«AZA 3»
4C.57/1999
Ie C O U R C I V I L E
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15 mai 2000
Composition de la Cour: MM. Walter, président, Corboz, juge, et M. Pagan, juge suppléant. Greffière: Mme de Montmollin Hermann.
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Dans la cause civile pendante
entre
Mathieu Cikès, à Lausanne, défendeur et recourant, représenté par Me Malek Buffat Reymond, avocate à Pully,
et
Ganty Frères S.à r.l., à Pully,
A. Girsberger S.A., à Lausanne, demanderesses et intimées, toutes deux représentées par Me André Vallotton, avocat à Lausanne;
(contrat d'entreprise)
Vu les pièces du dossier d'où ressortent
les f a i t s suivants:
A.- a) Mathieu Cikès est propriétaire d'un terrain à Pully. Le 1er mai 1987, lui et les entreprises Ganty Frères S.à r.l. et A. Girsberger S.A., constituées en consortium, ont signé une soumission ayant pour objet des travaux de terrassement, de béton, de béton armé, de maçonnerie porteuse et de maçonnerie en vue de la construction d'un bâtiment d'habitation sur sa parcelle.
L'art. 14 des conditions générales annexées à la soumission avait la teneur suivante:
"Les travaux en régie ne seront exécutés que sur
ordre formel de l'architecte. Au cours de ces tra-
vaux, l'entrepreneur remettra journellement à la
direction des travaux un rapport à signer, mention-
nant les heures de travail, les matériaux utilisés
et la désignation précise de l'ouvrage auquel ils
se rapportent."
Le 2 juin 1987, les parties ont passé un contrat écrit dont la base était constituée par l'offre du 1er mai 1987. Selon celui-ci, le coût des travaux prévus était de 971 578 fr., s'agissant de prix unitaires. La convention stipulait que toutes les factures devaient être acceptées par le maître de l'ouvrage, qui, en cas d'absence, pouvait déléguer ses compétences à une personne de son choix (art. 8). Les travaux en régie devaient être approuvés par le maître de l'ouvrage (art. 9). Le chantier a été ouvert au cours du mois de juin 1987, le gros oeuvre achevé durant le mois de mai 1988. Les travaux confiés aux deux entreprises ont pris fin en octobre ou novembre 1988.
La direction des travaux a été confiée à l'architecte Decosterd jusqu'en août 1987, puis à l'architecte Sgarzi.
Des procès-verbaux des séances de chantier ont été établis; il n'a pas été prétendu que ceux-ci n'auraient pas été communiqués à la direction des travaux et au maître de l'ouvrage.
b) La présence de conduites d'eau et d'électricité, signalée par les Services industriels de la commune de Pully, a compliqué l'exécution des travaux, le mur nord des garages devant finalement être réalisé en plusieurs étapes au lieu d'une. Le prix de ce mur correspondait au prix de revient majoré de 20 % et des déboursés directs; le mode de calculation du coût a été déterminé en accord avec les demanderesses, l'architecte Sgarzi, l'ingénieur Sanaga et le défendeur. Le consortium s'est aussi vu confier des travaux supplémentaires, hors soumission, comme l'aménagement de locaux de rangement sous la rampe d'accès au garage.
En accord avec l'architecte Sgarzi, les travaux en régie ont fait l'objet d'un rapport hebdomadaire. Lors des rendez-vous de chantier, l'architecte discutait avec Mathieu Cikès des bulletins de régie qu'il avait reçus; il ne signait que ceux qui étaient acceptés. Les travaux en régie ont toujours été commandés par Sgarzi, mais une partie des bons de régie n'a été signée ni par l'architecte ni par le maître de l'ouvrage, certains portant l'annotation "ordre de M. Sgarzi". Après la séance de chantier du 10 juillet 1987, le consortium a établi un document intitulé "décision et incidences financières" ainsi qu'un "listing des travaux complémentaires divers" pour un montant total de 37 635 fr.50. Un
procès-verbal du 14 juillet 1987 montre que les travaux étaient en cours d'exécution à cette date.
Dans un procès-verbal de chantier du 10 septembre 1987, la direction des travaux rappelle que les bons de régie doivent être signés au plus tard une semaine après l'exécution des travaux, "ceci en relation, pour l'instant, avec la location de la grue à Stump". Le procès-verbal du 17 septembre 1987 confirme que la seule régie effectuée jusqu'alors est constituée par la location d'une grue.
