2C.1/1999
[AZA 0]
IIe COUR DE DROIT PUBLIC
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12 septembre 2000
Composition de la Cour: MM. et Mme les Juges Wurzburger, président, Hartmann, Hungerbühler, MülleretYersin.
Greffier: M. Langone.
Statuant sur l'action en responsabilité
intentée par
X.________, demandeur, représenté par Me Catherine Jaccottet Tissot, avocate à Lausanne,
contre
l'Etatde V a u d, défendeur, représenté par Me François Chaudet, avocat à Lausanne,
(art. 42 OJ; acte illicite; prescription)
Vu les pièces du dossier d'où ressortent
les faits suivants:
A.- X.________ a travaillé en qualité de maître d'enseignement et de recherche (anciennement: agrégé) à l'Ecole de pharmacie de la Faculté des sciences de l'Université de Lausanne du 1er septembre 1983 au 1er mai 1997.
Le 28 mars 1996, X.________ s'est trouvé en incapacité de travail à cent pour cent pour cause de maladie et n'a depuis lors jamais réintégré son poste.
Le 26 janvier 1997, X.________ a rempli et signé une demande de prestations AI (Assurance-invalidité fédérale) pour atteinte à sa santé psychique. Le 6 février 1997, le médecin adjoint au médecin cantonal a proposé à la Caisse de pensions de l'Etat de Vaud (institution de prévoyance du deuxième pilier) de mettre X.________ au bénéfice d'une pension d'invalidité totale et définitive.
Par courrier du 17 avril 1997, la Caisse de pensions de l'Etat de Vaud a informé X.________ que, dans sa séance du 8 avril 1997, elle avait décidé de lui accorder une pension d'invalidité totale avec effet, sauf avis contraire de l'autorité de nomination, au 1er avril 1997. Il était précisé qu'outre la pension pour ses enfants, l'intéressé toucherait une pension mensuelle de 5'423 fr. 80, assortie d'un supplément temporaire de 1'218 fr. 90 par mois jusqu'à décision de l'Assurance-invalidité fédérale. Le 19 août 1997, l'intéressé a été informé par l'Office AI du canton de Vaud que son invalidité totale lui donnait droit en principe à une rente dès le 1er mars 1997. Par décision du 9 février 1998, l'office en question a alloué à X.________, outre une rente pour ses enfants et son conjoint, une rente AI entière de 1'583 fr. par mois, avec effet au 1er mars 1997.
Le 13 mai 1997, l'autorité de nomination du canton de Vaud a annoncé à l'intéressé la cessation de ses fonctions, avec effet au 1er mai 1997, pour cause d'invalidité définitive.
Le 12 mai 1998, X.________ a adressé à l'Office des poursuites de Lausanne-Est une réquisition de poursuite à l'encontre de l'Etat de Vaud tendant au paiement de 450'000 fr., plus intérêts à 5% l'an dès le 12 mai 1998, au titre de dommages-intérêts et tort moral pour atteinte à ses intérêts personnels et économiques, en se fondant sur les "art. 4 et 8 de la loi sur la responsabilité de l'Etat, des communes et de leurs agents". Le commandement de payer a été notifié le 20 mai suivant au poursuivi qui l'a frappé d'opposition totale.
Le 13 avril 1999, X.________ a réitéré sa poursuite à l'encontre de l'Etat de Vaud, qui a de nouveau fait opposition totale au commandement de payer.
B.- Par demande du 13 juillet 1999 adressée au Tribunal fédéral, X.________ a ouvert action contre l'Etat de Vaud en paiement de 450'000 fr., avec intérêt à 5% dès le 12 mai 1998, au titre de dommages-intérêts et tort moral.
Il expose en bref que le dommage découlant de la résiliation prématurée de ses rapports de service pour cause d'invalidité serait en relation de causalité adéquate avec les actes de harcèlement psychologique au travail ("mobbing") graves et répétés qu'il prétend avoir subi depuis 1989 de la part de son supérieur, Y.________, professeur à la Faculté des sciences, Section pharmacie.
