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Original
 
[AZA 0/2]
1P.544/2000
Ie COUR DE DROIT PUBLIC
**********************************************
14 décembre 2000
Composition de la Cour: MM. les Juges Aemisegger, Président,
Nay et Favre. Greffier: M. Parmelin.
__________
Statuant sur le recours de droit public
formé par
A.________ , représenté par Me Jean-Pierre Garbade, avocat à Genève,
contre
l'ordonnance rendue le 3 juillet 2000 par la Chambre d'accusation du canton de Genève, dans la cause qui oppose le recourant au Chef de la police du canton de Genève;
(liberté personnelle; contrôle d'identité)
Vu les pièces du dossier d'où ressortent
les faits suivants:
A.- Une manifestation autorisée à l'encontre de l'Organisation Mondiale du Commerce s'est déroulée en ville de Genève dans l'après-midi du 16 mai 1998. A un certain moment, des casseurs ont infiltré le cortège et ont causé de nombreux dégâts; en fin de soirée, les manifestants se sont déplacés en direction de la Plaine de Plainpalais où de nouveaux dommages ont été commis. Ces faits, au cours desquels neuf policiers ont été blessés, ont donné lieu à cinquante-cinq interpellations, entre les 16 et 17 mai 1998 au soir.
De nombreux heurts entre la police et les manifestants se sont en outre produits les jours suivants.
B.- Le 17 mai 1998, vers 20h00, A.________, membre de l'Union suisse des journalistes, a notamment été interpellé par la police genevoise à la douane de Moillesullaz, pour un contrôle d'identité, alors qu'il était accompagné d'une autre journaliste. Soupçonné d'être impliqué dans les débordements, il a été menotté au moyen d'un ruban adhésif avant d'être conduit au poste de police aménagé pour l'occasion dans les locaux de la protection civile du Bachet-de-Pesay.
Il a dû se déshabiller complètement durant deux minutes pour les besoins d'une fouille. La police l'a ensuite photographié et a relevé ses empreintes, puis l'a interrogé pendant trois-quarts d'heure, avant de l'enfermer dans une cellule avec trois à dix personnes, sans couverture et sans nourriture; il a pu utiliser les toilettes et boire de l'eau, mais n'a pas reçu l'autorisation d'aviser un proche de son arrestation; il a finalement été relâché le 18 mai 1998, vers 04h00, à la Gare de Cornavin.
C.- A raison de ces faits, A.________ a déposé le 16 juin 1998 auprès du Procureur général du canton de Genève (ci-après, le Procureur général) une plainte contre les interventions de la police au sens de l'art. 114A du Code de procédure pénale genevois (CPP gen.), valant aussi plainte pénale pour arrestation et détention illicites. Il concluait à la constatation de la violation des art. 17, 20 et 24 de la loi genevoise sur la police du 26 octobre 1957 (LPol), à la constatation de l'illicéité de son arrestation et de sa détention prolongée, à l'allocation d'une indemnité équitable de 1'000 fr., à la destruction du matériel photographique et dactyloscopique recueilli lors de son interpellation et à l'ouverture d'une instruction pénale.
Par ordonnance du 29 juillet 1999, notifiée le 5 mai 2000, le Procureur général a classé la plainte pénale et a constaté pour le surplus que les art. 16 à 22 LPol n'avaient pas été violés.
A.________ a recouru le 16 mai 2000 contre cette décision, en tant qu'elle rejetait la plainte déposée en application de l'art. 114A CPP gen. , auprès de la Chambre d'accusation du canton de Genève (ci-après, la Chambre d'accusation ou la cour cantonale) en invoquant le non-respectdes exigences de notification et de motivation de l'art. 114B al. 1 CPP gen. ainsi que la violation des art. 17 et20 LPol. A l'audience de plaidoiries du 21 juin 2000, il a requis, outre son audition, celle du gendarme qui avait procédé à sa fouille ainsi que l'apport au dossier du procès-verbal de son audition par la police le jour de son interpellation et des enquêtes de la gendarmerie le concernant.
Statuant par ordonnance du 3 juillet 2000, la Chambre d'accusation a rejeté le recours et confirmé la décision attaquée.
