[AZA 0]
4P.289/1999
Ie COUR CIVILE
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22 mars 2000
Composition de la Cour: MM. Walter, président, Leu et Corboz, juges. Greffier: M. Carruzzo.
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Statuant sur le recours de droit public
formé
X.________ S.A., représentée par Me Henri Carron, avocat à Monthey,
contre
le jugement rendu le 20 octobre 1999 par la IIe Cour civile du Tribunal cantonal du canton du Valais dans la cause qui oppose la recourante à B.________, représenté par Me Daniel Cipolla, avocat à Martigny;
(art. 4 aCst. ; contrat de travail, droit d'être entendu)
Vu les pièces du dossier d'où ressortent
les faits suivants:
A.- A partir du 30 mars 1992, B.________ (ci-après: le demandeur), de nationalité portugaise, a travaillé comme employé agricole auprès de la société X.________ S.A. (ci-après: la défenderesse), à Fully, sur la base d'engagements saisonniers qui n'ont pas donné lieu à la signature de contrats de travail écrits. Il a été occupé plusieurs mois par an entre 1993 et 1997.
Dans les semaines précédant la fin des rapports de travail, le demandeur a appris l'existence de documents que son employeur avait remis à l'administration pour obtenir les autorisations de travail nécessaires. Le 9 septembre 1997, il a fait valoir des prétentions en se fondant sur les indications contenues dans ces documents. La défenderesse lui a opposé une fin de non-recevoir.
B.- Le 21 janvier 1998, le demandeur a saisi le Tribunal du travail du canton du Valais en vue d'obtenir de la défenderesse le paiement d'un solde de salaire pour les années 1993 à 1997. Dans ses dernières conclusions, il a réclamé un total de 12 829 fr.70.
Par jugement du 13 octobre 1998, le Tribunal du travail a alloué au demandeur un montant net de 8886 fr.45 (brut: 11 731 fr.25).
Statuant le 20 octobre 1999, sur appel de la défenderesse, la IIe Cour civile du Tribunal cantonal valaisan a condamné celle-ci à verser au demandeur le montant de 11 731 fr.25 brut ainsi que les intérêts à 5% dès le 22 janvier 1998 sur le montant net.
C.- Parallèlement à un recours en réforme, la défenderesse exerce un recours de droit public pour violation de l'art. 4 aCst. , concluant à l'annulation du jugement du Tribunal cantonal.
Le demandeur propose le rejet du recours, tandis que l'autorité intimée se réfère purement et simplement aux motifs énoncés dans son jugement.
Considérant en droit :
1.- S'estimant victime d'un déni de justice formel, prohibé par l'art. 4 aCst. , la recourante reproche à la cour cantonale de ne pas avoir examiné le grief, tiré de la violation de l'art. 341 CO, qu'elle avait expressément formulé en instance d'appel à l'encontre du jugement du Tribunal du travail.
a) On est en présence d'un déni de justice formel, contraire à l'art. 4 aCst, lorsqu'une autorité refuse, expressément ou tacitement, de statuer sur une demande qui exige une décision, soit de rendre une décision alors qu'elle y est obligée (G. Müller, Commentaire de la Constitution fédérale du 29 mai 1874, n. 89 ad art. 4; A. Grisel, Traité de droit administratif, vol. I, p. 369).
Comme pour le droit d'être entendu, l'autorité appelée à statuer doit examiner et apprécier les informations, arguments, preuves et offres de preuve fournis par les parties. Mais elle n'est tenue de le faire que s'il s'agit d'éléments pertinents ("rechtserhebliche Vorbringen"), c'està-dire pour autant seulement que ces éléments soient de nature à influer sur la décision à rendre ("soweit sie für die Entscheidfindung bedeutsam sind"; ATF 121 III 331 consid. 3b). Demême, ledroitdeproduiredespreuvespertinentes, le droit d'obtenir qu'il soit donné suite à des offres de preuve pertinentes et le droit de participer à l'administration des preuves essentielles ou, à tout le moins, de s'exprimer sur son résultat ne sont garantis que lorsque cela est de nature à influencer la décision à prendre ("wenn dieses geeignet ist, den Entscheid zu beeinflussen"; ATF 122 I 53 consid. 4a, 119 Ia 136 consid. 2d). Ne viole, dès lors, pas le droit d'être entendu l'autorité qui écarte ou n'examine pas des questions qu'elle ne considère pas, à juste titre, comme décisives ("entscheidwesentlich") et qui n'ont joué aucun rôle déterminant dans la décision (ATF 121 I 129 consid. 4a).
b) En l'espèce, le Tribunal cantonal, qui a fait application de dispositions impératives de droit public découlant de l'art. 9 OLE et de l'art. 342 al. 2 CO, a laissé de côté le moyen de la recourante d'après lequel l'intimé aurait valablement renoncé à ses prétentions, nonobstant l'art. 341 al. 1 CO, en signant régulièrement des quittances pour solde de tous comptes. Si le raisonnement juridique voulant que l'art. 9 OLE exclue toute renonciation du travailleur à ses prétentions s'avérait correct au regard du droit fédéral, le problème de l'application de l'art. 341 al. 1 CO ne se poserait plus, de sorte que, en pareille hypothèse, l'autorité intimée ne saurait se voir reprocher, sous l'angle de la violation du droit d'être entendu, d'avoir passé cette question sous silence. Or, tel est effectivement le cas pour les motifs indiqués dans l'arrêt rendu ce jour sur le recours en réforme connexe.
Par conséquent, l'unique moyen soulevé dans le recours de droit public se révèle infondé, faute d'un déni de justice formel imputable à la cour cantonale.
2.- Bien qu'elle succombe, la recourante n'aura pas à payer les frais de la présente procédure, s'agissant d'une cause résultant du contrat de travail dont la valeur litigieuse ne dépasse pas 20 000 fr. (art. 343 al. 3 CO). En revanche, elle devra indemniser l'intimé, conformément à l'art. 159 al. 1 OJ.
Par ces motifs,
le Tribunal fédéral :
1. Rejette le recours;
2. Dit qu'il n'est pas perçu de frais;
3. Dit que la recourante versera à l'intimé une indemnité de 2500 fr. à titre de dépens;
4. Communique le présent arrêt en copie aux mandataires des parties et à la IIe Cour civile du Tribunal cantonal du canton du Valais.
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Lausanne, le 22 mars 2000
ECH
Au nom de la Ie Cour civile
du TRIBUNAL FEDERAL SUISSE:
Le Président,
Le Greffier,