Par pli recommandé du 23 juin 1988, l'architecte Sgarzi a indiqué au consortium qu'il avait pris note des fiches de régie et de celles de calculation des travaux supplémentaires reçues au début du mois; il rappelait les dispositions contractuelles selon lesquelles le consortium était tenu de communiquer par écrit à l'architecte les travaux complémentaires ainsi que leur prix, et d'obtenir l'accord écrit du maître de l'ouvrage; seuls les travaux supplémentaires ou régies ayant fait l'objet d'un ordre écrit de la direction des travaux, lettre ou procès-verbal, seraient admis et payés aux prix établis par analogie avec ceux de la soumission.
Un procès-verbal du 14 juillet 1988 indique notamment que le maître de l'ouvrage et la direction des travaux contestent les séries de prix complémentaires depuis le 23 juin 1988 et refusent en bloc la correspondance envoyée depuis le 30 mai 1988, en ajoutant que tous les problèmes trouveront une solution uniquement sur la base du contrat d'entreprise du 2 juin 1987. Des procès-verbaux des 25 août 1988, 8 décembre 1988 et 19 janvier 1989 contiennent des remarques semblables.
B.- Le 11 août 1989, les entreprises Ganty Frères S.à r.l. et A. Girsberger S.A. ont adressé à Mathieu Cikès
une facture finale corrigée de 1 141 213 fr.45 qui ne comprenait pas les hausses intervenues en 1988.
Mathieu Cikès, après un échange de correspondances, a renvoyé, le 4 septembre 1989, cette facture à son expéditeur. Il n'a versé au consortium que la somme de 780 000 fr.
C.- Le 23 mars 1990, Ganty Frères S.à r.l. et A. Girsberger S.A. ont assigné Mathieu Cikès en paiement de 361 213 fr.45 avec intérêts à 5 % dès le 1er octobre 1989 devant la Cour civile du Tribunal cantonal vaudois. Le défendeur a conclu à sa libération. Ultérieurement, il a encore invoqué la compensation.
Deux experts ont été commis en cours de procédure. Le premier, Jacques Felber, architecte FAS-SIA à Epalinges, a déposé son rapport le 17 septembre 1993. Il a déterminé les suppléments admissibles sur l'installation de chantier, en dressant des récapitulatifs comptabilisant les augmentations de coût correspondant à des travaux supplémentaires. Il a établi la liste complète des ouvrages exécutés par le consortium ainsi que le montant de leur facturation. Il a comptabilisé dans son récapitulatif les travaux exécutés selon la soumission, ainsi que les plus-values et les moins-values. Il a aussi analysé l'ensemble des factures pour les travaux non prévus dans la soumission. Le second expert, Nicolas Tardin, architecte EPFL-SIA, a déposé quant à lui trois rapports les 7 avril 1995, 22 mai 1996 et 8 novembre 1996 précisant ou complétant, voire corrigeant, le rapport Felber.
Par jugement du 15 janvier 1998, la Cour civile du Tribunal cantonal du canton de Vaud a condamné Mathieu Cikès à payer aux demandeurs 222 460 fr.20 avec intérêts à 5 % l'an dès le 29 mars 1990.
D.- Mathieu Cikès recourt en réforme au Tribunal fédéral contre le jugement cantonal. Ses conclusions tendent à ce que sa condamnation soit réduite au paiement de 19 568 fr., intérêts en sus. Les intimées invitent le Tribunal fédéral à rejeter le recours.
Parallèlement, Mathieu Cikès a recouru auprès de la Chambre des recours du Tribunal cantonal du canton de Vaud. Par arrêt du 16 juin 1999, celle-ci a rejeté ses conclusions en nullité et déclaré irrecevables ses conclusions en réforme.
