[AZA 0]
1P.63/2000
Ie COUR DE DROIT PUBLIC
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5 juillet 2000
Composition de la Cour: MM. les juges Aemisegger, président,
Aeschlimann et Favre. Greffier: M. Thélin.
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Statuant sur le recours de droit public
formé par
dame A.________ et A.________ , dame B.________ et B.________ , C.________ , tous représentés par Me Marianne Loretan, avocate à Fribourg,
contre
l'arrêt rendu le 23 décembre 1999 par le Tribunal administratif du canton de Fribourg, dans la cause qui oppose les recourants à la ville de F r i b o u r g , représentée par son Conseil communal;
(plan d'alignement)
Vu les pièces du dossier d'où ressortent
les faits suivants:
A.- D.________ et dame D.________ sont propriétaires de la parcelle n° 6192 de la commune de Fribourg (rue du Nordn° 5), sur laquelle se trouvent de vieux hangars désaffectés; cet immeuble est attribué à la zone de ville II par le plan communal d'affectation des zones.
Le 1er septembre 1995, les propriétaires ont obtenu du Préfet du district de la Sarine un permis d'implantation tendant à la réalisation d'un bâtiment d'habitation collective de trois étages sur rez-de-chaussée, destiné à remplacer les constructions existantes. Le nouveau bâtiment doit être accolé en ordre contigu à un édifice présent sur la parcelle voisine n° 6202, dont il constituera le prolongement.
L'autre extrémité se présentera sous la forme d'un mur aveugle, à la limite de la parcelle n° 6190 qui est une rue privée - une impasse - dépourvue de nom. Le Préfet a écarté les oppositions formées notamment, lors de l'enquête publique, par les époux dame A.________ et A.________, copropriétaires de cette rue privée et propriétaires d'un immeuble desservi par elle, qui contestaient l'esthétique du projet et son intégration dans le site.
Les opposants ont recouru sans succès au Tribunal administratif du canton de Fribourg. Cette juridiction les a déboutés par arrêt du 5 mars 1996. Elle a considéré que le projet était en principe conforme au règlement relatif au plan d'affectation des zones (règlement communal d'urbanisme; ci-après RCU); le Tribunal administratif a toutefois réservé l'application des prescriptions sur les distances entre les constructions et les routes, ou l'obtention éventuelle d'une dérogation, quant à l'implantation du bâtiment par rapport à la rue privée.
B.- A la suite d'un préavis favorable du Conseil communal de Fribourg, D.________ a obtenu un permis de construire délivré par le Préfet le 28 mai 1996. Ce magistrat a écarté les oppositions que les adversaires du projet avaient derechef formées lors de l'enquête publique.
Les époux A.________ se sont à nouveau pourvus devant le Tribunal administratif. Celui-ci est revenu sur son appréciation concernant la conformité du projet par rapport au règlement communal d'urbanisme; par ailleurs, il a jugé que les prescriptions sur les distances n'étaient pas respectées entre le nouveau bâtiment et la rue privée. Statuant le 3 mars 1997, ce tribunal a suspendu le permis de construire "jusqu'à l'entrée en force d'une dérogation communale autorisant la construction d'un bâtiment de remplacement et jusqu'à l'admission de nouveaux plans concernant la distance à la route privée".
La ville de Fribourg a formé contre ce prononcé un recours de droit public pour violation de l'autonomie communale, que le Tribunal fédéral a rejeté, dans la mesure où il était recevable, par arrêt du 19 août 1997 (cause 1P.232/1997).
C.- En mars 1998, le Conseil communal a soumis à l'enquête publique le projet d'un nouvel art. 68bis RCU, destiné à faciliter le remplacement de constructions sans valeur architecturale et, en particulier, à rendre le bâtiment envisagé sur la parcelle n° 6192 réalisable sans dérogation; simultanément, le Conseil communal a présenté le projet d'un plan d'alignement correspondant à l'implantation prévue pour ledit bâtiment. Ce plan définit deux alignements sur la parcelle concernée: l'un, longitudinal, prolonge la façade du bâtiment présent sur la parcelle voisine n° 6202; l'autre, transversal et perpendiculaire au premier, coïncide avec la limite de la parcelle n° 6190 qui se trouve à l'opposé et constitue la rue privée.
