[AZA 3]
4P.76/2000
Ie COUR CIVILE
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5 juillet 2000
Composition de la Cour: MM. Walter, président, Leu et Corboz,
juges. Greffier: M. Ramelet.
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Statuant sur le recours de droit public
formé par
Foralith AG, à Gossau, représentée par Me Emmanuel Stauffer, avocat à Genève,
contre
l'arrêt rendu le 18 février 2000 par la Chambre civile de la Cour de justice genevoise dans la cause qui oppose la recourante à Efimex S.A., à Genève, représentée par Me Philippe de Boccard, avocat à Genève;
(art. 9 Cst. ; arbitraire)
Vu les pièces du dossier d'où ressortent
les faits suivants:
A.- Par contrat du 15 janvier 1993, Foralith AG s'est engagée envers KW Kurhotel Weissbad AG à construire un puits destiné à alimenter en eau l'hôtel de cure de Weissbad (Appenzell).
Pour réaliser cet ouvrage, Foralith AG a commandé à Efimex S.A. par fax du 28 avril 1993, sur la base de l'offre de cette société du 19 février 1993, des tubes et des manchons.
Ce matériel a été livré et a donné lieu à une facture, s'élevant à 40 422 fr.40, envoyée par Efimex S.A. à Foralith AG le 5 mai 1993.
Le 14 mai 1993, le coffrage s'est rompu à un point d'accouplement et 200 m de tubes sont restés dans le puits de forage. Le lendemain, Foralith AG a envoyé une télécopie à Efimex S.A., affirmant que le matériel livré était défectueux.
Selon Foralith AG, les manchons livrés auraient dû subir un traitement appelé "anti-galling" et l'accident serait survenu parce que certains manchons n'avaient pas été traités de cette façon. Efimex S.A. a fait valoir qu'elle n'était pas tenue contractuellement de livrer des manchons traités "anti-galling" et a allégué que l'accident était dû à un travail inapproprié de la part de l'entreprise mise en oeuvre par Foralith AG pour le montage.
B.- Foralith AG a introduit une poursuite contre Efimex S.A., puis, le 7 mai 1996, a ouvert action contre celle-ci devant le Tribunal de première instance du canton de Genève. La demanderesse a conclu au paiement par sa partie adverse de la somme de 311 256 fr.10 fr. en capital à titre de dommages-intérêts, l'opposition de la défenderesse à la poursuite étant définitivement levée.
Efimex S.A. a conclu à libération et formé une demande reconventionnelle, réclamant pour l'essentiel le paiement du matériel livré.
Réformant partiellement le jugement de première instance rendu le 7 septembre 1999, la Chambre civile de la Cour de justice genevoise, par arrêt du 18 février 2000, a débouté Foralith AG de ses conclusions et l'a condamnée à payer le matériel livré, soit 40 422 fr.40 fr. avec intérêts à 5% l'an dès le 9 juillet 1993. Après avoir retenu que les parties avaient passé un contrat de vente, la cour cantonale, sur la base d'une interprétation selon le principe de la confiance, a admis qu'il n'avait pas été convenu que les manchons devaient être traités "anti-galling". Elle a encore observé que Foralith AG avait reçu des manchons de deux couleurs différentes et qu'elle aurait dû réagir immédiatement à la livraison si cela ne lui paraissait pas correspondre à l'état convenu. Sur les causes de l'accident, la cour cantonale s'est bornée à constater ce qui suit: "Pour le surplus, les experts Claude Schindler et Bruno Tonarelli ont relevé que le serrage des tubes n'avait pas été correctement effectué, ce qui avait constitué l'une des causes de l'accident; or, ce fait n'est pas imputable à Efimex S.A. (arrêt attaqué, ch. 2, p. 17 al. 3)".
C.- Foralith AG saisit le Tribunal fédéral parallèlement d'un recours de droit public et d'un recours en réforme.
Dans le recours de droit public, elle conclut à l'annulation de l'arrêt cantonal.
L'intimée conclut à la confirmation de l'arrêt attaqué, alors que l'autorité cantonale se réfère à son arrêt.
Considérant en droit :
1.- a) Conformément à la règle générale de l'art. 57 al. 5 OJ, il y a lieu de statuer d'abord sur le recours de droit public.
b) Le recours de droit public au Tribunal fédéral est ouvert contre une décision cantonale pour violation des droits constitutionnels des citoyens (art. 84 al. 1 let. a OJ).
L'arrêt rendu par la cour cantonale, qui est final, n'est susceptible d'aucun autre moyen de droit sur le plan fédéral ou cantonal dans la mesure où la recourante invoque la violation directe d'un droit de rang constitutionnel, de sorte que la règle de la subsidiarité du recours de droit public est respectée (art. 84 al. 2 et 86 al. 1 OJ). En revanche, si la recourante soulève une question relevant de l'application du droit fédéral, le grief n'est pas recevable, parce qu'il pouvait faire l'objet d'un recours en réforme (art. 43 al. 1 et 84 al. 2 OJ).
La recourante est personnellement touchée par la décision attaquée, qui l'a condamne à paiement et rejette sa demande en dommages-intérêts, de sorte qu'elle a un intérêt personnel, actuel et juridiquement protégé à ce que cette décision n'ait pas été prise en violation de ses droits constitutionnels; en conséquence, elle a qualité pour recourir (art. 88 OJ).
c) Saisi d'un recours de droit public, le Tribunal fédéral n'examine que les griefs d'ordre constitutionnel invoqués et suffisamment motivés dans l'acte de recours (art. 90 al. 1 let. b OJ; ATF 125 I 492 consid. 1b et les références; cf. également ATF 110 Ia 1 consid. 2a).
