BGer 1P.751/1999
 
BGer 1P.751/1999 vom 23.03.2000
[AZA 0]
1P.751/1999
Ie COUR DE DROIT PUBLIC
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23 mars 2000
Composition de la Cour: MM. les Juges Aemisegger, Président, Féraud, Jacot-Guillarmod, Catenazzi et Favre.
Greffier: M. Kurz.
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Statuant sur le recours de droit public
formé par
O.________, représenté par Me Patrick Blaser, avocat à Genève,
contre
l'ordonnance rendue le 6 octobre 1999 par la Chambre d'accusation du canton de Genève;
(consultation d'un dossier de police)
Vu les pièces du dossier d'où ressortent
les faits suivants:
A.- Le 6 décembre 1996, le Procureur général du canton de Genève a reçu une plainte relative à des actes de pornographie et pédophilie commis sur Internet, mettant en cause la société X.________, société spécialisée dans le domaine de l'accès et l'utilisation d'Internet. Une enquête préliminaire de police a été ordonnée, sous la référence P/11707/96, et les représentants de X.________, parmi lesquels O.________, ont été entendus.
B.- Le 29 janvier 1999, après avoir ordonné à X.________ de bloquer l'accès aux sites litigieux, le Procureur général a classé la procédure en tant qu'elle concernait les organes de X.________: les infractions avaient été commises sur le réseau Internet depuis l'étranger, et le fournisseur d'accès, qui n'était pas à même de vérifier les informations accessibles, ignorait la diffusion des images tombant sous le coup de l'art. 197 CP, de sorte que la complicité ne pouvait être retenue.
C.-Le25février1999, sefondantsurl'art. 3Ade la loi genevoise sur les renseignements et les dossiers de police et la délivrance des certificats de bonne vie et moeurs (LDP), O.________ a demandé à être renseigné sur les données personnelles contenues dans les dossiers et fichiers de police.
Le 29 mars 1999, le Chef de la police lui a transmis l'inventaire des pièces du dossier. Celui-ci mentionne les cinq documents suivants:
n°1: arrestation de l'intéressé pour infraction à la LCR (pièces 1 à 5);
n°2: rapport des services de police du 19 août 1997 suite à une plainte déposée contre l'intéressé et des tierces personnes pour actes d'ordre sexuel avec des enfants et des personnes dépendantes, contrainte sexuelle et pornographie (pièces 6 à 42);
n°3: rapport complémentaire du 9 juin 1998 (pièces 43 à 96);
n°4: extrait du dossier de police de l'intéressé demandé par l'Office cantonal de la population (pièce 97);
n°5: rapport du 16 novembre 1998 en vue de mesures administratives suite à l'affaire précitée.
Le 16 avril 1999, O.________ demanda la radiation de toutes les données concernant la procédure pénale P/11707/96, puisque celle-ci avait fait l'objet d'un classement. Il précisait n'avoir pas été personnellement visé par la plainte pénale.
Dans sa réponse, du 24 juin 1999, le Chef de la police indiqua avoir procédé à la rectification de l'inventaire: le document n° 2 est ainsi décrit: "audition de l'intéressé au sujet de ses liens avec la société Internet X.________ contre laquelle une plainte pour actes d'ordre sexuel avec des enfants, actes d'ordre sexuel avec des personnes dépendantes, contrainte sexuelle et pornographie a été déposée". Un document n° 6 a été ajouté, soit la "plainte sous n° 2 classée au Parquet en date du 29 janvier 1999". Le Chef de la police refusa de détruire les rapports de police établis dans le cadre de la P/11707/96, car cette affaire avait fait l'objet d'un simple classement.
D.- O.________ a recouru contre cette décision auprès de la Chambre d'accusation genevoise. Il invoquait son droit d'accès au dossier de police, n'en ayant pu consulter que l'inventaire. Il demandait par ailleurs la radiation de toute mention de la plainte déposée contre X.________, et la destruction des pièces n° 2, 3 et 6 de l'inventaire.
