[AZA 0]
1P.145/2000
Ie COUR DE DROIT PUBLIC
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Séance du 17 mai 2000
Présidence de M. le Juge Aemisegger, Président de la Cour.
Sont présents: MM. les Juges Nay, Hungerbühler, Aeschlimann
et Favre.
Greffier: M. Jomini.
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Statuant sur le recours de droit public
formé par
X.________, représenté par Me Willy Lanz, avocat à Courtelary,
contre
la décision prise le 19 janvier 2000 par la Chambre de surveillance de la Cour suprême du canton de Berne, dans une procédure administrative dirigée contre le recourant;
(procédure cantonale, dépens)
Vu les pièces du dossier d'où ressortent
les faits suivants:
A.- Pendant plusieurs années, avant la réorganisation judiciaire mise en place dans le canton de Berne le 1er janvier 1997 avec l'entrée en vigueur de la nouvelle loi cantonale sur l'organisation des juridictions civiles et pénales (LOJ), le Tribunal de district de Moutier a fonctionné de manière insatisfaisante, connaissant un désordre très important, qui a entraîné la perte d'une centaine de dossiers pénaux.
Le 1er janvier 1997, un arrondissement judiciaire a été créé qui comprend les districts de Courtelary, Moutier et La Neuveville (arrondissement I, siège du tribunal à Moutier - art. 20 LOJ). Les nouveaux juges de cet arrondissement ont signalé à la Cour suprême qu'ils commençaient leur activité avec un lourd handicap, du fait des dysfonctionnements de l'ancien Tribunal de district de Moutier. La Direction cantonale de la justice, des affaires communales et des affaires ecclésiastiques (ci-après: la Direction de la justice) a alors ouvert une enquête administrative à l'encontre de trois collaborateurs de la chancellerie et, le 11 mars 1997, la Cour suprême a fait de même à l'égard de deux juges de cette ancienne juridiction, dont X.________. Celui-ci avait fonctionné comme juge extraordinaire (e.o.) au cours de la période 1991-1996, assumant des tâches de juge d'instruction et de président de tribunal. Depuis la réorganisation judiciaire, il est le président du tribunal ... de l'arrondissement judiciaire II Bienne-Nidau.
La Cour suprême et la Direction de la justice ont choisi de coordonner leurs enquêtes administratives respectives et elles ont désigné un "chargé d'enquêtes" en la personne de Me Y.________, avocat à Lausanne. La mission du chargé d'enquêtes a été définie en décembre 1997; le rapport de clôture de l'enquête a été remis aux autorités compétentes le 5 mars 1999. Une trentaine de personnes ont été entendues dans ce cadre et de nombreuses recherches ont été effectuées afin d'éclaircir les circonstances de la perte de dossiers.
La Chambre de surveillance de la Cour suprême a décidé de traiter séparément et en premier lieu le cas de X.________. Elle lui a donné l'occasion de s'exprimer sur le rapport du chargé d'enquêtes. Le 19 janvier 2000, elle a rendu une décision mettant fin à cette procédure administrative:
elle a renoncé à toute mesure à l'encontre de X.________ (ch.
1 du dispositif); elle a mis à la charge de l'Etat les frais de l'enquête administrative (ch. 2) et elle n'a pas alloué de dépens à X.________ (ch. 3).
Sur le fond, la Chambre de surveillance s'est référée pour l'essentiel aux conclusions du chargé d'enquêtes.
En particulier, elle a considéré que rien ne permettait de dire que le traitement des affaires pendantes au Tribunal de Moutier avait pris un retard significatif engageant la responsabilité des juges alors en place. Au sujet de la perte des dossiers, le chargé d'enquêtes avait estimé qu'on ne pouvait reprocher aux deux juges - dont X.________ - de ne pas s'en être rendu compte, en raison de leur surcharge de travail; la Chambre de surveillance a toutefois estimé que "M.
X.________ (encourait) une très légère part de responsabilité quant au désordre qui régnait au sein de la chancellerie", notamment parce qu'il n'avait "pas fait preuve de toute la sévérité requise par les circonstances", mais que cette responsabilité n'était pas telle qu'elle aurait justifié une mesure à son encontre.