C o n s i d é r a n t e n d r o i t :
1.- a) Après avoir écarté l'application des normes SIA, la cour cantonale a retenu que, le contrat d'entreprise n'étant soumis à aucune forme, les parties étaient libres de modifier d'un commun accord, sans recourir à l'écrit, les clauses de leur convention relatives à la nature des travaux prévus et au prix de l'ouvrage. Elle a rappelé que le prix qu'elles avaient discuté lors de la conclusion du contrat n'était déterminant que pour l'ouvrage alors projeté, sans les modifications qualitatives ou quantitatives ultérieures, et que le prix, si l'ampleur de l'ouvrage avait été considérablement modifiée, devait être fixé d'après la valeur du travail et les dépenses de l'entrepreneur (art. 374 CO), celui-ci ayant la charge d'établir le montant de la rémunération qu'il prétendait. Elle a relevé qu'en l'espèce les parties avait prévu des prix unitaires, sauf pour l'installation du chantier, et que des travaux non prévus en soumission et en régie avaient été effectués par les demanderesses.
Dans un deuxième temps, la cour cantonale a arrêté le montant de base des travaux sur le vu de l'expertise Felber, en prenant en compte certaines modifications préconisées par l'expert Tardin, à un montant de 1 065 502 fr.50. Enfin, toujours sur la base des expertises, elle a examiné le bienfondé de la facturation d'une série de postes particuliers, ce qui l'a amenée à opérer plusieurs déductions sur le montant précité, pour un total de 32 409 fr.50. Elle a encore tenu compte notamment d'un rabais de 3% et des acomptes versés par le défendeur, si bien qu'en définitive, elle a alloué aux demanderesses un solde de 222 460 fr.20 avec intérêts. Pour autant que besoin, on reviendra en détail ci-après sur les divers points des expertises et de facturation contestés par le défendeur. b) En substance, le défendeur soutient que la somme que la Cour civile du Tribunal cantonal vaudois l'a astreint à payer correspond à des travaux complémentaires ou en régie qu'il n'a pas acceptés par écrit conformément à l'art. 9 du contrat et à l'art. 14 des conditions générales - exigences qui auraient été rappelées aux entreprises à plusieurs reprises en cours de chantier. Il s'en prend également à la constatation de la cour cantonale selon laquelle l'architecte avait le pouvoir de commander les travaux litigieux. La somme contestée s'élève à 202 891 fr.90, qu'il divise en quatre groupes désignés ainsi: a) Travaux en régie par 30 445 fr.55, b) Régie XI par 44 150 fr., c) Six factures en régie entre le 10.07.87 et le 3.11.88 par 99 493 fr.55, d) Problèmes dans l'exécution du mur nord des garages par 28 802 fr.80.
Le défendeur invoque notamment l'expertise confiée à Jacques Felber qui admet que tous les rapports journaliers n'ont pas été immédiatement remis à la direction des travaux ni par la suite approuvés par le maître de l'ouvrage. L'expert Nicolas Tardin aurait aussi relevé que des travaux en régie n'ont pas fait l'objet d'une signature adéquate de la
part du maître de l'ouvrage ou de la direction des travaux. S'agissant des travaux en régie XI (groupe b), les bons de régie n'ont été signés ni par l'architecte ni par le maître de l'ouvrage, certains comportant l'annotation "ordre de M. Sgarzi". Sur les 44 150 fr. facturés, il n'existe pour 37 635 fr.50 aucun bulletin, aucun rapport de chantier, mais simplement un listing. Au sujet du solde, seuls deux bulletins comportaient une signature, mais de toute façon les demanderesses n'ont pas prouvé le prix correspondant à ces prestations, de sorte que leur rémunération doit leur être refusée. Le défendeur fait encore valoir, en ce qui concerne les travaux du groupe c), que s'opposent également au paiement des factures 1 à 5 le fait que les procès-verbaux de chantier des 10 et 17 septembre 1987 indiquent que la seule régie effectués jusqu'alors était constituée par la location d'une grue, ce qui signifierait qu'il n'y aurait pas d'autres travaux en régie commandés par l'architecte. Le même raisonnement s'appliquerait à propos des 37 635 fr.50 faisant partie de la régie XI qui ont fait l'objet après la séance du 10 juillet 1987 d'un listing des travaux complémentaires.
