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Original
 
2A.612/1999
[AZA 3]
IIe C O U R D E D R O I T P U B L I C
************************************************
30 juin 2000
Composition de la Cour: MM. et Mme les Juges Wurzburger,
président, Hartmann, Betschart, Hungerbühler et Yersin.
Greffière: Mme Dupraz.
Statuant sur le recours de droit administratif
formé par
l' association UNIA, syndicat du secteur tertiaire, à Berne,
représentée par Me Yves Richon, avocat à Delémont,
contre
l'arrêt rendu le 29 novembre 1999 par la Chambre administra-
tive du Tribunal cantonal du canton du Jura, dans la cause
qui oppose la société Coop Neuchâtel-Jura, à La Chaux-de-
Fonds, représentée par Me Frédéric Büchler, avocat au Noir-
mont, au Service des arts et métiers et du travail du canton
du J u r a;
(autorisation d'occuper des travailleurs le dimanche)
Vu les pièces du dossier d'où ressortent
les f a i t s suivants:
A.-
Le 16 mars 1999, le Conseil communal de Saigne-
légier a autorisé la société Coop Neuchâtel-Jura (ci-après:
la Société) à ouvrir son centre commercial de Saignelégier, à
titre provisoire, le dimanche de 8.00h. à 12.00h. durant une
période d'essai s'étendant du 27 juin au 26 septembre 1999.
Cette autorisation était subordonnée à différentes condi-
tions.
Par décision du 4 juin 1999, le Service des arts et
métiers et du travail du canton du Jura (ci-après: le Service
cantonal) a rejeté les requêtes déposées le 19 avril 1999 par
la Société qui tendaient, d'une part, à faire constater que
le magasin en question était une entreprise d'une région tou-
ristique satisfaisant aux besoins du tourisme et, d'autre
part, à obtenir l'autorisation d'employer du personnel fémi-
nin durant la période estivale, le dimanche matin de 8.00h. à
12.00h. Le Service cantonal a retenu en substance que l'en-
treprise concernée ne satisfaisait pas aux besoins du touris-
me et qu'il n'était dès lors pas nécessaire d'examiner la de-
mande visant à employer du personnel féminin le dimanche.
La Société a formé opposition contre la décision du
Service cantonal du 4 juin 1999. Le 16 juillet 1999, ce der-
nier a rejeté l'opposition et confirmé la décision querellée.
B.-
La Société a alors porté sa cause devant la
Chambre administrative du Tribunal cantonal du canton du Jura
(ci-après: le Tribunal cantonal) qui, par arrêt du 29 novem-
bre 1999, a admis le recours et constaté que la Société pou-
vait sans autorisation officielle ordonner le travail du di-
manche et qu'elle pourrait être autorisée à occuper du per-
sonnel féminin le dimanche, "pour autant que les conditions
des ordonnances d'application de la nouvelle loi sur le tra-
vail le permettent toujours". Le Tribunal cantonal a notam-
ment estimé qu'en plus des touristes de passage, les Fran-
ches-Montagnes accueillaient de nombreux vacanciers séjour-
nant hors des structures hôtelières, pour qui l'acquisition
de biens de première nécessité, le cas échéant le dimanche
matin, constituait une priorité. Il a relevé que, dans le ma-
gasin concerné de la Société, la gamme et le nombre des pro-
duits non touristiques ne l'emportaient pas largement sur les
autres et qu'au contraire, le chiffre d'affaires de ce maga-
sin pour le mois de mai 1999 démontrait que les articles ne
servant pas aux touristes représentaient seulement une petite
partie des ventes. Le magasin précité était donc une entre-
prise satisfaisant aux besoins du tourisme. En outre, dans le
domaine de la vente de détail, une grande partie du personnel
était constituée par des femmes. C'était d'ailleurs le cas de
la Société dont le personnel féminin représentait les trois
quarts de ses employés. Dès lors, le travail des femmes était
conforme à l'usage de la profession. Il convenait par consé-
quent d'autoriser la Société à occuper du personnel féminin
le dimanche, d'autant plus qu'elle s'était engagée à ne re-
courir alors qu'à des volontaires qui bénéficieraient au de-
meurant d'un supplément de rémunération.
