[AZA]
I 731/99 Bn
IIIe Chambre
composée des Juges fédéraux Schön, Spira et Widmer; Addy,
Greffier
Arrêt du 2 mai 2000
dans la cause
H.________, recourant,
contre
Office cantonal de l'assurance-invalidité du Valais, avenue
de la Gare 15, Sion, intimé,
et
Tribunal cantonal des assurances, Sion
A.- Le 29 juin 1994, H.________ a été victime d'un ac-
cident alors qu'il travaillait comme manoeuvre sur un
chantier d'altitude. Selon ses déclarations (cf. rapport du
1er septembre 1994 du médecin d'arrondissement de la Caisse
nationale suisse d'assurance en cas d'accidents), il a été
déséquilibré et est tombé sur le dos en soulevant un bidon
de peinture, puis il a glissé quelques mètres le long d'une
pente à forte déclivité, avant de parvenir à se retourner
sur le ventre et à s'arrêter en se raccrochant à des
herbes. Il a ensuite été transporté en urgence à l'hôpital
par hélicoptère.
En dehors de quelques contusions sans gravité, les
examens médicaux pratiqués à la suite de cet accident n'ont
pas révélé d'atteinte à la santé d'origine somatique pou-
vant expliquer les plaintes de H.________, si bien que les
médecins consultés ont préconisé une prise en charge psy-
chiatrique du cas (cf. rapports des 25 juillet et 7 novem-
bre 1994, respectivement du service de neurochirurgie et du
service de médecine physique et de rééducation fonction-
nelle de l'Hôpital Z.________). Cette prise en charge s'est
traduite par la mise en oeuvre d'une psychothérapie ambula-
toire et par l'administration d'un traitement médicamenteux
à base d'antidépresseurs. En dépit de ces soins, H.________
n'a toutefois pas été en mesure de reprendre son travail.
Le 11 décembre 1995, il a déposé une demande de prestations
de l'assurance-invalidité tendant à l'octroi d'une rente.
Selon les médecins traitants de l'assuré, celui-ci
souffre d'un syndrome douloureux persistant avec état de
stress post-traumatique et son incapacité de travail, d'une
durée indéterminée, est totale depuis le jour de l'accident
(rapports des 29 octobre 1996 et 4 juillet 1997 des Insti-
tutions psychiatriques du Valais romand).
Sur mandat de l'office cantonal AI du Valais
(ci-après : l'office AI), H.________ a été examiné par le
docteur S.________, psychiatre. Dans un rapport du 20 mars
1998, ce médecin a considéré qu'il n'y avait pas d'élément
en faveur d'un état de stress post-traumatique et a posé le
diagnostic de troubles somatoformes douloureux et de "diag-
nostic différé" (vraisemblables troubles de la personnali-
té, personnalité non différenciée avec des réactions de
type histrionique, demande de passivité, attitude de reven-
dication passive avec des éléments surajoutés). Il a conclu
que, sur "le plan subjectif", la capacité de travail de
l'assuré était nulle depuis l'accident et que, vu la fixa-
tion de celui-ci sur sur son invalidité, il ne fallait pas
s'attendre à une amélioration de la situation dans un
proche avenir.
Par décision du 20 août 1998, l'office AI a rejeté la
demande de prestations de l'assuré, au motif que le diag-
nostic de troubles somatoformes douloureux posé par
l'expert "ne constitue pas une atteinte à la santé invali-
dante au sens de l'assurance-invalidité selon la jurispru-
dence en vigueur".
B.- Par jugement du 15 novembre 1999, le Tribunal
cantonal des assurances du canton du Valais a rejeté le
recours formé par l'assuré contre cette décision.
C.- H.________ interjette recours de droit administra-
tif contre ce jugement dont il requiert l'annulation, en
concluant à l'octroi d'une rente entière d'invalidité. Il
demande à être mis au bénéfice de l'assistance judiciaire
afin de pouvoir "disposer d'un conseil d'office".
L'office AI conclut au rejet du recours, tandis que
l'Office fédéral des assurances sociales ne s'est pas
déterminé.
Considérant en droit
:
1.- Les dispositions légales ainsi que la jurispru-
dence applicables en matière d'évaluation de l'invalidité
ont été correctement rappelées dans le jugement entrepris,
de sorte qu'il suffit d'y renvoyer.
2.- A l'instar de l'intimé, les premiers juges ont
considéré que le recourant ne présentait pas de troubles
psychiques invalidants, vu le rapport du 20 mars 1998 du
docteur S.________, psychiatre.
