[AZA 0]
6A.19/2000/ROD
COUR DE CASSATION PENALE
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10 mai 2000
Composition de la Cour: M. Schubarth, Président, Président
du Tribunal fédéral, M. Kolly et Mme Escher, Juges.
Greffière: Mme Michellod.
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Statuant sur le recours de droit administratif
formé par
Z.________, représenté par Me Jean-Pierre Moser, avocat à Lausanne,
contre
l'arrêt rendu le 3 février 2000 par la Cour de cassation pénale du Tribunal cantonal vaudois dans la cause qui oppose le recourant à la Commission de libération du canton de V a u d;
( art. 38 et 55 CP ; arbitraire, droit cantonal)
Vu les pièces du dossier d'où ressortent
les faits suivants:
A.- Par jugement du 12 juin 1996, le Tribunal correctionnel du district de Lausanne a notamment expulsé Z.________ du territoire suisse pour une durée de cinq ans et a révoqué le sursis assortissant l'expulsion prononcée pour la même durée par le Tribunal de police du district de Lausanne le 8 mai 1995.
Par arrêt du 9 septembre 1996, la Cour de cassation pénale du Tribunal cantonal vaudois a assorti du sursis l'expulsion prononcée contre Z.________ le 12 juin 1996 et a confirmé la révocation du précédent sursis à l'expulsion.
Le 22 juillet 1997, la Commission de libération du canton de Vaud a refusé d'accorder la libération conditionnelle à Z.________. Le recourant est arrivé au terme de sa peine le 30 octobre 1999.
B.- Le 27 octobre 1999, Z.________ a demandé à la Commission de libération de reconsidérer sa décision du 22 juillet 1997. Il concluait à ce que la libération conditionnelle soit prononcée et à ce que l'exécution de la peine d'expulsion soit différée à titre d'essai. Il se prévalait du fait que l'affection psychique dont il souffrait nécessitait un encadrement familial qui n'existait pas en Turquie, pays où il devait être expulsé à la fin de sa peine.
Le 4 novembre 1999, le Président de la Commission de libération a estimé que la demande de réexamen de Z.________ était devenue sans objet dès lors qu'il était arrivé au terme de sa peine le 30 octobre 1999. Il a ajouté que la Commission n'était compétente pour différer une mesure d'expulsion judiciaire que si le condamné était libéré conditionnellement. Cette autorité ne pouvait donc pas entrer en matière en l'espèce, puisque Z.________ avait été libéré définitivement.
Par arrêt du 3 février 2000, la Cour de cassation pénale du Tribunal cantonal vaudois a confirmé la décision du 4 novembre 1999.
C.- Z.________ forme un recours de droit administratif au Tribunal fédéral contre l'arrêt du 3 février 2000. Il conclut à l'annulation de l'arrêt attaqué et au renvoi de la cause à l'autorité cantonale, ou, subsidiairement, au renvoi direct à la Commission de libération du canton de Vaud pour nouvelle décision.
Considérant en droit :
1.- Le recours de droit administratif peut être formé pour violation du droit fédéral, y compris l'excès et l'abus du pouvoir d'appréciation (art. 104 let. a OJ).
La notion de droit fédéral inclut les droits constitutionnels des citoyens, de sorte que le recourant peut également faire valoir la violation de droits de rang constitutionnel, le recours de droit administratif tenant alors lieu de recours de droit public. Dans ce cas cependant, le pouvoir d'examen du Tribunal fédéral est aussi limité que s'il s'agissait d'un recours de droit public (ATF 120 Ib 224 consid. 2a). Une différence essentielle entre le recours de droit public et le recours de droit administratif réside dans la règle qui veut qu'en matière de recours de droit public, le Tribunal fédéral n'examine que les griefs invoqués et suffisamment motivés dans l'acte de recours (ATF 118 Ia 8 consid. 1c p. 11).
Saisi d'un recours de droit administratif, le Tribunal fédéral n'est pas lié par les motifs invoqués, mais il ne peut aller au-delà des conclusions des parties (art. 114 al. 1 OJ).
2.- Le recourant soulève deux griefs. Il soutient d'une part que sa libération définitive n'a pas rendu sans objet sa demande de réexamen et d'autre part, que le Président de la Commission de libération n'était pas compétent pour rendre seul la décision du 4 novembre 1999. L'autorité cantonale aurait arbitrairement appliqué le droit vaudois pertinent en confirmant cette compétence.
a) Le recourant estime qu'il était arbitraire de déclarer sa requête de réexamen sans objet. Il soutient qu'une décision de refus de libération conditionnelle concerne de manière indissociable la libération conditionnelle (art. 38 CP) et le sursis à l'expulsion (art. 55 al. 2 CP). Il en découlerait qu'une requête de réexamen d'une décision refusant la libération conditionnelle n'est pas dépourvue d'objet du seul fait de la libération définitive puisque cette décision continue d'avoir des effets en ce qui concerne le refus du sursis à l'expulsion, même après la libération définitive du condamné.
Selon l' art. 38 ch. 1 et 2 CP , lorsqu'un condamné à la réclusion ou à l'emprisonnement aura subi les deuxtiers de sa peine, ou quinze ans de sa peine s'il a été condamné à vie, l'autorité compétente pourra le libérer conditionnellement si son comportement pendant l'exécution de la peine ne s'oppose pas à son élargissement et s'il est à prévoir qu'il se conduira bien en liberté.
Selon l'art. 55 al. 2 CP, l'autorité compétente décidera si, et à quelles conditions, l'expulsion du condamné libéré conditionnellement doit être différée à titre d'essai. Ce n'est donc que lorsque le condamné bénéficie d'une libération conditionnelle quant à la peine principale que l'autorité décide si, et à quelles conditions, l'expulsion doit être différée à titre d'essai.