C.-
Agissant par la voie du recours de droit admi-
nistratif, l'association UNIA, syndicat du secteur tertiaire,
demande au Tribunal fédéral, sous suite de frais et dépens,
d'annuler l'arrêt du Tribunal cantonal du 29 novembre 1999,
de constater que la Société n'a pas le droit d'employer du
personnel le dimanche matin dans son centre commercial de
Saignelégier ni ne peut être autorisée à y occuper du person-
nel féminin le dimanche et, éventuellement, de renvoyer la
cause à l'autorité inférieure pour nouvelle décision dans le
sens des motifs. La recourante se plaint en substance de vio-
lation du droit fédéral. Elle fait notamment valoir que le
magasin concerné est une grande surface visant à répondre aux
attentes les plus diversifiées possibles des clients et n'of-
frant pas de biens propres à perpétuer le souvenir de la ré-
gion ou de produits du terroir. Elle considère que ledit ma-
gasin n'est pas une entreprise satisfaisant aux besoins du
tourisme et qu'il ne fallait donc pas accorder à la Société
l'autorisation d'employer du personnel féminin le dimanche.
Elle requiert une mesure d'instruction.
Le Tribunal cantonal conclut au rejet du recours
dans la mesure où il est recevable, en confirmant l'arrêt at-
taqué. Le Service cantonal prend les mêmes conclusions que la
recourante. La Société conclut, sous suite de frais et dé-
pens, principalement à l'irrecevabilité du recours et subsi-
diairement à son rejet ainsi qu'à la confirmation de l'arrêt
entrepris.
Le Département fédéral de l'économie (ci-après: le
Département fédéral) propose l'admission du recours.
C o n s i d é r a n t e n d r o i t :
1.-
Le Tribunal fédéral examine d'office et libre-
ment la recevabilité des recours qui lui sont soumis (ATF 124
II 499 consid. 1a p. 501).
a) Déposé en temps utile et dans les formes prescri-
tes par la loi contre un arrêt rendu en dernière instance
cantonale et fondé sur le droit public fédéral, le présent
recours, qui ne tombe sous aucune des exceptions des art. 99
à 102 OJ, est en principe recevable en vertu des art. 97 ss
OJ ainsi que de la règle particulière de l'art. 57 de la loi
fédérale du 13 mars 1964 sur le travail dans l'industrie,
l'artisanat et le commerce (ci-après: la loi sur le travail
ou LTr; RS 822.11).
b) Selon les art. 58 al. 1 LTr et 103 lettres a et c
OJ, ont qualité pour recourir les employeurs et travailleurs
intéressés et leurs associations ainsi que toute personne qui
justifie d'un intérêt direct.
D'après ses statuts du 29 février 1996, la recouran-
te est ouverte à toute personne active dans le secteur ter-
tiaire privé (art. 3 al. 1) et elle défend les intérêts maté-
riels, professionnels, sociaux et culturels de ses membres
(art. 2 al. 2). Dès lors, il y a lieu de lui reconnaître la
qualité pour agir.
On ne saurait suivre la Société quand elle conteste
la qualité pour agir de la recourante en l'espèce. En effet,
l'art. 103 lettre c OJ ne subordonne pas expressément la re-
cevabilité du recours de droit administratif à la participa-
tion à la procédure antérieure. Par ailleurs, la loi sur le
travail ne contient pas de dispositions prévoyant la partici-
pation à la procédure cantonale des organisations mentionnées
à son art. 58 al. 1. Dans ces circonstances, il y a lieu
d'admettre la qualité pour agir de la recourante (cf. Walther
Hug, Commentaire de la loi fédérale sur le travail, Berne
1971, n. 1, p. 411/412 ad art. 58; voir aussi Daniel Elias
Gundelfinger, Das Arbeitsgesetz und die Verwaltungsrechts-
pflege im Bund und im Kanton Zürich, thèse Zurich 1983,
p. 146). Le Tribunal fédéral s'est prononcé au sujet de
l'obligation d'avoir participé à la procédure cantonale dans
le cadre de l'application des art. 12 de la loi fédérale du
1er juillet 1966 sur la protection de la nature et du paysage
(LPN; RS 451) et 55 de la loi fédérale du 7 octobre 1983 sur
la protection de l'environnement (LPE; RS 814.01). Il a con-
sidéré que, lorsque la qualité pour recourir découlait de
l'une de ces dispositions, l'organisation recourante devait
en principe avoir participé à la procédure de dernière ins-
tance cantonale (ATF 116 Ib 418 consid. 3e p. 431/432). Il a
cependant justifié sa position en se fondant sur les textes
des deux lois précitées qui prévoient l'intervention des or-
ganisations visées déjà dans la procédure cantonale. On ne
peut donc pas généraliser cette interprétation restrictive de
l'art. 103 lettre c OJ.