Les époux A.________ et d'autres copropriétaires de la rue privée ont formé des oppositions que le Conseil communal a écartées le 14 octobre 1998. Contestant la légalité de la disposition réglementaire et du plan d'alignement, ces opposants ont saisi en vain la Direction cantonale des travaux publics, compétente pour les litiges relatifs aux plans d'affectation, puis le Tribunal administratif; cette juridiction a rejeté leurs recours par un nouvel arrêt du 23 décembre 1999.
D.- Agissant conjointement par la voie du recours de droit public, les époux A.________ et trois des autres recourants en instance cantonale requièrent le Tribunal fédéral d'annuler l'arrêt du Tribunal administratif dans la mesure où ce prononcé confirme le plan d'alignement. Contestant l'implantation prévue en limite de leur propre bien-fonds, ils se plaignent d'une application arbitraire, donc contraire à l'art. 9 Cst. , des prescriptions cantonales sur les alignements ou limites de construction. Pour le surplus, implicitement, ils renoncent à contester l'art. 68bis RCU.
Invités à répondre, le Conseil communal propose le rejet du recours; la Direction cantonale des travaux publics et le Tribunal administratif ont renoncé à déposer des observations.
Considérant en droit :
1.- En vertu de l'art. 88 OJ, le droit de former un recours de droit public contre un plan d'affectation, tel qu'un plan de quartier ou d'alignement, n'appartient en règle générale qu'au propriétaire d'un bien-fonds. Le propriétaire recourant est autorisé à faire valoir que la mise en vigueur du plan porte atteinte à ses droits constitutionnels en réduisant à néant ou en modifiant la portée de règles destinées notamment à protéger ses intérêts, ou en restreignant l'utilisation de son bien. Il est sans importance que le fonds soit inclus dans le périmètre du plan ou situé à l'extérieur de celui-ci, mais la qualité pour recourir du propriétaire se limite toujours à la contestation des effets du plan sur son propre fonds (ATF 112 Ia 90 consid. 3 p. 91; voir aussi ATF 119 Ia 362 consid. 1b p. 364, 433 consid. 2c p. 437 i.f., 116 Ia 193 consid. 1b p. 194, 116 Ia 433 consid. 2a p. 436). Lorsque le plan fixe le volume, l'implantation et la destination de bâtiments à construire, le propriétaire voisin ne peut se prévaloir que de prescriptions destinées au moins accessoirement à protéger les intérêts des voisins, telles que les règles relatives à la densité des constructions et aux distances à observer entre elles et les limites de propriété. Le recourant doit démontrer qu'il fait partie des voisins dont les dispositions invoquées doivent assurer la protection et qu'il est atteint par la violation dénoncée (ATF 118 Ia 112 consid. 2a p. 116, 118 Ia 232 consid. 1a p. 234, 117 Ia 18 consid. 3b p. 19).
Le plan litigieux a précisément pour objet de fixer l'implantation d'un bâtiment futur par rapport à un bien-fonds dont les recourants sont tous copropriétaires; ceux-ci ont donc qualité pour agir.
2.- Une décision est arbitraire, et donc contraire aux art. 9 Cst. ou 4 aCst. , lorsqu'elle viole gravement une norme ou un principe juridique clair et indiscuté, ou contredit d'une manière choquante le sentiment de la justice et de l'équité. Le Tribunal fédéral ne s'écarte de la solution retenue par l'autorité cantonale de dernière instance que si sa décision apparaît insoutenable, en contradiction manifeste avec la situation effective, adoptée sans motifs objectifs ou en violation d'un droit certain. En outre, il ne suffit pas que les motifs de la décision soient insoutenables; encore faut-il que celle-ci soit arbitraire dans son résultat. A cet égard, il ne suffit pas non plus qu'une solution différente de celle retenue par l'autorité cantonale puisse être tenue pour également concevable, ou apparaisse même préférable (ATF 125 I 166 consid. 2a p. 168; 125 II 10 consid. 3a p. 15, 129 consid. 5b p. 134; 124 V 137 consid. 2b p. 139; 124 IV 86 consid. 2a p. 88).