L'Etat de Vaud a déposé sa réponse hors délai; la demande en restitution de délai qu'il a présentée a été rejetée par le Tribunal fédéral selon décision du 5 novembre 1999.
Lors de la séance de débats préparatoires du 27 janvier 2000, la partie défenderesse a été autorisée à dicter au procès-verbal ses conclusions tendant au rejet de la demande; elle a également été admise à soulever l'exception de prescription et à produire des pièces en relation avec cette question. Avec l'accord des parties, le juge délégué a limité, dans un premier temps, l'instruction de la cause au point de savoir si les prétentions du demandeur étaient ou non prescrites.
Le juge délégué a ordonné la production du dossier AI et du dossier de la Caisse de pensions de l'Etat de Vaud concernant tous deux X.________.
C.- Les parties ont renoncé à des débats publics avec plaidoiries. En lieu et place, elles ont déposé un mémoire final portant uniquement sur la question de la prescription de l'action.
Considérant en droit :
1.-Larecevabilitédel'actionetdetousactesdeprocédureestexaminéed'office(art. 3al.1PCF).
Le Tribunal fédéral connaît en instance unique des contestations de droit civil entre un canton d'une part et un particulier d'autre part, lorsque l'une des parties le requiert en temps utile et que la valeur litigieuse est d'au moins 8'000 fr. (art. 42 al. 1 OJ). Sont des contestations de droit civil au sens de l'art. 42 al. 1 OJ, non seulement celles qui sont soumises au droit privé stricto sensu, mais également d'autres prétentions patrimoniales contre l'Etat, lorsque sa responsabilité légale, contractuelle ou quasi contractuelle est engagée en vertu du droit public. Cette notion large comprend notamment les actions en réparation du dommage causé par des actes de puissance publique, licites ou illicites, engageant la responsabilité légale du canton (ATF 118 II 206 consid. 2c; Poudret, Commentaire de la loi fédérale d'organisation judiciaire, vol. II, Berne 1990, n. 2.1.1 ad art. 42).
En l'espèce, la présente action remplit ces conditions.
2.- a) En principe, les agents publics répondent de leurs actes illicites selon les règles ordinaires des art. 41 ss CO. Toutefois, la législation fédérale ou cantonale peut déroger à ces règles en ce qui concerne la responsabilité encourue par ces agents publics pour le dommage ou le tort moral qu'ils causent dans l'exercice de leur charge (art. 61 al. 1 CO). Lorsque de telles normes existent, la responsabilité des agents publics échappe au droit civil fédéral, ce qui découle aussi de l'art. 59 al. 1 CC (cf. ATF 122 III 101 consid. 2 et les arrêts cités).
b) Dans sa demande, le demandeur a fondé son action exclusivement sur la loi vaudoise du 16 mai 1961 sur la responsabilité de l'Etat, des communes et de leurs agents (ci-après: la loi sur la responsabilité/VD), qui règle la réparation des dommages causés illicitement ou en violation de devoirs de service dans l'exercice de la fonction publique cantonale ou communale (art. 1er). Selon l'art. 3 de cette loi, sont des agents qui exercent la fonction publique cantonale, notamment, les professeurs de l'Université (ch. 4) et le personnel rétribué par un établissement public doté de la personnalité juridique (ch. 11). A noter que l'Université de Lausanne est un établissement de droit public doté de la personnalité morale (art. 1er de la loi vaudoise du 6 décembre 1977 sur l'Université de Lausanne).
