[AZA 7]
K 63/00 Co
IIIe Chambre
composée des Juges fédéraux Schön, Spira et Widmer;
Decaillet, Greffier ad hoc
Arrêt du 2 août 2000
dans la cause
Caisse-maladie suisse pour les industries du bois et du bâtiment et branches annexes, rue Argand 3, Genève, recourante,
contre
H.________, intimé, représenté par M.________, avocat,
et
Tribunal administratif du canton de Genève, Genève
A.- H.________, a travaillé en qualité de mécanicien au service de la société R.________ SA.
A ce titre, il était assuré auprès de la Caisse-maladie suisse pour les industries du bois et du bâtiment et branches annexes (ci-après : la caisse), notamment pour une indemnité journalière en cas d'incapacité de travail due à la maladie. Le 29 janvier 1999, il a été licencié pour le 30 avril suivant.
Souffrant d'asthme, l'assuré a consulté le 30 janvier 1999, le docteur G.________, généraliste, qui lui a délivré un certificat d'incapacité de travail. Dans un rapport du 31 mai 1999, ce médecin a constaté que l'assuré jouissait d'une capacité de travail de 50 % dans sa profession et de 80 % dans une activité adaptée. La caisse a invité l'assuré à se soumettre à l'examen de son médecin-conseil, le docteur V.________. Ce dernier a constaté le 15 juin 1999 que l'assuré subissait par moment des incapacités de travail en raison de poussées aiguës de son affection chronique mais qu'il était pleinement apte à travailler comme mécanicien lors de l'examen. Par décision du 18 juin 1999, la caisse a reconnu à l'assuré le droit à une indemnité journalière fondée sur une incapacité totale de travail du 1er février au 29 juin 1999, puis sur une incapacité de travail de 50 % jusqu'au 14 juillet 1999. Elle a confirmé son point de vue par décision sur opposition du 7 juillet 1999.
B.- H.________ a recouru contre cette décision sur opposition devant le Tribunal administratif du canton de Genève. Il a produit, notamment, un rapport médical du docteur L.________, pneumologue, du 29 juillet 1999, deux rapports médicaux du docteur B.________, pneumologue, des 3 et 13 août 1999, ainsi que deux rapports médicaux du docteur G.________ des 2 et 23 août 1999. De son côté, la caisse a produit un avis médical du docteur V.________ du 16 septembre 1999. L'autorité cantonale a ordonné la production du dossier de l'assurance-invalidité. A la requête des premiers juges, le docteur G.________ a indiqué le 21 février 2000 que l'assuré présentait une incapacité de travail totale depuis le 30 janvier 1999, tandis que le docteur B.________ a relevé le 22 février 2000 que l'intéressé présentait une incapacité totale de travail de longue durée. Au cours de l'instruction, H.________ et la caisse ont sollicité la mise en oeuvre d'une expertise médicale.
Par jugement du 21 mars 2000, la Cour cantonale a reconnu à l'assuré le droit à des indemnités journalières en raison de son incapacité de travail totale depuis le 30 juin 1999. Les premiers juges ont considéré que l'assuré subissait une incapacité de travail complète dès le 30 janvier 1999. Ils ont en particulier écarté l'opinion du docteur V.________, au motif que ce médecin n'avait vu l'assuré qu'une seule fois, le 15 juin 1999.
C.- La caisse interjette recours de droit administratif contre ce jugement, en concluant principalement à son annulation. Subsidiairement, elle demande la mise en oeuvre d'une expertise médicale.
H.________ conclut, sous suite de dépens, au rejet du recours. Il produit un certificat médical du docteur G.________ du 22 juin 2000. L'Office fédéral des assurances sociales ne s'est pas déterminé.
Considérant en droit :
1.- Le litige porte sur le droit de l'intimé à des indemnités journalières à raison d'une incapacité de travail entière à partir du 30 juin 1999.
2.- Le juge ne doit, en principe, tenir compte que des faits existant au moment où la décision litigieuse a été rendue (ATF 121 V 366 consid. 1b et les arrêts cités). Les faits survenus postérieurement doivent cependant être pris en considération dans la mesure où ils sont étroitement liés à l'objet du litige et de nature à influencer l'appréciation au moment où la décision attaquée a été rendue (ATF 99 V 102 et les arrêts cités). En l'occurrence, les parties ont produit différents documents postérieurs à la décision sur opposition du 7 juillet 1999. Or, bien que postérieurs à la décision litigieuse, ces documents portent sur des faits étroitement liés à l'objet du litige et de nature à influencer l'appréciation au moment où la décision sur opposition a été rendue. Les parties ayant eu la possibilité de se déterminer sur leur contenu, il y a lieu de les prendre en considération.
