[AZA 7]
C 105/00 Co
IIIe Chambre
composées des Juges fédéraux Schön, Spira et Widmer;
Beauverd, Greffier
Arrêt du 23 octobre 2000
dans la cause
M. M.________, 1962, les Places 6, Vouvry, recourante, représentée par Me Claude Kalbfuss, avocat, ruelle des Anges 3, Monthey,
contre
Caisse publique cantonale valaisanne de chômage, place du Midi 40, Sion, intimée,
et
Commission cantonale de recours en matière de chômage, Sion
A.- M. M.________ est mère de deux enfants nés en 1989 et 1992. Depuis le 1er janvier 1995, elle travaille à raison d'un horaire de travail à mi-temps en qualité d'employée de bureau au service de l'entreprise de menuiserie de son mari C. M.________. Le contrat de travail a été résilié par l'employeur le 31 octobre 1997 avec effet au31 décembre suivant. Dans l'attestation d'employeur, C. M.________ a indiqué que les époux étaient en instance de divorce.
M.________ M.________ a requis l'octroi d'une indemnité de chômage depuis le 1er janvier 1998, en indiquant rechercher une activité à plein temps.
Le 7 janvier 1998, le juge du district a homologué une convention de mesures provisionnelles, aux termes de laquelle les époux ont un domicile séparé à partir du 1er janvier 1998 et l'épouse renonce à une pension alimentaire pour elle-même.
Par décision du 24 février 1998, la Caisse publique cantonale valaisanne de chômage (ci-après : la caisse) a reconnu le droit de l'assurée à une indemnité de chômage dès le 1er janvier 1998, "uniquement sur la base de l'activité effectuée à 50 % auprès de l'entreprise C. M.________". Elle a considéré, en résumé, que la période durant laquelle l'assurée s'était consacrée à l'éducation de ses enfants ne pouvait être prise en considération comme période de cotisation, motif pris que l'intéressée n'était pas contrainte par nécessité économique de reprendre une activité salariée.
B.- Saisie d'un recours contre cette décision, la Commission cantonale valaisanne de recours en matière de chômage l'a rejeté par jugement du 1er septembre 1999.
C.- M. M.________ interjette recours de droit administratif contre ce jugement, dont elle requiert l'annulation, en concluant, sous suite de dépens, à l'octroi d'"une indemnité de chômage calculée sur un 100 %".
La caisse conclut, sous suite de dépens, au rejet du recours, ce que propose également la juridiction cantonale.
Le Secrétariat d'Etat à l'économie n'a pas présenté de détermination.
Considérant en droit :
1.- L'assuré a droit à l'indemnité de chômage, notamment s'il est sans emploi ou partiellement sans emploi (art. 8 al. 1 let. a LACI). Est réputé sans emploi celui qui n'est pas partie à un rapport de travail et qui cherche à exercer une activité à plein temps (art. 10 al. 1 LACI).
Selon l'art. 10 al. 2 LACI, est réputé partiellement sans emploi celui qui n'est pas partie à un rapport de travail et cherche à n'exercer qu'une activité à temps partiel (let. a) ou occupe un emploi à temps partiel et cherche à le remplacer par une activité à plein temps ou à le compléter par une autre activité à temps partiel (let. b).
Par ailleurs, le droit à une indemnité de chômage suppose que les conditions relatives à la période de cotisation sont réalisées ou que l'assuré en est libéré (art. 8 al. 1 let. e LACI). Celui qui, dans les limites du délai-cadre (deux ans avant le premier jour où toutes les conditions du droit à l'indemnité sont réunies [art. 9 al. 3 LACI]), a exercé durant six mois au moins une activité soumise à cotisation remplit les conditions relatives à la période de cotisation (art. 13 al. 1 LACI).
Aux termes de l'art. 13 al. 2bis LACI, les périodes durant lesquelles l'assuré s'est consacré à l'éducation d'enfants de moins de seize ans, et n'a, de ce fait, pas exercé d'activité soumise à cotisation, comptent comme périodes de cotisation, lorsque l'assuré est contraint par nécessité économique de reprendre une activité salariée à l'issue d'une période éducative.
L'art. 14 LACI traite de la libération des conditions relatives à la période de cotisation. En particulier, sont libérées des conditions relatives à la période de cotisation les personnes qui, par suite de séparation de corps ou de divorce, d'invalidité ou de mort de leur conjoint ou pour des raisons semblables ou pour cause de suppression de leur rente d'invalidité, sont contraintes d'exercer une activité salariée ou de l'étendre (art. 14 al. 2 LACI).
2.- a) En l'espèce, la recourante a exercé, depuis le 1er janvier 1995, une activité soumise à cotisation en travaillant à mi-temps au service de l'entreprise de son mari.
Elle consacrait le reste de son temps à la tenue du ménage et à l'éducation de ses enfants. Cependant, au moment de la résiliation du contrat de travail, les époux M.________ se sont par ailleurs séparés et l'assurée a déclaré dans sa demande de prestations d'assurance-chômage qu'elle recherchait une activité à plein temps.
b) Selon la jurisprudence, les personnes qui n'ont jamais exercé d'activité soumise à cotisation, ne peuvent - sous réserve des règles sur la libération des conditions relatives à la période de cotisation - prétendre une indemnité de chômage s'ils recherchent un poste de travail. De même, celui qui n'a exercé qu'à temps partiel une activité soumise à cotisation n'a pas droit à des prestations pour le manque à gagner correspondant à la perte d'une occupation à plein temps (ATF 121 V 342 consid. 4; DTA 1996/97 n° 32 p. 181 consid. 6, et les arrêts cités).
