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Original
 
[AZA 0]
6A.11/2000/ROD
COUR DE CASSATION PENALE
*************************************************
7 septembre 2000
Composition de la Cour: M. Schubarth, Président, Président
du Tribunal fédéral, MM. Schneider et Kolly, Juges.
Greffière: Mme Revey.
__________
Statuant sur le recours de droit administratif
formé par
X.________, représenté par Me Olivier Cramer, avocat à Genève,
contre
l'arrêt rendu le 21 décembre 1999 par le Tribunal administratif du canton de Genève, dans la cause qui oppose le recourant au Service des automobiles et de la navigation du canton de Genève;
(Art. 16 al. 2 LCR, 105 al. 2 OJ: retrait d'admonestation
du permis de conduire; constatation des faits)
Vu les pièces du dossier d'où ressortent
les faits suivants:
A.- X.________, né en 1970, est titulaire d'un permis de conduire pour véhicules à moteur depuis 1988.
Le 11 mai 1999, il circulait au volant d'une voiture en ville de Genève sur la rue Emma-Kammacher en direction de la route du Nant-d'Avril lorsqu'il a fait l'objet d'un contrôle de vitesse. Selon le radar mobile, il est apparu qu'il avait circulé à 102 km/h alors que la limitation était fixée à 50 km/h. Après déduction d'une marge de sécurité de 6 km/h, X.________ s'est vu reprocher d'avoir roulé à 96 km/h, partant d'avoir dépassé de 46 km/h la vitesse prescrite. Interrogé par la police, X.________ a déclaré ne pas avoir vu le panneau de limitation générale de vitesse à 50 km/h, car celui-ci était masqué par des branches d'arbres. Il était ainsi convaincu que la limitation s'élevait à 80 km/h.
B.- Le 5 juillet 1999, le Service des automobiles et de la navigation du canton de Genève a ordonné, en application de l'art. 16 al. 2 LCR, le retrait du permis de conduire de X.________ pour une durée de deux mois, l'importance de l'excès de vitesse, soit 46 km/h, justifiant de s'écarter du minimum légal.
X.________ a déféré cette décision devant le Tribunal administratif du canton de Genève le 5 août 1999, concluant à l'annulation du retrait de permis, subsidiairement au prononcé d'un avertissement. En annexe, il a produit des photographies des lieux retraçant l'itinéraire qu'il avait parcouru. Le Tribunal administratif l'a entendu, ainsi qu'une représentante du Service des automobiles et de la navigation.
Le 9 décembre 1999, X.________ a transmis au Tribunal administratif le jugement rendu le 15 novembre 1999 par le Tribunal de police du canton de Genève, qui le condamnait à une amende de 240 fr. pour violation de l'art. 90 LCR, sans que l'alinéa ne soit spécifié. Le Tribunal de police constatait que le panneau était caché par la végétation, que la route était rectiligne au lieu de l'infraction et que des champs s'y trouvaient de part et d'autre. Dans ces conditions, X.________ ne pouvait inférer de la situation qu'il se trouvait dans une localité, soit dans une zone limitée à 50 km/h, de sorte qu'il devait être mis au bénéfice de l'erreur sur les faits. En conséquence, toujours selon le Tribunal de police, seul un dépassement effectif de 16 km/h devait être retenu.
Par jugement du 21 décembre 1999, le Tribunal administratif a rejeté le recours de X.________ et confirmé le prononcé du Service des automobiles et de la navigation du 5 décembre 1999, au motif que l'intéressé aurait dû se rendre compte qu'il se trouvait dans une zone bâtie, partant limitée à 50 km/h.
C.- Agissant le 16 février 2000 par la voie du recours de droit administratif, X.________ demande au Tribunal fédéral d'annuler l'arrêt du 21 décembre 1999 du Tribunal administratif et de prononcer un avertissement à son encontre.
D.- Par ordonnance du 21 février 2000, le Président de la Cour de Cassation pénale a accordé l'effet suspensif au recours.
E.- L'Office fédéral des routes conclut à l'admission du recours. Le Tribunal administratif se réfère aux motifs de l'arrêt attaqué et propose le rejet du recours.
Considérant en droit :
1.- Le recours de droit administratif au Tribunal fédéral peut être formé pour violation du droit fédéral, y compris l'excès ou l'abus du pouvoir d'appréciation (art. 104 let. a OJ). Le Tribunal fédéral n'est pas lié par les motifs invoqués, mais il ne peut aller au-delà des conclusions des parties (art. 114 al. 1 OJ). Lorsque le recours est dirigé - comme c'est le cas en l'espèce - contre la décision d'une autorité judiciaire, le Tribunal fédéral est lié par les faits constatés dans l'arrêt attaqué, sauf s'ils sont manifestement inexacts ou incomplets ou s'ils ont été établis au mépris de règles essentielles de procédure (art. 105 al. 2 OJ).