E.- Par ordonnance du 6 octobre 1999, la Chambre d'accusation a partiellement admis le recours. Elle a rejeté la demande de consultation du dossier, au motif que le recourant ne faisait pas partie des personnes habilitées au sens de l'art. 2 LDP. Par ailleurs, les renseignements figurant au dossier portaient sur des investigations complexes; ils étaient récents et gardaient leur utilité, le classement étant intervenu en raison de la prévention insuffisante, et sauf faits nouveaux. Les éventuelles infractions commises dans le cadre de personnes morales seraient imputables à leurs organes. La Chambre d'accusation a toutefois considéré que l'inventaire des pièces devait être modifié de la façon suivante:
document n° 2: "Audition de l'intéressé au sujet de
ses liens avec la société X.________ contre laquelle
- en sa qualité de fournisseur de "sites" d'accès
au réseau Internet - une plainte pour actes
d'ordre sexuel avec des enfants, actes d'ordre
sexuel avec des personnes dépendantes, contrainte
sexuelle et pornographie a été déposée";
document n° 6: "Plainte sous document n° 2 classée
par le Parquet en date du 29.01.1999, l'ordonnance
indiquant entre autre que la société Internet
X.________ n'avait jusqu'alors pas été avertie que
des infractions avaient été commises par le biais
du réseau auquel elle donnait accès".
F.- O.________ forme un recours de droit public contre cette ordonnance. Il conclut, préalablement, à ce que les art. 2 et 3A LDP soient déclarés contraires à la Constitution, principalement à l'annulation de l'ordonnance attaquée et au renvoi de la cause à la cour cantonale afin que le recourant ait accès à l'intégralité de son dossier de police, notamment les rapports des 19 août 1997, 9 juin et 16 novembre 1998.
La Chambre d'accusation se réfère aux considérants de sa décision. Le Chef de la police et le Procureur général concluent au rejet du recours.
Considérant en droit :
1.- a) Le recours est interjeté dans les délai et formes utiles contre un arrêt final rendu en dernière instance cantonale. La qualité pour agir du recourant (art. 88 OJ) ne fait pas de doute.
b) Le recours de droit public est de nature essentiellement cassatoire. Dans la mesure où le recourant demande davantage que l'annulation de la décision entreprise, par exemple des injonctions visant à obtenir un comportement déterminé de l'autorité de dernière instance cantonale, ces conclusions sont en principe irrecevables (ATF 125 I 104 consid. 1b p. 107 et les arrêts cités).
La jurisprudence apporte à cette règle un certain nombre de tempéraments, le Tribunal fédéral pouvant aller au-delà de la cassation lorsque celle-ci ne suffit pas à rétablir une situation conforme à la Constitution et qu'une mesure positive est nécessaire (ATF 124 I 327 consid. 4b p. 332/333 et les références citées). Concernant le droit de l'administré de consulter ses propres données personnelles, rien n'empêche d'adresser une injonction à l'autorité cantonale, pour autant que le Tribunal fédéral puisse déterminer si les conditions de ce droit sont réalisées dans le cas d'espèce. Ses modalités d'exercice sont régies en premier lieu par la législation cantonale, mais le principe de l'accès aux données personnelles peut être établi sur la seule base du droit constitutionnel, ce qui suffit pour légitimer une injonction positive. Il n'appartient en revanche pas au Tribunal fédéral d'accorder lui-même l'autorisation de consulter des données, car les détails doivent être fixés par l'autorité intimée conformément à la législation cantonale (Philippe Gerber, La nature cassatoire du recours de droit public, Bâle 1997, p. 226/227; Madeleine Camprubi, Kassation und positive Anordnungen bei der Staatsrechtlichen Beschwerde, thèse Zurich 1999 p. 157 ss, 198 s.).
Lorsque le recours est dirigé, comme en l'espèce, contre une décision, le recourant ne peut conclure à ce que les normes appliquées soient déclarées inconstitutionnelles; il peut seulement requérir l'annulation de la décision, pour ce motif.
2.- Le recourant se plaint d'une violation de l'art. 4 aCst. , principalement de son droit d'être entendu. Il se plaint de n'avoir pu accéder aux données contenues dans son dossier de police afin d'en contrôler l'exactitude; il y aurait lieu de penser que le dossier contiendrait des inexactitudes concernant le recourant. L'inventaire fourni par le Chef de la police serait insuffisant à ce propos. Les conditions de restriction au droit d'accès, telles que prévues à l'art. 5 LDP, ne seraient pas réalisées dès lors que le recourant a été entendu comme témoin, sans être mis en cause personnellement. La procédure a d'ailleurs été classée. Il y aurait inégalité de traitement puisque son dossier a été transmis à l'Office cantonal de la population. La cour cantonale aurait arbitrairement retenu que le recourant ne fait pas partie des personnes habilitées par l'art. 2 LDP à consulter le dossier: son droit de consultation serait fondé sur l'art. 3A de la loi. Le refus de la cour cantonale violerait aussi sa liberté personnelle et l'art. 8 CEDH. Il tient enfin les art. 2 et 3A LDP pour contraires à la Constitution et au droit fédéral.