Enfin, s'agissant des problèmes survenus dans l'exécution du mur nord des garages (groupe d), le défendeur, se référant à l'avis de l'expert Tardin, expose que les responsabilités de la direction des travaux et de l'entreprise sont partagées (celle de la direction des travaux étant plus importante): l'une et l'autre auraient dû être conscientes des difficultés qui pourraient surgir en raison de la proximité d'un chemin public et de la présence de conduites. Il soutient que la plus-value qui en est résultée - de 28 802 fr.80 selon les experts - aurait pu être mise à sa charge seulement à raison des deux tiers, et non en totalité comme l'a fait la Cour civile. Il prétend que ce n'est pas parce qu'il a été, en sa qualité de maître d'ouvrage, con-
traint d'accepter un autre mode d'exécution ainsi qu'un certain mode de calculation - ce qu'il conteste d'ailleurs - qu'il a accepté d'en supporter toutes les conséquences. 2.- Saisi d'un recours en réforme, le Tribunal fédéral doit conduire son raisonnement sur la base des faits contenus dans la décision attaquée, à moins que des dispositions fédérales en matière de preuves n'aient été violées, qu'il n'y ait lieu à rectification de constatations reposant sur une inadvertance manifeste (art. 63 al. 2 OJ) ou qu'il ne faille compléter les constatations de l'autorité cantonale parce que celle-ci n'a pas tenu compte de faits pertinents et régulièrement allégués (art. 64 OJ; ATF 119 II 353 consid. 5c/aa; 117 II 256 consid. 2a; 115 II 484 consid. 2a p. 485 s.). Il ne peut être présenté de griefs contre les constatations de fait, ni de faits ou de moyens de preuve nouveaux (art. 55 al. 1 let. c OJ). Dans la mesure où la partie recourante présente un état de fait qui s'écarte de celui contenu dans la décision attaquée, sans se prévaloir de manière précise de l'une des exceptions qui viennent d'être rappelées, il n'y a pas lieu d'en tenir compte. Le Tribunal fédéral ne peut aller au-delà des conclusions des parties, mais il n'est pas lié par les motifs qu'elles invoquent (art. 63 al. 1 OJ), ni par l'argumentation juridique retenue par la cour cantonale (art. 63 al. 3 OJ; ATF 123 III 246 consid. 2; 122 III 150 consid. 3 p. 156; 116 II 209 consid. 2b/cc).
3.- a) L'accord passé le 2 juin 1987 constitue un contrat d'entreprise au sens des art. 363 ss CO, qui n'est soumis à aucune exigence de forme par la loi. Mais en vertu du principe de la liberté contractuelle, les parties ont la faculté de soumettre leurs conventions à des conditions de forme qu'elles peuvent fixer selon leur bon vouloir, pour autant qu'elles n'aillent pas en deçà des exigences légales
(Schmidlin, Commentaire bernois, n. 1-6 ad art. 16 CO; Merz, Vertrag und Vertragsschluss, 2e éd., n. 395, n. 420).
L'existence et la portée d'une forme conventionnelle réservée se déterminent en principe selon les règles usuelles en matière d'interprétation des contrats (cf. Schönenberger/Jäggi, Commentaire zurichois, n. 32 ad art. 16 CO; voir aussi Schmidlin, op. cit., n. 19 ss et 30 ad art. 16 CO), soit tout d'abord par interprétation subjective, c'està-dire en recherchant la réelle et commune intention des parties (art. 18 al 1 CO). Lorsqu'il n'est pas possible d'établir en fait une volonté concordante des parties, leurs déclarations s'interprètent selon le principe de la confiance, dans le sens qu'un destinataire de bonne foi pouvait et devait leur donner en fonction des termes utilisés et d'après toutes les circonstances les précédant et les accompagnant; on parle alors d'interprétation objective. Tandis que l'interprétation subjective relève de l'appréciation des preuves et échappe au contrôle de la juridiction de réforme sous réserve des exceptions prévues aux art. 63 al. 2 et 64 OJ , l'interprétation objective relève du droit et le Tribunal fédéral la revoit librement (ATF 119 II 449 consid. 3a; 118 II 365 consid. 1; 117 II 273 consid. 5a et les arrêts cités).