Elle a considéré que la motivation unique de l'ordonnance de classement, malgré le dépôt de plusieurs plaintes, était suffisante pour que A.________ puisse utilement faire valoir ses droits devant elle et a rejeté en conséquence les conclusions subsidiaires du recours tendant à ce que le Procureur général motive succinctement sa décision après avoir recueilli les observations écrites du Chef dela police. Elle n'est par ailleurs pas entrée en matière sur les griefs relevant de l'équipement des locaux ou des droits de la personne entendue dans la mesure où ils ne concernaient pas une intervention de la police au sens des art. 16 à 22 LPol. Sur le fond, elle a considéré que l'interpellation du plaignant était justifiée non seulement pour vérifier son identité, mais également pour prévenir de nouveaux troubles à l'ordre public, les conditions dans lesquelles cette mesure était intervenue étant au surplus proportionnées et conformes aux art. 17, 18 et 20 LPol.
D.- Agissant par la voie du recours de droit public, A.________ demande au Tribunal fédéral d'annuler cette ordonnance et de renvoyer la cause à l'autorité cantonale pour nouvelle décision dans le sens des considérants. Il voit une violation de son droit d'être entendu dans le refus de la Chambre d'accusation de donner suite à ses offres de preuve et d'entrer en matière sur le grief tiré de la violation du droit d'avertir ses proches. Il lui reproche aussi de ne pas avoir sanctionné la motivation insuffisante de l'ordonnance de classement du Procureur général et d'avoir constaté les faits de manière arbitraire en retenant qu'il aurait été interpellé à la douane de Moillesullaz en même temps que quinze autres personnes, en marge de manifestations violentes se prolongeant depuis la veille, et qu'il n'aurait pas fait état de sa qualité de journaliste à cette occasion.
Invoquant la liberté personnelle et la liberté de presse, il tient sa conduite au poste de police, sa fouille puis sa rétention durant quelque huit heures pour dénuées de base légale et disproportionnées dans la mesure où il portait une pièce d'identité et sa carte de presse lors de son interpellation.
Le Chef de la police conclut au rejet du recours, de même que le Procureur général, ce dernier dans la mesure où il serait recevable. La Chambre d'accusation se réfère aux considérants de sa décision.
Considérant en droit :
1.- Le Tribunal fédéral examine d'office et librement la recevabilité des recours qui lui sont soumis (ATF 126 I 50 consid. 1 p. 52, 207 consid. 1 p. 209; 126 II 377 consid. 1 p. 381).
a) Selon la jurisprudence relative à l'art. 88 OJ, le recours de droit public est ouvert seulement à celui qui est atteint par l'acte attaqué dans ses intérêts personnels et juridiquement protégés; le recours formé pour sauvegarder l'intérêt général, ou visant à préserver de simples intérêts de fait, est en revanche irrecevable (ATF 126 I 43 consid. 1a p. 44). Un intérêt est juridiquement protégé s'il est l'objet d'une garantie constitutionnelle spécifique ou si une règle de droit fédéral ou cantonal tend au moins accessoirement à sa protection; à elle seule, l'interdiction générale de l'arbitraire n'est pas une protection suffisant à conférer la qualité pour agir au sens de l'art. 88 OJ. La qualité pour former un recours fondé, comme en l'espèce, sur l'art. 9 Cst. dépend bien plutôt du fait que la législation dont l'application arbitraire est alléguée accorde un droit au recourant ou a pour but de le protéger d'une atteinte à ses intérêts (ATF 126 II 377 consid. 4 p. 388; 126 I 81 consid. 4 à 6 p. 87; 123 I 279 consid. 1b/aa p. 280; 122 I 44 consid. 3b/bb p. 47 et les arrêts cités).
Dans cette perspective, la jurisprudence dénie au plaignant, sous réserve de l'hypothèse prévue à l'art. 8 al. 1 let. c de la loi fédérale du 4 octobre 1991 sur l'aide aux victimes d'infractions (ATF 120 Ia 101 consid. 2a p. 105, 157 consid. 2c p. 162), la qualité pour recourir sur le fond, par la voie du recours de droit public, contre une décision de classement de la procédure pénale ou un jugement d'acquittement au motif qu'il n'est pas lésé dans un intérêt personnel et juridiquement protégé par la décision de ne pas poursuivre ou punir l'auteur d'une prétendue infraction (ATF 69 I 17; cf. ATF 125 I 253 consid. 1b p. 255; pour un aperçu de la jurisprudence, voir Frank Meister, L'autorité de poursuite et le classement pour des raisons d'opportunité en procédure pénale, thèse Lausanne 1993, p. 317). Il en va de même de l'auteur d'une plainte à l'autorité de surveillance qui n'entre pas en matière ou rejette celle-ci (ATF 121 I 42 consid. 2a p. 45, 87 consid. 1a p. 90).
