2A.206/2000
[AZA 0]
IIe COUR DE DROIT PUBLIC
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24 juillet 2000
Composition de la Cour: MM. les Juges Wurzburger, président,
Hartmann et Berthoud, juge suppléant. Greffier: M. Langone.
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Statuant sur le recours de droit administratif
formé par
R.________, représentée par Me Jean-Pierre Garbade, avocat à Genève,
contre
la décision prise le 27 mars 2000 par le Département fédéral de justice et police;
(art. 13 lettre f OLE; exception aux mesures de limitation)
Vu les pièces du dossier d'où ressortent
les faits suivants:
A.- R.________, de nationalité péruvienne, est entrée en Suisse le 31 janvier 1991 dans le but d'y épouser un compatriote. Bien que le mariage n'ait finalement pas eu lieu, elle est restée en Suisse sans autorisation.
Quelques mois plus tard, un médecin a diagnostiqué chez R.________ une tumeur hypophysaire nécessitant un traitement approprié et un suivi médical spécialisé. Dès 1993, R.________ a été mise au bénéfice de différentes autorisations de séjour temporaire pour raisons médicales. Infirmière diplômée, elle a été autorisée à travailler.
Les autorités de police des étrangers compétentes du canton de Genève ont informé l'Office fédéral des étrangers qu'elles étaient disposées à délivrer à R.________ une autorisation de séjour moyennant exception aux mesures de limitation selon l'art. 13 lettre f de l'ordonnance du 6 octobre 1986 limitant le nombre des étrangers (OLE; RS 823. 21).
Le 11 mars 1999, l'Office fédéral des étrangers a rendu une décision de refus d'exception aux mesures de limitation du nombre des étrangers. Statuant sur recours le 27 mars 2000, le Département fédéral de justice et police a confirmé cette décision.
B.- Agissant par la voie du recours de droit administratif, R.________ demande au Tribunal fédéral d'annuler la décision du Département fédéral du 27 mars 2000 et de la mettre au bénéfice d'une exception aux mesures de limitation.
Ledit département conclut au rejet du recours.
Considérant en droit :
1.- a) Selon la jurisprudence, les conditions posées pour la reconnaissance d'un cas de rigueur au sens de l'art. 13 lettre f OLE doivent être appréciées restrictivement. Le fait que l'étranger ait séjourné en Suisse pendant une assez longue période, qu'il s'y soit bien intégré socialement et professionnellement et que son comportement n'ait pas fait l'objet de plaintes ne suffit pas, à lui seul, à constituer un cas d'extrême gravité (ATF 124 II 110 consid. 2 et 3; 123 II 125 consid. 2 et les arrêts cités).
b) En l'occurrence, la recourante réside en Suisse depuis relativement longtemps (neuf ans). Mais l'on ne saurait attacher une importance déterminante à la durée de ce séjour, puisque une partie de celui-ci (environ deux ans) a été effectué de manière illégale (cf. arrêt non publié du 6 juillet 1995 en la cause Prieto Mendoza c. DFJP, consid. 3, et plus récemment arrêt non publié du 2 mars 2000 en la cause Halili, consid. 1b). En outre, la recourante n'a pas de liens particulièrement forts avec la Suisse; ses attaches familiales et socio-culturelles prépondérantes se trouvent au Pérou, où elle a passé la majeure partie de son existence.
La relation étroite avec la Suisse - exigée en principe pour qu'un étranger puisse être exempté des mesures de limitation - peut toutefois perdre de son importance lorsque la rigueur résulte d'autres circonstances telles que l'intensité de la détresse. En 1991, les médecins ont diagnostiqué chez la recourante une tumeur qui nécessite un suivi médical spécialisé et un traitement adéquat. Il est donc indéniable que la recourante se trouve dans une situation personnelle délicate. Reste donc à examiner si l'on peut raisonnablement attendre de la recourante qu'elle retourne dans son pays, vu ses sérieux problèmes de santé.
c) Selon le rapport médical établi le 4 janvier 2000 par le Professeur Rolf C. Gaillard du Centre hospitalier universitaire vaudois (CHUV), la recourante se trouve dans une situation stable et la pathologie endocrinienne ne produit pas de symptômes cliniques à l'exception d'un taux de prolactine élevé. Toutefois, l'examen radiologique démontre la persistance du résidu tumoral au niveau de l'hypophyse. Si cette masse n'a pas grandi au cours des deux dernières années, elle nécessite cependant un suivi médical spécialisé afin d'intervenir au plus tôt en cas de croissance. Il est donc indispensable que l'intéressée se trouve dans un environnement médical qui lui permette d'effectuer les imageries de la région hypothalamo-hypophysaire du cerveau par résonance magnétique nucléaire. Si la tumeur devait notamment grandir, R.________ devrait à nouveau être traitée par Norprolac, un médicament de deuxième génération qui n'est pas commercialisé dans tous les pays.