3.- a) Selon l'art. 72 al. 2 LAMal, le droit à l'indemnité journalière prend naissance lorsque l'assuré a une capacité de travail réduite au moins de moitié (première phrase). Le versement d'une indemnité journalière d'assurance-maladie suppose ainsi une incapacité de travail. Est considéré comme incapable de travailler l'assuré qui, à la suite d'une atteinte à la santé, ne peut plus exercer son activité habituelle ou ne peut l'exercer que d'une manière limitée ou encore avec le risque d'aggraver son état (ATF 114 V 283 consid. 1c, 111 V 239 consid. 1b). Pour déterminer le taux de l'incapacité de travail, il faut, selon la jurisprudence, établir dans quelle mesure l'assuré ne peut plus, en raison de l'atteinte à la santé, exercer son activité antérieure, compte tenu de sa productivité effective et de l'effort que l'on peut raisonnablement exiger de lui.
En revanche, l'estimation médico-théorique de l'incapacité de travail n'est pas déterminante (ATF 114 V 283 consid. 1c et les références). Ces principes, développés sous l'empire de la LAMA, sont également applicables sous le nouveau régime de la LAMal (RAMA 1998 no KV 45 p. 430).
Par ailleurs, le juge des assurances sociales doit, quelle que soit leur provenance, examiner l'ensemble des moyens de preuve de manière objective et décider s'ils permettent de trancher la question des droits litigieux de manière sûre. En particulier, le juge ne saurait statuer, en présence de rapports médicaux contradictoires, sans avoir examiné l'ensemble des preuves disponibles et sans indiquer les motifs qui le conduisent à retenir un avis médical plutôt qu'un autre (ATF 125 V 352 consid. 3a).
b) La recourante fait valoir que nonobstant l'affection dont il souffre, l'intimé est pleinement en mesure d'exercer l'activité de mécanicien qui avait été aménagée pour lui chez son ancien employeur.
L'intimé conteste que cet emploi ait constitué un travail adapté à son asthme. Il ajoute que depuis le 30 janvier 1999, son état de santé s'est aggravé de sorte qu'il n'est plus en mesure d'exercer une quelconque activité lucrative.
4.- En l'occurrence, le docteur V.________, médecinconseil de la recourante, a constaté dans deux rapports des 15 juin et 16 septembre 1999 que l'intimé souffrait d'une affection chronique avec des poussées aiguës mais qu'il était pleinement apte à travailler dans son activité de mécanicien, dans un environnement adapté. Toutefois, dans un rapport du 31 mai 1999, le docteur G.________ a fixé à 50 % la capacité de travail de l'intimé dans sa profession et à 80 % dans une activité adaptée. Dans deux rapports des 23 août 1999 et 21 février 2000, il a modifié son appréciation, en ce sens qu'il a estimé nulle la capacité de travail de son patient. De son côté, le 29 juillet 1999, le docteur L.________ a constaté que l'asthme chronique de l'intimé s'aggravait et a évoqué la possibilité d'une hospitalisation.
Le 27 août 1999, le docteur B.________ a également constaté que l'état de santé de l'assuré s'aggravait et a nié que celui-ci jouisse encore d'une capacité de travail résiduelle dans une activité exigeant un effort physique et l'exposant à des fumées ou des gaz. Eu égard au caractère succinct et largement contradictoire de ces rapports médicaux, il n'est dès lors pas possible de trancher en connaissance de cause le point de savoir si l'intimé jouissait au-delà du 29 juin 1999 d'une capacité de travail entière. Dans ces conditions, une expertise médicale est indispensable pour permettre au juge de répondre en connaissance de cause à cette question (art. 87 let. c LAMal).
Sur le vu de ce qui précède, le recours se révèle bien fondé dans sa conclusion subsidiaire et le jugement entrepris doit être annulé, la cause étant renvoyée à l'autorité cantonale pour instruction complémentaire.
5.- Vu la nature du litige, la procédure est gratuite (art. 134 OJ). Par ailleurs, l'intimé qui succombe, n'a pas droit à une indemnité de dépens (art. 159 al. 1 OJ en liaison avec l'art. 135 OJ)).
Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances
prononce :
I. Le recours est admis et le jugement du Tribunal administratif
du canton de Genève du 21 mars 2000 est annulé,
la cause étant renvoyée à cette autorité pour
complément d'instruction au sens des considérants et
nouveau jugement.
II. Il n'est pas perçu de frais de justice ni alloué de dépens.
III. Le présent arrêt sera communiqué aux parties, au Tribunal
administratif du canton de Genève et à l'Office
fédéral des assurances sociales.
Lucerne, le 2 août 2000
Au nom du
Tribunal fédéral des assurances
Le Président de la IIIe Chambre :
p. le Greffier ad hoc :