c) En principe, la qualité pour recourir suppose un
intérêt actuel à obtenir l'annulation de la décision atta-
quée. Le Tribunal fédéral fait toutefois abstraction de cette
exigence lorsque la contestation peut se reproduire en tout
temps dans des circonstances identiques ou analogues, que sa
nature ne permet pas de la trancher avant qu'elle ne perde
son actualité et que, en raison de sa portée de principe, il
existe un intérêt public suffisamment important à la solution
de la question litigieuse (ATF 123 II 285 consid. 4 p. 286
ss; 118 Ib 1 consid. 2b p. 8; 111 Ib 56 consid. 2b p. 59 et
182 consid. 2c p. 185). En l'espèce, l'intérêt actuel de la
recourante à voir annuler la demande de la Société portant
sur la période du 27 juin au 26 septembre 1999 a disparu. Ce-
pendant, le Tribunal cantonal est entré en matière et a cons-
taté que la Société pouvait sans autorisation officielle or-
donner le travail du dimanche et qu'elle pourrait être auto-
risée à occuper du personnel féminin le dimanche, sous réser-
ve d'un changement de législation en la matière. A l'heure
actuelle, la Société ne bénéficie que d'une décision en cons-
tatation de droit dont la portée est mal définie, de sorte
qu'il n'est pas exclu que la recourante ait un intérêt actuel
à la voir annuler. De toute façon, les conditions prévues par
la jurisprudence rappelée ci-dessus sont remplies. En effet,
si l'on attendait une nouvelle décision pour une prochaine
année, il ne serait vraisemblablement pas possible de tran-
cher le nouveau litige avant qu'il ne perde son actualité.
2.-
D'après l'art. 104 OJ, le recours de droit admi-
nistratif peut être formé pour violation du droit fédéral, y
compris l'excès et l'abus du pouvoir d'appréciation (lettre
a) ainsi que pour constatation inexacte ou incomplète des
faits pertinents, sous réserve de l'art. 105 al. 2 OJ, (let-
tre b). Le Tribunal fédéral vérifie d'office l'application du
droit fédéral, qui englobe notamment les droits constitution-
nels des citoyens (ATF 124 II 517 consid. 1 p. 519; 123 II
385 consid. 3 p. 388), sans être lié par les motifs invoqués
par les parties (art. 114 al. 1 in fine OJ). Cependant, il
procède à cette vérification avec retenue, lorsque l'autorité
cantonale jouit d'une certaine liberté d'appréciation, en
particulier lorsque sa décision dépend de considérations éco-
nomiques et de l'appréciation de circonstances locales (ATF
117 Ib 162 consid. 1c p. 165 et consid. 4b p. 167/168). Par
ailleurs, lorsque le recours est dirigé, comme en l'espèce,
contre la décision d'une autorité judiciaire, le Tribunal fé-
déral est lié par les faits constatés dans cette décision,
sauf s'ils sont manifestement inexacts ou incomplets ou s'ils
ont été établis au mépris de règles essentielles de procédure
(art. 105 al. 2 OJ). La possibilité de faire valoir des faits
nouveaux ou de nouveaux moyens de preuve est dès lors très
restreinte. Seules sont admissibles les preuves que l'instan-
ce inférieure aurait dû retenir d'office et dont le défaut
d'administration constitue une violation de règles essentiel-
les de procédure (ATF 121 II 97 consid. 1c p. 99). En outre,
le Tribunal fédéral ne peut pas revoir l'opportunité de l'ar-
rêt entrepris, le droit fédéral ne prévoyant pas un tel exa-
men en la matière (art. 104 lettre c ch. 3 OJ).
