliéner appartient à plusieurs propriétaires, notamment en propriété commune, le droit de préemption peut aussi être exercé lorsque le rapport de parenté qui fonde ce droit n'existe que pour l'un des propriétaires (art. 45 LDFR; sur la portée de cette norme: FF 1988 III p. 961 s. ad art. 46 et l'arrêt cité). S'il existe dans une succession une entreprise agricole, tout héritier peut en demander l'attribution dans le partage successoral lorsqu'il entend l'exploiter lui-même et en paraît capable (art. 11 al. 1 LDFR). Par ailleurs, en cas de participation, transmissible par succession, à des rapports de propriété commune, il peut demander la part du défunt, aux conditions auxquelles il pourrait invoquer l'attribution de l'entreprise agricole (art. 14 al. 1 LDFR).
En l'espèce, les deux fils de l'intimé auraient, dans l'hypothèse d'une aliénation de l'exploitation agricole litigieuse, un droit de préemption et, dans celle du décès de leur père, un droit à l'attribution. Il est en effet établi qu'ils désirent exploiter personnellement le domaine litigieux - condition également posée par l'art. 60 al. 2 let. b LDFR - et qu'ils en paraissent capables, dès lors qu'ils exploitent depuis 1996 trois domaines repris de leur père. Le recourant ne conteste d'ailleurs pas la capacité des intéressés de s'occuper de l'entreprise agricole. Dans ces circonstances, c'est à juste titre que l'autorité cantonale a jugé que les conditions de l'art. 60 al. 2 let. b LDFR n'étant pas remplies. Le rejet du recours se justifie pour ce premier motif déjà; point n'est donc besoin d'examiner la seconde motivation de la cour cantonale fondée sur le caractère prématuré de la requête d'autorisation.
5.- Vu ce qui précède, le recours doit être rejeté dans la mesure où il est recevable. Cette issue de la procédure étant d'emblée prévisible, la demande d'assistance judiciaire du recourant ne peut être admise (art. 152 al. 1 OJ). Les frais de justice seront supportés par le recourant, qui succombe (art. 156 al. 1 OJ); celui-ci versera en outre à l'intimé une indemnité à titre de dépens (art. 159 al. 1 et 2 OJ).
Par ces motifs,
le Tribunal fédéral :
vu l'art. 36a OJ:
1. Rejette le recours, dans la mesure où il est recevable.
2. Rejette la demande d'assistance judiciaire du recourant.
3. Met à la charge du recourant:
a) un émolument judiciaire de 1'500 fr.;
b) une indemnité de 1'500 fr. à verser à l'intimé à titre de dépens.
4. Communique le présent arrêt en copie aux mandataires des parties, à la Chambre administrative du Tribunal cantonal du canton du Jura et au Département fédéral de justice et police (Office fédéral de la justice, Division principale du droit privé).
________
Lausanne, le 13 mars 2000
BRU/frs
Au nom de la IIe Cour civile
du TRIBUNAL FÉDÉRAL SUISSE,
Le Président,
La Greffière,