En l'occurrence, la plainte formée en application de l'art. 114A CPP gen. est indépendante de la plainte pénale et a une portée plus large en tant qu'elle vise à faire constater l'illicéité des actes d'intervention de la police qui ne sont pas nécessairement constitutifs d'un abus d'autorité (cf. SJ 1986 p. 284 consid. 4 p. 287). De même, si elle présente certaines analogies avec la plainte à l'autorité de surveillance, elle s'en distingue en ce sens que la victime d'actes d'intervention de la police contraires aux règles des art. 16 à 22 LPol a droit à une décision motivée portant non seulement sur la constatation d'une violation de la loi, mais aussi sur la destruction du matériel photographique et dactyloscopique et, en cas de violation établie de la loi, sur l'allocation éventuelle d'une indemnité équitable (cf. art. 114B al. 1 et 4 CPP gen.).
Le recourant peut ainsi se prévaloir d'un intérêt juridiquement protégé à l'annulation de l'ordonnance attaquée, qui confirme le rejet de sa plainte au Procureur général et le refus de lui verser une indemnité équitable de 1'000 fr.
en réparation du préjudice résultant de son interpellation et de sa rétention dans les locaux de la police pendant près de huit heures. Il a, partant, qualité pour recourir selon l'art. 88 OJ.
b) Pour le surplus, le recours répond aux conditionsde recevabilité des art. 84 ss OJ, de sorte qu'il convient d'entrer en matière sur le fond.
2.- Dans un moyen d'ordre formel qu'il convient d'examiner en premier lieu, le recourant reproche à la Chambre d'accusation d'avoir violé son droit d'être entendu en lui remettant en consultation un dossier qui ne comportait pas le procès-verbal de son audition par la police lors de son interpellation le 17 mai 1998, en refusant d'ordonner l'apport à la procédure de ce document et de l'entendre personnellement.
Ces mesures d'instruction auraient été nécessaires pour déterminer s'il y avait effectivement eu un regroupement de manifestants au moment de son interpellation et s'il avait fait état de sa carte de presse ainsi que de sa qualité de journaliste à cette occasion.
a) La portée du droit d'être entendu et les modalités de sa mise en oeuvre sont tout d'abord déterminées par la législation cantonale, dont le Tribunal fédéral ne contrôle l'application et l'interprétation que sous l'angle restreint de l'arbitraire. Dans tous les cas cependant, l'autorité cantonale doit respecter les garanties minimales déduitesde l'art. 29 al. 2 Cst. , dont le Tribunal fédéral vérifie librement si elles ont été observées (ATF 126 I 15 consid. 2a p. 16 et les arrêts cités).
En l'espèce, on cherche en vain, dans les normes régissant la procédure de recours contre les décisions du Procureur général et les ordonnances du Juge d'instruction, une disposition traitant de l'administration des preuves devant la Chambre d'accusation; quant aux art. 19 et 51 CPP gen. , qui investissent les présidents de tribunaux d'un pouvoir discrétionnaire pour ordonner toute mesure utile à la manifestation de la vérité, ils ne confèrent pas une réelle prétention au justiciable à l'administration de ses moyens de preuve, de sorte que les griefs allégués en relation avec la violation du droit d'être entendu doivent être examinés à la lumière de l'art. 29 al. 2 Cst.