a) Sous l'angle de la protection des données, le droit de consulter un dossier de l'autorité contenant des données personnelles découle non seulement de la liberté personnelle, aujourd'hui garantie à cet égard par l'art. 10 al. 2 Cst. , mais plus spécifiquement du droit, garanti depuis le 1er janvier 2000 par l'art. 13 al. 2 Cst. , d'être protégé contre l'emploi abusif des données personnelles. Le Tribunal fédéral admet que la personne concernée a en principe le droit de consulter les renseignements recueillis sur elle pour pouvoir réclamer, s'il y a lieu, leur rectification (ATF 113 Ia 1 consid. 4b/bb in fine p. 7). Il relève qu'il y va de l'intérêt de l'autorité elle-même à ne détenir que des données utiles et concrètes (ATF 113 Ia 257 consid. 4c p. 264). La conservation de renseignements porte une atteinte au moins virtuelle à la personnalité de l'intéressé, tant que ceux-ci peuvent être utilisés ou, simplement, être consultés par des agents de la police ou être pris en considération lors de demandes d'informations présentées par certaines autorités, voire même être transmis à ces dernières (arrêt du 12 janvier 1990 dans la cause S., consid. 2a, reproduit à la SJ 1990 p. 561).
b) En tant que garantie générale de procédure, le droit d'être entendu, consacré à l'art. 29 al. 2 Cst. (art. 4 aCst. ), permet au justiciable de consulter le dossier avant le prononcé d'une décision. En effet, la possibilité de faire valoir ses arguments dans une procédure suppose la connaissance préalable des éléments dont l'autorité dispose. Selon la jurisprudence, la garantie constitutionnelle de l'accès au dossier comprend le droit de consulter des pièces au siège de l'autorité, de prendre des notes et de faire des photocopies, pour autant qu'il n'en résulte pas un surcroît de travail excessif pour l'autorité (ATF 122 I 109 consid. 2b p. 112 et les arrêts cités). Ce droit n'est pas absolu et peut être limité pour la sauvegarde d'un intérêt public prépondérant, dans l'intérêt d'un particulier, voire même dans l'intérêt du requérant lui-même (ATF 122 I 153 consid. 6a p. 161 et les arrêts cités). L'accès au dossier peut être exercé non seulement dans la procédure proprement dite, mais aussi indépendamment, par exemple pour consulter un dossier archivé. Dans ce dernier cas, le requérant doit faire valoir un intérêt digne de protection. Ce droit peut, lui aussi, être restreint ou supprimé dans la mesure où l'intérêt public, ou l'intérêt de tiers, exigent que tout ou partie des documents soient tenus secrets. Conformément au principe de la proportionnalité, l'autorité doit autoriser l'accès aux pièces dont la consultation ne compromet pas les intérêts en cause (ATF 125 I 257 consid. 3b p. 260 et les arrêts cités).
c) Fondées sur des bases constitutionnelles différentes, les garanties rappelées ci-dessus ne se recoupent pas entièrement: elles ont chacune leur propre champ d'application et peuvent être invoquées indépendamment l'une de l'autre (ATF 125 II 473 consid. 4a p. 74 et la jurisprudence citée). Le droit d'accès aux données, tel qu'il découle de l'art. 13 al. 2 Cst. , est concrétisé, en droit genevois, par l'art. 3A LDP, qui garantit le droit "aux renseignements", à la rectification et à la radiation des données inexactes. Les conditions matérielles en sont déterminées à l'art. 3A al. 1, 2, 3 et 5, alors que la procédure est réglée par les art. 3B et 3C de la loi. S'agissant en revanche du droit de consulter le dossier, déduit de l'art. 29 al. 2 Cst. , le droit genevois renvoie, pour les procédures pénales pendantes, aux règles de procédure applicables (art. 3A al. 4 LDP).
