BGer 4C.414/1999
 
BGer 4C.414/1999 vom 03.05.2000
«AZA 3»
4C.414/1999
Ie C O U R C I V I L E
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3 mai 2000
Composition de la Cour: M. Walter, président, M. Leu, M. Corboz, Mme Klett, juges, et M. Pagan, juge suppléant. Greffière: Mme de Montmollin Hermann.
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Dans la cause civile pendante
entre
Pius Schmid AG, à Viège, demanderesse et recourante, représentée par Me Georges Schmid, avocat à Viège,
et
André Epiney, à Sierre, défendeur et intimé, représenté par Me Edmond Perruchoud, avocat à Sierre;
(accord sur le paiement d'une taxe)
Vu les pièces du dossier d'où ressortent
les f a i t s suivants:
A.- a) Le 6 mars 1990, la commune de Salquenen a chargé l'entreprise Pius Schmid AG, dont le siège est à Viège, de dégager le lit du Rhône à l'embouchure du Buttenbach, ce qui impliquait l'enlèvement des matériaux indésirables et la création d'une sorte de canal au milieu du fleuve.
L'Etat du Valais a repris ce projet par la suite, et il y a été inclus une correction du cours du Rhône.
Agissant en sa qualité de propriétaire du fleuve, l'Etat a autorisé Pius Schmid AG à procéder aux travaux à des conditions qui comprenaient notamment le paiement d'une taxe de 4 fr. par m3 de gravier ou de tout-venant extrait du Rhône.
b) Avec l'accord de Pius Schmid, responsable de l'entreprise du même nom, André Epiney, entrepreneur domicilié à Sierre, a prélevé 18 922 m3 de matériaux dans le lit du Rhône entre le 21 mars et le 10 mai 1990.
D'après les bulletins de livraison établis par André Epiney ou l'un de ses ouvriers et contresignés par Pius Schmid, le tout-venant provenait de "Rhône Salquenen" et il était destiné à "Gravière Pont-Chalais", à Noës, exploitée par Sables et Graviers S.A.
Le 11 mai 1990, André Epiney a facturé à cette société le chargement de 26 944 m3 de matériaux prélevés dans le Rhône à Salquenen au prix de 3 fr. le m3. Ce prix correspondait uniquement aux frais de chargement, le matériau n'ayant pas été lui-même facturé. Un montant de 8 fr. par m3 a encore été demandé pour le transport d'une partie des maté-
riaux; il n'est pas certain que la totalité de ces matériaux provienne du chantier confié à Pius Schmid AG. c) Le prélèvement de matériaux dans le Rhône était toujours soumis à une taxe fixe déterminée par le Conseil d'Etat. Pius Schmid connaissait cette obligation. André Epiney conteste en revanche avoir été au courant de l'existence de cette charge dans le cas particulier. Il est établi que les prénommés n'ont pas abordé le sujet, la chose allant de soi selon Pius Schmid. B.- Le 8 août 1996, Pius Schmid AG a assigné André Epiney en paiement de 69 344 fr. avec intérêts à 5% dès le 5 octobre 1992 à titre de remboursement d'une partie des taxes qu'elle avait versées à l'Etat du Valais.
C.- Par jugement du 12 octobre 1999, la IIe Cour civile du Tribunal cantonal valaisan a débouté Pius Schmid AG.
Statuant en fait, la cour a retenu qu'André Epiney n'avait jamais prélevé de matériaux dans le Rhône auparavant, et que, même s'il savait que le paiement d'une taxe incombait aux entreprises de dragage, il ignorait que pareille obligation serait mise à sa charge. Considérant que les parties ne s'étaient pas mises d'accord tacitement sur le versement de la taxe, la cour a relevé que, pour la demanderesse, la chose allait de soi parce que, dans sa représentation, le défendeur avait déjà fait l'expérience de devoir la payer et qu'il en connaissait les conditions. Toutefois, l'administration des preuves avait révélé que tel n'était pas le cas. Il n'était pas possible de déduire des circonstances que Pius Schmid AG pouvait néanmoins croire de bonne foi qu'un accord existait sur ce point.
D.- Pius Schmid AG recourt en réforme au Tribunal fédéral. Elle conclut à l'annulation du jugement attaqué et à la condamnation d'André Epiney à lui verser 69 344 fr. avec intérêts à 5% dès le 6 octobre 1992.
André Epiney invite le Tribunal fédéral à rejeter le recours pour autant que celui-ci soit recevable.
C o n s i d é r a n t e n d r o i t :
1.- La voie du recours en réforme n'est ouverte que pour les contestations civiles (art. 44, 46 OJ). On entend par-là des procédures contradictoires impliquant au moins deux personnes physiques ou morales prises en leur qualité de titulaires de droits privés, ou de telles personnes et une autorité à laquelle le droit fédéral reconnaît la faculté d'être partie. Dans tous les cas, il faut que les intéressées exercent des prétentions fondées sur le droit civil fédéral et que celles-ci soient objectivement litigieuses (ATF 122 I 351 consid. 1d). Pour savoir si ces exigences sont remplies, on examine l'objet de la contestation (ATF 124 III 463 consid. 3a).