b) Le droit d'être entendu est une garantie constitutionnelle de caractère formel, dont la violation doit entraîner l'annulation de la décision attaquée, indépendamment des chances de succès du recours sur le fond. Tel qu'il est reconnu par l'art. 29 al. 2 Cst. , il comprend en particulier le droit pour l'intéressé d'offrir des preuves pertinentes, de prendre connaissance du dossier, d'obtenir qu'il soit donné suite à ses offres de preuves pertinentes, de participer à l'administration des preuves essentielles ou à tout le moins de s'exprimer sur son résultat lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre (ATF 126 I 15 consid. 2a/aa p. 16 et les arrêts cités). Toutefois, selon la jurisprudence tirée de l'art. 4 aCst. qui conserve toutesa valeur sous l'empire de l'art. 29 al. 2 Cst. , le droit d'être entendu ne peut être exercé que sur les éléments qui sont déterminants pour décider de l'issue du litige. Il est ainsi possible de renoncer à l'administration de certaines preuves offertes lorsque le fait à établir est sans importance pour la solution du cas, qu'il résulte déjà de constatations ressortant du dossier ou lorsque le moyen de preuve avancé est impropre à fournir les éclaircissements nécessaires.
L'appréciation anticipée des preuves ne constitue pas une atteinte au droit d'être entendu directement déduit de l'art. 29 al. 2 Cst. (ATF 125 I 127 consid. 6c/cc p. 135; 124 I 208 consid. 4a p. 211, 241 consid. 2 p. 242; 124 V 180 consid. 1a p. 181 et les arrêts cités). Au même titre que toute appréciation des preuves, l'appréciation anticipée de celles-ci est soumise à l'interdiction de l'arbitraire (ATF 124 I 274 consid. 5b p. 285 et les références citées).
c) Concernant plus particulièrement le droit de consulter le dossier, il est justifié par la nécessité de connaître préalablement les éléments dont dispose l'autorité pour jouir d'une réelle possibilité de faire valoir ses arguments dans une procédure. Cela suppose la consultation des pièces au siège de l'autorité avec la possibilité de prendre des notes et de faire des photocopies; ce droit ne peut être limité que pour la sauvegarde d'un intérêt public prépondérant, dans l'intérêt d'un particulier, voire même dans celui du requérant lui-même (ATF 126 I 7 consid. 2b p. 10/11 et les arrêts cités). En l'absence d'un tel intérêt, la consultation s'étend à l'ensemble du dossier; l'autorité n'a pas le droit de choisir certaines pièces à communiquer et d'en soustraire d'autres à la consultation, sous réserve des documents internes qui ne concernent pas les administrés ou les justiciables (cf. ATF 125 II 473 consid. 4a p. 474/475; 117 Ia 90 consid. 5b p. 96 et l'arrêt cité).
d) En l'espèce, le recourant a fait l'objet d'une rétention policière d'environ huit heures, au cours de laquelle il a subi un interrogatoire par un officier de police, dont le résultat devait être consigné dans un rapport de police conformément à l'art. 25 al. 2 LPol. La durée de l'interrogatoire, estimée à trois-quarts d'heure par le recourant, n'est pas contestée par le Chef de la police. Concernant les circonstances de l'interpellation et du transport au poste de police installé dans les locaux de la protection civile du Bachet-de-Pesay, les déclarations des parties sont concordantes, sauf sur le point de savoir si A.________ a fait mention d'une carte de presse lors de son interpellation et sur le nombre de personnes présentes à cette occasion.
Comme le recourant soulevait déjà devant la Chambre d'accusation la violation des art. 17, 18 et 20 LPol, qui régissent les restrictions à la liberté personnelle dans le cadre de l'intervention de la police, ainsi qu'une atteinte à la liberté de la presse, la cour cantonale devait permettre la consultation du procès-verbal de l'interrogatoire et du rapport de police établi sur cette base. Ceci afin de permettre au recourant de développer ses moyens devant elle en toute connaissance de cause et pour qu'elle puisse elle-même établir les faits avec objectivité. La question de l'usage - ou non - de la carte de presse devait être résolue pour savoir si, comme il le prétendait, A.________ se trouvait à la douane de Moillesullaz en qualité de journaliste et s'il pouvait invoquer la liberté de la presse, garantie par les art. 17 al. 1 Cst. et 10 § 2 CEDH. Cela pouvait également contribuer à établir si le recourant était ou non à même de justifier son identité sur place et, partant, si sa conduite subséquente au poste de police était ou non conforme à la liberté personnelle garantie par l'art. 10 al. 2 Cst. , en considération des troubles qui se sont déroulésà Genève entre les 16 et 20 mai 1998, en conformité avec l'art. 36 Cst. , notamment sous l'angle de la protection de l'intérêt public et du respect du principe de la proportionnalité.