Pour sa part, le recourant critique la valeur probante
de ce rapport, en faisant valoir qu'il a été établi sur la
base d'une consultation expéditive (d'une durée d'un quart
d'heure) au cours de laquelle il n'a pas pu se faire
comprendre par l'expert, car ce dernier ne parle pas sa
langue maternelle (le serbo-croate), la seule que lui-même
maîtrise. Il soutient en outre que les premiers juges sont
allés au-delà des conclusions du rapport d'expertise en
retenant que l'accident de 1994 n'avait pas diminué sa ca-
pacité de travail, alors même que celle-ci est considérée
comme nulle "sur le plan subjectif" par le docteur
S.________. Enfin, il souligne que les médecins des
Institutions psychiatriques du Valais romand font état
d'une incapacité de travail de 100 % d'une durée indétermi-
née depuis le jour de l'accident (rapports des 29 octobre
1996 et 4 juillet 1997).
3.- a) Pour apprécier la valeur probante d'un rapport
médical, ce qui est déterminant c'est que les points liti-
gieux importants aient fait l'objet d'une étude fouillée,
que le rapport se fonde sur des examens complets, qu'il
prenne également en considération les plaintes exprimées,
qu'il ait été établi en pleine connaissance du dossier
(anamnèse), que la description du contexte médical soit
claire et enfin que les conclusions de l'expert soient bien
motivées (ATF 125 V 352 consid. 3a et la référence).
Dans un arrêt non publié K. du 19 janvier 2000
(I 554/98), le Tribunal fédéral des assurances, se fondant
principalement sur une étude de Mosimann (Somatoforme
Störungen : Gerichte und (psychiatrische) Gutachten, RSAS
1999, p. 1 ss et 105 ss) a défini la tâche du médecin ou de
l'expert, lorsque celui-ci est amené à se prononcer sur le
caractère invalidant de troubles somatoformes. Sur le plan
psychiatrique, l'expert doit poser un diagnostic dans le
cadre d'une classification reconnue et se prononcer sur le
degré de gravité de l'affection. Il doit évaluer le carac-
tère exigible de la reprise par l'assuré d'une activité
lucrative. Ce pronostic tiendra compte de divers critères,
tels une structure de la personnalité présentant des traits
prémorbides, une comorbidité psychiatrique, des affections
corporelles chroniques, une perte d'intégration sociale, un
éventuel profit tiré de la maladie, le caractère chronique
de celle-ci sans rémission durable, une durée de plusieurs
années de la maladie avec des symptômes stables ou en évo-
lution, l'échec de traitements conformes aux règles de
l'art. Le cumul des critères précités fonde un pronostic
défavorable. Enfin, l'expert doit s'exprimer sur le cadre
psychosocial de la personne examinée. Au demeurant, la re-
commandation de refus d'une rente doit également reposer
sur différents critères. Au nombre de ceux-ci figurent la
divergence entre les douleurs décrites et le comportement
observé, l'allégation d'intenses douleurs dont les caracté-
ristiques demeurent vagues, l'absence de demande de soins,
les grandes divergences entre les informations fournies par
le patient et celles ressortant de l'anamnèse, le fait que
des plaintes très démonstratives laissent insensible
l'expert, ainsi que l'allégation de lourds handicaps malgré
un environnement psychosocial intact.
b) En l'occurrence, les critiques adressées par le
recourant au rapport d'expertise du docteur S.________ sont
justifiées.
aa) En premier lieu, l'examen psychiatrique qui a
présidé à l'établissement dudit rapport apparaît effecti-
vement insuffisant : de l'aveu même de l'expert, ses cons-
tatations se fondent presque exclusivement sur le dossier
médical, car l'assuré, de langue maternelle serbo-croate,
s'exprime "dans un français très élémentaire" rendant la
communication avec lui particulièrement difficile (p. 2 et
6 de l'expertise; voir aussi un rapport d'entretien télé-
phonique du 5 décembre 1997, aux termes duquel l'expert
aurait déclaré à l'office intimé qu'il "ne pourra (ait) pas
faire une expertise psychiatrique sérieuse", mais seulement
"une lettre explicative"). Or, si l'on peut concevoir qu'un
examen purement documentaire puisse, le cas échéant, per-
mettre à un expert de se prononcer en connaissance de cause
sur des affection d'ordre somatique, on peine à imaginer
qu'il puisse en aller de même quand il s'agit de porter un
jugement sur des troubles d'origine psychique. Cela
d'autant plus lorsque, comme c'est le cas en l'espèce,
l'expert pose un diagnostic et tire des conclusions qui
s'écartent des avis des psychiatres qui traitent le
patient.
bb) En deuxième lieu, les conclusions du docteur
S.________ ne sont pas claires en ce qui concerne l'inci-
dence des troubles psychiques sur la capacité de travail du
recourant.