2.- a) En l'espèce, la recourante n'invoque que l'interdiction de l'arbitraire, découlant de l'art. 9 Cst. , en vigueur au moment de la décision cantonale.
Selon la jurisprudence, l'arbitraire ne résulte pas du seul fait qu'une autre solution pourrait entrer en considération ou même qu'elle serait préférable; le Tribunal fédéral ne s'écarte de la décision attaquée que lorsque celle-ci est manifestement insoutenable, qu'elle se trouve en contradiction claire avec la situation de fait, qu'elle viole gravement une norme ou un principe juridique indiscuté, ou encore lorsqu'elle heurte de manière choquante le sentiment de la justice et de l'équité; pour qu'une décision soit annulée pour cause d'arbitraire, il ne suffit pas que la motivation formulée soit insoutenable, il faut encore que la décision apparaisse arbitraire dans son résultat (ATF 125 I 166 consid. 2a; 125 II 10 consid. 3a, 129 consid. 5b; 124 I 247 consid. 5; 124 V 137 consid. 2b).
b) La recourante invoque en premier lieu l'arbitraire dans l'appréciation des preuves.
Dans ce domaine, la décision est arbitraire si le juge n'a manifestement pas compris le sens et la portée d'un moyen de preuve, s'il a omis - sans raison sérieuse - de tenir compte d'un moyen important propre à modifier la décision attaquée ou encore si, sur la base des éléments recueillis, il a fait des déductions insoutenables (cf. ATF 120 Ia 31 consid. 4b; 118 Ia 28 consid. 1b).
La recourante développe des arguments tendant à mettre en doute la crédibilité de l'expert judiciaire et de l'expert privé mandaté par sa partie adverse. D'après ce que l'on comprend, la recourante voudrait démontrer que l'accident a été causé par l'absence de traitement "anti-galling", et non pas par un mauvais serrage de la part de l'entreprise chargée du montage.
Il ressort cependant du passage déjà cité de l'arrêt déféré que la cour cantonale n'a pas tranché la question de la cause de l'accident; elle s'est bornée à constater l'avis des deux experts selon lequel le serrage des tubes n'avait pas été correctement effectué, ce qui avait constitué l'une des causes de l'accident (c'est le Tribunal fédéral qui souligne). Une telle formulation ne permet en rien d'exclure que l'absence de traitement "anti-galling" en soit une autre cause. Ainsi, la question de la cause naturelle de l'accident - soulevée par la recourante - n'a pas été tranchée par l'arrêt cantonal et ne joue en définitive aucun rôle dans son raisonnement.
Aussi le point soulevé par la recourante n'est-il pas de nature à faire apparaître la décision attaquée comme arbitraire dans son résultat, de sorte qu'il n'y a pas lieu de l'examiner plus avant.
c) La recourante invoque ensuite une interprétation arbitraire de la norme professionnelle API 5B.
aa) La recourante critique tout d'abord la définition du mot "filetage" donnée par la cour cantonale. Outre que le dictionnaire (cf. Grand Robert de la langue française) n'en fournit pas une définition unique et ne semble pas exclure l'acception retenue par la cour cantonale, il faut surtout observer que le mot "filetage" figurait dans la facture après livraison du 5 mai 1993, laquelle n'est pas déterminante pour établir la volonté des parties au moment de la conclusion du contrat du 15 janvier 1993. Or, l'offre de l'intimée, beaucoup plus précise que sa facture, comprend la mention "forme des filets selon API 5B". Il n'y a donc pas d'arbitraire à admettre qu'au moment de la conclusion du contrat, les parties avaient en vue la forme des filets.
bb) La recourante fait encore valoir que le préambule de la norme API 5B prévoit qu'un matériel stipulé conforme API doit l'être à toutes les prescriptions prévues dans la norme.
La recourante perd de vue que la cour cantonale n'a précisément pas admis que le matériel avait été "stipulé conforme API", mais a considéré que la référence à ces normes techniques ne s'attachait qu'à certains points particuliers expressément mentionnés. L'argumentation de la recourante sur ce point est donc dépourvue de tout fondement, parce qu'elle suppose une convention des parties différente de celle qui a été retenue en l'espèce. La recourante invoque seulement l'arbitraire dans l'interprétation de la norme API 5B, mais pas dans l'établissement de la convention conclue entre les parties.
3.- En définitive, le recours doit être rejeté. Vu l'issue du litige, les frais et dépens seront mis à la charge de la recourante (art. 156 al. 1 et 159 al. 1 OJ).
Par ces motifs,
le Tribunal fédéral :
1. Rejette le recours;
2. Met un émolument judiciaire de 6500 fr. à la charge de la recourante;
3. Dit que la recourante versera à l'intimée une indemnité de 7000 fr. à titre de dépens;
4. Communique le présent arrêt en copie aux mandataires des parties et à la Chambre civile de la Cour de justice genevoise.
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Lausanne, le 5 juillet 2000 ECH
Au nom de la Ie Cour civile
du TRIBUNAL FEDERAL SUISSE:
Le Président,
Le Greffier,