[AZA 0]
5C.230/1999
IIe COUR CIVILE
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21 mars 2000
Composition de la Cour: MM. les Juges Reeb, président, Raselli et Gardaz, juge suppléant. Greffier: M. Fellay.
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Dans la cause civile pendante
entre
P.________, défendeur et recourant, représenté par Me Jean- Claude Morisod, avocat à Fribourg,
et
Dame P.________, demanderesse et intimée, représentée par Me René Schneuwly, avocat à Fribourg;
(divorce)
Vu les pièces du dossier d'où ressortent
les faits suivants:
A.- P.________, né le 28 janvier 1947, et dame K.________, née le 11 avril 1946, se sont mariés le 12 mars 1970. Deux enfants sont issus de cette union: Alexandre, né le 5 juin 1972, et Emmanuelle, née le 2 avril 1975.
B.- Par jugement du 18 octobre 1994, le Tribunal civil de l'arrondissement du Lac a prononcé le divorce des époux, confié l'autorité parentale sur l'enfant Emmanuelle à la mère tout en prévoyant un droit de visite en faveur du père, astreint ce dernier à contribuer à l'entretien de sa fille par le versement d'une pension mensuelle de 430 fr., allocations familiales en plus, et de son épouse par le versement d'une rente mensuelle viagère de 450 fr., montant indexé mais qui devait être réduit à 200 fr. dès le moment où la bénéficiaire toucherait les prestations de vieillesse de l'AVS, et liquidé le régime matrimonial.
Statuant le 11 juin 1999 sur appel du mari et appel joint de l'épouse, le Tribunal cantonal fribourgeois a réformé le jugement de première instance sur deux points: d'une part, il a condamné le mari à verser à sa femme une contribution d'entretien mensuelle de 300 fr., dont il pourrait déduire le montant de la rente complémentaire de l'assurance-invalidité que la crédirentière percevait directement pour elle-même; d'autre part, il a ordonné à la Banque cantonale de Fribourg de verser, par prélèvement sur le compte épargne-prévoyance du mari, la somme de 38'174 fr. 90 sur le compte de l'épouse auprès de la Fondation de prévoyance des paroisses et institutions catholiques. Il a confirmé le jugement attaqué pour le surplus.
C.- Le mari exerce un recours en réforme au Tribunal fédéral en concluant à ce qu'il ne soit contraint de verser la contribution d'entretien à son épouse que jusqu'à ce qu'il atteigne l'âge de la retraite au sens de l'art. 21 al. 1 let. a LAVS, actuellement fixé à 65 ans.
L'épouse conclut au rejet du recours dans la mesure de sa recevabilité.
Les parties sollicitent l'octroi de l'assistance judiciaire.
Considérant en droit :
1.- a) Lorsque seule est encore litigieuse en instance de réforme la rente en faveur de l'épouse, il s'agit d'une contestation civile de nature pécuniaire (ATF 116 II 493 consid. 2b p. 495/496 et les arrêts cités). En l'occurrence, les droits contestés dans la dernière instance cantonale atteignent 8'000 fr. (art. 46 OJ). Interjeté en temps utile contre une décision finale rendue par le tribunal suprême du canton, le recours est aussi recevable au regard des art. 48 al. 1 et 54 al. 1 OJ.
b) Ayant contesté le principe de la contribution d'entretien dans la procédure d'appel, le recourant ne prend pas une conclusion nouvelle, mais une conclusion réduite, en demandant la limitation de la contribution dans le temps. L'interdiction des conclusions nouvelles (art. 55 al. 1 let. b in fine OJ) est donc respectée.
2.- Un seul point est litigieux: celui de la durée de la rente allouée à l'intimée. Le recourant reproche à la Cour d'appel cantonale de ne pas avoir examiné cette question et de n'avoir pas limité le paiement de ladite rente jusqu'au moment où il percevrait une rente de vieillesse en lieu et place de la rente invalidité.
a) Selon l'art. 7b al. 3 Tit. fin. CC, dans sa teneur du 26 juin 1998, le Tribunal fédéral applique l'ancien droit lorsque, comme en l'espèce, la décision attaquée a été prononcée avant le 1er janvier 2000, date d'entrée en vigueur de la novelle du 26 juin 1998 (RO 1999, p. 1142).