Ainsi, l'Etat répond du dommage que ses agents causent à des tiers d'une manière illicite (art. 4 de la loi sur la responsabilité/VD). A l'instar de l'art. 60 al. 1 CO, l'art. 7 de cette loi prévoit que la créance en dommages-intérêts se prescrit par un an dès la connaissance du dommage et en tout cas par dix ans dès l'acte dommageable. Aux termes de l'art. 8 de cette même loi, les dispositions du code des obligations relatives aux obligations résultant d'actes illicites sont, au surplus, applicables par analogie à titre de droit cantonal.
c) Dans son mémoire final, le demandeur dit fonder son action en dommages-intérêts également sur la responsabilité quasi contractuelle découlant des rapports de service avec l'Etat. Il affirme que la loi sur la responsabilité/VD ne s'appliquerait qu'au dommage que les agents de l'Etat causent illicitement à des "tiers", le fonctionnaire lésé ne pouvant pas être considéré comme un tiers en raison des liens privilégiés qui l'unissent à l'Etat. Ainsi, la loi sur la responsabilité/VD ne réglerait pas la prescription de ses prétentions de nature quasi contractuelle à l'égard de l'Etat de Vaud, mais comporterait sur ce point une lacune proprement dite qu'il conviendrait de combler en se référant à la prescription décennale ordinaire prévue à l'art. 127 CO, applicable ici par analogie au titre de droit cantonal supplétif. A l'appui de sa thèse, le demandeur invoque une jurisprudence ancienne (ATF 71 II II 226 ss; 76 II 107 ss), qui est contestée en doctrine (Pierre Moor, Droit administratif, vol. III, Berne 1992, n. 5.2.4, p. 200 s.; André Grisel, Traité de droit administratif, Neuchâtel 1984, vol. II, p. 816; Blaise Knapp, Précis de droit administratif, Bâle 1991, 4e éd., n. 2478 et 2479, p. 515 s.). Avec ces auteurs, il y a lieu toutefois de constater qu'en matière de responsabilité patrimoniale de l'Etat, il n'y a aucune raison de soumettre le fonctionnaire lésé en tant que sujet de droit à d'autres règles que l'administré ordinaire. Du reste, la loi fédérale du 14 mars 1958 sur la responsabilité de la Confédération [LRCF; RS 170. 32] - qui a servi de modèle à la loi sur la responsabilité/VD (cf. Pierre Moor, Le régime de la responsabilité de l'Etat dans la loi vaudoise du 16 mai 1961, in RDAF 34/1978, p. 166 s. - trouve également application lorsque le lésé est ou était lui-même fonctionnaire fédéral et qu'il prétend avoir subi un dommage résultant d'actes illicites commis par d'autres fonctionnaires (cf. Tobias Jaag, Staats- und Beamtenhaftung, in: Koller/Müller/Rhinow/Zimmerli (éd. ), Schweizerisches Bundesverwaltungsrecht, Bâle et Francfort-sur-le-Main 1996, n. 69 et les arrêts cités). En l'occurrence, le demandeur ne conteste d'ailleurs pas, à juste titre, que les rapports qui le liaient à son employeur étaient soumis au droit public cantonal (cf. art. 342 CO) et non au droit privé fédéral, ni que les personnes dont il critique les actes ont agi comme agents de l'Université. Ainsi donc, la responsabilité que l'Etat de Vaud encourt dans l'exercice de ses compétences de droit public est régie exclusivement par la loi sur la responsabilité/VD, la réserve faite à l'art. 59 al. 1 CC ayant trait également aux liens qui unissent les collectivités publiques à leur personnel, fussent-ils de nature délictuelle ou quasi contractuelle.
Dans ces conditions, les prétentions du demandeur se prescrivent par un an, conformément à l'art. 7 la loi sur la responsabilité/VD.