Selon lui, cette dernière est en effet nulle depuis
l'accident de 1994 en raison de la fixation de l'assuré sur
son invalidité (p. 13 de l'expertise); en outre, cette
fixation s'expliquerait, d'une part, par la recherche d'un
bénéfice secondaire et, d'autre part, par le sentiment
"d'avoir droit" à un dédommagement de la société (p. 9 et
17). Aussi bien l'expert en déduit-il que le recourant
pourrait, d'un point de vue théorique, exercer son activité
habituelle (p. 15), "seulement que lui-même ne pense pas
que l'on est en droit d'attendre de lui (qu'il fasse cet
effort) et c'est lui qui attend "réparation", justement
dans le cadre du fonctionnement de type "avoir droit""
(p. 18).
Ces considérations ne renseignent pas suffisamment sur
le point de savoir si l'incapacité de travail de l'assuré
procède seulement d'un manque de volonté de sa part ou si,
au contraire, la mise à profit de sa capacité de travail
théorique ne peut, pratiquement, plus être raisonnablement
exigée de lui ou serait même insupportable pour la société.
Or, si le recourant ne peut prétendre des prestations de
l'office AI dans le premier cas, le caractère invalidant de
son atteinte à la santé psychique doit lui être reconnu
dans le second (cf. ATF 102 V 15; VSI 1996 p. 318 con-
sid. 21, p. 321 consid. 1a, p. 324 consid. 1a; RCC 1992
p. 182 consid. 2a et les références).
cc) En troisième et dernier lieu, alors que le docteur
S.________ retient le diagnostic de troubles somatoformes
douloureux, il ne discute pas à satisfaction de droit les
critères énoncés par la jurisprudence et la doctrine (supra
consid. 3a) pour déterminer le caractère exigible de la
reprise d'une activité lucrative par le recourant.
c) En conséquence, le litige ne saurait être tranché,
quant à l'incidence des troubles psychiques sur l'état de
santé du recourant, à la lumière des conclusions du docteur
S.________.
Quant aux rapports émanant des Institutions psychia-
triques du Valais romand, ils sont insuffisamment motivés
pour qu'on puisse leur accorder pleine valeur probante au
sens où l'entend la jurisprudence. En outre, les critiques
que le docteur S.________ a formulées à l'encontre de leurs
conclusions, même si elles ne reposent pas sur des examens
assez approfondis pour emporter la conviction, méritent
d'être prises en considération et sont en tout cas de
nature à faire douter de leur bien-fondé.
Aussi convient-il de renvoyer la cause à la juridic-
tion cantonale pour qu'elle complète l'instruction par une
nouvelle expertise psychiatrique, qui se prononcera en
particulier sur le caractère exigible d'une reprise du
travail par le recourant et, le cas échéant, sur le moment
à partir duquel une telle reprise du travail est devenue
exigible.
4.- Par ailleurs, si l'accident professionnel du
29 juin 1994 n'a assurément pas entraîné de troubles soma-
tiques invalidants (cf. rapports cités sous lettre A de
l'état de fait), il ressort du dossier que le recourant a
été victime, le 16 novembre 1997, d'un accident de la cir-
culation qui lui a en particulier causé une fracture de
l'apophyse transverse gauche (cf. rapport de l'Hôpital
Y.________ du 29 décembre 1997). La consolidation de cette
fracture n'était pas achevée à la fin du mois de février
1998 (cf. rapport du service de radiologie de l'Hôpital du
district de X.________ du 25 février 1998).
Par conséquent, dans l'hypothèse où le recourant
serait déclaré apte à reprendre le travail sur le plan
psychique, il faudrait également requérir un avis médical
au sujet de l'incidence de ce second accident sur sa
capacité de travail, considérée cette fois d'un point de
vue somatique. L'office AI admet en effet que celle-ci
n'est plus compatible avec l'activité habituelle de manoeu-
vre de chantier, sans qu'on sache toutefois sur quoi repose
cette opinion.
5.- Il suit ce qui précède que le recours est bien
fondé. Il n'y a pas lieu, dans ces conditions, de désigner
un avocat d'office au recourant (art. 152 OJ) même si l'on
peut supposer que le mémoire de recours a été rédigé par un
homme de loi.
Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances
p r o n o n c e
:
I. Le recours est admis et le jugement du 15 novembre
1999 du Tribunal cantonal des assurances du canton du
Valais est annulé, la cause étant renvoyée à cette
autorité pour instruction complémentaire et nouveau
jugement au sens des motifs.
II. Il n'est pas perçu de frais de justice.
III. Le présent arrêt sera communiqué aux parties, au
Tribunal cantonal des assurances du canton du Valais,
et à l'Office fédéral des assurances sociales.
Lucerne, le 2 mai 2000
Au nom du
Tribunal fédéral des assurances
Le Président de la IIIe Chambre :
Le Greffier :