b) La contestation de la rente (art. 151 al. 1 aCC comprenant implicitement une conclusion en limitation de la rente dans le temps (ATF 115 II 6 consid. 7 p. 15), l'autorité cantonale devait d'office examiner cette question.
c) Selon l'art. 151 al. 1 aCC, l'époux innocent dont les intérêts pécuniaires, même éventuels, sont compromis par le divorce a droit à une équitable indemnité de la part du conjoint coupable. La rente vise à compenser le dommage subi du fait du divorce, notamment la perte du droit à l'entretien, dans la mesure où l'on ne peut attendre du conjoint innocent qu'il l'assure par ses propres revenus (ATF 116 II 103 consid. 2c p. 106, 115 II 6 consid. 3b p. 9, 110 II 225 consid. 5 p. 227, 108 II 25 consid. 3a p. 29 et 81, 105 III 50 consid. 4 p. 54), des espérances successorales (ATF 116 II 103 consid. 2 p. 105, 108 II 25 consid. 3a p. 29) et des prétentions découlant des assurances sociales, notamment de la prévoyance professionnelle (ATF 124 III 52 consid. 2b aa p.
55; 121 III 297 consid. 4b p. 299 s., 116 II 101).
Le juge du divorce doit, autant que faire se peut, fixer de manière durable et définitive le montant de la pension; il doit tenir compte non seulement des circonstances qui existent déjà au moment du divorce, mais également des circonstances futures déjà certaines ou fort probables (ATF 120 II 4 s.; 96 II 301 consid. 5a p. 303; Hinderling/Steck, Das schweizerische Ehescheidungsrecht, 4e éd., p. 300/301 et les références citées), en l'occurrence la mise à la retraite des parties. Alors que le tribunal de première instance a tranché la question de la durée de la rente, la Cour d'appel a omis de le faire en deuxième instance. Il lui incombait pourtant d'examiner d'office s'il se justifiait de limiter dans le temps la rente allouée selon l'art. 151 al. 1 CC (ATF 111 II 305). On ignore tout, en l'espèce, de la situation financière des époux à partir de leur retraite, alors que leur âge n'est pas tel qu'il dispensait la Cour d'appel d'examiner des éléments comme la faculté contributive du recourant dès l'âge de la retraite, compte tenu notamment de la rente LPP calculée sur son avoir de prévoyance après transfert d'une partie de sa prestation de sortie, et les besoins de l'intimée, compte tenu de la rente AVS qu'elle percevra ainsi que de la rente LPP calculée en fonction de son propre avoir de prévoyance et de la part qui lui a été transférée, étant précisé à cet égard que les données pertinentes peuvent être obtenues auprès des caisses de compensation AVS et des institutions de prévoyance (Hinderling/Steck, op. cit. , p. 337).
Dans ces conditions, la décision attaquée doit être annulée en application de l'art. 64 al. 1 OJ et l'affaire renvoyée à l'autorité cantonale pour complément d'instruction et nouvelle décision.
3.- En instance cantonale, les deux parties ont plaidé au bénéfice de l'assistance judiciaire totale. Cette mesure doit également leur être accordée pour la procédure fédérale.
Par ces motifs,
le Tribunal fédéral :
1. Admet le recours, annule l'arrêt attaqué et renvoie la cause à l'autorité cantonale pour complément d'instruction et nouvelle décision.
2. Admet les deux demandes d'assistance judiciaire, Mes Jean-Claude Morisod et René Schneuwly étant désignés comme avocats d'office respectivement pour le recourant et l'intimée.
3. Met à la charge de l'intimée un émolument judiciaire de 1'500 fr., lequel est toutefois supporté provisoirement par la Caisse du Tribunal fédéral.
4. Dit que la Caisse du Tribunal fédéral versera à Me Jean-Claude Morisod et à Me René Schneuwly une indemnité de 1'500 fr. chacun à titre d'honoraires.
5. Communique le présent arrêt en copie aux mandataires des parties et à la Cour d'appel du Tribunal cantonal de l'Etat de Fribourg.
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Lausanne, le 21 mars 2000
FYC/frs
Au nom de la IIe Cour civile
duTRIBUNALFEDERALSUISSE :
Le Président,
Le Greffier,