[AZA 7]
I 280/00 Mh
IIIe Chambre
composée des Juges fédéraux Schön, Spira et Widmer;
Decaillet, Greffier ad hoc
Arrêt du 23 octobre 2000
dans la cause
Office de l'assurance-invalidité pour le canton de Vaud, avenue Général-Guisan 8, Vevey, recourant,
contre
F.________, intimée,
et
Tribunal des assurances du canton de Vaud, Lausanne
A.- F.________ a travaillé en qualité d'emballeuse au service de la société X.________ SA depuis 1980. Le 5 mars 1996, elle a déposé une demande de prestations d'assurance-invalidité tendant à l'octroi d'une rente, au motif qu'elle souffrait de douleurs dorsales.
L'assurance-invalidité a recueilli divers renseignements médicaux. En particulier, elle a confié une expertise au docteur G.________, rhumatologue. Dans un rapport du 22 juillet 1997, ce médecin a diagnostiqué des lombalgies chroniques, une discopathie L4-L5, des dorsalgies sur troubles statiques, un syndrome douloureux somatoforme persistant et un syndrome dépressif. Il a fixé à 50 % l'incapacité de travail liée à des facteurs purement physiques. L'assurance-invalidité a en outre adressé l'assurée au Secteur psychiatrique Y.________. Les docteurs P.________, médecin directeur, et L.________, médecin assistante, ont conclu à une névrose d'assurance progressivement constituée sur une affection lombaire et polyalgique traitée d'une façon purement somatique chez une patiente présentant une personnalité aux traits hystériformes avec une tendance à la somatisation.
Ils ont estimé que l'assurée présentait une incapacité totale de travail imputable pour moitié à des troubles psychiques (rapport du 9 mars 1998).
Par décision du 6 octobre 1998, l'Office cantonal vaudois de l'assurance-invalidité (ci-après : l'office) a alloué à l'assurée une demi-rente d'invalidité.
B.- F.________ a recouru contre cette décision devant le Tribunal des assurances du canton de Vaud. Le juge délégué à l'instruction de la cause a sollicité un rapport complémentaire du Secteur psychiatrique Y.________.
Par jugement du 10 décembre 1999, la Cour cantonale a annulé la décision litigieuse et reconnu à l'assurée le droit à une rente entière d'invalidité. Les premiers juges ont considéré, en bref, que l'intéressée subissait une incapacité de travail de 50 % en raison de ses troubles somatiques et qu'en outre ses troubles psychiques l'empêchaient de reprendre une activité lucrative à mi-temps.
C.- L'office interjette recours de droit administratif contre ce jugement dont il demande l'annulation, en concluant au maintien de sa décision. Il fait valoir que J.________ souffre d'une névrose d'assurance mais ne présente aucune pathologie psychiatrique grave, de sorte qu'elle est en mesure d'exercer une activité lucrative à 50 %.
La prénommée conclut au rejet du recours. L'Office fédéral des assurances sociales propose quant à lui de l'admettre.
Considérant en droit :
1.- Le litige porte sur le droit de l'intimée à une rente entière d'invalidité.
2.- Le jugement entrepris expose correctement les dispositions légales et réglementaires, ainsi que les principes jurisprudentiels applicables en matière d'évaluation de l'invalidité, de sorte qu'il peut y être renvoyé sur ce point (cf. consid. 2a et b du jugement attaqué).
Parmi les atteintes à la santé psychique, qui peuvent, comme les atteintes physiques, provoquer une invalidité au sens de l'art. 4 al. 1 LAI, on doit mentionner - à part les maladies mentales proprement dites - les anomalies psychiques qui équivalent à des maladies. On ne considère pas comme des conséquences d'un état psychique maladif, donc pas comme des affections à prendre en charge par l'assurance-invalidité, les diminutions de la capacité de gain que l'assuré pourrait empêcher en faisant preuve de bonne volonté; la mesure de ce qui est exigible doit être déterminée aussi objectivement que possible. Il faut donc établir si et dans quelle mesure un assuré peut, malgré son infirmité mentale, exercer une activité que le marché du travail lui offre, compte tenu de ses aptitudes. Le point déterminant est ici de savoir quelle activité peut raisonnablement être exigée dans son cas. Pour admettre l'existence d'une incapacité de gain causée par une atteinte à la santé mentale, il n'est donc pas décisif que l'assuré exerce une activité lucrative insuffisante; il faut bien plutôt se demander s'il y a lieu d'admettre que la mise à profit de sa capacité de travail ne peut, pratiquement, plus être raisonnablement exigée de lui, ou qu'elle serait même insupportable pour la société (ATF 102 V 165; VSI 2000, p. 153 consid. 2a et les références).