X.________ était assisté d'un avocat durant cette procédure administrative. Son mandataire a notamment pris part à des auditions menées par le chargé d'enquêtes; il a par ailleurs préparé une prise de position écrite à l'intention de la Chambre de surveillance.
B.- Agissant par la voie du recours de droit public, X.________ demande au Tribunal fédéral, avec suite de frais et dépens, d'annuler la décision de la Chambre de surveillance de la Cour suprême. Il critique le refus de lui allouer des dépens, en se plaignant d'une application arbitraire du droit cantonal de procédure - en l'occurrence de l'art. 107 al. 3 de la loi sur la procédure et la juridiction administratives (LPJA) - ainsi que d'une violation des garanties générales de procédure découlant des art. 29 al. 1 Cst.
et 6CEDH.
La Chambre de surveillance se réfère à sa décision, sans prendre de conclusions.
Considérant en droit :
1.- Aux termes de ses conclusions, le recourant demande l'annulation complète de la décision attaquée. Or, dans son argumentation, il précise que seul est critiqué le refus de lui allouer des dépens, puisqu'il n'entend pas recourir pour contester l'appréciation de l'autorité cantonale quant à sa "très légère part de responsabilité" dans les dysfonctionnements de l'ancien Tribunal de Moutier. Aussi les conclusions du recours de droit public ne sont-elles recevables que dans la mesure où elles visent le sort des dépens, soit le ch. 3 du dispositif de la décision attaquée.
2.- a) La recevabilité du recours de droit public doit être examinée au regard de l'art. 88 OJ. Selon cette disposition, ont qualité pour recourir les particuliers lésés par des décisions qui les concernent personnellement. En d'autres termes, la voie du recours de droit public n'est ouverte qu'à celui qui est atteint par l'acte attaqué dans ses intérêts propres et juridiquement protégés; le recours formé pour sauvegarder l'intérêt général, ou visant à préserver d'autres avantages de fait, est en revanche irrecevable. Les intérêts que le recourant invoquent doivent être protégés soit par une règle de la législation fédérale ou cantonale, soit directement par un droit fondamental spécifique, en ce sens qu'il ne suffit en principe pas d'invoquer la protection contre l'arbitraire (ATF 126 I 81 consid. 3b p. 85 et les arrêts cités). Le Tribunal fédéral examine d'office et librement si ces conditions sont remplies (ATF 126 I 81 consid. 1 p. 83; 125 III 461 consid. 2 p. 463 et les arrêts cités).
b) aa) Le recourant évoque, à ce propos, le coût des honoraires de son avocat: s'il devait les supporter entièrement, il subirait un préjudice financier important et, partant, une atteinte à sa sphère privée. Ces inconvénients, d'ordre financier ou privé, ne suffisent pas à lui conférer la qualité pour recourir au sens de l'art. 88 OJ, s'il ne peut invoquer une norme destinée à protéger ses intérêts.
Le recourant se prévaut alors de sa qualité de partie - et des droits qui y sont liés - dans la procédure administrative cantonale close par la décision attaquée. Les droits des parties à une procédure administrative cantonale sont définis dans la législation cantonale, les garanties du droit constitutionnel offrant une protection minimale. Selon la jurisprudence relative à l'art. 88 OJ, le recours de droit public est ouvert à la partie qui se plaint d'une violation des droits qui lui sont ainsi conférés, en particulier quand elle dénonce un déni de justice formel au sens de l'art. 4 aCst. ou de l'art. 29 Cst. ; elle peut en effet invoquer des intérêts propres, protégés par le droit de procédure (cf. ATF 123 I 25 consid. 1 p. 26; 122 I 267 consid. 1b p. 270 et les arrêts cités).
bb) Dans le cas particulier, le recourant ne se plaint pas d'un déni de justice formel; il se borne à critiquer le refus de l'autorité cantonale de lui allouer des dépens.