Lorsque les parties n'ont pas réglé complètement la portée ou les modalités de la forme réservée, ou si des problèmes d'interprétation se posent (Schmidlin, op. cit., n. 20 ad art. 16 CO), l'art. 16 al. 1 CO énonce la présomption qu'elles n'ont entendu se lier que dès l'accomplissement de cette forme. Cette présomption peut être renversée par la preuve que les parties n'ont voulu donner à la forme écrite qu'un but probatoire ou qu'elles ont renoncé après coup à la réserve de la forme, expressément ou par actes concluants (Schönenberger/Jäggi, op. cit., n. 25, 26 ad art. 16 CO). De manière générale, il n'y a lieu de considérer que la forme écrite a été convenue dans un but probatoire que si elle n'a été réservée qu'après la conclusion d'un accord sur l'objet du contrat (SJ 1981 p. 177 consid. 1; ATF 105 II 75 consid. 1; Schönenberger/Jäggi, op. cit., n. 25 ad art. 16 CO). Enfin, l'exigence de la forme écrite s'étend aux modifications de l'acte, hormis les stipulations complémentaires accessoires qui ne sont pas en contradiction avec lui (art. 12 CO). b) En l'occurrence, la cour cantonale n'a pas violé le droit fédéral en retenant que les parties pouvaient, sans recourir à la forme écrite, modifier d'un commun accord les clauses du contrat relatives à la nature des travaux prévus et au prix de l'ouvrage. En effet, la loi ne soumet ce contrat à aucune exigence de forme, on l'a vu, et le défendeur ne soutient pas non plus que les parties n'aient adopté la forme écrite, en ce qui concerne leur accord de base, pour une autre raison que dans un but probatoire. En outre, l'art. 9 de la convention du 2 juin 1987 n'exige pas que la commande de travaux complémentaires fasse l'objet d'une approbation préalable donnée par écrit; quant à l'art. 14 des conditions générales de la soumission du 1er mai 1987, il ne fait qu'astreindre l'entrepreneur à présenter à la direction des travaux un rapport écrit concernant les travaux en régie, soit un document postérieur à leur commande et destiné à être signé. Cela est corroboré par le fait que, d'après le procèsverbal de chantier du 10 septembre 1987, les bons de régie devaient être signés après l'exécution des travaux, ce qui signifiait bien que, pour qu'ils soient décidés et ordonnés, la forme écrite n'était de toute manière pas nécessaire.
Quoi qu'il en soit, selon les constatations souveraines de la cour cantonale (art. 63 al. 2 OJ), les travaux litigieux par 44 150 fr. et 99 493 fr.55 (groupes b et c) sortaient du cadre de l'accord initial, n'étant pas visés par la soumission ou différents de ceux qui étaient prévus à l'origine; quant aux travaux du groupe a), la cour cantonale a retenu sur la base des expertises, également de manière à
lier le Tribunal fédéral, qu'il s'agissait de travaux hors soumission et nécessaires commandés par la direction du chantier qui avaient été correctement facturés. En d'autres termes, la direction des travaux et le consortium étaient parvenus en cours de chantier à des accords oraux ou parfois écrits portant modification du contrat (cf. Gauch, Le contrat d'entreprise (adaptation française par Benoît Carron), n. 768-771 et les références).
Il est exact que la communication du 23 juin 1988 peut s'interpréter comme la volonté de la direction des travaux de ne consentir à l'exécution de travaux de régie que moyennant la forme écrite.
Toutefois, indépendamment de la question de savoir si cette exigence a été acceptée par les demanderesses, on ne peut tirer aucun argument de cette communication dans la mesure où le recourant ne précise pas à quel stade en étaient, à cette date, les travaux litigieux. Ainsi, il importe peu que tous les bons de régie n'aient pas été signés par la direction du chantier avant l'exécution des travaux qui, comme telle, n'a donné lieu à aucune contestation de la part du maître de l'ouvrage ou de l'architecte.
Cette solution correspond au reste à la jurisprudence. Selon celle-ci, en effet, il n'est pas nécessaire que le maître ait formellement commandé des travaux supplémentaires pour qu'ils soient mis à sa charge, mais il suffit qu'il les ait acceptés (arrêt du Tribunal fédéral reproduit in SJ 1995 p. 100). Une telle solution s'impose d'autant plus en l'occurrence que les travaux litigieux étaient nécessaires en vue
d'une bonne exécution de l'ouvrage et qu'il n'est pas prétendu qu'ils auraient été mal effectués. 4.- Le défendeur conteste en vain que les actes de la direction des travaux puissent être considérés comme les siens. Dans le domaine de la construction, il est fréquent que le maître de l'ouvrage charge un architecte ou un ingénieur de la direction du chantier; dans cette perspective, le directeur des travaux apparaît comme le représentant du maître dans les rapports avec les entreprises et les autres personnes prenant part à la construction (Gauch, op. cit., n. 1923 et 2743; Tercier, Les contrats spéciaux, 2e éd., n. 3381).