En l'occurrence, le litige trouve sa source dans le prélèvement par l'Etat du Valais d'une taxe en échange de l'autorisation, fondée sur le droit public, donnée par celuici d'extraire des matériaux du fleuve dont il est propriétaire. On pourrait donc se demander si on est en présence d'une contestation civile au sens des art. 44 et 46 OJ. La question n'a cependant pas besoin d'être résolue, car le recours est de toute façon voué à l'échec. 2.- Les moyens pris de la violation de la Convention européenne des droits de l'homme peuvent ainsi être
écartés d'emblée: le recours en réforme n'est pas la voie appropriée pour invoquer la violation d'un droit constitutionnel (art. 43 al. 1 OJ); or les droits découlant de la Convention européenne des droits de l'homme sont de rang constitutionnel. La demanderesse aurait dû faire valoir ses griefs par le biais d'un recours de droit public (ATF 124 III 1 consid. 1b; 124 III 205 consid. 3b).
3.- Il n'est également pas possible d'entrer en matière dans la présente procédure sur une éventuelle violation de règles cantonales concernant la composition des tribunaux et la langue de procédure, pour autant que la demanderesse, dont l'argumentation n'est pas très claire à ce propos, entende soulever de tels griefs (art. 55 al. 1 let. c in fine OJ; ATF 125 III 305 consid. 3e; 123 III 337 consid. 3b).
4.- Sur le vu d'une appréciation des preuves, la cour cantonale est parvenue à la conclusion que le défendeur n'avait jamais envisagé ni accepté de rembourser la taxe litigieuse. La demanderesse critique en vain le jugement attaqué sur ce point. Déterminer ce qu'une personne savait ou voulait relève des constatations de fait (ATF 123 III 165 consid. 3a; 118 II 58 consid. 3a), comme l'établissement de la réelle et commune intention des parties. Or, sauf exceptions non réalisées en l'espèce, le recours en réforme ne permet pas de remettre en question les constatations de fait des juges cantonaux (art. 63 al. 2, 55 al. 1 let. c OJ; ATF 125 III 78 consid. 3a; 122 III 26 consid. 4a/aa; 122 III 61 consid. 2c/cc; 122 III 73 consid. 6b/bb). La demanderesse invoque ainsi inutilement l'art. 8 CC quand elle soutient qu'en écartant les témoignages administrés pour leur préférer la thèse du défendeur, la cour cantonale aurait méconnu les règles sur le fardeau de la preuve. Lorsque, comme en l'espèce, le juge cantonal parvient à la conviction qu'un fait est ou non établi, la question de la répartition du fardeau de la preuve ne se pose plus, et le grief de violation de l'art. 8
CC devient sans objet (ATF 119 III 60 consid. 2c; 118 II 142 consid. 3a; 114 II 289 consid. 2a; 111 II 378 consid. 3a). Cette disposition intervient, en l'absence d'une disposition fédérale instituant une présomption spéciale, pour déterminer laquelle des parties doit assumer les conséquences de l'échec de la preuve (ATF 126 III 189 consid. 2b et les références), mais ne dicte pas au juge comment forger sa conviction (ATF 114 II 289 consid. 2a; 122 III 219 consid. 3c).
5.- Ayant constaté que les parties ne s'étaient pas tacitement mises d'accord sur le paiement de la taxe, la cour cantonale a encore examiné, à juste titre, si, en vertu des règles sur le principe de la confiance (cf. ATF 125 III 305 consid. 2b; 124 III 363 consid. II/5a; 123 III 165 consid. 3a), la demanderesse pouvait néanmoins croire qu'un accord sur ce point existait. Après avoir relevé que cette thèse n'avait pas été véritablement défendue, la cour a souligné notamment que la demanderesse n'invoquait pas telle ou telle attitude qui lui aurait permis de déduire chez son partenaire la conscience et la volonté de devoir acquitter la taxe; dans son mémoire-conclusions, la société avançait que les bulletins de livraison auraient été la manifestation de l'accord en question, mais, a souligné la cour cantonale, cela n'avait pas été prouvé et la demanderesse avait déclaré ne plus se souvenir à quoi les documents en question avaient servi et pourquoi ils avaient été signés. A l'appui de son recours en réforme, la demanderesse fait en substance valoir qu'il serait absurde qu'elle n'ait pas voulu répercuter la taxe sur le défendeur. A défaut de tout élément concret dûment établi en ce sens, on ne saurait la suivre. La décision attaquée ne contient pas d'indication quant aux raisons qui ont amené la demanderesse à permettre au défendeur d'utiliser sa concession. Cette absence de renseignements sur les circonstances de fait entourant la conclusion de l'accord passé entre les parties rend également
vain le moyen tiré de la violation de l'art. 212 al. 1 CO. La recourante, qui supportait les fardeaux de l'allégation et de la preuve des faits à l'appui de sa demande, ne prétend pas que la cour cantonale aurait violé l'art. 8 CC à ce proposlà.
6.- Le recours doit être rejeté dans la mesure où il est recevable. La recourante supportera par conséquent les frais de justice (art. 156 al. 1 OJ) et versera une indemnité de dépens à l'intimé (art. 159 al. 1 OJ).
Par ces motifs,
l e T r i b u n a l f é d é r a l :
1. Rejette le recours dans la mesure où il est recevable et confirme le jugement attaqué;
2. Met un émolument judiciaire de 4 000 fr. à la charge de la recourante;
3. Dit que la recourante versera à l'intimé une indemnité de 4 000 fr. à titre de dépens;
4. Communique le présent arrêt en copie aux mandataires des parties et à la IIe Cour civile du Tribunal cantonal du canton du Valais.
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Lausanne, le 3 mai 2000
ECH
Au nom de la Ie Cour civile
du TRIBUNAL FEDERAL SUISSE:
Le président,
La greffière,