Interprétant l'art. 4 aCst. , qui définissait au niveau constitutionnel les garanties générales de procédure jusqu'à l'entrée en vigueur de la nouvelle Constitution fédérale le 1er janvier 2000, le Tribunal fédéral a considéré que la partie obtenant gain de cause dans une procédure civile ou administrative ne pouvait pas en déduire un droit à l'allocation de dépens (ATF 104 Ia 9 consid. 1 p. 10; arrêt du 14 juin 1985 in ZBl 86/1985 p. 508; cf. aussi ATF 117 V 401 consid. II/1 p. 403). Le refus des dépens à une partie qui n'a pas prétendu à l'assistance judiciaire gratuite, ou qui n'y avait pas droit, ne l'empêche pas de procéder jusqu'à la décision finale: cela n'équivaut donc pas à un déni de justice formel. Définissant à nouveau les garanties générales de procédure, l'art. 29 Cst. - applicable en l'espèce, la décision attaquée ayant été rendue après le 1er janvier 2000 - ne consacre pas davantage un droit à l'allocation de dépens. Il n'a jamais été question d'étendre, à ce sujet, la portée des garanties découlant précédemment de l'art. 4 aCst. (cf. Message du Conseil fédéral relatif à une nouvelle Constitution fédérale, FF 1997 I 183-184; les commentaires récents ne traitent du reste pas de ce point: Andreas Auer/Giorgio Malinverni/Michel Hottelier, Droit constitutionnel suisse, vol. II, Berne 2000, p. 568/569; Ulrich Häfelin/Walter Haller, Schweizerisches Bundesstaatsrecht, Supplement zur 4.
Auflage, Zurich 2000, n. 1064 p. 58). Dans ce domaine, la Constitution cantonale du 6 juin 1993 (Cst. /BE; RS 131. 212) ne comporte pas de garanties plus étendues que celles tirées de l'art. 4 aCst. (cf. art. 26 al. 1 à 3 Cst. /BE; Walter Kälin/Urs Bolz, Manuel de droit constitutionnel bernois, Berne 1995, p. 304 ss). Quant à l'art. 6 CEDH qui garantit un procès équitable, il ne mentionne pas le sort des dépens pour les procédures auxquelles il s'applique (cf. infra, consid. 3a in fine); les parties ne peuvent manifestement pas en tirer un droit à l'allocation d'une indemnité pour leurs frais de défense (cf. arrêt non publié du Tribunal fédéral du 17 mai 1999 dans la cause A. c. Lucerne, consid. 2c). Il en résulte que le recourant ne peut pas invoquer une garantie constitutionnelle spécifique qui lui donnerait en principe directement, et indépendamment de la législation cantonale, le droit à des dépens.
cc) La procédure close, en instance cantonale unique, par la décision attaquée, a été menée devant la Cour suprême, dont la Chambre de surveillance est une section (art. 11 ch. 3 LOJ); celle-ci exerce la surveillance sur les organes inférieurs de la juridiction civile et de la juridiction pénale (art. 8 al. 1 et 2 LOJ), et notamment sur le "personnel des tribunaux (...) pour ce qui concerne leurs fonctions d'organes judiciaires" (art. 12 al. 2 let. a de la loi cantonale sur le personnel, LPers). Dans ses fonctions de surveillance à l'endroit d'un juge de première instance, la Cour suprême est, selon la législation cantonale, une "autorité administrative", à savoir une autorité qui rend des décisions à l'issue d'une procédure administrative (cf. art. 2 al. 2 LPJA), ouverte en l'occurrence d'office (cf. art. 16 al. 1 LPJA); ce tribunal n'agit en revanche pas en cette matière comme une "autorité de juridiction administrative" qui, selon la définition de l'art. 2 al. 3 LPJA, rend des décisions sur recours ou statue sur des actions ou des appels. Ni le fondement de la compétence de la Cour suprême, ni la nature "administrative" de la procédure ne sont du reste contestés par le recourant.
La loi cantonale sur la procédure et la juridiction administratives (LPJA) énonce les droits des parties dans les procédures ouvertes devant les autorités administratives et devant les autorités de juridiction administrative. Le sort des frais et dépens est réglé aux art. 102 ss LPJA. Définissant les dépens, l'art. 104 al. 1 LPJA dispose qu'ils "comprennent les frais découlant de la représentation d'une partie par une avocate ou un avocat agissant à titre professionnel".