2.- Conformément à l'art. 16 al. 2 LCR, le permis de conduire peut être retiré au conducteur qui, par des infractions aux règles de la circulation, a compromis la sécurité de la route ou incommodé le public (1ère phrase); dans les cas de peu de gravité, un simple avertissement peut être prononcé (2ème phrase). Selon l'art. 16 al. 3 let. a LCR, le permis de conduire doit être retiré si le conducteur a compromis gravement la sécurité de la route. Ainsi, la loi distingue le cas de peu de gravité (art. 16 al. 2 2ème phrase LCR), le cas de gravité moyenne (art. 16 al. 2 1ère phrase LCR) et le cas grave (art. 16 al. 3 let. a LCR; ATF 124 II 259 consid. 2a et 475 consid. 2a).
Pour assurer l'égalité de traitement, la jurisprudence a été amenée à fixer des règles précises dans le domaine des excès de vitesse. Ces règles distinguent les autoroutes, les autres routes (à savoir les routes hors des localités et les semi-autoroutes dont les chaussées dans les deux directions ne sont pas séparées) et la circulation à l'intérieur des localités (ATF 124 II 475 consid. 2a).
Dans les localités, lorsque le dépassement de la vitesse maximale générale de 50 km/h autorisée est de 15 à 20 km/h, il y a lieu d'admettre qu'il s'agit objectivement, c'est-à-dire sans égard aux circonstances concrètes, d'un cas de peu de gravité justifiant le prononcé d'un avertissement au sens de l'art. 16 al. 2 2e phrase LCR. Lorsque le dépassement se situe entre 21 et 24 km/h, le cas est objectivement de gravité moyenne, ce qui doit entraîner le retrait du permis de conduire en application de l'art. 16 al. 2 1ère phrase LCR. En revanche, un dépassement de 25 km/h et plus représente normalement un cas grave, impliquant le retrait obligatoire du permis de conduire au sens de l'art. 16 al. 3 lettre a LCR (ATF 126 II 196 consid. 2a, 202 consid. 1a, 124 II 97 consid. 2b, 259 consid. 2, 475 consid. 2a et les arrêts cités).
Sur les routes ordinaires hors des localités, un dépassement de vitesse de 15 à 25 km/h constitue objectivement un cas de légère gravité, entre 26 et 29 km/h un cas de gravité moyenne et à partir de 30 km/h un cas grave (ATF 124 II 259 consid. 2, 475 consid. 2a et les arrêts cités).
Cette jurisprudence ne dispense toutefois pas l'autorité de tout examen des circonstances du cas concret; d'une part, l'importance de la mise en danger et celle de la faute doivent être appréciées, afin de déterminer quelle doit être la durée du retrait; d'autre part, il y a lieu de rechercher si des circonstances particulières ne justifient pas de considérer néanmoins le cas comme plus grave ou, inversement, comme moins grave. Ainsi, notamment, un dépassement de vitesse à l'intérieur d'une localité peut constituer un cas de moindre gravité que celui qui résulterait d'une appréciation purement schématique, lorsque le conducteur avait des motifs sérieux de penser qu'il ne se trouvait plus dans la zone de limitation de vitesse (ATF 126 II 196 consid. 2a, 202 consid. 1a, 124 II 97 consid. 2b, 259 consid. 2, 475 consid. 2a et les arrêts cités).
3.- a) Le Tribunal administratif admet que le panneau de 50 km/h était caché par des branchages, mais retient que le recourant devait néanmoins "se rendre compte qu'il se trouvait dans une zone bâtie, comportant de nombreux débouchés sur la route qu'il empruntait, comme l'attestent les photos qu'il a produites, de sorte qu'il devait être conscient du fait que la vitesse était limitée à 50 km/h".
Le recourant conteste avoir été en mesure de remarquer qu'il traversait une zone bâtie. Il soutient à cet égard que le Tribunal administratif a constaté les faits d'une manière manifestement incomplète et qu'il n'était au surplus pas en droit de s'écarter du jugement rendu par le Tribunal de police, dès lors que les mêmes preuves lui avaient été soumises.
b) Dans sa partie "en fait", l'arrêt attaqué reproduit en ces termes les déclarations de la représentante du Service des automobiles et de la navigation:
"Le panneau en question était bien caché par des branchages mais, en raison d'un miroir situé un peu plus loin à gauche et d'un stop sur la droite, la vitesse ne pouvait être limitée à 80 km/h sur ce tronçon".
