[AZA 0/2]
4C.183/2000
Ie COUR CIVILE
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6 septembre 2000
Composition de la Cour: MM. Walter, président, Leu et Corboz,
juges. Greffière: Mme de Montmollin Hermann.
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Dans la cause civile pendante
entre
Dame H.________, demanderesse et recourante, représentée par Me Basile Schwab, avocat à La Chaux-de-Fonds,
et
l'Etat de Neuchâtel, défendeur et intimé, agissant par le Conseil d'Etat;
(contrat de travail; détermination du débiteur)
Vu les pièces du dossier d'où ressortent
les faits suivants:
A.- La Société X.________ (ci-après: la Société) a engagé dame H.________ en qualité de directrice d'un de ses services dès le 3 mai 1995.
L'extinction de ce rapport de travail donne lieu à litige.
Contestant la validité de la résiliation qui lui a été signifiée pour le 31 octobre 1997, dame H.________ a introduit une poursuite contre la Société pour les salaires des mois de novembre et décembre 1997. La mainlevée provisoire de l'opposition a été refusée.
B.- Le 14 octobre 1999, dame H.________ a formé une demande en paiement dirigée non pas contre la Société, mais contre l'Etat de Neuchâtel, lui réclamant au total 210 851 fr.90 avec intérêts à 5% dès le 1er juin 1998. Cette somme représente des salaires du 1er novembre 1997 au 31 décembre 1998, une indemnité pour des vacances non prises et la rétribution d'heures supplémentaires.
Par jugement sur moyen préjudiciel du 8 mai 2000, la Ie Cour civile du Tribunal cantonal neuchâtelois a rejeté la demande, constatant que l'Etat de Neuchâtel n'était pas le débiteur de la créance invoquée.
C.- Dame H.________ recourt en réforme au Tribunal fédéral. Invoquant une violation du droit fédéral, elle conclut principalement à l'annulation de la décision attaquée et reprend ses prétentions au fond. Subsidiairement, elle sollicite le renvoi de la cause à la cour cantonale pour nouveau jugement dans le sens des considérants.
L'Etat de Neuchâtel invite le Tribunal fédéral à rejeter le recours.
Considérant en droit :
1.- a)La légitimation passive est une question de fond, puisqu'il s'agit de déterminer si l'intimé est ou non débiteur de la créance invoquée en justice par la partie demanderesse (cf. ATF 126 III 59 consid. 1a; 125 III 82 consid. 1a).
b) Le recours en réforme est ouvert pour se plaindre d'une violation du droit fédéral (art. 43 al. 1 OJ). Il ne permet en revanche pas d'invoquer la violation directe d'un droit de rang constitutionnel (art. 43 al. 1 2ème phrase OJ) ou la violation du droit cantonal (art. 55 al. 1 let. c in fine OJ; ATF 126 III 189 consid. 2a; 125 III 305 consid. 2e, p. 311; 123 III 337 consid. 3b; 123 III 395 consid. 1b; 123 III 414 consid. 3c).
c) Saisi d'un recours en réforme, le Tribunal fédéral doit conduire son raisonnement sur la base des faits contenus dans la décision attaquée, à moins que des dispositions fédérales en matière de preuve n'aient été violées, qu'il n'y ait lieu à rectification de constatations reposant sur une inadvertance manifeste (art. 63 al. 2 OJ) ou qu'il ne faille compléter les constatations de l'autorité cantonale parce que celle-ci n'a pas tenu compte de faits pertinents et régulièrement allégués (art. 64 OJ; ATF 126 III 59 consid. 2a et les arrêts cités). Hormis ces exceptions que le recourant doit invoquer expressément, il ne peut être présenté de griefs contre les constatations de fait, ni de faits ou de moyens de preuve nouveaux (art. 55 al. 1 let. c OJ).
d) Le Tribunal fédéral ne peut aller au-delà des conclusions des parties, mais il n'est pas lié par les motifs qu'elles invoquent (art. 63 al. 1 OJ), ni par l'argumentation juridique retenue par la cour cantonale (art. 63 al. 3 OJ; ATF 126 III 59 consid. 2a; 123 III 246 consid. 2; 122 III 150 consid. 3).
2.- a) L'acte de recours est en l'espèce particulièrement confus et contradictoire.
La demanderesse expose divers arguments qui tendraient à démontrer que la Société relèverait du droit public, voire ne constituerait qu'un service de l'Etat; elle conclut néanmoins qu'elle était "une association de droit privé". Pour parvenir ainsi à la même opinion que la cour cantonale, on ne voit pas la pertinence de tels développements.
Dans une lettre déposée tardivement (art. 54 al. 1 OJ), la demanderesse tente de soutenir que sa créance relèverait du droit public. On ne comprend cependant pas, dans cette hypothèse, pourquoi elle a choisi elle-même de s'adresser au juge civil et continue de présenter le litige comme une contestation civile (cf. art. 44 à 46 OJ).