Les art. 107 ss LPJA fixent (selon la note marginale) les "principes régissant la répartition" des frais et des dépens en procédure administrative (art. 107 LPJA), en procédure de recours (art. 108 LPJA) et en procédure d'action (art. 109 LPJA). Pour la "procédure administrative" stricto sensu, l'art. 107 al. 3 LPJA dispose qu'"il n'est pas adjugé de dépens"; en revanche, dans les procédures de recours ou d'action (juridiction administrative), le droit à des dépens, pour la partie qui a eu gain de cause, est en principe reconnu (art. 108 al. 3 et 109 al. 1 LPJA).
Dans le cas particulier, c'est donc bien la règle de l'art. 107 al. 3 LPJA qui s'applique selon la systématique de la loi sur la procédure et la juridiction administratives, la loi sur le personnel se bornant, pour ces questions formelles, à renvoyer aux dispositions de cette dernière loi (art. 52 al. 4 LPers). Il en résulte que, sur la base des règles spécifiques de la législation cantonale, le recourant ne peut pas invoquer un droit à des dépens.
dd) Le recourant s'estime victime d'arbitraire en raison de l'application littérale et sans réserve, dans sa cause, de l'art. 107 al. 3 LPJA; il prétend qu'il existe sur ce point une lacune dans la législation cantonale, qu'il faudrait combler en s'inspirant des normes régissant des cas analogues, à savoir la réglementation de la procédure disciplinaire dans la législation sur les avocats (ou celle sur le notariat, dont la portée serait similaire). Selon son argumentation, fondée sur les art. 8 et 9 Cst. , nier l'existence d'une lacune dans la loi ou la nécessité d'une réglementation spéciale reviendrait à admettre une inégalité de traitement dans la loi, et par conséquent une application arbitraire de la loi. Est en effet arbitraire une décision qui est manifestement insoutenable, qui méconnaît gravement une norme ou un principe juridique clair et indiscuté - tel le principe d'égalité -, ou encore qui heurte de manière choquante le sentiment de la justice et de l'équité (ATF 125 I 166 consid. 2a p. 168; 125 II 10 consid. 3a p. 15, 129 consid. 5b p. 134; 124 V 137 consid. 2b p. 139; 124 IV 86 consid. 2a p. 88 et les arrêts cités). Invoquant la protection contre l'arbitraire, le recourant ne se limite donc pas à demander une application plus favorable d'une norme - l'art. 107 al. 3 LPJA - qui ne lui confère aucun droit mais, se prévalant du principe d'égalité tel qu'il s'impose au législateur (art. 8 al. 1 Cst.), il critique la loi elle-même à l'occasion d'un recours contre une décision d'application, et prétend qu'à l'instar de normes comparables, elle devrait consacrer un droit à des dépens dans une procédure administrative devant la Cour suprême.
En pareil cas, la qualité pour recourir doit lui être reconnue en vertu de l'art. 88 OJ (cf. Walter Kälin, Das Verfahren der staatsrechtlichen Beschwerde, 2e éd. Berne 1994, p. 241/242; cf. aussi ATF 109 Ia 252).
Il y a donc lieu d'entrer en matière.
3.- a) Dans le cas présent, le recourant reproche à la Chambre de surveillance d'être tombée dans l'arbitraire en appliquant littéralement l'art. 107 al. 3 LPJA. Le législateur cantonal a retenu que la personne impliquée dans une procédure administrative - par exemple comme opposant (cf.
art. 107 al. 2 LPJA), mais aussi comme requérant d'une autorisation ou comme agent de l'Etat appelé à s'expliquer sur son activité devant l'autorité compétente en matière disciplinaire, le recourant ne contestant pas que les règles de la procédure administrative s'appliquent en principe également dans ce contexte (cf. supra, consid. 2b/cc) - est supposée pouvoir défendre en personne ses intérêts, de sorte qu'elle n'a pas droit au remboursement des frais qu'elle a exposés, qu'il s'agisse de frais d'avocat ou d'autres dépenses engagées par la partie à une telle procédure. Pour cette règle générale, le choix du législateur est délibéré, le remboursement de certaines dépenses étant au demeurant prévu par des normes spéciales dans différents domaines, par exemple en cas de litige d'assurances sociales (cf. Thomas Merkli/Arthur Aeschlimann/Ruth Herzog, Kommentar zum Gesetz über die Verwaltungsrechtspflege im Kanton Bern, Berne 1997, n. 13 ad art. 104 p. 731, n. 11 ad art. 107 p. 750).