La recourante produit, comme le Département fédéral
qui y joint d'ailleurs une annexe, une enquête complémentaire
établie le 17 décembre 1999 par l'Inspection fédérale du tra-
vail 1 suite à l'arrêt attaqué. Le Département fédéral expli-
que dans ses déterminations que cette étude a été demandée
par le Secrétariat d'Etat à l'économie à réception de l'arrêt
entrepris pour évaluer les conséquences qu'il pourrait en-
traîner dans le cas d'espèce et les répercussions qu'il pour-
rait avoir sur la pratique des autres cantons. Il s'agit donc
d'une pièce postérieure à l'arrêt attaqué qui, comme telle,
doit être écartée en raison des principes rappelés ci-dessus.
Le même sort doit être réservé aux arguments qui en sont ti-
rés.
3.-
La recourante demande la production du dossier
de la cause par le Tribunal cantonal.
Selon l'art. 110 al. 2 OJ, le Tribunal fédéral invi-
te d'office l'autorité qui a rendu la décision attaquée à lui
communiquer le dossier dans le délai qui lui est imparti pour
déposer sa réponse, ce que le Tribunal cantonal a fait en
l'espèce. La réquisition d'instruction de la recourante est
dès lors sans objet.
4.-
La loi sur le travail consacre le principe de
l'interdiction de travailler le dimanche à son art. 18 al. 1
1ère phrase (cf., au sujet de la justification de ce princi-
pe, l'ATF 120 Ib 332 consid. 3a p. 333/334). Ce principe
souffre cependant différentes exceptions. C'est ainsi que
l'art. 19 al. 1 LTr habilite l'autorité cantonale à autoriser
temporairement le travail du dimanche à trois conditions; il
faut qu'il existe un besoin urgent dûment établi, que les
travailleurs affectés à ce travail y consentent et que l'em-
ployeur leur verse, en contrepartie, un supplément de salaire
d'au moins 50 pour cent. Par ailleurs, l'art. 27 al. 1 LTr
dispose qu'"en tant que leur situation particulière le rend
nécessaire, certaines catégories d'entreprises ou de travail-
leurs peuvent être soumises par ordonnance à des dispositions
spéciales remplaçant en tout ou partie les articles 9 à 21,
23 à 25, 31, 34 et 36". Quant à l'art. 27 al. 2 lettre c LTr,
il prévoit que de telles dispositions peuvent être édictées
notamment pour les entreprises qui satisfont aux besoins du
tourisme ou de la population agricole.
C'est sur la base de l'art. 27 LTr que le Conseil
fédéral a édicté l'ordonnance II du 14 janvier 1966 concer-
nant l'exécution de la loi sur le travail (dispositions spé-
ciales pour certaines catégories d'entreprises ou de travail-
leurs; ci-après: OLT 2; RS 822.112), dont les art. 41 à 44
sont consacrés aux entreprises des régions touristiques et
des localités frontières. L'art. 41 OLT 2 a la teneur suivan-
te:
" 1 Les entreprises des régions touristiques et des
localités frontières qui satisfont aux besoins du
tourisme, ainsi que leur personnel, sont soustraits
à l'application des prescriptions suivantes de la
loi:
a. Les magasins, à l'article 10, 2e alinéa, et à
l'article 19, 1eret 2e alinéas;
b. Les ateliers qui font et réparent des skis, les
ateliers de réparation d'articles de sport ainsi
que les laboratoires photographiques, à l'arti-
cle 17, 1er alinéa.
2
Sont réputées régions touristiques celles que
mentionne la législation fédérale sur l'encourage-
ment du crédit à l'hôtellerie et aux stations de
villégiature.
3
Les articles 42 à 44 de la présente ordonnance
s'appliquent en lieu et place des prescriptions de
la loi mentionnées au 1er alinéa."
Par ailleurs, l'art. 44 OLT 2, qui traite du travail
du dimanche, dispose que, dans les magasins, l'employeur
peut, sans autorisation officielle, ordonner de travailler le
dimanche en tant que les prescriptions sur la fermeture des
magasins permettent d'exploiter ces entreprises.
