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Original
 
[AZA 1/2]
4C.212/2000
Ie COUR CIVILE
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4 octobre 2000
Composition de la Cour: MM. Walter, président, Leu et Corboz,
juges. Greffier: M. Ramelet.
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Dans la cause civile pendante
entre
Hussein Abdullatif, à Riyad (Arabie Saoudite), demandeur et recourant, représenté par Me Jean Comina, avocat à Genève,
et
Georges Mooser, à Genève, défendeur et intimé, représenté par Me Jean-Marie Faivre, avocat à Genève;
(acte simulé; détermination de la volonté réelle des parties)
Vu les pièces du dossier d'où ressortent
les faits suivants:
A.- Par contrat du 18 octobre 1984, la société Saudi Finance Corporation S.A. (ci-après: Saudifin) accorda un prêt avec intérêts de 3 000 000 US$ pour une durée de trois ans à TGR Holding S.A. (ci-après: TGR), société anonyme au capital de 50 000 fr. ayant son siège à Fribourg, dont les administrateurs étaient Georges Mooser et Abdelmoumen Diouri, ce dernier étant l'actionnaire unique. Le même jour, les deux administrateurs de TGR signèrent, au nom de cette dernière, un billet à ordre du même montant en faveur de Saudifin.
Hussein Abdullatif, qui était un ami de Diouri, se porta garant du prêt par le nantissement d'actifs.
La somme empruntée fut transférée à Diouri, sous la seule signature de ce dernier. TGR n'inscrivit pas dans son bilan le prêt consenti par Saudifin; elle ne mentionna pas davantage le paiement d'intérêts dans son compte de pertes et profits. Dans le procès-verbal de l'assemblée générale du 10 janvier 1985, il fut indiqué que la seule activité de TGR consistait à détenir une créance pour un tiers représentant le montant de 3 000 000 US$.
TGR fut dans l'incapacité de rembourser le prêt à son échéance, le 18 octobre 1987, et d'honorer le billet à ordre. Georges Mooser déclara que la société agissait à titre fiduciaire pour un client.
Sur requête de Saudifin dans le cadre d'une poursuite pour effet de change, la faillite de TGR fut prononcée le 7 novembre 1988.
Saudifin sollicita le remboursement par le garant, Hussein Abdullatif, qui s'exécuta le 18 novembre 1988.
La masse en faillite de TGR céda à Abdullatif sa créance en responsabilité civile contre les organes de la société.
B.- Invoquant une violation des devoirs de l'administrateur et un dommage indirect subi par le créancier social, Hussein Abdullatif introduisit devant les tribunaux genevois une demande en paiement dirigée contre Georges Mooser, lui réclamant la somme de 3 000 000 US$ avec intérêts.
Le Tribunal de première instance (par jugement du 1er avril 1993), puis la Cour de justice (par arrêt du 22 septembre 1995) ont admis la demande.
Par arrêt du 27 août 1996, le Tribunal fédéral a annulé l'arrêt cantonal et renvoyé la cause à la Cour de justice pour nouveau jugement. En substance, il a rappelé que le créancier social ne pouvait invoquer un dommage indirect qu'à la condition que la société elle-même ait subi un dommage; en l'espèce, il convenait d'examiner si, d'après la volonté des parties, TGR était vraiment la cocontractante de Saudifin (même à titre fiduciaire pour le compte de Diouri) ou s'il s'agissait d'un contrat simulé, le prêt étant conclu directement entre Saudifin et Diouri, TGR ne servant que de paravent, sans être titulaire de droits ou d'obligations en relation avec le prêt.
Après avoir complété l'administration des preuves, le Tribunal de première instance, par jugement du 25 février 1999, a derechef admis la demande. Cependant, la cour cantonale, par arrêt du 25 mai 2000, a annulé ce jugement et entièrement débouté le demandeur de ses conclusions. Procédant à une appréciation des preuves, la cour cantonale est parvenue à la conviction que, selon la volonté réelle des parties, le prêt a été conclu directement entre Saudifin et Diouri, le contrat signé avec TGR n'étant qu'un acte simulé.
C.- Parallèlement à un recours de droit public qui a été rejeté dans la mesure de sa recevabilité par arrêt de ce jour, Hussein Abdullatif recourt en réforme au Tribunal fédéral. Se prévalant d'une violation du droit fédéral, il conclut à l'annulation de l'arrêt attaqué et reprend ses conclusions sur le fond.
L'intimé propose la confirmation de l'arrêt attaqué.