La question des dépens étant expressément réglée à l'art. 107 al. 3 LPJA, il n'y a pas lieu d'envisager le comblement d'une lacune éventuelle par l'application analogique de l'art. 108 al. 3 LPJA (pour les procédures de recours devant les autorités de juridiction administrative; cf. supra, consid. 2b/cc) ou, comme le soutient le recourant, de l'art. 25 al. 4 de la loi cantonale sur les avocats (LA), applicable à la procédure disciplinaire et aux autres décisions prises en matière de surveillance par la Chambre des avocats. Le législateur n'ayant pas introduit une réserve pour la procédure disciplinaire des agents publics que sont notamment les juges, force est d'admettre qu'il s'agit d'un silence qualifié qui lie les tribunaux. En d'autres termes, comme la situation est résolue dans la loi, il n'est pas nécessaire au juge de recourir à son pouvoir créateur pour dégager une règle qui serait indispensable pour apporter une solution à la question d'une éventuelle indemnité à titre de dépens en matière administrative, selon le processus du comblement des lacunes dans le droit de fond ou dans le droit de procédure (cf. ATF 126 III 129 consid. 4 p. 138; 122 I 253 consid. 6a-b p. 254; 103 Ia 501 consid. 7 p. 502; Arthur Meier-Hayoz, Commentaire bernois, Berne 1962, n. 255 ss ad art. 1er CC; Henri Deschenaux, Le titre préliminaire du code civil suisse, Traité de droit civil suisse, Fribourg 1969, p. 89 ss).
Autre est la question de savoir si l'art. 107 al. 3 LPJA, appliqué à une procédure disciplinaire longue et difficile, conduit à un résultat arbitraire. C'est, en l'espèce, le seul grief qu'il reste à examiner, puisque le recourant ne peut pas se prévaloir des art. 29 Cst. ou 6 CEDH pour fonder sa prétention à des dépens (cf. supra, 2b/bb). Le recourant développe certains arguments au sujet de l'application de l'art. 6 CEDH aux procédures disciplinaires; cela n'est pas pertinent dans la présente contestation, dès lors que les garanties de la Convention européenne, en particulier le droit d'accès à un tribunal, ne sont pas en cause. Au reste, il est douteux que l'art. 6 CEDH s'applique quand la procédure vise un magistrat de l'ordre judiciaire (cf. ATF 126 I 33 consid. 2 p. 34).
b) En l'espèce, le recourant indique avec une certaine pertinence que la procédure dans laquelle il a été impliqué, longue et ardue, pouvait davantage s'apparenter à une procédure de recours qu'à une procédure administrative stricto sensu, et que les solutions retenues pour les avocats faisant l'objet de la surveillance de la Chambre des avocats auraient pu être adoptées également pour la discipline des juges. En ce sens, une réglementation analogue à celle de l'art. 25 al. 4 LA peut effectivement paraître plus appropriée que celle de l'art. 107 al. 3 LPJA. Encore faut-il que l'avocat qui prétend à des dépens, blanchi à l'issue d'une procédure disciplinaire, n'ait pas lui-même donné lieu à l'ouverture de celle-ci par un comportement qui pourrait lui être reproché (cf. Martin Sterchi, Kommentar zum bernischen Fürsprecher-Gesetz, Berne 1992, n. 7 in fine ad art. 25, p. 88). Malgré cela, l'application de l'art. 107 al. 3 LPJA, si rigoureuse soit-elle, ne correspond pas à la définition de l'arbitraire.