Toutefois, comme le relève à juste titre le recourant, le Tribunal administratif a cité ces dires d'une manière manifestement incomplète. Il ressort en effet du dossier que la représentante du Service des automobiles et de la navigation avait ajouté ce qui suit:
"Je prends connaissance des photos produites en audience par le recourant au vu desquelles j'admets qu'il est difficile sur la rue Emma-Kammacher de penser que la vitesse est toujours limitée à 50 km/h et j'admets de même que l'on ne peut parler d'environnement construit de part et d'autre de cette rue. " Or, ce complément est particulièrement pertinent, dès lors que la question litigieuse porte précisément sur la possibilité pour le recourant de déterminer, ou non, l'existence d'une zone bâtie.
c) Il convient ainsi de retenir, en application de l'art. 105 OJ, les éléments de faits suivants:
D'un côté, selon les constatations non contestées du Tribunal de police reproduites dans l'arrêt attaqué, le tronçon en cause est rectiligne et bordé de champs. En outre, de l'aveu même de la représentante du Service des automobiles et de la navigation, on ne peut parler d'environnement construit de part et d'autre et il est difficile de penser que la vitesse y est toujours limitée à 50 km/h.
D'un autre côté, le tronçon était jalonné de "nombreux débouchés". Du reste, un miroir était situé un peu plus loin à gauche et un stop se trouvait sur la droite.
d) Selon l'art. 22 al. 3 OSR, la limitation générale de vitesse à 50 km/h à l'intérieur des localités est indiquée dès qu'il existe une zone bâtie de façon compacte sur l'un des côtés de la route.
Dans ces circonstances, le signal étant masqué en violation des prescriptions de l'art. 103 al. 2 OSR, il ne peut être reproché au recourant l'inobservation de la limitation de vitesse à 50 km/h. On ne saurait en effet raisonnablement exiger qu'il réalise qu'un tronçon rectiligne et peu bâti se situe dans une configuration correspondant à une "zone bâtie de façon compacte", pour le seul motif qu'il est jalonné de nombreux débouchés.
L'Office fédéral des routes souligne à ce propos que la vitesse maximale de 80 km/h prévaut à l'entrée des localités jusqu'à l'endroit où un signal indique une limitation inférieure, et qu'elle peut même être maintenue à l'intérieur des localité, indépendamment des intersections (art. 108 al. 3 OSR). Le recourant avait ainsi des motifs sérieux de penser qu'il ne se trouvait pas dans une zone de limitation de vitesse à 50 km/h.
Enfin, encore doit-on qualifier pour le moins de douteux le procédé de la police consistant à effectuer des contrôles de vitesse au radar mobile alors que le panneau de limitation déterminant est masqué. Il n'est guère équitable d'attendre d'un conducteur qu'il observe les panneaux de limitation de vitesse sans exiger simultanément de la police qu'elle s'aperçoive de la non visibilité de ceux-ci et y remédie. Du reste, la bonne visibilité de tels signes est autant, voire plus importante pour la sécurité du trafic que les contrôles de vitesse eux-mêmes.
En conséquence, seul un dépassement de vitesse effectif de 16 km/h doit être retenu à l'encontre du recourant.
Dans ces conditions, la question de savoir si le Tribunal administratif était lié par les constatations du Tribunal de police peut rester indécise (cf. ATF 119 Ib 158 consid. 3c; voir aussi ATF 125 II 402 consid. 2, 561 consid. 2c, 124 II 103 consid. 1c).
4.- Comme on l'a vu au considérant 2 ci-dessus, un dépassement de vitesse de 16 km/h à l'intérieur d'une localité constitue en principe un cas de légère gravité au sens de l'art. 16 al. 2 1ère phrase LCR, menant au prononcé d'un avertissement.
En l'occurrence, aucune circonstance particulière ne conduit à considérer avec une sévérité différente le cas du recourant, dont les antécédents sont bons. Il se justifie dès lors, conformément à ses propres conclusions, de lui donner un avertissement, que le Tribunal fédéral peut lui-même prononcer (art. 114 al. 2 OJ).
5.- Vu ce qui précède, le recours est admis, l'arrêt attaqué annulé et un avertissement prononcé à l'encontre du recourant. Il n'y a pas lieu de mettre un émolument judiciaire à la charge de l'autorité intimée (art. 156 al. 2 OJ). Celle-ci devra en revanche verser une indemnité au recourant à titre de dépens (art. 159 al. 1 OJ).
Par ces motifs,
le Tribunal fédéral,
1. Admet le recours et annule l'arrêt rendu le 21 décembre 1999 par le Tribunal administratif du canton de Genève.
2. Donne au recourant un avertissement au sens de l'art. 16 al. 2 2e phrase LCR.
3. Dit qu'il n'est pas perçu de frais.
4. Dit que le canton de Genève versera au recourant une indemnité de 2200 fr. à titre de dépens.
5. Communique le présent arrêt en copie au mandataire du recourant, à l'Office fédéral des routes, au Service des automobiles et de la navigation du canton de Genève ainsi qu'au Tribunal administratif du canton de Genève.
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Lausanne, le 7 septembre 2000
Au nom de la Cour de cassation pénale
du TRIBUNAL FEDERAL SUISSE:
Le Président, La Greffière,