3.- L'art. 161 al. 1 et 3 de la loi fribourgeoise du 9 mai 1983 sur l'aménagement du territoire et les constructions (LATeC) prévoit que le plan d'affectation détermine l'ordre contigu ou non contigu des constructions (al. 1).
Dans l'ordre contigu, les bâtiments sont implantés, en règle générale, en limite de propriété. Des prescriptions spéciales doivent notamment fixer les alignements, les profondeurs des bâtiments, les gabarits verticaux, ainsi que les distances à observer pour les bâtiments ou parties de bâtiments non construits en limite de propriété. Ces prescriptions doivent figurer dans le règlement communal ou dans un plan d'aménagement de détail (al. 3).
L'autorité de planification est tenue de fixer des alignements, mais elle jouit à cet égard d'un large pouvoir d'appréciation. Elle détermine librement leur position, soit par rapport aux rues ou aux autres voies de desserte, soit par rapport aux limites des propriétés voisines. En particulier, aucune distance minimum n'est imposée; les distances entre limites de construction, prévues par la loi cantonale du 15 décembre 1967 sur les routes (art. 115 à 118), ne concernent que les zones de l'ordre non contigu. Il est d'ailleurs courant, dans le centre des villes, que des bâtiments en ordre contigu soient édifiés directement en bordure des voies de circulation.
Dans le cas particulier, la succession des constructions en ordre contigu n'est certes pas envisagée le long de la voie concernée, mais au contraire perpendiculairement à celle-ci; d'après le plan litigieux et le projet concrètement prévu sur la parcelle n° 6192, l'ensemble formé par les bâtiments accolés se terminera sur ce bien-fonds, par un mur aveugle à la limite de la rue privée, mur qui ne sera en principe pas en attente d'un autre bâtiment contigu. Quoique atypique, cette situation n'est clairement exclue ni par l'art. 161 al. 3 LATeC, ni par aucune des autres dispositions invoquées par les recourants. En particulier, l'art. 52 du règlement d'exécution de la loi sur les constructions (RELATeC), accompagné d'un schéma, est une simple illustration de l'art. 161 al. 3 précité; il ne comporte aucune directive supplémentaire à l'intention de l'autorité de planification.
La solution retenue peut, le cas échéant, se justifier pour assurer une répartition esthétique des volumes bâtis, ou permettre une transition harmonieuse entre des groupes de bâtiments de types différents. Les recourants ne tentent pas de démontrer que cette solution puisse réellement entraîner des inconvénients notables dans l'utilisation actuelle ou future, conforme à la destination de l'immeuble, de la rue dont ils sont propriétaires. D'ailleurs, maintenant déjà, des constructions sont présentes à la limite de la parcelle n° 6192. Ils échouent donc à mettre en évidence une application arbitraire de la législation déterminante, ou un exercice arbitraire du pouvoir d'appréciation conféré aux autorités.
En tant que les recourants critiquent l'intégration esthétique du bâtiment projeté ou tiennent sa réalisation pour inadéquate par rapport au caractère des immeubles environnants, leur argumentation n'est pas recevable au regard de l'art. 88 OJ. Au demeurant, le remplacement de hangars désaffectés, sans valeur architecturale, par un bâtiment d'habitation de plus grande hauteur peut exercer une influence favorable sur l'évolution d'un quartier; cette opération ne paraît donc pas d'emblée incompatible avec l'objectif de protection du tissu urbain qui est imposé par la réglementation communale.
4.- Le recours de droit public, mal fondé, doit être rejeté; l'émolument judiciaire incombe à ses auteurs.
Par ces motifs,
le Tribunal fédéral :
1. Rejette le recours dans la mesure où il est recevable.
2. Met un émolument judiciaire de 3'000 fr. à la charge des recourants, solidairement entre eux.
3. Communique le présent arrêt en copie à la mandataire des recourants, à la ville de Fribourg, à la Direction des travaux publics et au Tribunal administratif du canton de Fribourg.
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Lausanne, le 5 juillet 2000 THE/mnv
Au nom de la Ie Cour de droit public
du TRIBUNAL FEDERAL SUISSE:
Le Président,
Le Greffier,