Considérantendroit :
1.- a) Interjeté par la partie qui a succombé dans ses conclusions en paiement et dirigé contre un jugement final rendu en dernière instance cantonale par un tribunal supérieur (art. 48 al. 1 OJ) sur une contestation civile (art. 46 OJ), le recours en réforme est en principe recevable, puisqu'il a été formé en temps utile (art. 54 al. 1 OJ) dans les formes requises (art. 55 OJ). Comme l'arrêt attaqué fait suite à un arrêt de renvoi prononcé par le Tribunal fédéral, le recours en réforme est recevable sans égard à la valeur litigieuse (art. 66 al. 2 OJ).
b) Le recours en réforme est ouvert pour violation du droit fédéral, mais non pour violation directe d'un droit de rang constitutionnel (art. 43 al. 1 OJ).
Saisi d'un recours en réforme, le Tribunal fédéral doit conduire son raisonnement sur la base des faits contenus dans la décision attaquée, à moins que des dispositions fédérales en matière de preuve n'aient été violées, qu'il y ait lieu à rectification de constatations reposant sur une inadvertance manifeste (art. 63 al. 2 OJ) ou qu'il faille compléter les constatations de l'autorité cantonale parce que celle-ci n'a pas tenu compte de faits pertinents et régulièrement allégués (art. 64 OJ; ATF 126 III 59 consid. 2a et les arrêts cités). Il ne peut être présenté de griefs contre les constatations de fait, ni de faits ou de moyens de preuve nouveaux (art. 55 al. 1 let. c OJ).
Si le Tribunal fédéral ne peut aller au-delà des conclusions des parties, lesquelles ne peuvent prendre de conclusions nouvelles (art. 55 al. 1 let. b in fine OJ), il n'est pas lié par les motifs qu'elles invoquent (art. 63 al. 1 OJ), pas plus que par ceux de la décision cantonale (art. 63 al. 3 OJ; ATF 126 III 59 consid. 2a; 123 III 246 consid. 2).
2.- a) La décision attaquée a été rendue à la suite d'un arrêt de renvoi prononcé par le Tribunal fédéral le 27 août 1996.
L'autorité cantonale à laquelle une affaire est renvoyée peut tenir compte de nouveaux allégués en tant que la procédure civile cantonale le permet, mais elle est tenue de fonder sa nouvelle décision sur les considérants de droit de l'arrêt du Tribunal fédéral (art. 66 al. 1 OJ). Saisi d'un nouveau recours en réforme, le Tribunal fédéral est lui-même lié par les considérants en droit de son précédent arrêt de renvoi (ATF 125 III 421 consid. 2a, 443 consid. 3a; 101 II 142 consid. 3 et 5c).
Dans son arrêt du 27 août 1996, le Tribunal fédéral a renvoyé la cause à l'autorité cantonale pour qu'elle détermine la réelle et commune intention des parties. Si elle parvenait à la conclusion que TGR ne devait pas être personnellement débitrice du prêt, il en résulterait qu'elle n'a subi aucun dommage dont les administrateurs devraient répondre en vertu de l'art. 754 al. 1 aCO (arrêt du 27 août 1996 p. 14).
Ce raisonnement juridique est acquis et il n'y a pas lieu d'y revenir.
b) Déterminer la volonté réelle des parties est une question de fait, qui ne peut être remise en cause dans un recours en réforme (ATF 126 III 25 consid. 3c; 125 III 305 consid. 2b, 435 consid. 2a/aa). Si la volonté des parties ne peut pas être établie ou si elle est discordante, c'est une question de droit de dire comment une déclaration devait être comprise de bonne foi en application de la théorie de la confiance (ATF 126 III 25 consid. 3c, 59 consid. 5a; 125 III 305 consid. 2b, 435 consid. 2a/aa); pour trancher cette question de droit, il faut cependant se fonder sur le contenu de la déclaration et les circonstances, lesquelles relèvent du fait (ATF 124 III 363 consid. 5a; 123 III 165 consid. 3a).
Procédant à une appréciation des preuves concrètes, la cour cantonale est parvenue à la conviction que les parties n'ont pas voulu que TGR soit débitrice du prêt, le contrat conclu avec cette société n'étant qu'une simulation, pour cacher l'identité de l'emprunteur.
Pour parvenir à cette conclusion, la cour cantonale n'a pas interprété une ou plusieurs déclarations de volonté selon la théorie de la confiance; elle a analysé les indices concrets et elle est parvenue à la conviction qu'en réalité les parties ne voulaient pas que TGR soit débitrice du prêt.
Il s'agit là d'une constatation de fait sur la volonté réelle des parties, qui ne peut être remise en cause dans un recours en réforme (cf. à ce propos arrêt du 9 septembre 1987 dans la cause C.137/1987 publié in: SJ 1988 p. 117, consid. 6b).