La surveillance étatique des avocats, exerçant une profession libérale, et celle des juges, agents publics, peuvent, en dépit de certaines analogies, être régies par des dispositions formelles distinctes sans violer le principe d'égalité. Cela étant, dans le cas d'espèce - où la loi ne laisse aucune marge de décision à l'autorité intimée, contrairement à une réglementation qui exclurait en principe les dépens tout en laissant la possibilité d'en allouer dans des circonstances particulières, ce qui permet d'exiger de l'autorité qu'elle exerce sans arbitraire son pouvoir d'appréciation ("Kannvorschrift"; cf. ATF 107 Ia 202; 104 Ia 6 consid. 2 p. 13) -, le refus des dépens ne heurte pas de manière choquante le sentiment de la justice et de l'équité.
Certes, comme la Chambre de surveillance l'a noté, le recourant, malgré sa formation juridique et sa pratique équivalentes à celles de son mandataire, était fondé à confier la sauvegarde de ses intérêts à celui-ci tant pour des raisons psychologiques que pratiques. En effet, le mandataire conserve une certaine distance à l'égard de la cause qui touche son mandant, ce qui lui permet d'assurer mieux la défense de ce dernier; par ailleurs, la préparation de la défense peut prendre un temps assez considérable et nuire à la poursuite de son activité professionnelle par le recourant, surtout s'il apparaît nécessaire de consulter un dossier important et de participer à l'audition de témoins dans d'autres localités que celle de son lieu de travail. On peut néanmoins se demander si, au vu des reproches entrant en considération - une surveillance insuffisante du fonctionnement de la chancellerie de l'ancien Tribunal de Moutier - et des risques encourus, après une élection dans une nouvelle juridiction où son activité de juge est favorablement appréciée, le recourant n'aurait pas pu proposer à son mandataire de limiter ses démarches, et donc de réduire les coûts de sa défense. Il est fréquent, dans différents domaines de l'activité étatique, que des citoyens soient tenus, pour défendre utilement leurs intérêts, de participer à une procédure administrative compliquée en ayant recours aux conseils d'un mandataire juridique - par exemple en matière d'aménagement du territoire ou de police des constructions -, sans pouvoir prétendre à des dépens sur la base du droit cantonal; la présente affaire n'offre pas de particularités notables de ce point de vue.
L'accent pourrait aussi être mis sur la "très légère part de responsabilité" qui incombait au recourant quant au désordre régnant dans la chancellerie de son tribunal, du fait qu'il n'avait pas pris toutes les mesures requises par les circonstances.
Aussi, tout bien considéré, la solution retenue dans la décision attaquée n'est-elle pas arbitraire.
c) Le recourant se réfère encore à l'art. 33 al. 1 LPers, qui dispose que "l'agent ou l'agente qui, dans l'exercice de ses fonctions, subit un dommage matériel non couvert par une assurance est, sur requête, partiellement ou totalement indemnisé(e) par le canton, pour autant qu'aucune faute ne puisse lui être imputée". Celui qui veut faire valoir de telles prétentions doit agir, devant un tribunal, par la voie de l'action (art. 50 LPers, art. 87 ss LPJA); l'indemnisation des agents publics en vertu de l'art. 33 LPers ne doit pas intervenir, le cas échéant, par le biais de l'allocation de dépens. Cette question n'a donc pas à être examinée plus avant dans le présent arrêt.
4.- Il s'ensuit que le recours de droit public doit être rejeté, dans la mesure où il est recevable.
Le recourant, qui succombe, doit supporter l'émolument judiciaire ( art. 153, 153a et 156 OJ ).
Par ces motifs,
le Tribunal fédéral :
1. Rejette le recours de droit public, dans la mesure où il est recevable;
2. Met à la charge du recourant un émolument judiciaire de 3'000 fr.;
3. Communique le présent arrêt en copie au mandataire du recourant et à la Chambre de surveillance de la Cour suprême du canton de Berne.
___________
Lausanne, le 17 mai 2000 JIA/col
Au nom de la Ie Cour de droit public
du TRIBUNAL FEDERAL SUISSE:
Le Président,
Le Greffier,