3. a) Selon la jurisprudence relative à l'art. 60 al. 1 CO - à laquelle il y a lieu de se référer (art. 8 de la loi sur la responsabilité/VD)-, le créancier connaît suffisamment le dommage lorsqu'il apprend, touchant son existence, sa nature et ses éléments, les circonstances propres à fonder et à motiver une demande en justice; le créancier n'est pas admis à différer sa demande jusqu'au moment où il connaît le montant absolument exact de son préjudice, car le dommage peut devoir être estimé selon l'art. 42 al. 2 CO. Au demeurant, le dommage est suffisamment défini lorsque le créancier détient assez d'éléments pour qu'il soit en mesure de l'apprécier (ATF 111 II 55 consid. 3a p. 57; 109 II 433 consid. 2 p. 434/435; 108 Ib 97 consid. 1c p. 99/100, et les arrêts cités). Eu égard à la brièveté du délai de prescription d'un an, on ne saurait se montrer trop exigeant à ce sujet à l'égard du créancier; suivant les circonstances, il doit pouvoir disposer d'un certain temps pour estimer l'étendue définitive du dommage (ATF 111 II 55 consid. 3a p. 57, et les arrêts cités). En outre, si l'ampleur du préjudice dépend d'une situation qui évolue, la prescription ne court pas avant le terme de cette évolution (ATF 108 Ib 97 consid. 1c p. 100; 93 II 498 consid. 2 p. 502/503, et les arrêts cités); cette règle vise toutefois essentiellement les cas de préjudice consécutif à une atteinte à la santé de la victime dont il n'est pas possible de mesurer d'emblée l'évolution avec suffisamment de sécurité (ATF 112 II 118 consid. 4 p. 123; 108 Ib 97 consid. 1c p. 100, et les arrêts cités). Le délai de l'art. 60 al. 1 CO part ainsi dès le moment où le lésé a effectivement connaissance du dommage et non de celui où il aurait pu découvrir l'importance de sa créance en faisant preuve de l'attention commandée par les circonstances (ATF 111 II 55 consid. 3a p. 57/58; 109 II 433 consid. 2 p. 435/436, et les arrêts cités. Voir également sur toutes ces questions: Roland Brehm, Commentaire bernois, n. 21 à 62 ad art. 60 CO; Stephen V. Berti, Commentaire bâlois, ad art. 60 CO; Alfred Keller, Haftpflicht im Privatrecht, vol. II, 2e éd., Berne 1998, p. 256 ss; Oftinger/Stark, Schweizerisches Haftpflichtrecht, Bes. Teil, vol. II/1, § 16 n. 341 à 368; Henri Deschenaux/ Pierre Tercier, La responsabilité civile, 2e éd., Berne 1982, p. 201 ss).
b) Le demandeur fait valoir, en bref, que, même pour le cas où ses prétentions seraient soumises au délai annal de l'art. 7 de la loi sur la responsabilité/VD, son action ne serait pas prescrite. Selon lui, sa réquisition de poursuite du 12 mai 1998 aurait valablement interrompu le délai de prescription qui a commencé à courir dès la notification de la décision du 9 février 1998 par laquelle l'Office AI du canton de Vaud l'a mis au bénéfice d'une rente AI entière de 1'583 fr. Avant cette date, il ne pouvait connaître avec exactitude la quotité de son dommage.
Quant à la partie défenderesse, elle soutient, en substance, que le demandeur connaissait tous les éléments permettant de déterminer avec suffisamment de précision son préjudice au plus tard le 18 avril 1997, date à laquelle, selon le cours ordinaire des choses, il a reçu la lettre du 17 avril 1997 par laquelle la Caisse de pensions de l'Etat de Vaud informait le demandeur qu'elle avait décidé de lui accorder une pension d'invalidité totale.
c) En l'espèce, force est de constater que le dommage subi par le demandeur résulte de son incapacité de travail totale et durable qui a débuté le 28 mars 1996, son engagement ayant pris fin avec effet au 1er mai 1997. L'intéressé a lui-même rempli, le 26 janvier 1997, une demande de prestations AI. A ce moment-là déjà, le demandeur, dont l'état était définitivement stabilisé, savait qu'il était dans l'incapacité totale de recommencer à travailler; il connaissait donc l'existence de son dommage et pouvait, du moins dans les grandes lignes, en apprécier l'ampleur. Par conséquent, il faut admettre que c'est à partir du 26 janvier 1997 que le délai de prescription a commencé à courir.