En l'espèce, la libération conditionnelle a été refusée par décision du 22 juillet 1997 et la peine privative de liberté a été entièrement exécutée le 30 octobre 1999. Dès la libération définitive du recourant le 30 octobre 1999, la demande de reconsidération a perdu tout objet. En effet, même si la décision du 22 juillet 1997 avait été rétractée par la Commission de libération, celle-ci n'aurait pas pu prononcer la libération conditionnelle du recourant puisqu'il n'était plus détenu. Par voie de conséquence, un report de l'expulsion au sens de l'art. 55 al. 2 CP n'était également plus possible. L'autorité cantonale n'a donc pas violé le droit fédéral en confirmant la décision du 4 novembre 1999 déclarant sans objet la requête de réexamen.
b) En mettant en cause la compétence du Président de la Commission de libération, le recourant se plaint d'une application arbitraire du droit cantonal, à savoir des art. 36 et 40 de la loi vaudoise sur l'exécution des condamnations pénales et de la détention préventive (LEP; RS vaudois 3.9), de l'art. 16 du règlement du Conseil d'Etat du 26 février 1997 pour la Commission de libération (RS vaudois 3.10, K) ainsi que de l'art. 33 de la loi sur la juridiction et la procédure administrative (LJPA; RS vaudois 1.5).
La LEP prévoit que la décision portant sur la libération conditionnelle prévue par le code pénal appartient à la Commission de libération ou à une délégation de cette Commission (art. 36 LEP). La Commission comprend cinq membres et trois suppléants. La délégation de la Commission est composée de trois membres. La loi prévoit deux cas où le Président de la Commission est compétent pour statuer seul. Dans le cas de l'art. 42 al. 4 LEP, il s'agit de la révocation de la libération conditionnelle au sens de l'art. 38 ch. 4 al. 1 première phrase CP, soit d'un cas ne laissant pas de marge d'appréciation à l'autorité.
Le deuxième cas concerne la révocation de la libération conditionnelle en cas d'urgence, lorsque le libéré paraît présenter un danger sérieux pour lui-même ou pour autrui ou si sa fuite est à craindre (art. 46 al. 1 LEP).
La procédure devant la Commission de libération est régie par un règlement du Conseil d'Etat du 26 février 1997. Ce texte ne confère aucune compétence décisionnelle au Président. Ce dernier est en revanche chargé de diriger la discussion de la Commission (art. 16 al. 1 du règlement).
La cour cantonale a estimé que malgré le silence de la LEP, la compétence du Président ne pouvait pas être niée puisqu'il lui incombait de diriger l'instruction d'une demande de reconsidération lorsque la Commission en était saisie. En matière de procédure administrative, l'art. 33 LJPA prévoit la possibilité pour le juge instructeur de rejeter à titre préjudiciel un recours tardif et non retiré en le déclarant irrecevable. Appliquant cette disposition par analogie, la cour cantonale a estimé que le Président de la Commission était compétent pour rendre une décision de rejet préjudiciel.
Selon la jurisprudence, l'arbitraire, prohibé par l'article 4 aCst. , ne résulte pas du seul fait qu'une autre solution que celle retenue par l'autorité cantonale pourrait entrer en considération ou même qu'elle serait préférable; le Tribunal fédéral ne s'écarte de la décision attaquée que lorsque celle-ci est manifestement insoutenable, qu'elle se trouve en contradiction claire avec la situation de fait, qu'elle viole gravement une norme ou un principe juridique indiscuté ou encore lorsqu'elle heurte de manière choquante le sentiment de la justice et de l'équité. Pour qu'une décision soit annulée pour cause d'arbitraire, il ne suffit pas que la motivation formulée soit insoutenable, il faut encore que la décision apparaisse arbitraire dans son résultat (ATF 123 I 1 consid. 4a p. 5 et les arrêts cités).
En l'espèce, on ne distingue pas d'application arbitraire du droit cantonal. En effet, la demande de réexamen était manifestement dénuée d'objet dès lors que le recourant avait été définitivement libéré quelques jours plus tôt. Au vu de l'art. 42 al. 4 LEP, qui permet au Président de la Commission de statuer seul sur une question ne lui laissant pas de marge d'appréciation, et de l'art. 33 LJPA, appliqués par analogie, il n'était pas arbitraire de confirmer la compétence du Président pour rendre seul la décision du 4 novembre 1999. En outre, contrairement à ce qu'affirme le recourant, le Président ne s'est pas prononcé sur la compétence de la Commission à la place de celle-ci. Il s'est borné, à titre subsidiaire, de rappeler que l'art. 55 al. 2 CP supposait que le détenu soit libéré conditionnellement.
3.- Au vu de ce qui précède, le recours sera rejeté et le recourant, qui succombe, supportera un émolument judiciaire (art. 156 al. 1 OJ).
La cause étant ainsi tranchée, la requête d'effet suspensif est devenue sans objet.
Par ces motifs,
le Tribunal fédéral,
1. Rejette le recours.
2. Met à la charge du recourant un émolument judiciaire de 2000 francs.
3. Communique le présent arrêt en copie au mandataire du recourant, à la Commission de libération du canton de Vaud et la Cour de cassation pénale du Tribunal cantonal vaudois ainsi qu'au Département fédéral de justice et police.
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Lausanne, le 10 mai 2000
Au nom de la Cour de cassation pénale
du TRIBUNAL FEDERAL SUISSE:
Le Président, La Greffière,