La controverse sur ce point ne peut être résolue que par la production du rapport de police établi immédiatement après les faits, à la suite de l'interrogatoire du recourant, et des enquêtes de gendarmerie le concernant, auxquelles le Chef de la police fait référence dans ses observations du 31 mai 1999 à l'intention du Procureur général.
e) En ne lui permettant pas de consulter ces pièces, la cour cantonale a empêché le recourant d'organiser sa défense devant elle, en violation de son droit d'être entendu.
3.- Le recourant voit également une violation de l'art. 29 al. 2 Cst. dans le refus de la cour cantonale d'ordonner son audition personnelle en confrontation avec celle du gendarme qui a procédé à sa fouille corporelle. Cette mesure d'instruction aurait permis d'établir si cette opération s'était ou non déroulée dans le respect des prescriptions de l'art. 20 LPol.
a) Selon cette disposition, les fonctionnaires de police peuvent fouiller les personnes qui sont arrêtées ou mises à disposition d'un officier de police en vue de leur arrestation, ainsi que celles retenues aux fins de vérification d'identité, si des raisons de sécurité le justifient. Lorsqu'elle s'avère nécessaire, la fouille doit être adaptée aux circonstances et être aussi prévenante et décente que possible, les directives de la hiérarchie de la police précisant qu'elle doit être effectuée en deux temps, soit d'abord le haut du corps, puis le bas du corps, de manière à ce que la personne fouillée ne soit pas entièrement dénudée.
Le recourant prétend s'être trouvé complètement nu devant l'agent qui a procédé à sa fouille pendant deux minutes.
Le Chef de la police relève dans ses observations du 31 mai 1999 à l'attention du Procureur général que, compte tenu des circonstances exceptionnelles dans lesquelles s'est passée la rétention, il n'est pas exclu que quelques personnes interpellées se soient trouvées dévêtues un bref instant, ce qui n'entraînerait pas, à son avis, une violation de la loi sur la police. Dans sa réponse au recours de droit public, il ne conteste pas le fait que le recourant soit resté nu pendant deux minutes en présence du gendarme, avant de relever dans son argumentation juridique que la fouille a été pratiquée de la manière la plus prévenante possible et en conformité avec les instructions de service.
Se fondant sur le rapport de renseignements établi le 20 mars 1999 par la gendarmerie genevoise à la demande du Chef de la police, la Chambre d'accusation a retenu que la fouille avait eu lieu selon les prescriptions réglementaires, partageant au surplus, au terme d'une appréciation anticipée des preuves, l'avis du Procureur général suivant lequel, avec l'écoulement du temps, il ne serait très vraisemblablement pas possible que le gendarme concerné puisse se rappeler des circonstances exactes de la fouille du recourant vu le nombre important d'interpellations intervenues pendant le week-end en question. Enfin, à supposer que le recourant se soit trouvé nu pendant deux minutes devant le gendarme procédant à la fouille, elle a considéré que ce désagrément ne constituait pas, dans les circonstances exceptionnelles de l'espèce, une violation des art. 16 à 22 LPol.
Il résulte de ces constatations et déclarations que quelques personnes ont été fouillées en une seule opération, et non pas en deux temps, et qu'aucun élément du dossier ne permet de dire que le recourant ne figurait pas dans le petit groupe de ceux qui se sont trouvés complètement nus, contrairement aux instructions de police explicitant l'art. 20 al. 3 LPol. Dans ces conditions, la cour cantonale ne pouvait retenir, sur la foi d'un rapport de renseignements établi près d'une année après les faits incriminés sur la base de l'enquête, que la fouille du recourant s'était passée de manière réglementaire sans procéder à une instruction plus complète des faits; elle devait soit retenir la version des faits du recourant et considérer que la fouille s'était déroulée en violation de l'art. 20 LPol, même si elle estimait qu'une telle atteinte aux droits de l'intéressé n'impliquait pas de réparation au sens de l'art. 114B al. 3 et4 CPP gen. , soit convoquer le gendarme ayant procédé à la fouille corporelle du recourant pour contribuer à élucider cet élément de fait. Il n'est certes pas exclu que cette mesure d'instruction ne donne aucun résultat en raison du temps écoulé depuis les faits et du nombre de personnes que le gendarme en cause a dû fouiller. Toutefois, dans la mesure où l'autorité intimée entendait ne pas retenir la version des faits du recourant, une telle mesure s'imposait.
b) En refusant d'ordonner l'audition du gendarme ayant procédé à la fouille du recourant, au terme d'une appréciation anticipée arbitraire des preuves, et en concluant directement à l'absence de violation de l'art. 20 LPol, la Chambre d'accusation a par conséquent violé l'art. 29 al. 2 Cst.