D'après la jurisprudence, on applique de manière générale dans le domaine de l'assurance-invalidité le principe selon lequel un invalide doit, avant de requérir des prestations, entreprendre de son propre chef tout ce qu'on peut raisonnablement attendre de lui, pour atténuer le mieux possible les conséquences de son invalidité. C'est pourquoi, un assuré n'a pas droit à une rente lorsqu'il serait en mesure, même sans réadaptation, d'obtenir par son travail un revenu qui exclut une invalidité ouvrant droit à la rente (ATF 113 V 28 consid. 4a et les références).
3.- En l'espèce, l'intimée présente sur le plan somatique des lombosciatalgies chroniques, une discopathie L4-L5 et des dorsalgies sur troubles statiques. Selon l'expertise du 22 juillet 1997 du docteur G.________, elle jouit d'une capacité de travail de 50 % dans son activité d'emballeuse. Il n'y a pas lieu de mettre en doute la valeur probante de ce rapport qui répond en tout point aux exigences posées par la jurisprudence (ATF 125 V 352 consid. 3a et les références).
Sur le plan psychique, les médecins du Secteur psychiatrique Y.________ ont conclu à une névrose d'assurance.
Ils ont fixé à 50 % l'incapacité de travail imputable à cette affection (rapport du 9 mars 1998). Dans un second rapport de l'institution précitée du 5 août 1999, le docteur W.________ n'a pas contesté que l'intimée soit en mesure de travailler à mi-temps. Il a souligné qu'elle pouvait probablement surmonter quelques inhibitions pour travailler à temps partiel à condition qu'elle puisse ressentir qu'on a compris ou pris en compte sa souffrance.
Il apparaît dès lors que l'intimée est en mesure de poursuivre son activité dans une mesure réduite, en faisant preuve de la bonne volonté qu'on peut attendre d'elle.
L'autorité cantonale conteste, certes, la validité des deux documents précités, au motif que le status psychique de l'intimée relève d'un état dépressif plutôt que d'une névrose d'assurance. Or, cette opinion ne se fonde pas sur un examen clinique mais sur une simple comparaison abstraite des éléments constitutifs des affections mentionnées qui n'autorisait pas la juridiction cantonale à poser son propre diagnostic (VSI 2000 p. 149). Il n'y a dès lors pas lieu de s'écarter des conclusions des médecins du Secteur psychiatrique Y.________.
Il résulte de ce qui précède que la capacité de travail de l'intimée n'est pas affectée par un état psychique maladif, à savoir une affection ouvrant droit aux prestations de l'assurance-invalidité (consid. 2 ci-dessus).
Seuls ses troubles somatiques entraînent une incapacité partielle de travail. Compte tenu de ceux-ci, elle est encore en mesure de réaliser la moitié du gain qu'elle obtenait sans invalidité. L'office a dès lors procédé conformément au droit fédéral en fixant à 50 % le degré d'invalidité de l'intimée (art. 28 al. 1 LAI).
Le recours se révèle bien fondé et le jugement entrepris doit être annulé.
Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances
prononce :
I. Le recours est admis et le jugement du 10 décembre
1999 du Tribunal des assurances du canton de Vaud est
annulé.
II. Il n'est pas perçu de frais de justice.
III. Le présent arrêt sera communiqué aux parties, au Tribunal des assurances du canton de Vaud et à l'Office fédéral des assurances sociales.
Lucerne, le 23 octobre 2000
Au nom du
Tribunal fédéral des assurances
Le Président de la IIIe Chambre :
Le Greffier ad hoc :