5.-
Il convient d'établir ce qu'il faut entendre par
entreprises "qui satisfont aux besoins du tourisme" et si le
magasin concerné correspond à cette définition, les deux au-
tres conditions soit le caractère touristique de la région et
le respect des prescriptions sur la fermeture des magasins
étant incontestablement remplies.
a) La législation applicable en l'espèce ne donne
pas de définition du "tourisme" ou du "touriste", mais le
Tribunal fédéral a eu l'occasion de se prononcer récemment à
ce sujet (ATF 126 II 106 consid. 4 p. 109). Se fondant sur le
dictionnaire Robert, il a retenu comme définition du tourisme
le fait de voyager, de parcourir pour son plaisir (pour se
distraire, se cultiver, etc.) un lieu autre que celui où l'on
vit habituellement (même s'il s'agit d'un petit déplacement
ou si le but principal du voyage est autre), ce qui permet de
cerner la notion de "satisfaction des besoins du tourisme".
Cette définition comprend les besoins qui sont inhérents à la
nature humaine et que les touristes doivent satisfaire où
qu'ils se trouvent, comme les habitants du lieu d'ailleurs,
(tels que le besoin de nourriture et de boisson ou d'hygiène)
ainsi que les besoins qui sont propres aux touristes,
c'est-à-dire ceux dont la satisfaction leur permet de voyager
pour leur plaisir, dans un but de divertissement, de culture,
etc. A ce dernier titre, on peut citer comme exemple le be-
soin d'un guide de voyage ou d'un produit du terroir pouvant
faire partie des souvenirs de vacances.
Comme la législation applicable ici ne définit pas
ce qu'il faut entendre par satisfaction des besoins du tou-
risme, elle n'indique pas que seule une des catégories de
produits permettant de satisfaire aux besoins du tourisme de-
vrait être prise en compte à l'exclusion de l'autre. Elle
n'exige pas non plus la coexistence des diverses sortes de
biens susmentionnés pour admettre une dérogation au principe
général de l'interdiction du travail dominical. Elle ne con-
tient donc pas de conditions cumulatives quant aux genres de
produits offerts aux touristes.
Le Tribunal fédéral ne s'est prononcé qu'une fois
sur la satisfaction des besoins du tourisme (ATF 126 II 106
consid. 5a et 5b p. 109/110) et, en raison des particularités
du litige, il a mis l'accent sur les produits satisfaisant
aux besoins spécifiques des touristes, soit sur la seconde
catégorie des biens susmentionnés. Il serait inexact d'en dé-
duire que seule cette catégorie de produits entre en ligne de
compte dans l'application de l'art. 41 OLT 2.
b) Il ressort de l'ensemble du dossier que la Socié-
té vend un grand choix d'articles qu'on peut qualifier, pour
une bonne partie, de biens de première nécessité, comme les
produits alimentaires ou hygiéniques. Il s'agit donc de pro-
duits nécessaires à n'importe qui, tout d'abord aux habitants
du lieu, puis aux touristes mais à des degrés divers, en
fonction de leur mode de tourisme. En revanche, la Société
n'offre pas, semble-t-il, à sa clientèle d'articles qui ré-
pondraient aux besoins culturels ou de divertissement des
touristes. En particulier, elle ne met pas en vente des pro-
duits du terroir ou de l'artisanat local. Il s'agit donc de
déterminer si, en l'espèce, l'offre de biens entrant dans la
première catégorie de produits établie ci-dessus justifie une
dérogation au principe général de l'interdiction du travail
dominical.
Le législateur, qui a édicté des normes pour proté-
ger les travailleurs, est parti de l'idée que les touristes
ont certains besoins qu'il convient de satisfaire même au
prix d'une dérogation au principe de l'interdiction du tra-
vail dominical. Selon la jurisprudence, une telle dérogation
doit d'ailleurs s'interpréter restrictivement sous peine de
vider le principe général de son contenu (ATF 126 II 106 con-
sid. 5a p. 109/110).