Le demandeur fait certes valoir qu'il n'a pu chiffrer le montant absolument exact de son préjudice économique qu'à la communication de la décision du 9 février 1998 par laquelle l'Office cantonal lui a alloué une rente AI entière de 1'553 fr. par mois. En l'occurrence toutefois, l'issue de la procédure AI n'est pas déterminante pour la connaissance du dommage et le point de départ du délai de prescription. En effet, la rente AI ne réduit pas le dommage subi par un assuré, mais le couvre, du moins partiellement. L'art. 60 al. 1 CO parle d'ailleurs de "connaissance du dommage" et non de connaissance du montant à réclamer en justice. Par dommage, il faut comprendre la totalité du dommage qu'a subi le lésé, y compris la partie couverte par les assurances sociales. S'agissant plus particulièrement de l'assurance AI, celle-ci dispose d'un droit de recours envers le tiers responsable jusqu'à concurrence des prestations qu'elle doit légalement fournir à l'assuré, ce qui présuppose toutefois que les droits de l'assuré auxquels elle est subrogée soient toujours existants (cf. art. 52 LAI [RS 831. 20] en relation avec l'art. 48ter LAVS [RS 831. 10]; voir aussi Brehm, op. cit. ,n. 45 ad art. 60 CO).
Même si l'on faisait abstraction de ce qui précède, les prétentions du demandeur devraient néanmoins être considérées comme prescrites. Car il faudrait alors retenir que, dès la réception de la lettre du 17 avril 1997 de la Caisse de pensions de l'Etat de Vaud, le demandeur connaissait effectivement, du moins dans les grandes lignes, l'ampleur de son préjudice économique et du tort moral. En effet, la décision en question indiquait notamment qu'une pension mensuelle de 5'423 fr. 80, ainsi qu'un supplément temporaire de 1'218 fr. 90 par mois jusqu'à la décision de l'Assurance-invalidité fédérale, lui seraient servis. De l'avis du demandeur, le fait que la Caisse de pensions de l'Etat de Vaud l'ait informé du montant de ses prestations, y compris le supplément temporaire, ne pouvait cependant être considéré comme une quelconque garantie quant au droit à une rente AI, puisque la notion d'invalidité retenue par les institutions de prévoyance du deuxième pilier peut être plus large que celle de l'Assurance-invalidité fédérale. Mais un tel argument est dénué de pertinence. En effet, le demandeur pouvait partir de l'idée qu'il toucherait une rente AI correspondant grosso modo au supplément temporaire versé par la Caisse de pensions du canton de Vaud. Autrement dit, il pouvait se fonder sur ce supplément temporaire - destiné à pallier l'absence momentanée de prestations du premier pilier - pour évaluer l'étendue de son dommage, d'autant plus que rien ne laissait supposer que l'Assurance-invalidité fédérale lui refuserait le droit à la rente AI. Le demandeur disposait donc de tous les éléments essentiels pour évaluer son préjudice économique et tort moral au plus tard lors de la réception (que l'on peut fixer au 18 avril 1997 faute d'indications contraires du demandeur) de la lettre du 17 avril 1997 de la Caisse de pensions de l'Etat de Vaud.
Enfin, le fait que la lettre de la Caisse de pensions de l'Etat de Vaud réservait expressément la décision de l'autorité de nomination quant à la date de résiliation et partant au point de départ des prestations d'invalidité, n'y change rien. Au vu de toute l'évolution, il était clair que les fonctions du demandeur ne pouvaient que prendre fin à bref délai. Et, comme il ressort de la jurisprudence précitée, le créancier ne peut pas différer sa demande en réparation du dommage jusqu'au moment où il connaît le montant absolument exact de son préjudice. De surcroît, en ayant résilié les rapports de service du demandeur pour le 1er mai 1997 au lieu du 1er avril 1997 comme indiqué dans la lettre de la Caisse de pensions du 17 avril 1997, l'Etat de Vaud a réduit - dans une très faible proportion il est vrai - le dommage du demandeur.
d) En résumé, le délai d'un an fixé par l'art. 7 de la loi sur la responsabilité/VD, ayant commencé à courir le 26 janvier 1997 (au plus tard le 18 avril 1997), a expiré sans avoir été utilisé utilement le 26 janvier 1998, respectivement le 18 avril 1998. A partir de ces dates, l'action était prescrite, ce qui entraîne le rejet de la demande.