En l'espèce, point n'est besoin de rechercher si - et dans quelle mesure - le droit d'accès aux dossiers de police peut être déduit directement de la garantie constitutionnelle du droit d'être entendu (art. 29 al. 2 Cst. ) et des normes cantonales de procédure qui la mettent en oeuvre; en effet, même si la décision de classement n'a qu'un caractère provisoire, et si, dès lors, la procédure pénale n'est pas formellement et définitivement close, la cour cantonale n'a pas considéré que la demande de consultation devait être examinée au regard des règles cantonales de procédure pénale. Le présent recours doit donc être examiné - et admis, comme on le verra - sous l'angle de la seule garantie constitutionnelle de la protection des données, et du droit d'accès spécifique aménagé, en droit cantonal, à l'art. 3A LDP.
3.- a) Les art. 2 et 3A LDP ont la teneur suivante:
Art. 2 Consultation des dossiers
1 Les dossiers de police ne peuvent être remis en communication qu'aux fonctionnaires de police, qui doivent les consulter sur place, c'est-à-dire dans les locaux de la sûreté, au Conseiller d'Etat chargé du département de justice et police et des transports, au secrétaire général et aux secrétaires adjoints de ce département.
2 Ils peuvent aussi être communiqués au procureur général, aux procureurs, aux substituts, aux juges d'instruction, aux juges juristes présidant le Tribunal de la jeunesse, au juge des enfants, ainsi qu'au président de la Chambre d'accusation dans le cas prévu à l'art. 1, alinéa 4.
3 [procédure].
Art. 3A Droit d'accès
Droit aux renseignements, rectification et radiation des données inexactes
1Toute personne a le droit d'être renseignée sur les données personnelles la concernant qui sont contenues dans les dossiers et fichiers de police et en requérir la rectification ou la radiation lorsque celles-ci sont inexactes. Le droit d'être renseigné sur les données personnelles s'étend à l'usage qui en est fait.
2La preuve de l'exactitude d'une donnée doit être apportée par la police. Si ni l'exactitude, ni l'inexactitude ne peut être prouvée, mention en est faite dans le dossier.
3Nul ne peut renoncer d'avance au droit d'accès.
4Si la personne qui demande des renseignements fait l'objet d'une enquête préliminaire ou d'une procédure pénale [...], son droit est régi par les règles de procédure pénale qui lui sont applicables.
5Si aucune enquête ou procédure pénale, au sens de l'alinéa 4, n'est pendante, le droit d'obtenir des renseignements peut être limité, suspendu ou refusé si un intérêt public prépondérant, en particulier l'exécution de la peine ou la prévention efficace des crimes et délits par la police l'exigent. Il en va de même si la communication des renseignements est contraire à des intérêts prépondérants et légitimes de tiers.
b) Pour motiver son refus d'accès au dossier, la cour cantonale se borne à considérer que le recourant ne faisait pas partie des personnes mentionnées à l'art. 2 LDP, disposition qui ne traite que de la consultation des dossiers de police par les membres des autorités. Elle ne fait nullement mention de l'art. 3A LDP.
c) Insuffisante et lacunaire, une telle motivation heurte les principes rappelés ci-dessus.
aa) Le droit de requérir la rectification et la radiation de données inexactes, qui découle du droit de toute personne à être protégée contre l'emploi abusif des données qui la concernent (art. 13 al. 2 Cst. ), fait l'objet d'une garantie spécifique en droit genevois, l'art. 3A LDP. Cette disposition suppose que le justiciable a pu avoir connaissance des données recueillies à son sujet dans le dossier de police. Même si le droit cantonal ne le prévoit pas (ou ne le fait qu'implicitement, à l'art. 3A LDP), la personne visée par une enquête, à quelque titre que ce soit, a un intérêt légitime à connaître les renseignements obtenus dans ce cadre. En l'espèce, cet intérêt est d'autant plus manifeste que les accusations portées contre X.________ et ses organes étaient graves. Privé d'accès au dossier, le recourant n'avait aucune possibilité de vérifier si celui-ci contient des données inexactes, et de s'assurer que n'y figurent que les renseignements nécessaires à l'exécution des tâches de police (art. 2 al. 1 LDP; ATF 113 Ia 1 consid. 4b/cc p. 7). Le recourant se trouvait de surcroît entravé dans l'exercice du droit de recours prévu à l'art. 3C LDP. A cet égard, la production par l'autorité d'un inventaire des pièces du dossier de police du requérant était manifestement insuffisante et inapte à satisfaire le droit, que lui reconnaît l'art. 3A al. 1 LDP, d'être renseigné sur les données personelles le concernant contenues dans le dossier de police. Le recourant était d'autant plus fondé à vérifier le contenu du dossier qu'à deux reprises, l'inventaire fourni par le chef de la police avait dû, à sa demande, être corrigé.