Il convient de prendre en compte le genre de touris-
me pratiqué dans les Franches-Montagnes, en particulier les
types d'hébergements usuels dans cette contrée; en effet, ce-
la a des répercussions essentielles sur les besoins des tou-
ristes qui y séjournent. Bien des touristes fréquentant les
Franches-Montagnes ne logent pas à l'hôtel mais dans des cam-
pings, des appartements voire des colonies de vacances. En
outre, ils peuvent arriver le samedi après la fermeture des
magasins de Saignelégier, soit après 16.00h. Il existe donc
indéniablement un besoin de produits de première nécessité
pour une grande partie des touristes séjournant dans la ré-
gion de Saignelégier et y arrivant en fin de semaine. Il res-
sort par ailleurs du plan des installations et étalages du
magasin concerné de la Société que la majorité des produits
qu'elle met en vente se compose précisément de biens de ce
genre. Du reste, la vente de ces produits représente plus de
86 % de son chiffre d'affaires, si l'on se réfère aux résul-
tats dudit magasin pour le mois de mai 1999. Or, la recouran-
te ne démontre pas que les touristes arrivant en fin de se-
maine à Saignelégier pourraient satisfaire leurs besoins en
produits de première nécessité ailleurs. Il apparaît, compte
tenu des circonstances particulières de la présente espèce,
que la requête litigieuse vise effectivement à satisfaire aux
besoins du tourisme au sens de l'art. 41 al. 1 OLT 2. En ou-
tre, l'autorisation demandée est limitée à trois mois d'été
(du 27 juin au 26 septembre 1999) et la Société s'est engagée
à n'employer que des volontaires qui bénéficieraient d'un
supplément de salaire. Dans ces conditions, il apparaît que
l'autorité intimée n'a pas violé le droit fédéral, en parti-
culier l'art. 44 OLT 2, en constatant que la Société pouvait,
sans autorisation officielle, ordonner le travail du diman-
che.
6.-
L'art. 34 al. 3 LTr dispose que "le travail noc-
turne ou dominical ne peut être autorisé pour les femmes
qu'aux conditions qui seront définies par ordonnance". L'art.
41 al. 1 OLT 2 ne prévoit pas que les entreprises des régions
touristiques qui satisfont aux besoins du tourisme, ainsi que
leur personnel, soient soustraits à l'application de cette
disposition. Il convient dès lors d'examiner si la Société
remplit une des conditions énumérées à l'art. 71 de l'ordon-
nance 1 du 14 janvier 1966 concernant la loi sur le travail
(ordonnance générale; ci-après: OLT 1; RS 822.111), traitant
du travail du dimanche.
En l'espèce, seule peut entrer en ligne de compte la
lettre b de l'art. 71 OLT 1, qui prévoit que l'autorité peut
permettre que des femmes travaillent le dimanche en tant que
cela est conforme à l'usage de la profession. Le Tribunal
cantonal a retenu que, dans la vente de détail, une grande
partie du personnel était constituée par des femmes et que,
dans les magasins de la Société, en particulier, le personnel
féminin occupait les trois quarts des postes. La recourante
n'apporte aucun argument mettant en cause les affirmations de
l'autorité intimée. Il apparaît dès lors que c'est à juste
titre que le Tribunal cantonal a admis que la Société devrait
être autorisée à occuper du personnel féminin le dimanche,
sous réserve des nouvelles dispositions d'application de la
loi sur le travail. Sur ce point également, l'autorité inti-
mée n'a donc pas violé le droit fédéral.
7.-
Vu ce qui précède, le recours doit être rejeté.
Succombant, la recourante doit supporter les frais
judiciaires (art. 156 al. 1, 153 et 153a OJ) et n'a pas droit
à des dépens (art. 159 al. 1 OJ).
La Société a droit à des dépens (art. 159 al. 1 OJ).
Il n'y a pas lieu de donner suite à la demande de dépens pré-
sentée par le Service cantonal (art. 159 al. 1 et 2 OJ).
Par ces motifs,
le T r i b u n a l f é d é r a l :
1. Rejette le recours.
2. Met à la charge de la recourante un émolument ju-
diciaire de 2'000 fr.
3. Met à la charge de la recourante une indemnité de
2'000 fr. à verser à la société Coop Neuchâtel-Jura à titre
de dépens.
4. Communique le présent arrêt en copie aux manda-
taires des parties, au Service des arts et métiers et du tra-
vail et à la Chambre administrative du Tribunal cantonal du
canton du Jura, ainsi qu'au Département fédéral de l'écono-
mie.
____________
Lausanne, le 30 juin 2000
DAC/elo
Au nom de la IIe Cour de droit public
du TRIBUNAL FEDERAL SUISSE:
Le Président,
La Greffière,