En effet, il existe une présomption naturelle qu'un architecte agit au nom d'autrui, et, lorsque celui-ci adresse une commande à un entrepreneur, ce dernier doit en inférer, sauf circonstances ou indices contraires particuliers, que son interlocuteur agit en qualité de mandataire (arrêt du Tribunal fédéral reproduit in SJ 1988 p. 26 consid. 2a) dont le comportement est directement opposable au mandant comme s'il s'agissait du sien propre (Gauch, op. cit., n° 2743).
Contrairement à l'avis du défendeur, l'art. 9 du contrat du 2 juin 1987 ne fait pas obstacle à cette manière de voir, mis en relation avec l'art. 8 du contrat et l'art. 14 des conditions générales de la soumission.
On ignore quelle était l'étendue exacte des pouvoirs conférés à l'architecte Sgarzi qui agissait au nom du défendeur d'après les constatations de l'autorité cantonale. Peu importe cependant:
Selon l'art. 33 al. 3 CO, la communication des pouvoirs du représentant ne doit pas nécessairement être expresse, mais elle peut résulter aussi d'un comportement actif ou passif qui, d'après la théorie de la confiance, se comprendra comme la communication d'un pouvoir. Ainsi, celui qui laisse créer l'apparence d'un pouvoir de représentation se trouve lié par les actes accomplis en son nom, si le tiers a cru de bonne foi à l'existence du pouvoir de représentation et que les circonstances l'y autorisaient (arrêt du Tribunal fédéral reproduit in SJ 2000 p. 198 consid. 3c et les références).
En l'occurrence, force est de constater que le comportement qui a été celui du défendeur autorisait les demanderesses à considérer que l'architecte mandaté par lui disposait des pouvoirs nécessaires. D'une manière générale, il assistait, aux côtés de son architecte, aux réunions de chantier lors desquelles les décisions étaient prises et il en recevait les procès-verbaux. Cela signifie qu'il était parfaitement informé du déroulement du chantier et de son évolution; enfin, les travaux incriminés ont été effectués sans que le défendeur conteste leur exécution, ce qui ne pouvait que signifier leur acceptation tacite.
Même si l'on devait retenir que l'architecte ne disposait pas des pouvoirs nécessaires, il n'en demeurerait pas moins qu'il y aurait eu ratification de la part du maître de l'ouvrage, laquelle peut résulter de son silence ou survenir par actes concluants (Rudolf Schwager, Die Vollmacht des Architekten in: Le droit de la construction, 3e éd., n. 870).
5.- Enfin, soutenir que le prix des travaux supplémentaires n'aurait pas été établi confine à l'abus de procédure dans la mesure où le coût exact des prestations dues a été déterminé par deux expertises. Lorsqu'il invoque l'art. 8 CC, au demeurant sans motiver son grief comme il le devrait selon l'art. 55 al. 1 let. c OJ, le défendeur perd de toute façon de vue que cette disposition ne permet pas de revenir sur les constatations de fait des juges cantonaux. Ce grief n'a plus d'objet dès lors que l'appréciation des preuves a convaincu les juges cantonaux que les allégations de fait des demanderesses destinées à justifier leurs prétentions avaient été prouvées dans le sens préconisé par les experts (cf. ATF 119 III 60 consid. 2c; 118 II 142 consid. 3a; 114 II 289 consid. 2a; 111 II 378 consid. 3a).