Sur la base de cette constatation, qui lie le Tribunal fédéral en instance de réforme (art. 63 al. 2 OJ), la cour cantonale en a déduit, sans violer le droit fédéral, que le contrat de prêt conclu avec TGR était simulé et ne déployait pas d'effet juridique. Il en résulte que le non-remboursement du prêt n'a pas causé de dommage à la société dont les administrateurs pouvaient être responsables. Cette partie du raisonnement, qui conduit au rejet de la demande, est fondée sur l'argumentation juridique contenue dans l'arrêt de renvoi, qui ne peut être remise en cause.
c) Le recourant se plaint d'une inadvertance manifeste au sens de l'art. 63 al. 2 OJ. Il fait valoir que la cour cantonale aurait méconnu la lettre de Diouri datée du 15 octobre 1984.
Il ressort cependant de l'arrêt attaqué, à la page 9, que cette lettre est mentionnée, de même que les conséquences qui en ont été tirées par le juge de première instance.
Partant, la cour cantonale a bel et bien examiné cette lettre. Elle l'a certes écartée au profit d'autres éléments jugés plus probants, mais il s'agit là d'une question d'appréciation des preuves, qui ne peut donner lieu à un recours en réforme (ATF 126 III 189 consid. 2a; 125 III 78 consid. 3a; 122 III 26 consid. 4a/aa, 61 consid. 2c/cc). Il n'y a pas d'inadvertance manifeste lorsque l'autorité cantonale a retenu ou écarté un fait à la suite d'un raisonnement ou d'un choix dans l'appréciation des preuves (cf. ATF 121 IV 104 consid. 2b).
Dès lors que la cour cantonale a pris en considération la pièce litigieuse - comme cela ressort de sa mention à la page 9 de l'arrêt attaqué - et qu'elle l'a écartée au profit d'éléments plus probants dans le cadre de son appréciation des preuves, il n'est plus question d'une violation du droit à la preuve ou à la contre-preuve découlant de l'art. 8 CC (cf. Corboz, Le recours en réforme au Tribunal fédéral, in: SJ 2000 II p. 41).
Pour toutes les prétentions relevant du droit privé fédéral (cf. ATF 123 III 35 consid. 2d), l'art. 8 CC répartit le fardeau de la preuve (ATF 122 III 219 consid. 3c) - en l'absence de disposition spéciale contraire - et détermine, sur cette base, laquelle des parties doit assumer les conséquences de l'échec de la preuve (ATF 126 III 189 consid. 2b; 125 III 78 consid. 3b). Cette disposition ne règle cependant pas comment et sur quelles bases le juge peut forger sa conviction (ATF 122 III 219 consid. 3c; 119 III 60 consid. 2c; 118 II 142 consid. 3a). En analysant les éléments recueillis, la cour cantonale, donnant la préférence à ceux qui lui paraissaient les plus probants, est parvenue à une conviction; dans une telle situation, l'art. 8 CC, qui régit le fardeau de la preuve et non l'appréciation des preuves, ne trouve pas application.
Sur la base des faits retenus, on ne voit pas que l'autorité cantonale aurait méconnu les notions de manifestation concordante de volonté (art. 1 CO) et de contrat simulé (cf. art. 18 CO; ATF 123 IV 61 consid. 5c/cc; 112 II 337 consid. 4a).
La cour cantonale est parfaitement restée dans le cadre de l'arrêt de renvoi (art. 66 al. 1 OJ); la question nouvelle qui lui était posée l'appelait naturellement à réexaminer les éléments de preuve sous un angle différent.
Les considérations du recourant sur la comptabilité commerciale ou le rôle du capital-actions ne lui sont d'aucun secours; en réalité, le recourant s'efforce de rediscuter l'appréciation des preuves, ce qui, on le répète, n'est pas admissible dans un recours en réforme.
Dès lors qu'il a été constaté en fait que la volonté concordante des parties était de ne pas lier la société TGR, le sort de l'action est scellé sans violer le droit fédéral.
3.- Il suit de là que le recours doit être rejeté et l'arrêt attaqué confirmé. Vu l'issue du recours, les frais et dépens doivent être mis à la charge du recourant qui succombe (art. 156 al. 1 et 159 al. 1 OJ).
Par ces motifs,
le Tribunal fédéral :
1. Rejette le recours et confirme l'arrêt attaqué;
2. Met un émolument judiciaire de 20 000 fr. à la charge du recourant;
3. Dit que le recourant versera à l'intimé une indemnité de 25 000 fr. à titre de dépens;
4. Communique le présent arrêt en copie aux mandataires des parties et à la Chambre civile de la Cour de justice genevoise.
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Lausanne, le 4 octobre 2000 ECH
Au nom de la Ie Cour civile
du TRIBUNAL FEDERAL SUISSE:
Le Président,
Le Greffier,