Dans le cas particulier, plutôt que d'examiner - comme les premiers juges - si la recourante a été contrainte, par nécessité économique, de reprendre une activité salariée à l'issue d'une période éducative (art. 13 al. 2bis LACI), il convient de trancher le point de savoir si l'intéressée peut, en vertu de l'art. 14 al. 2 LACI, être libérée des conditions relatives à la période de cotisation pour le manque à gagner qui excède la part correspondant à la perte de son activité à temps partiel.
3.- a) L'art. 14 al. 2 LACI concerne en première ligne les cas dans lesquels la personne qui contribue financièrement à l'entretien de la famille vient à manquer ou la source de revenu à disparaître. Cette disposition a pour but de protéger les personnes qui ne sont pas préparées à prendre ou à reprendre, ou encore à augmenter une activité lucrative et qu'une situation financière précaire oblige à prendre les dispositions nécessaires dans un délai relativement bref (ATF 125 V 124 s. consid. 2a et les références).
L'art. 14 al. 2 LACI est applicable également en cas de séparation de fait (DTA 1980 n° 21 p. 40; Gerhards, Kommentar zum Arbeitslosenversicherungsgesetz [AVIG], vol. I n° 35 ad art. 14, p. 188). La libération des conditions relatives à la période de cotisation au sens de l'art. 14 al. 2 LACI n'est possible que s'il existe un lien de causalité entre le motif invoqué et la nécessité de prendre ou d'augmenter une activité lucrative. La preuve stricte de la causalité, dans une acception scientifique, ne doit pas être exigée. Ainsi, l'existence d'un lien de causalité doit déjà être admise lorsqu'il apparaît plausible et crédible que la volonté d'un assuré de prendre une activité lucrative dépendante est directement dictée par le motif de libération en cause (ATF 121 V 344 consid. 5c/bb et la référence; consid. 6b non publié de l'arrêt ATF 124 V 400).
b) Aux termes de la convention de mesures provisionnelles du 7 janvier 1998, le mari de la recourante s'est obligé à verser une pension alimentaire de 500 fr. par mois à chacun de ses enfants. En revanche, l'épouse a renoncé à une pension alimentaire pour elle-même jusqu'à la vente de la maison familiale. Selon le chiffre 6 de ladite convention, les époux s'engageaient à assumer chacun la moitié de la dette hypothécaire (330 000 fr.), la dette commerciale du mari (50 000 fr.) devant être remboursée en priorité sur le prix de vente de la maison. Celle-ci a été vendue au mois de janvier 1998. La recourante a obtenu 47 500 fr. au titre du bénéfice de la vente.
Sur le vu de ces circonstances, il apparaît plausible que la volonté de la recourante d'augmenter son activité lucrative dépendante est directement dictée par la séparation d'avec son mari. Le fait qu'elle a obtenu un certain capital lors de la vente de la maison familiale ne permet pas de nier la nécessité pour l'intéressée d'exercer une activité à plein temps.
Par ailleurs, sa renonciation à une pension alimentaire ne saurait lui être reprochée comme un manquement à son obligation de diminuer le dommage (cf. ATF 125 V 474 consid. 4). En instance cantonale, la recourante a allégué - pièces comptables à l'appui - que l'exercice de l'entreprise C. M.________ s'était soldé en 1997 par un résultat de 32 093 fr. 99, ce qui correspond à un revenu mensuel légèrement supérieur à 2500 fr. Les arguments soulevés par les premiers juges pour écarter cette allégation ne sont pas de nature à remettre en cause les données ressortant des pièces comptables produites. En particulier, on ne saurait se rallier au point de vue de la juridiction cantonale selon lequel les postes au passif du compte pertes et profits de l'entreprise ont pour effet d'augmenter indirectement le revenu net allégué. Compte tenu du revenu réalisé par le mari de la recourante - qui verse une pension alimentaire de 500 fr. par mois à chacun de ses enfants -, on ne peut donc lui reprocher d'avoir renoncé à une pension alimentaire pour elle-même.
Cela étant, la recourante est libérée des conditions relatives à la période de cotisation pour le manque à gagner qui excède la part correspondant à la perte de l'activité à temps partiel au service de l'entreprise de son mari. Par ailleurs, les conditions relatives à la période de cotisation sont réalisées en ce qui concerne cette activité.
Il convient donc de renvoyer l'affaire à la caisse intimée pour qu'elle se prononce sur les autres conditions du droit à l'indemnité de chômage, en particulier l'aptitude au placement de la recourante, eu égard à une activité à plein temps (art. 8 al. 1 let. f LACI).
Le recours se révèle ainsi bien fondé.
4.- La recourante, qui obtient gain de cause, est représentée par un avocat. Elle a droit à des dépens (art. 159 al. 1 OJ).
Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances
prononce :
I. Le recours est admis et le jugement de la Commission
cantonale valaisanne de recours en matière de chômage
du 1er septembre 1999, ainsi que la décision de la
Caisse publique cantonale valaisanne de chômage du 24 février 1998 sont annulés; l'affaire est renvoyée à
ladite caisse pour qu'elle rende une nouvelle décision
concernant le droit de la recourante à l'indemnité de
chômage depuis le 1er janvier 1998.
II. Il n'est pas perçu de frais de justice.
III. La caisse intimée versera à la recourante la somme de 2500 fr. (y compris la taxe à la valeur ajoutée) à titre de dépens pour l'instance fédérale.
IV. Le présent arrêt sera communiqué aux parties, à la Commission cantonale valaisanne de recours en matière de chômage, à l'Office cantonal valaisan du travail et
au Secrétariat d'Etat à l'économie.
Lucerne, le 23 octobre 2000
Au nom du
Tribunal fédéral des assurances
Le Président de la IIIe Chambre :
Le Greffier :