6.- En conséquence, la cour cantonale n'a pas violé le droit fédéral en considérant que les parties avaient valablement convenu l'exécution de travaux complémentaires portant sur les montants de 30 445 fr.55, 44 150 fr. et 99 493 fr.55 (groupes a, b et c), et que le défendeur devait paiement de ces sommes. 7.- Il reste à examiner les griefs se rapportant à l'exécution du mur nord des garages (groupe d). a) La cour cantonale a considéré à ce propos que les deux experts estimaient que le prix facturé n'était pas surfait. L'expert Felber admettait que ce prix correspondait au prix de revient augmenté de 20 % pour risques et bénéfices conformément aux décisions prises par la direction des travaux et le maître de l'ouvrage en novembre 1987. Cela était confirmé par l'instruction dont il résultait que le mode de calculation du coût avait été déterminé en accord avec les demanderesses, l'architecte Sgarzi, l'ingénieur Saraga et le défendeur, de sorte qu'il n'y avait aucune déduction à opérer. b) Le défendeur attaque à nouveau en vain les constatations souveraines des premiers juges (art. 63 al. 2 OJ) lorsqu'il conteste avoir approuvé la plus-value découlant du mode d'exécution du mur nord des garages, en alléguant que la
façon de déterminer le coût n'aurait pas été définie suffisamment clairement. En ce qui concerne la réduction de prix qu'il prétend, à raison de un tiers, le défendeur n'indique pas, en outre, quel principe de droit fédéral aurait été violé et pourquoi. Sur ce point, le recours se heurte à l'art. 55 al. 1 let. c OJ, la conséquence de ce défaut étant l'irrecevabilité (Corboz, Le recours en réforme au Tribunal fédéral, in SJ 2000 II p. 46; voir aussi ATF 121 III 397 consid. 2a p. 400; 120 II 280 consid. 6c). c) Cela étant, il est vrai que les deux experts ont admis le principe d'une responsabilité précontractuelle des demanderesses et de la direction des travaux pour violation de leur devoir de diligence. Si on le comprend bien, le défendeur entend tirer argument de cette violation pour obtenir une réduction d'un tiers du prix qui lui a été facturé. Autrement dit, il prétendrait à une indemnisation pour le préjudice qui en serait soi-disant résulté pour lui sur la base des art. 97 ss et 364 al. 1 CO (Gauch, op. cit., n. 853). Si on se place dans une telle perspective, force est de constater qu'il appartient au maître de l'ouvrage d'établir les éléments concrets de son dommage conformément à l'art. 42 al. 1 CO, auquel renvoie l'art. 99 al. 3 CO (cf. ATF 123 III 241 consid. 3a; 123 III 16 consid. 4d; 120 II 296 consid. 3b).
Il en va de même dans l'hypothèse de l'art. 42 al. 2 CO, qui ne dispense pas le lésé d'alléguer et d'établir, dans la mesure où on peut l'attendre de lui, toutes les circonstances qui militent pour la survenance d'un dommage et qui permettent de l'évaluer (ATF 122 III 219 consid. 3).
Or le défendeur ne présente aucun élément qui permettrait de supposer qu'il aurait subi un dommage, et le jugement déféré ne renferme aucune constatation à ce propos.
Il ressort au contraire des constatations de fait des premiers juges que le défendeur n'a subi aucun préjudice dans la mesure où un ouvrage différent a été réalisé d'entente entre les parties et où les écarts de coût qui en sont résultés provenaient d'une autre conception de l'ouvrage en question. En d'autres termes, le maître de l'ouvrage ne semble pas avoir subi une diminution de patrimoine dans la mesure où il doit simplement payer le prix des travaux qui ont été effectués et qui ne peuvent être comparés à ceux primitivement prévus.
Ainsi, il n'apparaît pas que le jugement déféré soit contraire au droit fédéral en tant qu'il a reconnu le défendeur débiteur de la somme de 28 802 fr.80.
8.- Le recours se révèle ainsi mal fondé pour autant qu'il est recevable. Le recourant supportera les frais de justice et versera une indemnité de dépens aux intimées, créancières solidaires (art. 156 al. 1 et 159 al. 1 OJ).
Par ces motifs,
l e T r i b u n a l f é d é r a l :
1. Rejette le recours dans la mesure où il est recevable et confirme le jugement attaqué;
2. Met un émolument judiciaire de 6000 fr. à la charge du recourant;
3. Dit que le recourant versera aux intimées, créancières solidaires, une indemnité de 6000 fr. à titre de dépens;
4. Communique le présent arrêt en copie aux mandataires des parties et à la Cour civile du Tribunal cantonal du canton de Vaud.
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Lausanne, le 15 mai 2000
ECH
Au nom de la Ie Cour civile
du TRIBUNAL FEDERAL SUISSE:
Le président,
La greffière,