bb) Sur le fond, la consultation du dossier de police peut certes être restreinte ou supprimée en raison d'un intérêt prépondérant. S'agissant de données récoltées par la police, les nécessités liées à la poursuite des infractions et à la découverte de leurs auteurs constituent un intérêt public évident, tout comme les restrictions à la communication de renseignements justifiées par des intérêts prépondérants et légitimes de tiers (art. 3A al. 5 LDP; cf. également l'art. 102bis al. 2 PPF). En l'espèce toutefois, l'autorité cantonale a omis de procéder à une pesée des intérêts en présence et d'indiquer quel motif spécifique apparaissait suffisant pour empêcher toute consultation du dossier par le recourant. Dans une décision très circonstanciée, le Procureur général a en effet classé la procédure le 29 janvier 1999, en tant qu'elle concernait les organes de X.________, car le fournisseur d'accès Internet n'était pas à même de vérifier les informations accessibles et ignorait la diffusion, sur le réseau, des images tombant sous le coup de l'art. 197 CP. En l'état, le recourant semble donc mis hors de cause. Certes, au contraire du non-lieu (art. 204 al. 1 CPP/GE) qui met fin à la procédure pénale, le classement peut être prononcé par le Ministère public lorsqu'il estime, pour des motifs de droit ou de simple opportunité, "que les circonstances ne justifient pas l'exercice de l'action publique" (art. 198 al. 1 CPP gen. ); une telle décision est dépourvue de toute autorité de la chose jugée, le Ministère public pouvant, tant que la prescription n'est pas acquise, décider d'engager à nouveau la poursuite pénale si des circonstances nouvelles apparaissent. Toutefois, même si la possibilité d'une reprise de l'instruction n'est pas exclue, on ne saurait refuser l'accès au dossier de police pour cette seule raison, car ce refus obligerait les personnes mises au bénéfice d'un classement de requérir un non-lieu préalablement à toute demande de consultation du dossier dans une situation analogue à celle du cas d'espèce.
cc) L'autorité cantonale devait bien plutôt rechercher concrètement si le dossier de police contenait des données qui devaient demeurer inconnues du recourant, par exemple dans la perspective d'une éventuelle reprise de l'enquête. Le principe de la proportionnalité commande en effet, plutôt que de refuser tout accès au dossier, d'autoriser l'accès aux pièces dont la consultation ne compromet pas les intérêts en cause (ATF 125 I 257 consid. 3b p. 260 et la jurisprudence citée).
d) Sur le vu de ce qui précède, la décision attaquée, qui refuse par principe toute consultation du dossier de police, consacre une application arbitraire de l'art. 3A LDP; elle se révèle ainsi contraire à l'art. 13 al. 2 Cst. , ainsi qu'à l'art. 8 CEDH que le recourant invoque également (cf. notamment l'arrêt de la CourEDH Amann c. Suisse, du 16 février 2000, § 65-80). La cause doit par conséquent être renvoyée à la cour cantonale. Il lui appartiendra de statuer sur la demande de consultation qui lui était soumise, d'indiquer, le cas échéant, les motifs précis qui pourraient y faire obstacle, et de définir, s'il y a lieu, les modalités pratiques d'exercice du droit de consultation.
Cela étant, il n'y a pas lieu d'examiner les autres griefs soulevés par le recourant.
4.- Le recours de droit public est admis, et la cause est renvoyée à la Chambre d'accusation, pour nouvelle décision au sens des considérants. Le recourant, qui a procédé avec l'aide d'un avocat, a droit à une indemnité de dépens. Celle-ci est mise à la charge du canton de Genève (art. 159 al. 2 OJ). Conformément à l'art. 156 l. 2 OJ, il n'est pas perçu d'émolument judiciaire.
Par ces motifs,
le Tribunal fédéral :
1. Admet le recours et renvoie la cause à la Chambre d'accusation pour nouvelle décision au sens des considérants.
2. Alloue au recourant une indemnité de dépens de 1500 fr., à la charge du canton de Genève.
3. Dit qu'il n'est pas perçu d'émolument judiciaire.
4. Communique le présent arrêt en copie au mandataire du recourant, au Chef de la police, au Procureur général et à la Chambre d'accusation du canton de Genève.
___________
Lausanne, le 23 mars 2000
KUR/col
Au nom de la Ie Cour de droit public
du TRIBUNAL FEDERAL SUISSE:
Le Président,
Le Greffier,