4.- Le recourant reproche en outre à l'autorité intimée d'avoir commis un déni de justice formel en n'entrant pas en matière sur le grief tiré de la violation du droit d'avertir un proche de son interpellation au motif arbitraire qu'il ne concernait pas une intervention de la police, au sens des art. 16 à 22 LPol, susceptible de faire l'objet d'une plainte auprès du Procureur général en application de l'art. 114A CPP gen. , mais qu'il relèverait de l'art. 107A CPP gen.
Les art. 16 à 22 LPol ne renferment aucune disposition qui consacrerait le droit des personnes retenues au poste de police à des fins d'identification d'aviser des proches de leur interpellation. Par ailleurs, la plainte prévue par l'art. 114A CPP gen. est une voie de droit spécifique, de nature administrative, qui est ouverte contre les interventions de la police énumérées aux art. 16 à 22 LPol (cf. SJ 1986 p. 284 consid. 3 p. 286; Gabriel Aubert, Les interventions de la police en droit genevois, Genève 1985, p. 22).
Elle n'exclut pas le dépôt d'une plainte pénale, d'une action civile ou disciplinaire ou d'une éventuelle action en responsabilité contre l'Etat à raison d'autres actes d'intervention de la police qui ne seraient pas couverts par ces dispositions ou pour faire valoir des droits qui ne découleraient pas expressément de celles-ci (cf. Mémorial des séances du Grand Conseil 1982, p. 394). Dans ces conditions, l'autorité intimée pouvait, au terme d'une interprétation certes formaliste mais encore soutenable du droit cantonal, admettre que le droit de la personne retenue au poste de police à des fins d'identification d'avertir un proche ne résultait pas des art. 16 à 22 LPol et que sa violation éventuelle ne pouvait pas être examinée dans le cadre de la plainte prévue par l'art. 114A CPP gen. ; en ne statuant pas sur ce grief, la Chambre d'accusation n'a pas commis un déni de justice formel ni violé le droit d'être entendu du recourant.
Sur ce point, le recours se révèle mal fondé.
5.- Vu les considérants qui précèdent, le recours doit être partiellement admis à raison de diverses violations du droit d'être entendu commises au détriment du recourant.
Etant donné la nature formelle de ce droit, l'ordonnance rendue le 3 juillet 2000 par la Chambre d'accusation doit être annulée, sans qu'il y ait lieu d'examiner les griefsde fond invoqués à son encontre. L'annulation de la décision attaquée a pour effet de replacer la procédure dans l'état où elle se trouvait avant son prononcé, le dossier entier devant être mis à disposition du recourant avant toute nouvelle audience de plaidoiries et de jugement.
Vu l'issue du recours, l'Etat de Genève est dispensé des frais judiciaires, conformément à l'art. 156 al. 2 OJ.
Il versera en revanche une indemnité de 1'000 fr. à titre de dépens au recourant qui obtient gain de cause sur l'essentiel des griefs invoqués avec l'assistance d'un homme de loi (art. 159 al. 1 OJ).
Par ces motifs,
le Tribunal fédéral :
1. Admet partiellement le recours.
2. Annule l'ordonnance rendue le 3 juillet 2000 par la Chambre d'accusation du canton de Genève.
3. Dit qu'il n'est pas perçu d'émolument judiciaire.
4. Dit que l'Etat de Genève versera au recourant une indemnité de 1'000 fr. à titre de dépens.
5. Communique le présent arrêt en copie au mandataire du recourant, au Chef de la police, au Procureur général et à la Chambre d'accusation du canton de Genève.
___________
Lausanne, le 14 décembre 2000 PMN/mnv
Au nom de la Ie Cour de droit public
du TRIBUNAL FEDERAL SUISSE:
Le Président,
; Le Greffier,