On ne parvient pas à discerner, en lisant son exposé, par quel acte le défendeur aurait manifesté la volonté de reprendre la prétendue dette de la Société, que ce soit à titre particulier ou avec d'autres dettes. On ne saisit donc pas comment la dette invoquée pourrait lui avoir été transférée.
La demanderesse ne prétend pas avoir reçu une quelconque assurance à ce sujet; elle ne peut donc se prévaloir du principe de la bonne foi. Quant à l'interdiction de l'abus de droit, elle ne lui permet pas de modifier la situation juridique à son gré, alors qu'il lui appartenait de l'analyser correctement.
b) La demanderesse admet elle-même que la Société a été constituée en application des art. 60 ss CC. Il ressort des constatations cantonales que la Société était dotée de statuts écrits lui assignant un but idéal et il n'est pas contesté qu'elle disposait des organes corporatifs requis.
Elle se présente donc comme une association au sens de l'art. 60 CC.
Que l'association accomplisse une tâche de l'Etat ne fait pas nécessairement obstacle à cette qualification. En effet, l'Etat peut confier des tâches à des particuliers, au moins lorsque celles-ci ne relèvent pas de la puissance publique.
Or, l'art. 379 ch. 1 al. 1 CP prévoit expressément que les cantons peuvent recourir à des organisations privées de patronage. En l'espèce, il n'est pas contesté que la volonté de créer une association de droit privé ressort des statuts.
Dès lors que l'association accomplit une tâche de l'Etat, il est normal que celui-ci lui apporte son soutien par une aide financière (subventions) ou par des services (établissement des fiches de salaire).
Dans la mesure où la réalisation du but social est liée au bon vouloir de l'Etat, il est naturel que l'association s'assure que ses statuts sont agréés par ce dernier.
On peut comprendre que l'association ait choisi, dans un souci d'égalité de traitement, d'appliquer par analogie certaines dispositions relatives au personnel de l'Etat.
La demanderesse ne conteste pas que le personnel était engagé par les organes de l'association, et non pas directement par l'Etat.
Quant à l'annuaire téléphonique, son seul but est de fournir au public des adresses utiles. Il ne saurait modifier la forme juridique d'une personne morale telle qu'elle est arrêtée par ses statuts.
Sur la base de l'état de fait qui lie le Tribunal fédéral (art. 63 al. 2 OJ), il n'y a pas lieu de s'écarter de la conclusion cantonale - qui n'est d'ailleurs pas clairement contestée - selon laquelle la demanderesse a été engagée par une association de droit privé.
Même si l'on devait considérer que le rapport de travail relève du droit public, l'existence des statuts et d'organes corporatifs montre qu'il a été constitué une personne morale distincte du défendeur; dès lors que la demanderesse a été clairement engagée par celle-ci, elle ne pourrait de toute manière pas faire valoir ses prétentions directement contre le défendeur.
c) Il est constaté en fait que l'assemblée générale a décidé la dissolution de l'association et sa liquidation (cf. art. 76 CC). Il a été prévu que le solde actif de la liquidation serait dévolu à l'Etat de Neuchâtel, conformément d'ailleurs à la règle dispositive de l'art. 57 al. 1 CC.
Il a été convenu avec le défendeur d'un transfert de personnel, mais il est constant que celui-ci ne concerne pas la demanderesse.
Selon les constatations souveraines de la cour cantonale, l'Etat de Neuchâtel n'a aucunement manifesté la volonté de reprendre la dette invoquée, ni isolément (art. 175 ss CO) ni globalement avec d'autres dettes (art. 181 al. 1 CO; art. 58 CC et 915 CO). Comme la demanderesse n'a reçu aucune assurance en ce sens, le principe de la bonne foi et l'interdiction de l'abus de droit (art. 2 CC) ne lui sont d'aucun secours.
En l'absence de toute forme de reprise de dette, il lui appartient, si elle s'y croit fondée, de s'adresser à son cocontractant.
3.- Les frais doivent être mis à la charge de la partie qui succombe (art. 156 al. 1 OJ); vu le montant de la demande, la gratuité de la procédure est exclue (cf. art. 343 al. 2 et 3 CO ); il n'y a pas lieu d'allouer des dépens à l'autorité qui obtient gain de cause et qui n'a d'ailleurs pas recouru au service d'un avocat (cf. art. 159 al. 2 OJ).
Par ces motifs,
le Tribunal fédéral :
1. Rejette le recours et confirme le jugement attaqué;
2. Met un émolument judiciaire de 5500 fr. à la charge de la recourante;
3. Communique le présent arrêt en copie au parties et à la Ie Cour civile du Tribunal cantonal neuchâtelois.
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Lausanne, le 6 septembre 2000 ECH
Au nom de la Ie Cour civile
du TRIBUNAL FEDERAL SUISSE:
Le président,
La greffière,