4.- Le demandeur invoque, subsidiairement, l'art. 60 al. 2 CO prévoyant que si les dommages-intérêts dérivent d'un acte punissable soumis par les lois pénales à une prescription de plus longue durée, cette prescription s'applique à l'action civile. Il se réfère à un procès-verbal du 15 juin 1995 du Conseil de faculté des sciences d'où il ressort que le professeur Z.________ a déclaré que "X.________ aurait utilisé à l'époque, dans une publication, les résultats d'un travail de doctorant, avant que ces derniers ne soient publiés". Le demandeur prétend que ces allégations - dont il n'a eu connaissance que le 11 décembre 1999 lors de la production des pièces par la partie défenderesse - tomberaient sous le coup de la diffamation (art. 173 CP) et de l'abus d'autorité (art. 312 CP) dont la prescription absolue ne serait pas acquise avant le 15 juin 2005.
Il est pour le moins douteux que les déclarations faites par le professeur Z.________ - exprimées sur le mode conditionnel - soient constitutives d'une quelconque infraction pénale. Au surplus, on peut se demander si la prescription de plus longue durée du droit pénal au sens de l'art. 60 al. 2 CO trouve application dans la responsabilité de l'Etat pour les actes commis par leurs agents à l'égard de tiers. L'art. 9 al. 2 de loi sur la responsabilité/VD - qui semble déroger à l'art. 60 al. 2 CO - précise en tout cas que la prescription de plus longue durée du droit pénal ne vaut que pour la responsabilité de l'agent envers la corporation publique (la loi sur la responsabilité de la Confédération comprend une disposition similaire; voir à ce sujet: ATF 126 II 145 consid. 4b/bb p. 157). Quoi qu'il en soit, le délai prévu à l'art. 60 al. 2 CO ne peut pas s'appliquer en l'espèce. En effet, selon les faits tels qu'allégués dans la demande, ce sont les actes de harcèlement au travail commis par le professeur Y.________ qui seraient à l'origine du dommage consécutif à l'invalidité du demandeur. Dès lors, les soi-disant infractions à la loi pénale commises par le professeur Z.________ ne se trouvent manifestement pas en relation de causalité adéquate avec le préjudice subi. On ne voit du reste pas que les déclarations du professeur Z.________ puissent être la cause des problèmes psychiques du demandeur, puisque celui-ci n'en a eu connaissance, selon ses propres dires, que postérieurement à l'ouverture de la présente action.
5.- La prescription étant acquise, la demande doit être rejetée, avec suite de frais (art. 156 al. 1 OJ) à la charge du demandeur. Celui-ci versera en outre au défendeur, représenté par un mandataire professionnel (art. 159 al. 1 OJ), une indemnité à titre de dépens, l'art. 159 al. 2 OJ n'étant pas applicable en l'espèce.
Par ces motifs,
le Tribunal fédéral,
1.- Rejette l'action du demandeur.
2.- Met à la charge du demandeur:
a) un émolument judiciaire de 5'000 fr. et
b) une indemnité de 3'000 fr. à verser à l'Etat de Vaud à titre de dépens.
3.- Communique le présent arrêt aux mandataires des parties.
_______________
Lausanne, le 12 septembre 2000
LGE/elo
Au nom de la IIe Cour de droit public
du TRIBUNAL FEDERAL SUISSE:
Le Président,
Le Greffier,