Or il est établi que le suivi médical spécialisé dont la recourante pourrait avoir a besoin peut être assuré au Pérou, où le Norprolac est également disponible. Les motifs liés à l'état de santé de la recourante, qui peut être soignée dans son pays d'origine, ne permettent dès lors pas de retenir un cas de rigueur au sens de l'art. 13 lettre f OLE. Certes, la recourante invoque le coût exorbitant des examens médicaux et des médicaments au Pérou qui excéderait ses possibilités financières, même si elle trouvait un emploi d'infirmière. Toutefois, l'exception aux mesures de limitation n'a pas pour but de soustraire l'étranger aux conditions de vie de son pays d'origine. On ne saurait dès lors tenir compte des circonstances générales (économiques, sociales ou sanitaires) affectant l'ensemble de la population restée sur place (ATF 123 II 125 consid. 5b/dd p.133), circonstances auxquelles la recourante serait également exposée en cas de retour dans son pays d'origine. A cela s'ajoute que travaillant dans le milieu de la santé, la recourante connaît mieux que la moyenne de ses concitoyens les possibilités d'obtenir un traitement médical compatible avec ses ressources financières.
Par ailleurs, la recourante ne démontre pas qu'elle ne puisse pas contracter une assurance maladie qui couvrirait en tout ou en partie les frais médicaux liés à son état de santé.
2.- La recourante allègue, pour la première fois devant le Tribunal fédéral, qu'elle vit depuis cinq ans une relation intime avec un citoyen suisse qu'elle a l'intention d'épouser. Ce faisant, elle se réclame implicitement de l'art. 8 CEDH. Or cette disposition n'a pas de portée propre dans le présent contexte: l'art. 8 CEDH ne peut être directement violé dans la procédure relative à l'assujettissement aux mesures de limitation, puisque la décision qui est prise ne porte pas sur le droit de séjourner en Suisse. En revanche, les critères découlant de l'art. 8 CEDH peuvent être pris en considération pour examiner si l'on est en présence d'un cas personnel d'extrême gravité au sens de l'art. 13 lettre f OLE, dans la mesure où des motifs d'ordre familial seraient liés à cette situation (arrêt non publié du 8 janvier 1997 en la cause Impose c. DFJP, consid. 4a/bb). En principe, sous réserve de circonstances particulières telles que le mariage sérieusement voulu et imminent, les fiançailles ou le concubinage ne permettent pas d'invoquer le respect de la vie privée et familiale garanti par l'art. 8 CEDH pour s'opposer à un éventuel départ du pays (voir notamment, arrêt non publié du 21 mai 1999 en la cause Delfino Lucas c. DFJP, consid. 2a). Or, en l'occurrence, aucune démarche concrète en vue de la célébration du mariage n'a été entreprise. La recourante relève d'ailleurs elle-même qu'elle hésite à s'engager pour la vie. Dans ces conditions, il n'existe aucun motif d'ordre familial justifiant l'admission d'un cas personnel d'extrême gravité.
3.- Mal fondé, le recours doit être rejeté. Etant donné que la recourante n'a pas suffisamment établi être dans le besoin, la demande d'assistance judiciaire au sens de l'art. 152 al. 1 OJ doit être rejetée, d'autant qu'elle a été en mesure de verser l'avance de frais devant l'autorité intimée.
Succombant, la recourante devra supporter les frais judiciaires qui seront toutefois fixés en tenant compte de l'ensemble des circonstances ( art. 153, 153a et 156 al. 1 OJ ).
Par ces motifs,
le Tribunal fédéral :
1.- Rejette le recours.
2.- Rejette la demande d'assistance judiciaire.
3.- Met un émolument judiciaire de 500 fr. à la charge de la recourante.
4.- Communique le présent arrêt en copie au mandataire de la recourante et au Département fédéral de justice et police.
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Lausanne, le 24 juillet 2000 LGE/elo
Au nom de la IIe Cour de droit public
du TRIBUNAL FEDERAL SUISSE:
Le Président, Le Greffier,